Question : Sergueï Viktorovitch, nous faisons le bilan de l’année 2013, qui était très importante pour la diplomatie russe - il y avait beaucoup d’événements qui ont été marqués par un succès impressionnant, par exemple, un accord sur la Syrie, l’Iran. Quel est le secret de la réussite ?

Sergeï Lavrov : Toutes ces années nous effectuons une politique étrangère cohérente. Elle n’est pas conjoncturelle, et se base sur les principes de respect du droit international et le rôle central de l’ONU, afin de garantir la nature exclusivement pacifique de résolution des conflits, le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale des états, l’irrecevabilité des interventions des forcesà des crises en contournant le Conseil de sécurité des Nations Unies. Tous ces principes, y compris le pragmatisme et la volonté ferme de défendre sans aucune confrontation nos intérêts nationaux légitimes, sont fixés dans le Concept de politique étrangère de la Fédération de Russie, approuvé par le décret du Président de la Fédération de Russie le 12 février 2013.Dans son message annuel, adressé à l’Assemblée fédérale le 12 décembre,le président Vladimir Poutine a souligné très clairement que nous n’intervenons pas dans les affaires des autres états, n’apprenonspersonne à vivre, mais s’efforçons d’être des leaders dans le respect de normes universelles du droit international, que j’ai déjà mentionnées.

À mon avis, dans le cas de l’Iran et la Syrie il n’y a rien à nous reprocher, puisque nous avons initialement occupé une position juste. Certains acteurs ont essayé d’extraire des avantages unilatéraux de cette situation, jouer à des jeux géopolitiques qui n’ont rien à voir avec les intérêts fondamentaux des peuples du Proche-Orient et l’Afrique du Nord. Nous avons toujours préconisé un accord équitable dans le dialogue avec l’Iran pour supprimer toutes les préoccupations au sujet de son programme nucléaire, ainsi que le règlement pacifique, sans ingérence extérieure, de la crise syrienne via le dialogue national. En conséquence, notre ligne a prévalu, tous l’ont reconnue. Cela a permis d’approuver les documents, qui ont été consacrés au règlement autour du programme nucléaire iranien, des armes chimiques syrienneset visaient à convoquer une conférence internationale pour résoudre la crise syrienne.

Question : Passons à la Conférence de Montreux, qui était appelé auparavant « Genève-2 ». Le lieu et la date exact sont fixés. Quelles propositions la Russie va-t-elle y emmener pour aider à résoudre le conflit civil en Syrie ?

Sergeï Lavrov : Notre position est fixée dans le document collectif, le soi-disant communiqué de Genève adopté lors de la première réunion de Genève le 30 juin 2012. Il décrit les objectifs clés de ce processus afin de mettre fin à la violence, assurer les conditions pour un large dialogue entre tous les groupes politiques, ethniques et religieux syriens, entre le gouvernement et l’opposition, pour que les Syriens définissent eux-mêmes l’avenir du pays où ils veulent vivre. Les questions humanitaires doivent également être réglées. Donc le communiqué de Genève est une base solide, approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU, pour la convocation de la conférence.

Maintenant à Genève ont lieu des consultations préparatoires avec la participation d’experts russes et américains, l’équipe de l’ONU dirigée par l’envoyé spécial pour la Syrie Lakhdar Brahimi. Les autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et des membres de la Ligue arabe participent également à ces consultations. Dans quelques jours, on connaîtra des aspects organisationnels de l’événement. Le principal problème maintenant consiste à comprendre comment une délégation l’opposition sera représentée, car à cet égard il y a de plus en plus d’informationscontradictoires. La Coalition nationale, qui a été positionnée par nos partenaires occidentaux et certains de nos homologues régionaux en tant que le seul représentant légitime du peuple syrien, ne démontre pas l’unité de ses rangs desquels se détachent les différents groupes et les activistes. Il est également difficile de savoir comment cette coalition contrôle ceux qui combattent « sur le terrain » et de qui dépend la situation « dans les champs ». La plupart de ces combattants sont djihadistes, notamment de pays étrangers - le soi-disant « terrorisme international » y a délégué un grand nombre de ses combattants. Il y a des informations selon lesquelles l’Armée syrienne libre, qui encore une fois, représenté par nos partenaires occidentaux comme une force laïque, prête à négocier sérieusement sur l’avenir de leur pays, perd ses positions face à la pression des groupes extrémistes, y compris ceux qui figurent dans les listes terroristes des Etats-Unis, l’UE et l’ONU en tant que liés à l’Al-Qaïda. Nous voyons apparaître une sorte du « Front islamique », qui ne se différencie pas beaucoup de groupes de l’Al -Qaïda opérant en Syrie sous des noms différents. Nous voulons tout clarifier lors de la réunion préparatoire à Genève et comprendre qui pourrait représenter une délégation de l’opposition capable de négocier.

