La séance est ouverte à 15 h 15.

La Présidente, Mme DiCarlo (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : En vertu de l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de l’Iraq à participer à la présente séance.

En vertu de l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite M. Martin Kobler, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq, à participer à la présente séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

J’appelle l’attention des membres du Conseil sur le document S/2013/408, qui contient le troisième rapport du Secrétaire général présenté en application de la résolution 2061 (2012).

Je donne maintenant la parole à M. Kobler.

M. Kobler, Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Iraq et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (parle en anglais) : Je voudrais pour commencer souhaiter à tous un bon mois du ramadan.

J’ai l’honneur de présenter aujourd’hui au Conseil le troisième rapport du Secrétaire général présenté en application du paragraphe 6 de la résolution 2061 (2012) sur les activités de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI). J’informerai également les membres du Conseil des faits les plus récents survenus en Iraq.

Dix ans après la chute de l’ancien régime et moins de deux ans après le retrait des forces des États-Unis d’Amérique, la transition de l’Iraq vers la démocratie et la prospérité se trouve dans une phase décisive. Le pays peut continuer de faire des progrès importants pour enraciner davantage la démocratie, mener des réformes, accepter la diversité et améliorer sa position au sein de la communauté internationale ; ou alors l’Iraq peut suivre une pente dangereuse, marquée par une impasse politique et des violences interconfessionnelles à chaque virage, entraînant une instabilité accrue. Les Iraquiens et leurs dirigeants doivent maintenant prendre un ensemble de décisions essentielles, dont le résultat laissera des traces durables sur leur avenir.

Je suis extrêmement préoccupé par les faits survenus récemment en Iraq. J’ai le regret de signaler que les quatre derniers mois comptent parmi les plus sanglants que l’Iraq ait connus ces cinq dernières années. Près de 3 000 hommes, femmes et enfants ont été tués, et plus de 7 000 autres ont été blessés. Les auteurs de ces violences tirent parti de deux principaux facteurs d’instabilité dans le pays : l’impasse politique actuelle et la crise syrienne.

Près de sept mois après que les premières manifestations ont éclaté à Ramadi, les manifestants continuent d’organiser des sit-in sur les autoroutes internationales et places publiques dans les gouvernorats de l’ouest de l’Iraq. Ils affirment que le Gouvernement n’a toujours pas répondu à leurs revendications. Le Gouvernement indique quant à lui qu’il ne cesse de déployer des efforts pour y répondre. Par exemple, le Gouvernement a annoncé avoir libéré environ 8 000 détenus. De même, le Gouvernement a signalé qu’au 1er juillet, le comité présidé par M. al-Shahristani a rétabli les retraites et levé les saisies de biens, entre autres mesures qui ont un effet positif sur près de 300 000 citoyens.

Sur le plan législatif, les hauts responsables publics et les dirigeants politiques ont entrepris de formuler des projets de loi mutuellement acceptables qui répondent aux revendications des manifestants. J’ai le plaisir d’annoncer que ce processus a donné quelques résultats. En avril, le Conseil des Ministres a approuvé trois amendements essentiels à des lois qui posaient problème, dont le Parlement est actuellement saisi. Malheureusement, ces amendements, de même que d’autres textes législatifs importants, n’ont toujours pas été adoptés au Parlement.

J’ai continué d’exécuter le mandat de la MANUI en vue de promouvoir la réconciliation nationale. Je l’ai fait en consultant à plusieurs reprises et de manière soutenue de hauts responsables, les autorités religieuses et les représentants des principaux partis. J’ai également offert mes bons offices. Notre objectif était de faciliter les contacts entre les acteurs nationaux. Dans ce contexte, le Gouvernement iraquien a accepté un mécanisme de vérification conduit par la MANUI pour libérer des femmes détenues.

L’ONU reste le seul acteur international à être entré publiquement en contact avec les manifestants et leurs chefs de file. Nous avons continué d’aller à leur rencontre dans des lieux tels que Mosul et Ramadi, et même dans des villes d’autres pays.

