Dans un article précédent, nous avions qualifié de « mémorables » les événements survenus en Ukraine, car l’Occident limite l’influence du facteur russe en Europe, et particulièrement dans un pays d’importance stratégique pour les intérêts de Moscou et ayant des liens historiques avec la Russie, telle que la ville natale de l’épique cosaque Tarass Boulba.

Nous les caractérisions de « capitaux » parce qu’ils clôturent en fait aujourd’hui le chapitre de la dissolution de l’Union Soviétique, l’Occident terminant son activité d’affaiblissement et de repoussement du facteur russe hors d’Europe, qui avait commencé au lendemain de la fin de la Seconde Guerre Mondiale, et avait pour but de « contenir » la Russie sur ses frontières, lui laissant en Europe le seul bastion de la Biélorussie d’Alexandre Loukachenko et de l’enclave de Kaliningrad .

Ces développements capitaux, au-delà des réarrangements au sein de l’Ukraine elle-même, avec la réunification de la Crimée à la Russie, et peut-être l’autonomisation des régions russophiles de l’Est et du Sud de l’Ukraine, vont peser sur ​​un certain nombre de questions, qui, dans un sens ou dans un autre affectent la Grèce et Chypre.

Voyant que parallèlement au déroulement de la crise en Ukraine, l’Union européenne soulève la question du gel de la construction du gazoduc South Stream —lequel a assuré son financement et dispose des réserves nécessaires à son approvisionnement—, la première chose qui vient à l’esprit de quiconque observe avec recul, c’est la chute du gouvernement Karamanlis. Il avait apparemment pris une décision d’une si grande importance qu’il gênait certains centres de décision possédant la force capable d’initier et de créer non seulement les événements en Ukraine mais aussi dans l’Union européenne elle-même.

Cette évolution, d’autre part, en ce qui concerne le South Steam —étant donné que 70 % à 80 % du gaz russe qui est dirigé vers les marchés à forte consommation de l’UE passe par des gazoducs traversant le territoire ukrainien—, montre que l’Europe ferme volontairement et à dessein les routes d’accès au gaz russe, facilitant ainsi l’ensemble du plan d’exploitation des champs de gaz en Méditerranée orientale et en Grèce, mais aussi la construction du gazoduc qui transportera ce gaz naturel vers l’Europe, et nous espérons pour notre part qu’il s’agira de celui de la Méditerranée orientale (East Mediterranean Pipeline).

Un autre développement qui concerne la Grèce à propos de la réunification de la Crimée à la Russie est la possibilité qui s’offre pour les forces pro-russes dans les régions orientales et méridionales de l’Ukraine d’exiger leur autonomie, ce qui conduirait à l’exclusion de l’Ukraine pro-occidentale de la mer d’Azov et du Pont-Euxin (mer Noire).

Une telle évolution transformerait l’Ukraine pro-occidentale en un pays enclavé, dépendant directement de l’Europe et de la Russie dominante dans le Pont-Euxin (mer Noire), principalement au détriment de la Turquie, modifiant l’équilibre des forces en présence et lui permettant d’établir une nouvelle carte géostratégique dans la région.

Et cela parce que la Russie dominante dans le Pont-Euxin (la mer Noire) exercerait de facto une pression sur la Turquie et le détroit du Bosphore, alors que parallèlement elle consoliderait sa présence en mer Égée et en Méditerranée orientale.

Ces deux questions découlant de la situation en Ukraine, à savoir l’énergie et la géopolitique, devraient être une préoccupation majeure pour la Grèce et Chypre, en ce qui concernent nos intérêts nationaux et au vu des expériences négatives du passé, quand notre inexpérience géopolitique nous a coûté si cher, à notre pays et à l’hellénisme .

S’agissant de géopolitique, la Grèce devra gérer politiquement la question de la présence de la Russie en mer Égée et dans la Méditerranée orientale, étant donné, en particulier, l’intérêt perpétuel et le soutien de Moscou à Chypre, quelque soit la raison pour laquelle ces décisions furent prises.

En qui concerne la composante énergétique, comme déjà mentionné, l’exclusion possible ou la limitation de l’approvisionnement de l’UE en gaz russe, privilégient les projets d’exploitation des gisements de Chypre et de la Grèce, mais aussi la construction du gazoduc qui devrait transporter ce gaz naturel vers l’Europe.

Et c’est là justement qu’il faudrait concentrer la plus grande attention, parce que si le gaz d’Israël et de Chypre était finalement transporté par un gazoduc passant par la Turquie, cela annulerait le projet du gazoduc de la Méditerranée orientale (East Mediterranean Pipeline), ce qui constituerait une défaite stratégique pour l’Hellénisme.

De toute évidence, aux faits décrits ci-dessus, il faut y ajouter l’impératif indispensable de protection qu’Athènes devra assurer pour les 150 000 Grecs d’Ukraine et pour les 150 000 à 200 000 Grecs de Russie.

Par conséquent, une fois de plus, le temps est venu, pour les stratèges d’Athènes et de Nicosie, de prendre à nouveau leurs crayons !

Traduction
Christian Haccuria
Source
Δημοκρατία της Κυριακής