La Syrie affronte aujourd’hui des dangers quelle n’a jamais connus auparavant, en raison des politiques suivies par le régime, qui ont conduit le pays à une situation très préoccupante pour le salut national et l’avenir de la population. Elle est donc aujourd’hui à la croisée des chemins, nécessitant, plus que jamais, un retour critique sur soi, tirant bénéfice de son expérience historique. Le monopole de toute vie publique par le pouvoir, pendant plus de trente ans, a permis la fondation d’un régime hégémonique totalitaire sectaire et l’annulation de toute vie politique. Les citoyens sont hors de la chose publique. L’héritage laissé est un désastre, représenté par l’effritement du tissu social et national du peuple syrien et par l’effondrement économique, menaçant le pays de toutes sortes de crises. Nous avons été conduits à un isolement étouffant du fait de ces politiques destructrices, aventureuses et à courte vue sur les plans arabe et régional, notamment au Liban ; politiques basées sur le clientélisme et non sur les intérêts fondamentaux du pays.

Tout cela nécessite la mobilisation des énergies nationales et populaires de la Syrie dans une mission de changement, permettant de transformer le pays d’un État sécuritaire en un État politique. L’indépendance et l’unité du pays doivent être renforcées. Le peuple doit prendre en main ses destinées participant librement à la gestion. Les changements exigés touchent tous les domaines : l’État, le pouvoir et la société. Ils doivent aboutir à une transformation des politiques, tant intérieures qu’étrangères.

Les signataires de la présente déclaration estiment que courage et sens des responsabilités sont nécessaires pour sortir de la détérioration et de l’attentisme politiques actuels. Il en va de la survie du pays face aux dangers qui se profilent. Ils sont animés par la conviction qu’il est particulièrement important aujourd’hui de définir une ligne politique claire et cohérente rassemblant toutes les forces de la société, fixant les objectifs du changement démocratique. Une telle ligne permettra de réaliser ce changement par le peuple syrien lui-même, suivant sa volonté et ses intérêts. Elle évitera tout opportunisme ou extrémisme dans le vie publique. En conséquence, les signataires se sont accordés volontairement et consensuellement sur les principes suivants :

L’instauration d’un régime national démocratique constitue le principe essentiel du projet de changement et de reformes politiques. Ce projet doit être pacifique, graduel, consensuel, basé sur le dialogue et la reconnaissance de l’autre.

Toute pensée totalitaire est rejetée. Et il faut rompre avec les pratiques d’exclusion, de tutelle ou d’élimination, quels qu’en soient les motifs, historiques ou actuels. La violence doit être bannie dans la vie politique, sous toutes ses formes et d’où qu’elle vienne.

L’islam, religion et croyance de la majorité, constitue, avec ses fins nobles, ses valeurs divines, et sa doctrine de tolérance, la référence culturelle majeure dans la vie du peuple. Notre civilisation arabe s’est formée dans son cadre intellectuel et moral, et avec ses valeurs. Elle s’est également constituée en interaction avec les autres cultures nationales de notre société, loin de tout sectarisme, violence ou exclusion. À cet égard, nous sommes particulièrement attaché au respect des croyances, cultures et spécificités de tous les citoyens, quelque soit leur appartenance religieuse, confessionnelle ou doctrinale, ainsi qu’à l’ouverture sur les cultures modernes et contemporaines.

Aucun parti ou courant ne peut prétendre jouer un rôle exceptionnel. Nul n’a le droit d’exclure un autre, de l’opprimer ou de dénier son droit à exister, à s’exprimer librement et à participer à la vie publique nationale.

Nous adoptons la démocratie comme régime moderne, universel par ses valeurs et ses principes, fondé sur les principes de liberté, de souveraineté populaire, de l’État des institutions et de l’alternance de pouvoir, par des élections libres et régulières, permettant au pouvoir d’être responsable devant le peuple qui peut le démettre.

Un État moderne doit être établi. Son régime politique doit être fondé sur un nouveau contrat social, inscrit dans une constitution démocratique moderne faisant de la citoyenneté le critère d’appartenance, instituant la pluralité, l’alternance pacifique au pouvoir, l’État de droit. Tous les citoyens y ont les mêmes droits et devoirs, hommes ou femmes, quel que soient leur religion, leur ethnie, leur communauté. Cette constitution doit empêcher le retour du despotisme sous de nouvelles formes.

