Le dépouillement du vote, le 23 avril 2014.

Le Liban s’apprête à élire un nouveau président de la République, qui va remplacer le peu estimé actuel président Michel Sleiman. Le parlement libanais vient de se réunir en collège électoral pour procéder à cette élection.

Il y a quelques semaines un repris de justice dénommé Samir Geagea a présenté sa candidature à cette élection ! L’on aurait pu croire au départ qu’il s’agissait d’une plaisanterie de mauvais goût, mais il s’est avéré que non, et qu’en sa qualité de chef des Forces libanaises (FL), il aurait un programme pour le Liban.

Son épouse Sethrida s’est occupée de sa campagne puisqu’elle s’est chargée de rendre visite aux différents responsables politiques et religieux pour leur présenter ledit programme électoral de son excellentissime mari.

On pouvait en déduire qu’il s’agissait d’un calcul de la part de M. Geagea pour se faire de la publicité, et qu’il ne recueillerait que les voix de sa formation politique, se comptant au mieux sur les doigts d’une main. C’était mal connaître le Liban et ses absurdités.

En effet, au fur et à mesure, les formations politiques du bloc du 14-Mars, sans hésitation et sans vergogne ont fait allégeance à ce criminel, à l’exception de la majorité des députés de Tripoli, lesquels par « pudeur », à supposer qu’il leur en restât, ont indiqué qu’ils ne voteraient pas pour lui. Peu importe, près d’une cinquantaine de députés ont d’ores et déjà annoncé lui apporter leur soutien.

À première vue, ce pourrait être la rançon de la démocratie ; mais quel authentique démocrate se livrerait-il à un choix abject sous couvert d’un mandat donné par le peuple pour voter en son nom afin de choisir un président ? N’attend-on pas plutôt de lui qu’il honore ce mandat en choisissant celui ou celle qui portera les couleurs de l’espoir et de l’espérance, de la dignité d’un peuple meurtri par des années de guerre suivies par des années d’instabilité ?

Ce peuple libanais doit faire face aux attaques du monde entier, à commencer celles de l’État d’Israël qui a transformé son territoire en espace d’entraînement militaire depuis les années 40. Il lui a fallu faire face aux bombardements états-uniens depuis leurs navires de guerre croisant au large des côtes libanaises pendant les années 80, sans oublier les attaques terroristes qui visent sa population de tous bords et de toutes confessions afin de semer la terreur sur son territoire.

Ce peuple a dû affronter une invasion israélienne en 1982, qu’il a fini par repousser grâce à de jeunes résistants qui ont donné au sang et au sacrifice un nouveau nom et une nouvelle couleur, à tel point que cette résistance est devenue un symbole de bravoure pour le monde entier .

Le problème est que certains Libanais ont perdu toute dignité, habitués qu’ils sont à spéculer, y compris sur le sang des Résistants.

Ces mêmes Libanais complotaient en réunion à l’ambassade des États-Unis à Beyrouth, pendant que l’armée israélienne bombardait villes et villages de leur propre pays du nord au sud, sollicitant des États-uniens qu’ils insistent auprès des israéliens pour continuer leur frappes. Une telle manifestation de patriotisme laisse songeur…

Ces mêmes députés libanais viennent de franchir un pas supplémentaire dans l’infamie en apportant leur soutien à un homme qui a reconnu ses crimes. À un rejet digne de cette candidature, ils ont préféré la honte de dire « oui ».

Mais qui est donc Samir Geagea ?

Issu d’une modeste famille maronite originaire de Bcharré (Liban Nord), il a commencé des études de médecine en 1972, n’a étudié que deux ans, mais se pare depuis du titre non mérité de « Hakim » (docteur).

Très vite, il a intégré le noyau dur du parti des Phalanges libanaises, pour ensuite faire partie des Forces libanaises, son bras armé créé par Bechir Gemayel. L’idéologie de ce personnage repose toute entière sur la haine de l’autre :
 Haine vis-à-vis des autres chrétiens qui a conduit à l’assassinat successif de Tony Frangieh et de sa famille [1], son allié de l’époque, puis de Dany Chamoun et de sa famille, un autre de ses alliés,
 Haine de populations déconsidérées par lui, en l’occurrence des Palestiniens et des chiites d’Al Nabaa !.
 Haine d’autres personnalités libanaises de toutes confessions, qui s’est illustrée par l’assassinat d’un Premier ministre en exercice, Rachid Karamé, et d’autres exécutions avouées ou non.

Du reste, c’est à ces assassinats perpétrés entre 1977 et 1982 qu’il doit d’avoir gravi les échelons internes des Forces libanaises et d’en être devenu une figure importante pour ses militants.

Il a cependant fini par trahir son propre maître, le clan Gemayel, contraignant le président de l’époque, Amine Gemayel, à l’exil et déclarant ensuite la guerre à l’armée régulière libanaise dirigée par le Général Aoun.

Le même Geagea a fini par être arrêté en avril 1994 après avoir été accusé de l’attentat contre l’église de Notre-Dame de la Délivrance à Jounieh, attentat qui a fait dix morts.

Par la suite Samir Geagea a été condamné à trois peines de mort commuées en prison à vie pour l’assassinat de rivaux politiques, dont l’attentat qui avait coûté la vie au Premier ministre Rachid Karamé en 1987.

Son parcours est par ailleurs marqué par la relation privilégiée qu’il a toujours entretenue avec l’État hébreu, relation de soutien réciproque. Il est de notoriété publique qu’il a exécuté un certain nombre de basses œuvres pour le compte d’Israël, et relayé la propagande dont celui-ci avait besoin pour faire prospérer sa politique dans la région.

Le 18 juillet 2005, lors de la première séance du nouveau parlement élu après l’assassinat de Rakik Hariri et dominé par le Courant du Futur, profitant d’une vague d’opinion anti- syrienne, une centaine de députés ont voté en faveur de l’amnistie de l’ancien chef de milice.

Ces mêmes députés reviennent à la charge aujourd’hui, car après l’avoir amnistié, ils cherchent à le faire élire comme président de la République. Ils mettent hélas en application cet adage libanais : « Si tu n’as plus de pudeur, fais ce qu’il te plaît ».

« Messieurs les députés qui avez décidé de voter pour ce triste sire, faites ce qu’il vous plait, mais vous n’en tirez aucune gloire. »

Un écrivain libanais dénommé Takieddine a écrit un jour que «  Le pire qui puisse nous arriver est de recevoir des leçons de chasteté d’une putain ».

Messieurs les députés qui avez décidé de voter pour ce triste sire, ce n’est donc pas parce que vous abreuvez vos concitoyens de discours sur le patriotisme et l’indépendance nationale, que vous valez mieux que la putain de Monsieur Takieddine !....

Et encore celle-ci travaille-t-elle pour vivre à peu près dignement, alors qu’en agissant comme vous l’avez fait, vous avez perdu toute dignité.

Honte à vous…

[1« Comment le Mossad a assassiné Tony Frangieh », par Nidal Hamade, Réseau Voltaire, 7 avril 2009.