Le deuxième problème est le cercle des participants dits extérieurs. Nous restons convaincus que participer doivent ceux, qui influencent la situation, et parmi eux se trouvent l’Iran et l’Arabie saoudite. Par conséquent, nous préconisons que les deux pays ont été représentés à la Conférence de Genève.

Question : Est-ce que Moscou dispose de l’information quant à la participation de l’Iran à la conférence ? Y a-t-il des signaux positifs pour sa participation ?

Sergeï Lavrov : Les Iraniens nous ont dit que s’ils étaient, comme tout le monde, invités à participer à la conférence de Genève, sans conditions préalables, ils l’accepteraient. Nous recevons des signaux que l’Iran pourrait avoir une influence positive sur le règlement. Lors des entretiens privés, presque tout le monde en parle. Certains même se prononcent publiquement en faveur de la participation de l’Iran à la conférence, parmi eux figure le Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon. Ceux qui s’opposent à la participation iranienne, ils ne le font pas pour des raisons d’intérêt commun, mais, probablement, par des considérations idéologiques.

Les Américains travaillent avec l’Iran et cela a été confirmé lors de la signature des accords sur le programme nucléaire iranien. Les Américains n’ont pas hésité à entrer avec l’Iran en contact direct quand ils avaient besoin de la coopération de sa part pendant le séjour des troupes américaines en Irak. Ils avaient des contacts réguliers sur l’Afghanistan. Je vais rappeler que pendant le règne des talibans à la République islamique d’Afghanistan, l’Iran a été membre du groupe " six plus deux " (les voisins de l’Afghanistan plus la Russie et les Etats-Unis), qui à ce stade a formé les approches communes de l’ONU pour résoudre le problème afghan. L’Iran soutient une large coopération dans la région, tient à être un partenaire égal dans le processus. Je ne vois pas d’arguments convaincants pour priver l’Iran du statut, qui sera accordé aux acteurs étrangers à la conférence de Montreux.

Question : A votre avis, quel est le sort du dirigeant actuel de la Syrie ? Le président de la RASBachar al-Assad a récemment déclaré que, dans l’avenir,il n’excluait pas la possibilité de sa participation à la gouvernance du pays. L’opposition et l’Occident ont un point de vue différent. Est-ce que Damas s’est adressée à la Russie avec une demande d’une éventuelle assistance en vue d’assurer la sécuritéde Bachar al-Assad au cas où il quitte sa poste ?

Sergeï Lavrov : Nous n’avons reçu aucune demande ni de la part de Bachar al-Assad, ni de qui que ce soit d’autre de Damas. En outre, le président de la RAS a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’allait pas abandonner son pays, il resterait avec son peuple, et remplirait ses obligations. Il a dit qu’il n’excluait pas la possibilité de poser sa candidature aux élections présidentielles prévues par la législation syrienne pour l’année prochaine. Il prendra la décision un peu plus tard en fonction du soutien populaire.

En ce qui concerne la position des autres pays, il n’est pas correct de dire que le président Bachar al-Assad est illégitime et n’a pas de support du peuple syrien, comme certains ont affirmé il ya environ deux ans et demi. S’il n’avait pas eu un tel soutien, une longue guerre aurait été terminée, le pouvoir actuel aurait été renversé, et personne ne sait ce qui aurait pu se passer. Selon les experts de différents pays, une partie importante de la population - près de la moitié - voitBachar al-Assad en tant que garantde leurs intérêts, leur sécurité. Et ce n’est pas seulement les minorités (les alaouites, les druzes, les chrétiens), mais de nombreux sunnites, en particulier ceux qui ont fait des affaires sous ce régime et ont peur que tout nouveau gouvernement pourrait tout retirer. Ce serait exagéré de dire que nous observons un amour immense du peuple, mais le fait que le président actuel a de la confiance d’un grand nombre de citoyens syriens comme l’homme qui protègera leurs intérêts, ce fait reste très important.