Pour promouvoir une solution négociée, la MANUI a établi un ensemble de principes sur lesquels toute initiative de dialogue devrait s’appuyer. Ces principes affirment, premièrement, l’unité et l’intégrité du territoire iraquien ; deuxièmement, le rejet de toutes formes de violence ; troisièmement, l’éradication de toutes formes d’incitation au sectarisme ; quatrièmement, le respect de la Constitution comme loi suprême ; et, cinquièmement, le respect de toutes les libertés fondamentales et de tous les droits de l’homme, tels que consacrés par la Constitution.

J’appelle donc tous les dirigeants et représentants à mettre fin à l’impasse en adoptant les amendements et textes de lois proposés. J’appelle également les manifestants à maintenir le caractère pacifique de leurs manifestations et à entamer sans plus tarder un dialogue sincère et constructif.

Il est plus nécessaire que jamais de trouver une solution à la crise liée aux manifestants. Les risques ont été rappelés aux Iraquiens aux premières heures du mardi 23 avril. Les forces de sécurité iraquiennes ont affronté les manifestants dans la ville de Hawija, située au sud de Kirkouk. D’après les enquêtes que nous avons menées, les forces de sécurité iraquiennes ont employé la force de manière excessive face à des manifestants, non armés pour la plupart, tuant 45 personnes et en blessant 110 autres, toutes des civils pratiquement.

Hawija a été le point de départ d’une vague de heurts et d’attaques meurtriers à travers l’Iraq. J’ai condamné ces violences et demandé au Gouvernement de lancer une enquête publique, indépendante et transparente et de traduire en justice les responsables.

Après les incidents survenus à Hawija, un certain nombre de groupes armés opèrent de nouveau. Certains sont affiliés à des groupes terroristes tels qu’Al-Qaida. D’autres sont des milices bien connues qui sont soupçonnées d’enlever et de tuer en se fondant uniquement sur l’appartenance religieuse de leurs victimes.

Les élections aux conseils de gouvernorat organisées récemment montrent que l’Iraq peut suivre une autre voie vers la paix et la stabilité. Le 20 avril, plus de 6 millions d’électeurs iraquiens , dont 3 millions de femmes, se sont rendus aux urnes dans 12 des 18 gouvernorats iraquiens. C’est avec satisfaction que je signale que cette journée a été marquée par un taux de participation acceptable, avec une moyenne nationale de plus de 50 %.

Je suis rassuré par le fait que les élections qui avaient été reportées à Anbar et Ninewa ont finalement été organisées le 20 juin. J’ai été encouragé de voir que les électeurs sont allés voter malgré les menaces de violence et d’attaques existantes.

Alors que les nouveaux représentants élus forment leurs gouvernements locaux, j’espère que ce processus apportera des améliorations concrètes dans la vie des citoyens.

Dans leur ensemble, les élections du 20 avril et du 20 juin sont les premières élections que les Iraquiens ont réussi à organiser entièrement seuls. Je voudrais donc féliciter le Président, le Commissaire et le personnel de la Haute Commission électorale indépendante pour le professionnalisme avec lequel ils ont supervisé, organisé et conduit les élections.

J’ai également le plaisir de signaler que les relations arabo-kurdes, qui étaient au plus mal, sont de nouveau en train de s’améliorer. Les décisions audacieuses que les dirigeants arabes et kurdes ont prises en sont le meilleur exemple. Après une visite du Premier Ministre de la région du Kurdistan, Nechivan Barzani, effectuée le 29 avril, le Premier Ministre Nouri al-Maliki s’est rendu à Erbil, le 9 juin, où il a tenu une session du Conseil des ministres. Il y a quelques jours, le Président Massoud Barzani s’est rendu à Bagdad pour rencontrer le Premier Ministre Al-Maliki, le Président du Conseil des représentants, Usama Al-Nujaifi, et d’autres responsables politiques. Ces visites réciproques sont un signe encourageant d’esprit de décision et de sagesse politique, des deux côtés.

