Mesdames, Messieurs, c’est la deuxième fois que je viens en Arabie Saoudite depuis mon élection. La première, c’était en novembre 2012, où j’avais rencontré le Roi Abdallah, à Djeddah. Nous avions convenu ensemble d’une visite officielle dans l’année 2013 et je suis donc là, dans les derniers jours de l’année.

Nos relations bilatérales sont excellentes. Elles tiennent à l’histoire d’abord, puisque depuis des décennies la France et l’Arabie Saoudite ont porté ensemble un certain nombre de principes dans la vie internationale, et ont développé des relations qui se sont approfondies durant le temps. Mais il est vrai que, depuis plusieurs mois, notre coopération s’est renforcée.

(...)

Sur la coopération bilatérale, c’est-à-dire la relation que nous avons entre nos deux pays, je constate que les progrès sont considérables. Nos échanges ont doublé en dix ans et sur la seule année 2013, ces échanges ont dépassé huit milliards d’euros. L’Arabie Saoudite est notre premier partenaire commercial au Moyen-Orient et la France y est le troisième investisseur étranger. Nous avons eu des contrats très importants qui ont été signés tout au long de l’année 2013, dans de nombreux domaines : je pense à Alstom pour le métro de Riyad, à Veolia pour la grande usine de dessalement d’eau de mer en Arabie Saoudite, à EADS pour les satellites, mais aussi à Thales, DCNS, je pourrais en ajouter tellement d’autres.

Ce que je souhaite c’est que ce soit justement un mouvement continu. Nous ne sommes pas dans des moments où il faudrait signer à tout prix des contrats parce qu’il y aurait une visite présidentielle. C’est toute l’année que nos entreprises doivent faire la démonstration de leur excellence, ce qui est le cas, et de leur capacité à répondre aux demandes de nos amis saoudiens.

Et là encore, avec le Roi Abdallah, nous avons regardé ce que pouvaient être des domaines sur lesquels nous pouvions avoir des perspectives, commerciales, industrielles. La santé en fait partie, nous avons d’ailleurs signé un accord très important pour favoriser le développement de grands projets pharmaceutiques, également de recherche. Sur le plan des échanges universitaires, scientifiques, culturels, nous avons un certain nombre d’objectifs très précis et que nous allons atteindre très rapidement, je pense notamment à l’apprentissage du français, à l’Institut du monde arabe...

Mais, sur le plan économique, il y a plusieurs sujets sur lesquels je veux insister. Il y a d’abord tout ce qui est transport. Nous avons, avec les transports urbains, les réseaux de bus, mais aussi les transports de voyageurs à grande vitesse, de belles perspectives. Nous avons également, sur l’aéronautique, des négociations qui avancent. Dans le domaine de l’énergie, aussi bien sur le renouvelable que sur le nucléaire, nous avons des objectifs que nous voulons atteindre dans un délai proche. Par exemple sur le nucléaire civil : il y aura une prochaine réunion de la commission mixte au mois de mars, et dès lors que le Royaume voudra préciser ses objectifs, la France sera prête à y répondre.

Pour symboliser et pour démontrer la force de notre relation, il y a un accord de partenariat économique et financier qui a été passé entre nos deux pays, dont l’objet est de favoriser l’innovation, l’investissement et l’exportation. Triple objectif : investissement dans les deux pays, innovation - la technologie - et aussi la volonté de porter ensemble des projets. C’est un signal de confiance que nous nous portons mutuellement.

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Q - Monsieur le Président, au nom de mes collègues journalistes saoudiens, je voulais vous souhaiter la bienvenue ici, en Arabie Saoudite. Monsieur le Président, dernièrement les relations franco-saoudiennes se sont développées et se sont élargies dans divers domaines, et en particulier dans le domaine de la défense. Comment voyez-vous cette coopération et ses implications sur les deux pays ? Avez-vous discuté des besoins de l’Arabie Saoudite en matière d’armement ?

R - La France a depuis plusieurs années un partenariat avec l’Arabie Saoudite en matière de défense. Nous avons déjà de nombreuses entreprises qui travaillent à répondre aux besoins militaires de l’Arabie Saoudite.

Je veux en citer quelques-unes : j’ai évoqué DCNS, c’est-à-dire tout ce qui est relatif aux frégates, aux sous-marins. Je peux évoquer également EADS, je l’ai dit, pour les satellites, mais pas seulement pour les satellites. Nous avons Thales pour les missiles, nous avons des entreprises qui travaillent déjà avec l’Arabie Saoudite, et j’aurais l’occasion de m’entretenir avec le Prince héritier demain sur l’ampleur que nous pouvons donner à cette coopération.