Il faut aller à la rencontre de toutes les composantes du peuple syrien, vers tous ses courants intellectuels, ses classes sociales, ses partis politiques, et ses acteurs culturels, économiques et sociaux. Ils doivent pouvoir exprimer leurs visions, leurs intérêts et leurs ambitions. Ils doivent pouvoir participer librement au processus de changement.

Doivent êtres garanties les libertés individuelles, et celles des groupes et des minorités nationales, y compris le droit d’expression d’une identité et la sauvegarde des droits culturels et linguistiques. Ces garanties doivent être fournies et protégées par l’État, dans le cadre de la constitution et de la loi.

Une solution juste et démocratique doit être trouvée à la question kurde en Syrie, garantissant l’égalité totale entre les citoyens kurdes syriens et les autres citoyens, dans les droits de la nationalité, la culture, l’enseignement de la langue national et les autres droits constitutionnels, politiques, sociaux et juridiques, sur la base de l’unité et de l’intégrité du territoire national. Ceux qui ont été privés de leur nationalité doivent la retrouver, et leur citoyenneté doit être pleinement reconnue. Et, il est impératif de clôturer ce dossier définitivement.

Nous nous engageons à sauvegarder l’intégrité, la sécurité et l’unité de la Syrie. Tout différend ne peut être résolu que par le dialogue, dans l’esprit de l’unité de la nation et du peuple en toutes circonstances. Nous nous engageons à libérer nos territoires occupés et à réintégrer le Golan dans la mère patrie. La Syrie doit avoir un rôle arabe et régional positif et efficient.

Toute forme d’exclusion de la vie publique doit être abolie. Les lois d’urgence doivent être levées, ainsi que les lois martiales et les tribunaux spéciaux, et toute autre loi de ce genre, comme celle n° 49 de 1980. Les prisonniers politiques doivent être libérés. Un retour digne et sûr doit être assuré à tout persécuté ou exilé, volontaire ou non, avec les garanties juridiques nécessaires. Toute forme d’oppression politique doit être bannie, en rendant justice à toutes les victimes et en ouvrant une nouvelle page dans l’histoire du pays.

L’armée nationale doit être renforcée, et son professionnalisme doit être sauvegardé. Il doit rester en dehors de toute compétition politique. Ses missions sont réservées à la protection de l’indépendance de pays et du régime constitutionnel et à la défense de la nation et du peuple.

Les organisations populaires, les unions syndicales, les chambres de commerce, de l’industrie et de l’agriculture doivent être libérées de la tutelle de l’État et de la hégémonie du parti et des services de sécurité. Leurs libertés d’action, en tant qu’organismes de la société civile doivent être garanties.

Les libertés publiques doivent être rétablies. La vie politique doit être organisée par une loi moderne des partis. L’information et les élections doivent être également l’objet de lois modernes garantissent la liberté, la justice et l’égalité des chances pour tous.

Toutes les composantes du peuple syrien ont le droit à l’action politique, quelles que soient leurs appartenances religieuses, ethniques, ou sociales.

Nous affirmons l’appartenance de la Syrie au monde arabe. Elle doit établir les relations de coopération les plus étroites avec les autres pays arabes. Les relations stratégiques, politiques et économiques doivent être renforcées dans le but d’aboutir à l’unité. Les relations avec le Liban doivent être rectifiées et ramenées aux principes de liberté, d’indépendance, de souveraineté et des intérêts communs entre les deux peuples et les deux États.

L’ensemble des accords et traités internationaux doit être respecté, ainsi que la Convention des Droits de l’Homme. La Syrie doit œuvrer dans le cadre des Nations Unies, en coopération avec la communauté internationale, pour la construction d’un nouvel ordre mondial plus juste, basé sur les principes de paix, des intérêts mutuels, de l’opposition à l’agression, du droit des peuples à résister à l’occupation, et du refus de toute forme de terrorisme et de violence dirigée contre les civiles.