Non seulement lors des entretiens privés, mais aussi dans les commentaires publiques de certains de nos collègues occidentaux émerge l’idée que dans le cas où les djihadistes, les terroristes augmentent rapidement leur influence dans la RAS, saisissent les territoires et en y établissant immédiatement la charia, chassant les minorités, brûlant les gens pour le simple fait qu’ils sont des infidèles, la présidence deBachar al-Assad estla menace beaucoup moins significative pour la Syrie que la règne des terroristes à travers tout le pays.

Je souligne encore une fois que l’accord atteint le 30 juin 2012 suppose que toutes les questions sur la façon de partager le pouvoir, changer les lois, passer des élections, doivent être résolus par les Syriens eux-mêmes d’un commun accord du gouvernement et de l’opposition. Cela se réfère également auxsoi-disant problèmes personnels. Mais je considère comme prioritaire pour que les Syriens commencent la conférence non par une discussion de personnalités, mais par une confirmation qu’ils veulent voir la Syrie souveraine, dans son intégrité territoriale, où tous, indépendamment des différences raciales, ethniques, religieuses et autres, se sentent confortablement, en sécurité et en égalité.

Question : À votre avis, la question du sort de Bachar al-Assad ne devrait-elle pas être abordée lors d’une conférence à Montreux ?

Sergeï Lavrov : Il est impossible d’anticiper toutes les questions concernant le destin ultérieur du pays, y compris les accords possibles sur le futur gouvernement, l’organisation du système politique, l’invariabilité du systèmeprésidentiel, puisqu’il est fixé que les questions du règlement politique, les accords entre le gouvernement et l’opposition sur tous les aspects du fonctionnement de l’Etat et du système politique doivent être réglés sur la base d’un commun accord entre eux. Cela comprend tout.

Question : Les récents événements en Ukraine ont montré que le pays n’a pas encore défini quelle direction prendre. Les dirigeants de la Russie ont déclaré que l’adhésion simultanée de l’Ukraine dans l’Union douanière (UD) et l’Union européenne est impossible. Malgré le fait que la Russie a offert de bonnes conditions économiques, l’Ukraine vise toujours le choix européen. Et pourtant, les intérêts économiques des deux pays doivent être respectés. Est-il possible l’association de l’Ukraine avec l’UE et sa participation à certains éléments de l’Union douanière ?

Sergeï Lavrov : Nous n’avons jamais dit que l’Ukraine se trouvait face à un choix : prendre part à l’Union européenne ou bien à l’UD. Personne ne l’invite à l’UE, mais à la zone de libre-échange, qui ne sera pas rentable pour l’économie ukrainienne. En principe,l’UE n’a pas beaucoup d’accords significatifs sur la zone de libre-échange. Les accords de l’Union européenne avec certains pays d’Amérique latine et d’Asie sont très différents de ce qui a été offert à l’Ukraine. Et on l’a proposé, en effet, d’ouvrir complètement ses marchés sans promesses tangiblesde réciprocité. Nous avons suggéré l’incompatibilité d’une telle zone de libre échange entre l’Ukraine et l’UE d’une part, et la préservation de la participation de l’Ukraine dans la zone de libre-échange au sein de la CEI de l’autre.

Dans le cadre d’une zone de libre-échange mis en place au sein de la CEI (en grande partie grâce à l’initiative de l’ancien président ukrainien Viktor Iouchtchenko) ont été considérées les conditions auxquelles la Russie, en particulier, a adhéré à l’OMC. Nous avons près de 18 ans de négociation complexe visant à faire intégrer dans une nouvelle vie à l’OMC notre industrie, agriculture, les services, le domaine bancaire etl’assurance tout en bénéficiant des périodes de transition au cours desquels la protection tarifaire et toute autre protection de ses domaines sera conservée afin qu’ils ne soient pas écrasés par des concurrents plus forts. A la suite de ces négociations la Russie a obtenu une telle protection, ce qui se reflète dans la zone de libre-échange de la CEI, où il existe certaines exceptions qui correspondent aux conditions convenues avec l’OMC. L’Ukraine se situe dans la zone concernée. Le périmètre extérieur de cette zone est protégé afin de gagner de la forcedans le cadre de notre industrie, l’agriculture et autres domaines.