L’idée, c’est la sécurité. Comment permettre d’avoir plus de sécurité encore dans la région. Il ne s’agit pas d’avoir une conception offensive, c’est d’abord la sécurité. C’est sur ces bases-là que nous travaillons, et il est vrai qu’il y a là-dessus des résultats qui ont déjà été constatés au cours de cette année 2013, très importants et d’autres qui sont attendus en 2014.

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Q - Vous êtes entouré, ici, de plus d’une trentaine de chefs d’entreprise, vous venez aussi chercher de la croissance (...).

R - La lutte contre le chômage est une bataille de tous les instants. Elle se mène bien sûr sur le front intérieur : nous devons améliorer encore notre compétitivité, favoriser l’investissement, permettre grâce à l’innovation d’être sur les emplois de demain. Et puis - parce qu’il y a urgence - ouvrir, pour ceux qui sont sans emploi, des perspectives et c’est tout l’objet des emplois d’avenir, des contrats aidés, mais aussi des contrats de génération, à la fois pour les seniors et pour les jeunes.

Il y a également une bataille qui se joue à l’extérieur (...). Mon devoir, avec le gouvernement, les ministres qui m’accompagnent encore aujourd’hui, c’est de promouvoir l’excellence française et il est vrai que dans le cadre de ce voyage, je suis accompagné par de nombreux chefs d’entreprises de toutes tailles. Des grandes - je les ai citées - des entreprises moyennes, voire même petites, qui viennent sur le marché saoudien, pour faire que nous puissions avoir d’avantage d’échanges, d’avantage d’exportations pour plus d’emplois. Tous les contrats qui sont signés, depuis 2013, ici dans ce pays, comme partout ailleurs, ont des conséquences sur l’emploi en France.

Mais si je viens en Arabie Saoudite, ce n’est pas simplement - c’est déjà beaucoup - pour promouvoir l’excellence française, c’est aussi parce que nous avons des relations politiques de haut niveau. C’est parce qu’il y a cette confiance politique qu’il peut y avoir une ampleur nouvelle qui est donnée à nos échanges.

Je ne définis pas une politique extérieure par rapport à des intérêts commerciaux, parce que cela pourrait être contradictoire. Mais il se trouve que la politique extérieure que je mène crée une confiance telle que nous pouvons, dès lors que nos entreprises sont en capacité de répondre, avoir des contrats.

Voilà la bataille que nous menons sur l’emploi.

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Q - Monsieur le Président, soyez le bienvenu en Arabie Saoudite. Vous avez parlé d’une concordance dans les positions saoudiennes et françaises en ce qui concerne les crises de la région, la Syrie et l’Iran notamment. Où en est la coopération entre Riyad et Paris sur tous ces sujets ?

R - Avec le Roi, cet après-midi, nous avons été jusqu’au bout de toutes les discussions qui pouvaient être utiles sur les sujets régionaux. J’apprécie la sagesse du Roi Abdallah, elle est précieuse dans ces moments, parce qu’il se met à la hauteur qui convient pour trouver des solutions.

Pour la Syrie, je l’ai dit : la conférence de Genève qui doit permettre une issue politique, le soutien que l’on doit accorder aux modérés, aux forces qui représentent l’avenir démocratique de la Syrie.

Nous avons sur l’Iran la même volonté, faire en sorte que nous puissions trouver une solution définitive à la question nucléaire, la France à bien sur un rôle à jouer et elle a montré qu’elle était capable de le mener avec responsabilité et fermeté.

Et sur le Liban, d’aider ce pays qui connaît forcément une crise avec l’afflux de ces réfugiés, pour garder, préserver son unité et assurer son rassemblement dans un moment extrêmement douloureux puisque, aujourd’hui même, il y avait les cérémonies liées à l’inhumation de cet ancien ministre qui a été lâchement assassiné.

Voilà, Mesdames et Messieurs ce que je voulais vous dire, je vous retrouverais demain si vous le voulez, parce qu’il y aura d’autres entretiens, merci.

Syrie

D’abord par une compréhension commune des crises régionales. Nous avons la même position par rapport à la Syrie : l’urgence d’une solution politique, la conférence de Genève II qui doit aboutir à une transition et non pas à une prolongation, et la volonté de soutenir l’opposition, celle qui reconnait la démocratie et qui veut participer à l’avenir de la Syrie.

(...)

Q - Monsieur le Président, vous avez déclaré que le président syrien utilisait les groupes terroristes en Syrie et les groupes extrémistes. Est-ce une prise de position contre les déclarations russes faites par M. Lavrov, qui a dit que la Conférence de Genève visait uniquement à discuter du sujet du terrorisme en Syrie ? Qu’attendez-vous de la Conférence de Genève ? Et qu’en est-il de ce rapprochement que l’on a constaté dernièrement entre les États-Unis et l’Iran ?

