Le gouvernement français a publié, les 6 février et 5 mars 2015, deux décrets portant respectivement sur le blocage et le dé-référencement de sites internet « provoquant à des actes de terrorisme ou en faisant l’apologie et des sites diffusant des images et représentations de mineurs à caractère pornographique » [1].

Contrairement à la tradition juridique et aux principes du droit, l’autorité administrative pourra prendre toutes les décisions hors du contrôle de la Justice. Tout au plus sera-t-elle tenue d’en informer la Commission nationale informatique et libertés (CNIL), une simple commission para administrative.

Ce privilège de l’État existait déjà, en matière de presse écrite, de 1939 à 2010, avec la loi sur « le contrôle de la presse étrangère ». Il avait été admis que, dans les cas où il paraissait difficile de poursuivre les auteurs, éditeurs ou imprimeurs de certains livres étrangers depuis le territoire national, le ministre de l’Intérieur pouvait les interdire hors du contrôle de la Justice.

Par principe, le Réseau Voltaire a toujours plaidé pour que les interdictions de presse —qu’elle soit écrite ou sous tout autre support— ne puissent exister hors du contrôle d’un juge. Avec mauvaise foi, certains journalistes nous ont accusés de soutenir le contenu de tel ou tel ouvrage censuré, alors que notre position porte sur le mode d’exercice de la censure et non sur le contenu des matériels censurés. L’Histoire a trop souvent montré que l’État commençait à censurer des textes indéfendables, sans provoquer de réaction de l’opinion publique, pour s’arroger un pouvoir qu’il continuait ultérieurement à exercer pour une répression politique.

[1Décrets n° 2015-125 et n° 2015-253.