Sept comités conjoints Bagdad-Erbil négocient maintenant des questions non réglées et déterminantes, y compris le budget fédéral, la législation relative au pétrole et au gaz ; les frontières contestées et les accords relatifs à la sécurité. Je tiens à réaffirmer notre ferme appui à ces efforts, qui prouvent qu’un dialogue direct est le seul moyen d’aplanir les divergences. Je tiens donc à renouveler l’offre de la MANUI de fournir une assistance à n’importe quel stade. Le rôle de la MANUI dans le règlement du problème des frontières intérieures contestées est un élément central de notre mandat. Je crains que nous n’ayons pas pu faire beaucoup durant mon mandat.

J’estime encourageante la volonté de toutes les composantes à Kirkouk d’y organiser des élections. J’ai parrainé un certain nombre de réunions à Bagdad et à Kirkouk pour rapprocher les points de vue entre les composantes. Nous continuons d’offrir nos bons offices à cet égard.

Je salue la décision d’organiser des élections législatives et provinciales dans la région du Kurdistan le 21 septembre. J’appelle les autorités de la région du Kurdistan à mener à terme tous les préparatifs pour que ces élections aient lieu sans plus tarder. Toutefois, le 30 juin, le Parlement de la région du Kurdistan a décidé de reporter l’élection présidentielle de deux ans. C’est une source de préoccupation. Les élections sont le fondement de la démocratie. La MANUI appuie l’organisation d’élections régulières, dans les délais prévus, à tous les niveaux.

L’Iraq a fait de grands pas vers le rétablissement de la stature internationale qui était la sienne avant 1990, ce qui illustre parfaitement l’amélioration de ses relations régionales. Je félicite les Gouvernements iraquien et koweïtien de leur détermination à mener à bien le projet d’entretien des bornes frontière dans les délais et à créer un mécanisme technique bilatéral pour lui succéder et mener ainsi à bonne fin la mise en œuvre la résolution 833 (1993).

En recevant les fonds mis en réserve auprès de l’ONU aux fins de l’indemnisation des particuliers iraquiens dont les biens étaient demeurés sur le territoire koweïtien à la suite de la démarcation, le Gouvernement iraquien a achevé la mise en œuvre de la résolution 899 (1994). La MANUI est impatiente de mettre en œuvre la résolution 2107 (2013), qui transfère à la Mission les obligations relatives aux ressortissants koweïtiens et aux nationaux de pays tiers portés disparus ainsi qu’aux biens koweïtiens manquants, notamment les archives nationales. Je salue également la visite effectuée par S. A. le Premier Ministre Al-Sabah à Bagdad le 12 juin, qui a débouché sur la signature d’un certain nombre d’accords bilatéraux dans plusieurs domaines. Je suis certain que les deux Gouvernements ont inauguré une nouvelle ère de coopération.

La violence en Iraq ne saurait être dissociée de la guerre civile en Syrie. Les champs de bataille se rejoignent. Des groupes armés iraquiens se montrent de plus en plus actifs en Syrie. Ainsi, le conflit syrien ne se limite plus à déborder en Iraq. Au contraire, il s’est répandu en Iraq, puisqu’on signale que des Iraquiens ont pris les armes contre des concitoyens en Syrie et en Iraq. Cette violence pourrait facilement échapper à tout contrôle si l’on ne réagit pas rapidement. Le conflit syrien a des répercussions sur l’Iraq en ce qu’il a provoqué un afflux constant de réfugiés. Au 7 juillet, plus de 160 000 réfugiés syriens avaient été recensés en Iraq, la majorité dans la région du Kurdistan. Une situation particulièrement urgente est apparue dans le camp Domiz, dans la région du Kurdistan. Le nombre croissant de réfugiés entrant dans la région s’est traduit par un surpeuplement du camp. La capacité d’accueil initiale du camp Domiz était de 28 000 personnes, or il en abrite actuellement quelque 42 000.

Pour faire face à la crise syrienne, les organismes humanitaires des Nations Unies présents en Iraq ont lancé le cinquième plan de gestion régionale de la situation des réfugiés syriens, dont le montant s’élève à 310 millions de dollars et qui permettra de couvrir les opérations humanitaires jusqu’à la fin de l’année. Je prie les États Membres de répondre à cet appel en versant des contributions financières pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés. Je félicite les Gouvernements iraquien et de la région du Kurdistan de ce qu’ils ont déjà fait pour les réfugiés syriens. Je prie les autorités centrales et les autorités kurdes de se montrer encore plus généreuses et hospitalières en fournissant les ressources et les terres supplémentaires nécessaires pour faire face à la situation à Domiz.