« L’ouverture » de cette protection à travers la frontière ukrainienne signifierait que l’Ukraine serait inondéepar le flux de produits compétitifs, qui commencerait à supplanter des marchandises ukrainiennes du marché ukrainien, et ces produits iraient à la Russie, la Biélorussie et d’autres pays participants dans le cadre de la zone de libre-échange de la CEI. C’est pourquoi nous avons dit que, dans ces circonstances, la mise en place de la zone de libre-échange entre l’Ukraine et l’UE sous la forme planifiée était incompatible avec le régime d’avantages qui existait entre nos deux pays dans le cadre de la zone de libre-échange de la CEI. Cela ne signifie pas que nous allions introduire des sanctions contre l’Ukraine, nous reviendrionstout simplement aux normes communs, qui sont appelés le régime de la nation la plus favorisée, tandis que la zone de libre-échange offre des avantages au-delà de ce régime. Nous avons évoqué qu’à ce stade, c’étaient des choses incompatibles, mais nous n’avons jamais dit cela était impossible en principe. L’Union douanière que nous avons créée avec la Biélorussie et le Kazakhstan, est protégée par le périmètre extérieur par les mesures tarifaires et non tarifaires. Mais l’objectif de l’UD et de cette protection consiste à accroître la compétitivité. Ayant atteint ce but dans l’industrie, l’agriculture et le secteur tertiaire, nous allons nous intéresser à la libéralisation des échanges avec l’UE et avec d’autres pays. Mais nous n’entamerons pas les négociations sur le processus de libéralisation en tant qu’un concurrent notoirement faible, mais ayant des positions plus favorables.

Quand le président de la Russie Vladimir Poutine déclare que notre vision implique la création d’un espace économique commun de Lisbonne à Vladivostok, il sous-entend la perspective du lancement de ces négociations, lorsque tous les participants seront dans des conditions plus ou moins équitables.

Question : Quelle est la cohérence de ces étapes ? Pour rendre ces mécanismes fonctionnelsil faudrait peut-être d’abord atteindre des accords entre la Russie, l’UE et l’Ukraine ?

Sergeï Lavrov : Lors des événements bien connus le Premier ministre d’Ukraine MykolaAzarov a suggéré de tenir des discussions trilatérales avec la participation de la Russie, l’Ukraine et l’Union européenne afin d’examiner un document proposé par l’Union européenne. Par ailleurs, j’ai entendu dire que le Président et le Premier ministre de l’Ukraine ont exprimé de vives critiques adressées aux experts ukrainiens ont visé ce document, parce que la plupart de clausesqu’il contenait, étaient désavantageuses pour le pays.

La tenue des consultations tripartites visant à examiner des conditions existantes des échanges entre la Russie, l’UE et l’Ukraine, d’une façon honnête, sans essayer de cacher quoi que ce soit ou de tromper l’autre, c’était une très bonne suggestion. Elle a été soutenue par le Président de la Russie, mais l’UE a renoncé à cette proposition, plus exactementc’étaient les fonctionnaires européens. Cependant, le 16 décembre à Bruxelles lors de mon entretien avec les 28 ministres des Affaires étrangères de l’UE, certains d’entre eux ont dit qu’ils soutenaient l’idée de consultations tripartites qui représenteraient une bonne voie sans confrontations. Ainsi, les fonctionnaires de l’UE s’en chargeaient un peu plus que les États membres l’avaient souhaité.

Pour notre part, nous continuerons à soutenir la tenue de telles consultations, ainsi qu’à développer nos relations bilatérales avec l’Ukraine. Ils ne sont pas dirigés contre qui que ce soit, l’objectif principal consiste à préserver les liens accumulés et nos avantages comparatifs, ainsi qu’impliquer tout notre potentiel, créé au cours des décennies, lorsque nous étions un seul État, et nous avons eu un complexe économique national unifié.

C’est cet objectif que visaientles accords conclus et plus d’une douzaine de documents signés lors de la récente participation du Président de l’Ukraine Viktor Ianoukovitch à la Commission interétatique russo-ukrainienne.

Question : Est-ce que la Russie va soulever la question des négociations tripartites au sommet UE-Russie à Bruxelles ?