Les signataires de cette Déclaration estiment que le processus de changement a commencé. Il s’agit d’une nécessité urgente pour le pays qui ne peut être retardée. Le changement n’est dirigé contre personne, et il a besoin de la contribution de tous. Nous appelons alors nos concitoyens baathistes et nos frères de toute tendance politique, culturelle, religieuse ou confessionnelle, à ne pas hésiter, à ne pas se méfier et à se joindre à nous. Le changement souhaité est dans l’intérêt de tous. Il n’est redouté que par les criminels et les corrompus. Ce processus peut être organisé suivant les étapes suivantes :

 1. Un dialogue national doit être ouvert à toutes les composantes du peuple syrien et à tous ses tendances sociales, politiques et économiques, dans toutes les régions, suivant les principes suivants :
• La nécessité d’un changement radical dans le pays, et le refus des réformes partiels, de replâtrage, ou de contournement ;
• Il faut œuvrer à stopper la détérioration actuelle et les dangers d’effondrement et de chaos, que pourraient engendrer des mentalités fanatiques, revanchardes, extrémistes ou de blocage du changement démocratique ;
• Le refus du changement imposé par l’extérieur, tout en réalisant l’intime relation entre les développements politiques intérieurs et sur la scène internationale que nous vivons dans le monde moderne. Le pays ne doit pas être poussé à l’isolement, à l’aventurisme ni à des positions non responsables. L’indépendance et l’unité territoriale du pays doivent être sauvegardées et défendues.

 2. Il faut encourager les initiatives qui ramène la société au politique et la mobilisation populaire autour de la chose publique, en dynamisant la société civile.

 3. Il faut former des comités, des conseils et des forums aux niveaux local et national, pour l’organisation de l’activité culturelle, sociale, politique et économique. Ces mobilisations doivent être encouragées à jouer tout leur rôle dans l’éveil de la conscience nationale, dans le règlement des tensions, et dans l’unification de efforts populaires pour les objectifs du changement.

 4. Les forces d’opposition travailleront dans une concorde nationale globale sur un programme commun indépendant, qui trace les étapes du changement et les traits de la Syrie démocratique de demain.

 5. Le terrain doit être préparé pour tenir un congrès national, pouvant regrouper toutes les forces aspirant au changement, y compris celles issues du régime et qui acceptent le changement, en vue d’instaurer un régime national démocratique sur la base des principes agréés dans cette déclaration, et sur la base d’une large coalition nationale démocratique.

 6. Un appel doit être lancé pour élire une assemblée constituante, élaborant une nouvelle constitution du pays, barrant la route aux aventuriers et aux extrémistes. Cette constitution doit garantir la séparation des pouvoirs, l’indépendance du judiciaire, et doit réaliser l’intégration nationale en ancrant le principe de citoyenneté.

 7. Des élections parlementaires libres et transparentes doivent être organisés, qui donneront naissance à un gouvernement national légitime, agissant sur la base de la constitution et des lois en vigueur, selon la majorité politique et son programme.

Ainsi sont énoncées les grandes lignes du projet de changement démocratique, telles que nous le souhaitons, selon les nécessités de la Syrie, et telles que son peuple le désire. Ce projet reste ouvert à la participation de toutes les forces nationales, de tout parti politique, ou association civile, de toute personnalité politique, culturelle, ou professionnelle. Il tiendra compte de leurs engagements et contributions. Il sera toujours l’objet d’apports critiques permettant d’élargir l’action politique et de mobiliser les forces sociales.

Nous nous engageons à œuvrer pour en finir avec le despotisme. Nous sommes prêts à faire tous les sacrifices nécessaires pour cela, et à fournir tous les efforts pour enclencher le processus de changement démocratique, afin de construire une Syrie nouvelle libre, appartenant à tous ses citoyens, et de défendre la liberté de son peuple et son indépendance nationale.

Les partis et organisations signataires :
Le Rassemblement National Démocratique en Syrie
L’Alliance Démocratique Kurde en Syrie
Les Comités d’Animation de la Société Civile
Le Front Démocratique Kurde en Syrie
Le Parti du Futur (Cheikh Nawaf Al Bachir)

Les personnalités nationales signataires :
Riad Seif
Jawdat Said
Dr. Abdel Razzak Eid
Samir Nachar
Dr. Fidaa Akram Al Horani
Dr. Adel Zaccar
Abdel Karim Al Dahhak
Haytham Al Maleh.
Nayef Kaysieh

Avec le soutien des Frères musulmans