Didier Burkhalter et Vladimir Poutine, le 7 mai 2014, à Moscou.

Quelques observations succinctes sur la rencontre intervenue hier entre le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, et celui de la Confédération suisse et président en exercice de l’OSCE [1], Didier Burkhalter :

 1. L’accord cadre mis au point, traçant les grandes lignes d’une feuille de route pour l’organisation d’une désescalade en Ukraine, comporte quatre dispositions principales : l’instauration d’un cessez-le feu, la désescalade militaire (retrait des troupes et désarmement de tous les groupes armés illégaux), l’ouverture d’un dialogue pour la réconciliation nationale et l’organisation de nouvelles élections. La balle est manifestement dans le camp de Kiev. Toute nouvelle tentative de réprimer par la force le mouvement de contestation qui se développe dans le sud-est du pays refermera définitivement cette porte étroite vers une possible issue à la crise.

 2. La demande du report des référendums prévus à Donetsk et à Louhansk est un acte de bonne volonté du président Poutine. Compte tenu de l’état d’esprit et des sentiments de la population, il est peu probable que ces référendums soient annulés. Les habitants de ces régions sont impatients de disposer de moyens légaux sur lesquels s’appuyer pour se débarrasser de l’autorité et des décisions arbitraires du régime de Kiev. Soit dit en passant, de tels développements ôteraient tout crédit aux slogans des Occidentaux, accusant Poutine de manipuler les mouvements de protestation du sud-est de l’Ukraine.

 3. Le président russe a une nouvelle fois souligné que « les responsables de la crise sont à chercher du côté de ceux qui ont organisé le coup d’État à Kiev, et qui, à ce jour, ne se sont pas souciés de désarmer les groupes de fanatiques des nationalistes et de l’extrême droite » [2]. Autrement dit, ni l’engagement du dialogue pour la réconciliation, ni aucune élection ne pourront être organisés tant que ces groupes n’auront pas été désarmés.

 4. Il a également souligné que le projet d’une nouvelle constitution pour l’Ukraine devrait être discuté dans le cadre du dialogue de réconciliation nationale, et, bien sûr, préalablement à toute élection.

 5. La situation sur le terrain donne à penser que la mise en œuvre de cette feuille de route ne nécessiterait pas moins de six mois, et requerrait la participation de Victor Ianoukovytch, le président constitutionnel de l’Ukraine.

Cette occasion unique, inespérée, est la dernière qui puisse permettre de préserver l’existence d’un État fédéral ukrainien rassemblé. Quand on considère les intérêts très conflictuels des puissances internationales qui exercent leur emprise sur l’actuelle administration de Kiev, on réalise que l’espoir de maintenir ouverte la porte des négociations, pendant une aussi longue période, est une gageure. L’espoir sera sans doute la dernière des victimes de cette crise interminable.

Traduction
Gérard Jeannesson
Source
Oriental Review (Russie)

[1L’OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) est l’héritière des accords d’Helsinki. Elle maintient un dialogue permanent entre tous les États membres de l’Otan et ceux de l’ex-Union soviétique.

[2Press point by Vladimir Putin”, by Vladimir Putin, Voltaire Network, 7 May 2014.