J’appelle également l’attention du Conseil sur la question de la fermeture de la frontière avec la Syrie, qui limite encore davantage le périmètre de protection des personnes qui en ont besoin. D’autre part, depuis mars 2013, les points de passage ont été complètement fermés, ce qui empêche les Syriens de venir chercher refuge en Iraq. Je prie le Gouvernement iraquien de rouvrir la frontière aussitôt que possible.

Les facteurs d’instabilité que j’ai mentionnés ont des répercussions directes sur la vie des Iraquiens, en particulier dans le domaine des droits de l’homme, question qui nous préoccupe gravement. L’aggravation des conditions de sécurité empêche de nombreux Iraquiens de vivre une vie sûre, ce qui devrait pourtant être le cas de tout le monde. Alors que la population de Kirkouk a entamé le mois sacré du ramadan, des dizaines de personnes ont été tuées de sang froid alors qu’elles célébraient le ramadan dans des cafés bondés. Je condamne fermement les attentats terroristes brutaux qui ont fait des centaines de morts ces deux dernières semaines. Les traces de ce conflit ont marqué l’ensemble de la société. Il a privé un enfant sur trois de nombreux services de base et de ses droits fondamentaux. C’est une zone dans laquelle les graves violations se poursuivent.

Les minorités sont la cible d’actes de violence, y compris d’assassinats et d’enlèvements contre rançon. Au cours des semaines et des mois écoulés, des attaques ont notamment ciblé les communautés yézidie, chrétienne et noire iraquienne. Aucun élément n’a été épargné. Le 25 juin, deux attentats suicides commis à Tuz Khormato ont fait des victimes parmi la minorité turkmène. Deux dirigeants turkmènes se trouvaient parmi les victimes.

Dans le même temps, des exactions, des mauvais traitements ou des actes de torture commis en prison, en particulier dans des installations qui dépendent du Ministère de l’intérieur, continuent d’être signalés à la MANUI – problème qui fait l’objet d’une attention accrue car il fait partie des revendications des manifestants. Le 16 avril, les autorités iraquiennes ont exécuté 21 personnes condamnées en vertu de la loi nationale sur la lutte contre le terrorisme. Je trouve encourageant le fait qu’il n’y ait pas eu de nouvelles exécutions depuis avril. Je prie une nouvelle fois le Gouvernement de déclarer un moratoire officiel sur l’application de la peine de mort.

J’en viens maintenant à la question des sites de transit temporaire du camp d’Ashraf et du camp Hurriya. Alors que mon mandat touche à sa fin, j’estime que nous avons parcouru un long chemin. Une crise grave a été désamorcée en décembre 2011. Depuis, presque tous les résidents du camp d’Ashraf ont été réinstallés au camp Hurriya. Parmi les résidents, 1 600 personnes ont été reconnues par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) comme ayant besoin d’une protection internationale, et 135 ont été réinstallées dans des pays sûrs. Ensemble, nous avons envisagé toutes les possibilités en vue de trouver une solution aux problèmes humanitaires, et ce sur la base de négociations persistantes entre tous les acteurs concernés.

Je remercie le Gouvernement iraquien de son approche constructive et de sa compréhension. Je sais qu’il n’est pas satisfait des progrès accomplis à ce jour, mais il est encore possible d’éviter un bain de sang. Je remercie également les résidents du camp d’Ashraf et du camp Hurriya et leurs dirigeants. J’ai toujours compris leurs sentiments. Il leur est difficile de quitter un lieu où ils ont passé la plus grande partie de leur vie adulte – le camp d’Ashraf. Je tiens à rappeler mes nombreuses rencontres avec les dirigeants de l’Organisation des moudjahidin à Paris, ainsi que les plus de 60 heures de négociations qui ont été nécessaires pour permettre la réinstallation volontaire et pacifique de tous les résidents sauf 100. Tout au long de ce processus, la propagande a représenté un aspect de la question. L’autre était l’organisation de pourparlers cohérents, confidentiels et constructifs en coulisse. Je remercie également les États-Unis et l’Union européenne de leur appui.