R - Vous avez posé plusieurs questions. La première, c’est : est-ce qu’il n’y a pas un jeu de Bachar Al-Assad, d’utiliser les extrémistes pour, en réalité, justifier la répression qu’il a, hélas, poursuivi contre son propre peuple encore ces derniers jours, avec de terribles bombardements qui se sont produits à Alep. Ma réponse est oui, il y a bien un jeu d’alliance objective entre ces forces pour mettre le pays dans l’incapacité de trouver sa solution.

Vous me posez une deuxième question. À quoi doit servir Genève ? Précisément à trouver l’issue et l’issue ne peut être que la transition, comme je l’ai dit, pas la prolongation. Si c’est pour réunir Genève II et prolonger ce qui se produit, il n’y aura pas de résultats.

Tout à l’heure, je m’entretiendrai avec le président de la Coalition nationale syrienne et cela sera effectivement le sens de notre entretien. Comment faire en sorte que cette conférence puisse être utile ? À quelles conditions ? Elle doit donc se tenir, mais pour déboucher sur une solution politique qui ne peut pas se faire avec le régime actuel.

(...)

Q - Monsieur le Président, en ce qui concerne la crise syrienne, comment évaluez-vous le consensus entre l’Arabie Saoudite et la France ? Vous avez montré déjà la crainte que la Conférence de Genève II, ne fasse que transférer le pouvoir du régime d’Al-Assad au régime d’Al-Assad. À votre avis, comment la Conférence de Genève II peut aider à trouver un régime modéré ?

R - D’abord, je voudrais vous féliciter pour votre français, ensuite pour vous confirmer que la France et l’Arabie Saoudite, sur la Syrie, comme sur d’autres domaines d’ailleurs de la vie internationale, mais notamment sur la Syrie, partagent exactement la même position : c’est-à-dire chercher une solution politique, soutenir l’opposition modérée et favoriser la transition.

C’est sur ces bases-là que depuis plusieurs mois, nous agissons ensemble. Je sais le rôle qu’a joué l’Arabie Saoudite, notamment pour le soutien à la coalition nationale syrienne. Et cela a été un rôle très précieux. Je sais ce qu’a fait l’Arabie Saoudite pour lutter contre l’extrémisme, dont j’ai dit qu’il pouvait finalement être le complice du régime de Bachar Al-Assad.

Dans la Conférence de Genève, nous aurons à travailler ensemble pour le résultat que j’ai annoncé. Cela ne doit pas être le prolongement de Bachar Al-Assad. Vous savez ce qu’a été la position de la France au moment où il y a eu l’utilisation des armes chimiques. Parce que les armes chimiques, elles ont été utilisées en Syrie, il n’y a plus de débat là-dessus, elles ont été utilisées.

C’est notre pression, celle de la France, celle de l’Arabie Saoudite, qui a permis qu’il y ait le début de la destruction des armes chimiques. Mais aujourd’hui, il y a des bombardements sur Alep, qui touchent des populations civiles, et des massacres encore qui sont commis.

Nous avons donc exactement la même position et nous voulons en terminer avec cette situation terrible. Pas simplement pour la Syrie, mais pour l’ensemble de la région, compte tenu de ce que l’on sait des réfugiés, au Liban - j’en ai parlé - avec un risque de dégradation de la situation dans ce pays ami. Et puis même, des réfugiés qui peuvent aller au-delà de la région, et l’on sait ce que cela peut produire, y compris pour l’Europe, donc nous avons exactement la même position. (...)./.

Liban

(...)

Nous avons également la même position sur l’intégrité, l’unité du Liban, dont nous savons aujourd’hui combien l’équilibre peut être fragile, compte tenu de l’afflux de réfugiés. Il faut savoir qu’un tiers de la population libanaise est maintenant d’origine syrienne, compte tenu du nombre de déplacés. À partir de là, nous souhaitons conforter les Libanais et souhaiter qu’ils restent unis et rassemblés dans cette période. Nous avons aussi voulu prendre notre part pour le soutien du Liban, ce sera notre rôle dans le groupe international qui a été formé.

(...)

Q - Monsieur le Président de la République, le président Sleimane a annoncé que l’Arabie Saoudite allait donner trois milliards de dollars au Liban pour acheter des armes françaises. Pouvez-vous confirmer cet accord et nous donner des détails ?