Sergeï Lavrov : Nous étions prêts pour cela plus tôt, même lors des événements en Ukraine. Tout dépendra de la volonté de l’UE de traiter la situation en tenant compte des intérêts légitimes de la Fédération de Russie et les pays qui font partie de leur programme du Partenariat oriental.

Question : Encore un peu plus de nos proches voisins. Hier lors d’une conférence de presse Vladimir Poutine a déclaré qu’il n’excluait pas théoriquement un retour au régime sans visas avec la Géorgie. Quand ce travail peut être lancé, et combien de temps cela peut prendre ?

Sergeï Lavrov : La Géorgie a introduit un régime d’exemption de visa avec la Russie de façon unilatérale sous la présidence de Mikhaïl Saakachvili. Cela a été fait avec un certain défi. D’abord le régime d’exemption de visa a été introduit pour les citoyens russes vivant dans le Caucase du Nord dans son ensemble et le District fédéral du Sud. Puis on l’a propagé à tous les citoyens de notre pays.

Toutefois, en Géorgie la loi sur les soi-disant « territoires occupés » reste en vigueur. Plusieurs de nos concitoyens ont été touchés, car cette loi prévoit la responsabilité pénale pour les visites à l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud.

Supposons qu’un citoyen russe décide de profiter du régime sans visa avec la Géorgie, tandis que dans son passeport figure une marque qu’il a visité une fois l’Abkhazie ou l’Ossétie du Sud. En Géorgie, il pourrait se retrouver en prison. Ces cas ont eu lieu, et nous avons dû faire des efforts considérables pour remédier à ces situations. Cet aspect important existe de toute façon.

Deuxièmement, nous aimerions supprimer tous les obstacles à la communication entre les citoyens des deux pays. C’est notre position de principe par rapport à tout Etat. Cependant, pour résoudre ce problème avec la Géorgie il est nécessaire de régler certains des points juridiques essentiels. Par exemple, nous n’avons pas de relations diplomatiques. En outre, en termes juridiques, la Géorgie considère toujours l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud comme ses territoires. Ces questions se posent inévitablement quand il s’agit de mettre des accordssur papier. Les avocats vont examiner la situation, mais nos tentatives précédentes rencontraientl’obstacle que je viens d’évoquer.

Question : Est-ce que la date du début de ces consultations est connue ou il est encore trop tôt d’en parler ?

Sergeï Lavrov : Nous avons un canal de communication avec la partie géorgienne auniveau du vice-ministre des Affaires étrangères Grigori Karassine et le Représentant spécial du premier ministre de la Géorgie ZurabAbashidze. Ils envisagent lors des contacts informels les différents problèmes qui peuvent être résolus pour la poursuite du développement de nos relations. Nous y sommes intéressés. Donc, on va voir.

Question : Lors de la conférence de presse d’hier le président russe Vladimir Poutine a dit une chose assez inattendue pour tous queles systèmes de missiles opérationnels et tactiques Iskander n’avaient pas été mis en place dans la région de Kaliningrad, et il n’y avait toujours pas de décision sur cette affaire. Mais il a souligné que cela pourrait être une des réponses possibles à la mise en place du système européen de défense antimissile. Quand peut arriver un moment où les systèmes de missiles seront relocalisés vers les frontières ?

Sergeï Lavrov : Cela fait longtemps que nous avons dit à nos partenaires américains que ce déploiement pourrait être l’une des réponses à leurs actions pour créer le segment européen de la défense antimissile globale. Et c’est aux militaires de décider quand cette nécessité apparaît. Ce sont les lois du genre et il n’y a rien de personnel. Quand le potentiel spécifique se fait sentir, qui, selon l’avis des professionnels, créedes risques pour votre sécurité, vous prenez des décisions sur la base des recommandations formulées par les experts.

Question : Le problème nucléaire iranien était la raison principale pour le déploiement de la défense antimissile européenne. Maintenant cette menace s’estompe. Quelles sont les perspectives pour l’inspection ? Quand le comité conjoint du G6 sera-t-il formé pour ce processus ?