Je vais ajouter quatre brèves remarques à ce sujet. Premièrement, notre principale préoccupation est la sécurité des résidents du camp Hurriya. Le 9 février et le 15 juin, le camp a été visé par des roquettes. Je condamne fermement ces attaques. Ces événements tragiques ont fait 10 morts et 71 blessés parmi les résidents. Le Gouvernement a ouvert une enquête sur ces incidents. En vertu du mémorandum d’accord, le Gouvernement iraquien est exclusivement responsable de la sûreté et de la sécurité des résidents. J’ai rappelé à maintes reprises aux autorités iraquiennes au plus haut niveau, à la fois par écrit et oralement, qu’elles devaient répondre favorablement aux appels des résidents du camp, qui demandent la mise en place de mesures de protection supplémentaires. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas encore pleinement donné suite à ces appels.

Deuxièmement, la situation dans le camp d’Ashraf demeure tendue. Les 100 résidents restants ne sont pas prêts à partir si la question des biens n’est pas réglée. Dans l’intervalle, le Gouvernement a pris des mesures juridiques pour expulser les derniers résidents et régler la question des biens, et il a prié les résidents de nommer des avocats pour les représenter dans le cadre des procédures juridiques. Les résidents n’ont toutefois pas donné suite.

Troisièmement, les Gouvernements albanais et allemand ont offert d’accueillir respectivement 210 et 100 résidents sur leur territoire. La réinstallation dans les deux pays a commencé, et je remercie ces deux Gouvernements de leur générosité, qui a permis d’offrir des possibilités de réinstallation. Cependant, nous cherchons toujours à réinstaller 90 % des résidents. Il n’existe pas d’autre solution pacifique que la réinstallation dans des pays autres que l’Iraq, et je lance un appel à tous les États Membres afin qu’ils envisagent d’accueillir les résidents restants. Néanmoins, leur réinstallation dans des pays tiers exige que les résidents du camp Hurriya coopèrent avec le HCR. Depuis l’attentat terroriste du 9 février, les résidents du camp Hurriya boycottent les entretiens avec les représentants du HCR. En conséquence, le HCR a décidé d’adapter sa présence et de conserver une équipe réduite au cas où les résidents décideraient de relancer le processus et de coopérer, mais également de permettre à d’autres pays désireux d’accueillir des résidents de se manifester.

Les violations des droits de l’homme par les dirigeants du camp Hurriya à l’intérieur du camp lui-même sont de plus en plus préoccupantes. Des centaines de rapports quotidiens semblent indiquer que les habitants de ce camp sont très sévèrement contrôlés. Un nombre important d’entre eux ont dit aux observateurs des Nations Unies qu’ils ne peuvent pas quitter le camp pour participer au processus de réinstallation mis en place par le HCR, contacter des membres de leur famille en dehors de l’Iraq ou avoir des contacts avec d’autres parents à l’intérieur du camp lui- même. Certains résidents ont signalé que les dirigeants du camp leur avaient refusé l’accès à des traitements médicaux. D’autres ont dit avoir été la cible d’insultes et autres formes d’abus pour avoir été en désaccord avec les dirigeants ou pour avoir exprimé le souhait de sortir du camp.

J’engage instamment les dirigeants du camp à respecter pleinement les droits des résidents, à les autoriser à quitter le camp s’ils le souhaitent et à circuler librement à l’intérieur du camp sans être surveillés, et à permettre aux résidents de pouvoir faire des appels téléphoniques en toute liberté et d’avoir également accès au courrier électronique et à l’Internet. Et les dirigeants du camp n’autorisent pas non plus des conversations non supervisées avec les observateurs des Nations Unies. Certains résidents ont dit aux résidents qu’ils s’exposent à des conséquences graves s’ils tentent de contacter les observateurs des Nations Unies sans la permission des dirigeants du camp. Je suis également déçu par le fait que les observateurs des Nations Unies sont souvent maltraités. Nos collègues ne méritent pas d’être la cible de crachats. Notre engagement est d’ordre humanitaire. Je demande aux résidents du camp Hurriya d’accepter notre main tendue pour les aider à commencer une nouvelle vie. J’appelle de nouveau toutes les parties à rester patientes et à trouver un règlement pacifique aux questions en suspens.

