Le président Obama accueille les leaders des armées de 22 États membres de la Coalition anti-Daesh, le 14 octobre 2014 sur la base d’Andrews.

L’Italie enverra des armes et des militaires dans la région d’Erbil en Irak, pour renforcer « les capacités d’autodéfense des Kurdes » contre l’avancée de l’Émirat Islamique : annonce de la ministre de la Défense, Roberta Pinotti, aux commissions réunies des Affaires étrangères et de la Défense de la Chambre et du Sénat.

Ce n’est pas par hasard que l’annonce est faite deux jours après que le chef d’état-major de la Défense, l’amiral Luigi Binelli Mantelli, a participé en tant que représentant de l’Italie à la réunion, dans la base militaire d’Andrews près de Washington, des plus hautes autorités militaires des 22 pays de la coalition dont la mission officielle est de « porter atteinte et détruire l’ÉI ». À la rencontre —présidée par le général Martin Dempsey, chef de l’état-major des États-Unis— est intervenu le président Obama, en soulignant que les USA intensifieront « l’action contre des objectifs aussi bien en Irak qu’en Syrie », dans le cadre d’une coalition internationale. Les alliés des USA, en plus d’effectuer des attaques aériennes dans les deux pays, fournissent « armes et assistance aux forces irakiennes et à l’opposition syrienne » (contre Assad) et « des milliards de dollars d’aides », définies comme « humanitaires ». Dans des milieux proches de la Maison-Blanche on considère que, malgré l’engagement officiel d’Obama de ne pas employer de soldats dans des missions de combat en Irak et en Syrie, les États-Unis sont en train de préparer l’envoi de forces spéciales (Bérets verts, Delta Force, Navy Seals), qui s’ajouteront aux « conseillers » et aux « entraîneurs » déjà sur le terrain, avec la mission d’effectuer des opérations secrètes. En même temps Washington fait pression pour que les alliés assument de plus grands engagements, y compris des opérations terrestres.

Il n’est pas donné de savoir quels engagements le chef d’état-major a pris pour l’Italie, à Andrews. Mais on peut le déduire de l’annonce de Pinotti. L’Italie non seulement fournira « d’ultérieurs stocks de munitions de modèle ex-soviétique, provenant du matériel confisqué en 1994 », mais aussi « des armes et des munitions antichar en usage dans l’Armée italienne », plus un avion KC-767 pour l’approvisionnement en vol des chasseurs bombardiers et deux vélivoles Predator à pilotage télécommandé, bientôt flanqués d’ « autres formations pilotées pour la reconnaissance aérienne ». L’Italie enverra en outre 280 militaires pour l’entraînement et la formation de forces kurdes et, fait plus important encore, « une cellule d’officiers pour les activités de planification ». Il s’agit, en d’autres termes, d’un commandement avancé pour des opérations militaires ultérieures effectuées en mode secret par des forces spéciales italiennes, aujourd’hui potentialisées avec la naissance du nouveau commandement unifié institué à la caserne Folgore à Pise.

L’intervention militaire italienne en Irak entre dans la stratégie états-unienne. Les Kurdes que l’Italie va soutenir sont ceux de la région autonome du Kurdistan, centre pétrolifère en grande progression et siège de dizaines de compagnies états-uniennes et occidentales, sous la présidence de Massoud Barzani, chef du Parti démocrate du Kurdistan, un grand fidèle des États-Unis. Il n’est pas fortuit que, tandis qu’elle frappe les forces de l’ÉI qui menacent la région où Barzani est au pouvoir, l’aviation états-unienne et alliée s’enraye quand il s’agit de frapper l’ÉI qui attaque la zone du PKK, dont les forces (qui sont celles qui combattent réellement l’ÉI à la frontière syrienne) se trouvent en plus bombardées par l’aviation turque. Il est significatif qu’à la rencontre d’Andrews ait participé le chef d’état-major de la Turquie et que la Maison-Blanche ait minimisé les attaques aériennes turques contre les Kurdes du PKK, en assurant que sont en cours des entretiens sur des « engagements ultérieurs » d’Ankara. La même chose se passe en Syrie, où les attaques aéronavales US sont en train de démolir non pas l’ÉI, mais les installations pétrolières syriennes pour faire s’écrouler le gouvernement de Damas.

Obama, après la rencontre d’Andrews, a remarqué que « détruire l’ÉI reste une mission difficile » et que « nous sommes à peine aux débuts d’une campagne à long terme ». Cela ne fait aucun doute, étant donné que l’ÉI —construit par les pays sunnites du Golfe en commençant par l’Arabie saoudite et par le front des « Amis de la Syrie », dont les USA, la Turquie et la Grande-Bretagne— est fonctionnel à la stratégie états-unienne qui, après avoir démoli par la guerre l’État libyen et avoir tout fait pour démolir celui de la Syrie, vise la balkanisation de l’Irak, en le démantelant en trois régions semi-autonomes (kurde, sunnite, chiite) ou en trois États distincts. C’est dans cette longue et coûteuse guerre qu’est amenée l’Italie.

Les sous ne manquent pas : dans la loi de stabilité, les dépenses pour les « missions internationales de paix » (lire missions de guerre) sont définies comme « dépenses inajournables ».

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)