R - Sur les relations entre l’Arabie Saoudite et le Liban, c’est la souveraineté des deux pays qui est en cause. Je n’ai pas ici à donner d’informations. Ce que je sais, c’est que la France, depuis déjà longtemps, mais encore récemment, équipe l’armée libanaise et entendra répondre à toutes les sollicitations qui lui seront adressées.

Pourquoi ? Parce que je l’ai dit, le Liban doit rester uni, son intégrité doit être respectée. Sa sécurité doit être assurée, pour tous les Libanais, pour toutes les composantes de la vie libanaise, pour le Liban dans son ensemble. J’ai donc des relations avec le président Sleimane, j’en ai encore eu récemment et s’il y a des demandes qui nous sont adressées, nous les satisferons (...).

Egypte

Nous avons parlé de l’Égypte, parce que nous sommes conscients qu’il y a une situation nouvelle qui a été créée et qu’il faut de la stabilité, de la sécurité. Il faut aussi une transition politique. Voilà toutes les grandes questions que nous avons évoquées, et il était nécessaire de le faire directement. C’est le sens de mon voyage aujourd’hui.

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Iran

Nous avons également, sur la question du nucléaire iranien, une même volonté. Celle de laisser l’Iran poursuivre son programme pour le nucléaire civil - et j’y reviendrai - parce que cela, c’est le droit pour toute nation d’accéder à une énergie, qui peut être demain source de progrès. Mais, en revanche, nous sommes opposés à la prolifération nucléaire, cela a été tout le sens de la position de la France, notamment du ministre des affaires étrangères, dans les discussions qui ont eu lieu à Genève et qui ont abouti à un accord intérimaire.

(...)

Troisième point, vous m’avez également demandé quel était le rôle de l’Iran dans cette période. Il y a eu des déclarations du président iranien, je l’ai rencontré d’ailleurs moi-même à New-York, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies. Je lui ai dit les paroles c’est bien, les actes c’est mieux, y compris pour régler la question de la Syrie.

Quant à la négociation sur le nucléaire iranien, vous savez quelle a été la position de la France, de poser des exigences. Il y a eu un accord intérimaire qui a été trouvé sur ces bases-là, mais notre vigilance est totale.

(...)

Q - Vous avez pris l’initiative de rencontrer le président Rohani à New York. Ce voyage témoigne de l’excellence de vos relations avec le roi Abdallah. La politique ferme et pas fermée de votre ministre des affaires étrangères à cet égard, dans la négociation nucléaire, a porté ses fruits, puisque l’accord intérimaire a été signé. Est-ce que l’heure n’est pas venue d’aller encore plus loin dans la diplomatie et que la France joue un rôle d’intermédiaire sincère de « honest broker », comme on dirait en anglais, entre l’Iran et l’Arabie Saoudite ? Finalement, ces deux pays sont dans une guerre froide extrêmement dangereuse et est-ce que l’on ne pourrait pas aller plus loin. La France a joué ce rôle entre les Vietnamiens et les Américains pour mettre un terme à la guerre du Viêtnam, au début des années 1970 ?

R - Je ne sais pas si l’on peut aller jusqu’à faire cette comparaison, mais la France parle avec tous les pays, y compris même avec l’Iran, je l’ai fait. Mais ensuite, ce que nous voulons, c’est qu’il y ait des actes et avec l’Iran nous jugeons les actes.

Il y a un accord intérimaire qui a été signé. Nous veillons à ce qu’il soit respecté entièrement. D’ailleurs, les sanctions ne seront, même partiellement levées, que si cet accord lui-même est respecté. Et après cet accord intérimaire, nous voulons ouvrir une négociation pour que nous ayons la certitude, la garantie, que l’Iran renonce définitivement à l’arme nucléaire.

Nous sommes donc toujours prêts à permettre que des ponts s’établissent, mais faut-il encore que nous ayons des partenaires qui aillent dans le même sens. Et nous, nous sommes capables de faire avancer des principes, des principes c’est que la sécurité de la région doit être garantie. Cela est un principe absolu. Le second principe, c’est qu’il ne doit pas y avoir d’armes nucléaires en Iran.

Russie

(...) Je veux terminer en évoquant un sujet qui s’est produit, hélas, à Volgograd, c’est-à-dire un terrible attentat qui a fait de nombreuses victimes en Russie. Je tenais à adresser au président Poutine, au peuple russe, toute notre solidarité en cet instant. Nous condamnons cet acte terroriste comme nous condamnons le terrorisme partout où il a, hélas, à se manifester. Il n’y a aucune justification au terrorisme. Et c’est parce que nous luttons contre le terrorisme que nous prenons, partout dans le monde, nos responsabilités, la France, l’Arabie Saoudite (...).