Je voudrais, alors que mon mandat en Iraq s’achève, faire quelques observations personnelles. Ce qui frappe à propos de l’Iraq et de son peuple, c’est que, en dépit de la violence, les Iraquiens jouissent de libertés nouvellement acquises. J’ai choisi délibérément le mémorial de Halabja comme destination d’une de mes premières et dernières visites en dehors de Bagdad,
car c’est un symbole et un rappel que les atrocités de la dictature ne doivent pas se reproduire ; un symbole et un rappel que l’avenir de l’Iraq réside dans une coexistence pacifique ; et un symbole et un rappel que faire aujourd’hui le choix de la bonne voie, c’est garantir demain des conditions pacifiques.

Chiites, Sunnites, Kurdes, Turkomans, Assyriens, Chrétiens, Shabaks, Sabéens, Mandéens, Yézidis et autres ont tous subi des souffrances qu’ils n’oublieront pas et qu’ils ne doivent jamais plus connaître. Je sais que la plupart des Iraquiens se tournent vers l’avenir et cherchent à oublier le passé. Ils devraient tous accepter leurs diverses communautés dans le cadre d’une coexistence pacifique. Pour les y aider, je voudrais mettre en exergue quatre principes que je juge importants alors que mon mandat s’achève.

Premièrement, la Constitution doit être défendue et appliquée dans son intégralité. Les premiers articles de la Constitution iraquienne insistent sur la nécessité de protéger la diversité et le fédéralisme du pays. C’est pour cette raison que les Iraquiens doivent faire de la Constitution le cadre politique de règlement de tous les conflits en cours.

Deuxièmement, les ressources de l’Iraq doivent être utilisées de manière efficace et distribuées de manière équitable. L’Iraq est aujourd’hui le troisième exportateur mondial de pétrole et le deuxième producteur de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole. Les vastes ressources naturelles du pays sont comme une assurance – de l’or qui git littéralement à ses pieds. Mais l’Iraq doit les gérer de manière efficace et partager les revenus de ses ressources en hydrocarbures. Ceci est d’une importance fondamentale pour la croissance économique du pays, son développement social et sa stabilité politique. Pour garantir que tous les Iraquiens en bénéficient, je demande au Gouvernement central et au Gouvernement régional du Kurdistan de conclure au plus tôt un accord sur le partage des recettes pétrolières et gazières.

Troisièmement, il faut protéger l’environnement. L’Iraq a été victime de tempêtes de sable et de poussière qui ont ravagé sa population et son économie. Ses voisins en souffrent tout autant. C’est pourquoi je salue le lancement par le Programme des Nations Unies pour l’environnement d’un nouveau programme régional de lutte contre les tempêtes de sable et de poussière. Je voudrais également saluer l’initiative de haut niveau prise par le Premier Ministre Al-Maliki de créer une commission nationale chargée de lutter contre les tempêtes de sable et de poussière en Iraq et de faciliter la coopération régionale sur cette question. Il est impératif de faire reculer la dégradation de l’environnement en Iraq et dans la région et de le faire immédiatement.

Mon dernier point enfin, c’est que les femmes constituent plus de la moitié de la population iraquienne, mais l’insécurité, la discrimination et d’autres facteurs continuent de limiter les perspectives données aux femmes iraquiennes de reconstruire leur pays. J’appelle le Gouvernement à renforcer et à mettre en œuvre une politique nationale en faveur des femmes. L’Iraq ne connaîtra la paix et le progrès que si les hommes et les femmes peuvent vivre à l’abri de la violence. Les actes doivent faire suite aux paroles.

La préoccupation très vive que je ressens pour la jeunesse iraquienne est bien connue du Conseil. Je voudrais évoquer leur situation de la manière la plus urgente. J’ai déjà parlé du nombre dévastateur de morts en Iraq ces derniers mois. La terreur et la violence ont un impact profond et troublant sur la jeunesse. L’Iraq vit depuis des décennies dans la guerre et la peur. Et une nouvelle génération est confrontée à des traumatismes et à des tueries.