Sergeï Lavrov : Les inspections n’ont jamais été cessées. Toutes les installations nucléaires de l’Iran, figurant à l’AIEA, sont sous surveillance constante. Le secrétariat de l’Agence fait tous les six mois un rapport au Conseil des gouverneurs de l’AIEA, et ces rapports réguliers confirment qu’aucune activité non déclaréen’est pas détectée, et toutes les activités déclarées sont surveillées, y compris l’enrichissement de l’uranium et d’autres questions relatives à son programme nucléaire.

Les accordsconclusrécemmentà Genève suggèrent des inspections plus intensives. Les Iraniens y sont prêts. Le travail technique sur la formulation en langue juridique des accords qui ont été convenues à Genève, est déjà en cours. Le G6, l’Iran et le Secrétariat de l’AIEA sont engagés dans ce travail. Il y a une semaine la réunion ordinaire a eu lieu, l’autrea été prévue. Techniquement, ce schéma sera bientôt prêt pour la mise en œuvre. Le Conseil des gouverneurs de l’AIEA est informé. Toutes les questions seront résolues par des professionnels. Personne n’envisage des risques d’échec des accords et ne sème pas de panique.

En ce qui concerne la situation avec la défense antimissile - ce n’est pas nous qui l’avons créée. En 2009, le président américain Barack Obama a visité la République tchèque, et lors du meeting à Prague, il a dit que si la menace nucléaire iranienne disparaissait, le secteur européen de la défense antimissile globale ne serait plus nécessaire. Maintenant les Américains parlent un peu différemment : « La défense antimissile est toujours nécessaire, parce qu’il y a plus de risques ». Mais ils le disent sans entrer dans les détails. Je n’en dirai pas plus, parce que nous leur avons offert à plusieurs reprises d’envisager ensemble les risques afin de comparer nos estimations. Et lorsque nous comparons nos estimations et comprenons quels risques sont réels, et lesquelssont tirés par les cheveux, alors nous serons prêts à coopérer dans les aspects technico-militaires afin de créer des moyens de neutraliser ces risques réels sur la base d’un accord mutuel. Ils ne l’ont pas accepté en disant qu’ils ont déjà tout décidé, ils savaient quels étaient les risques et ce qu’il fallait faire. En fait,ils nous ont juste invités à les rejoindre. En réponse, nous avons poliment expliqué que nous ne pouvons pas les rejoindre, parce que dans leurs actions nous voyons une menace potentielle à notre force de dissuasion nucléaire et nous n’allons pas créer des risques pour nous-mêmes. Mais B. Obama en a parlé il ya quatre ans. Nous le rappelons.

Question : Récemment, il a déclaré que les Etats-Unis devraient prendre une pause dans les relations avec la Russie. Combien de temps cette pause peut-elle durer ?

Sergeï Lavrov : Je n’ai pas remarqué aucune pause. Nous regrettons qu’en raison des émotions dans le cadre de l’affaire Snowden, il a été décidé de reporter la visite déjà convenue à Moscou à la veille du sommet du G20 à Saint-Pétersbourg. Mais depuis lors, nos contacts se poursuivent. Avec John Kerry, à mon avis, nous avons établi un record du monde, car durant la période moins d’un an depuis qu’il a pris ses fonctions en février 2013, nous avons eu environ 15 réunions. Et c’étaient des contacts très sérieux. Je ne me souviens même pascombien de fois nous avons parlé au téléphone. Il y a eu la rencontre auformat " 2 +2 " des ministres des Affaires étrangères et de la Défense de la Russie et des Etats-Unis, le travail conjoint entre la NASA et l’Agence spatiale russe se poursuit, un accord de coopération en matière de la garantie de sécurité nucléaire dans les pays tiers a été signé – il n’y a aucune pause, nous travaillons d’arrache-pied.

Parlant de contacts au plus haut niveau, ils ont eu lieu à Saint-Pétersbourg et ont eu beaucoup d’importance, puisqu’ils ont lancé les efforts pour résoudre les problèmes en Syrie, qui ont été couronnés de succès. Nous attendons toujours le président Barack Obama en Russie, nous sommes prêts à envisager les termes du côté américain. Dans tous les cas, nous trouverons les possibilités pour une telle visite. Conformément au calendrier, en juin la Fédération de Russie accueillera un sommet du G8, auquel assisteront tous les dirigeants. Dans cette liste, on peut ajouter des contacts sur l’Iran et la Syrie. Donc, je ne sens aucune pause.