Les enfants et les jeunes traumatisés d’aujourd’hui seront les adultes traumatisés de demain. L’insécurité est une des raisons de leur sentiment d’impuissance. Les jeunes Iraquiens veulent une éducation et des perspectives, mais ils ne trouvent pas de travail. Les jeunes Iraquiens sont dynamiques et s’intéressent à la politique, mais ils ne sont pas représentés et n’ont pas de plateforme leur permettant de se faire entendre. La peur, la frustration, l’impuissance – ces sentiments affligent la jeunesse iraquienne et sont à contre- courant de l’espoir, de l’optimisme et de l’ambition qui soutiennent leur conviction dans l’avenir de leur pays. Les jeunes Iraquiens recherchent une vie meilleure à l’étranger car l’espoir et l’optimisme sont en recul. Je pense qu’ils resteraient s’ils avaient la moindre chance de construire leur propre avenir sur leur terre natale. Les dirigeants doivent prendre des mesures pour garder en Iraq cette jeunesse prometteuse. La stratégie sur la jeunesse nationale ne doit pas rester un simple bout de papier ; elle doit se concrétiser.

Je voudrais, en guise de conclusion, lancer un dernier appel au Conseil et à la communauté internationale. Tandis que le Moyen-Orient connaît des bouleversements et une période d’incertitude, il est grand temps que la communauté internationale et les acteurs régionaux formulent une vision pour la région tout entière. En raison de la gravité de la situation, la communauté internationale doit accorder bien plus d’attention à l’ensemble de cette région, car tous les événements sont interconnectés.

Je remercie le Gouvernement iraquien pour sa coopération au cours de l’année 2013, comme lors des années précédentes. Je voudrais également que soient consignés mes sincères remerciements au Conseil de sécurité pour son appui continu. Mais, alors que mon mandat touche à sa fin, je tiens à remercier tout particulièrement notre équipe des Nations Unies, la MANUI et l’équipe de pays, les centaines d’hommes et de femmes dévoués qui travaillent en Iraq dans des circonstances extrêmement difficiles et dans un climat de violence. Je voue également toute mon admiration au personnel d’appui, aux opérateurs et aux ingénieurs aériens, aux cuisiniers et aux nettoyeurs, aux spécialistes de l’informatique et au personnel de sécurité sans lesquels nous n’aurions pas pu nous acquitter de mandat politique, des droits de l’homme et de développement.

Je pars avec un sentiment de satisfaction humaine et professionnelle. Beaucoup de travail a été fait ces dernières années, mais il reste encore beaucoup à faire. Le rôle de la MANUI est plus important qu’il ne l’a jamais été. Je compte sur mes collègues pour poursuivre le mandat de la Mission avec autant de professionnalisme et de dévouement. Je souhaite bonne chance à mon successeur.

J’ai tenté sincèrement de m’acquitter du mandat que le Conseil m’a confié en conseillant et en aidant le peuple et le Gouvernement iraquiens. Je terminerai en souhaitant au peuple iraquien un avenir de paix, de prospérité et de bien-être.

La Présidente (parle en anglais) : Je remercie M. Kobler pour son exposé.

Je donne maintenant la parole au représentant de l’Iraq.

M. Alhakim (Iraq) (parle en arabe) : Je tiens d’abord à remercier sincèrement M. Martin Kobler, Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), des efforts immenses qu’il a déployés pour aider le peuple et le Gouvernement iraquiens en sa qualité de Chef de la MANUI. Nous souhaitons un plein succès à M. Kobler dans ses futures entreprises et remercions toute son équipe à Bagdad et à New York.

Après avoir étudié le rapport du Secrétaire général (S/2013/408) sur les activités de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), je voudrais faire les observations suivantes. J’ai l’honneur de transmettre au Conseil le souhait du Gouvernement de la République d’Iraq que le mandat de la MANUI soit prorogé pour une année supplémentaire conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Les efforts déployés par les Gouvernements iraquien et koweïtien ont permis de régler les questions en suspens, notamment en ce qui concerne les ressortissants koweïtiens et les nationaux de pays tiers portés disparus et la localisation de leurs dépouilles, ainsi que la question des archives nationales koweïtiennes. Un arrangement juridique a ainsi été trouvé concernant la poursuite des recherches des disparus et de leurs dépouilles, conformément aux dispositions du Chapitre VI de la Charte. Les efforts combinés de nos deux pays et de l’ONU se sont traduits par l’adoption de la résolution 2107 (2013).

La MANUI a joué un rôle positif et efficace en Iraq permettant de rapprocher les points de vue des formations politiques iraquiennes et le succès de l’élection au Conseil de gouvernement, qui s’est déroulée dans le calme et sans incidents. Le Gouvernement de la République d’Iraq espère par ailleurs que la MANUI lui apportera un appui logistique afin d’obtenir un nombre suffisant d’observateurs pour garantir la transparence des élections parlementaires prévues au premier semestre de 2014.

Conformément à la politique démocratique adoptée par le Gouvernement iraquien, des élections aux conseils de gouvernorat ont été organisées le 20 avril dans 12 gouvernorats du pays, ainsi que le 20 juin dans les gouvernorats de Ninive et d’Anbar. Elles ont permis aux citoyens iraquiens de choisir leurs représentants au gouvernement local de manière régulière et transparente, conformément aux normes internationales, le tout en coopération avec la MANUI et sous la supervision de la Haute Commission électorale indépendante et des représentants des différents blocs politiques. Ces élections ont été un succès et laissent de ce fait espérer le bon déroulement des élections parlementaires l’année prochaine. Nous franchirons ainsi un nouveau pas dans le processus politique élaboré par les Iraquiens pour que le transfert du pouvoir s’effectue de manière pacifique par la voie des urnes. Suite aux élections qui viennent d’avoir lieu, les gouverneurs nouvellement élus ont pu former les nouveaux conseils de gouvernorat.

En ce qui concerne les manifestations populaires organisées dans un certain nombre de villes iraquiennes, le Gouvernement a confirmé que le droit de manifester pacifiquement est un droit garanti pour tous les Iraquiens afin qu’ils puissent exprimer leurs vues sans violence, comme le prévoit la Constitution. Le Gouvernement s’est efforcé sans attendre de satisfaire les revendications légitimes des manifestants, qu’il a examinées de manière constructive, conformément à la Constitution iraquienne. Il a ainsi répondu favorablement à un grand nombre d’entre elles.

Pour ce qui est du camp Hurriya, mon gouvernement condamne l’attaque au mortier commise récemment par des groupes terroristes et des milices qui a fait plusieurs morts ainsi que des blessés. Cette attaque faisait partie d’une vague d’attentats qui a frappé tout le pays. Mon gouvernement rappelle à quel point il importe d’assurer la protection des résidents des camps et de leur fournir l’aide humanitaire et les soins de santé dont ils ont besoin. Le Gouvernement a fait ériger des structures en béton dans ce camp afin de protéger les résidents contre toute attaque future. Nous nous félicitons de la décision du Gouvernement albanais d’accueillir sur son sol 210 résidents du camp, et nous sommes heureux que le premier groupe de 71 individus soit arrivé en Albanie. Nous nous félicitons également de l’offre du Gouvernement allemand d’accueillir 100 résidents du camp.

Conformément à la volonté du Gouvernement de développer le capital humain et le secteur social de l’Iraq, nous avons signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées et levé nos réserves sur le paragraphe 9 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, permettant ainsi aux enfants nés de mère iraquienne d’obtenir la nationalité iraquienne.

En conclusion, j’ai le plaisir de faire part du souhait du Gouvernement iraquien de voir le mandat de la MANUI prolongé pour une année supplémentaire, conformément à la lettre et à l’esprit des dispositions de la résolution 1770 (2007), afin que la MANUI continue de fournir assistance et conseil à la demande du Gouvernement iraquien.

La Présidente (parle en anglais) : Il n’y a pas d’autres orateurs inscrits sur ma liste. J’invite à présent les membres à poursuivre le débat sur la question dans le cadre de consultations.

La séance est levée à 15 h 55.