Valerie Amos, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence

La séance est ouverte à 15 h 10.

Adoption de l’ordre du jour

L’ordre du jour est adopté.

La Présidente, Mme Murmokaitė(Lituanie) (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de la République arabe syrienne à participer à la présente séance.

Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite Mme Valerie Amos, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, à participer à la présente séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

J’appelle l’attention des membres du Conseil sur le document S/2015/368, qui contient le rapport du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité.

Avant de donner la parole à Mme Amos, je voudrais saisir cette occasion, puisque ce sera aujourd’hui son dernier exposé au Conseil en qualité de Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, pour la remercier de ses exceptionnels états de services. Le Conseil lui souhaite plein succès dans ses projets futurs.

Je donne maintenant la parole à Mme Amos.

Mme Amos, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence (parle en anglais) : Étant donné qu’il s’agit de mon dernier exposé au Conseil, il est à propos, à bien des égards, qu’il porte sur la Syrie, puisque, durant mon mandat de Coordonnatrice des secours d’urgence, c’est la crise à laquelle j’ai dû – comme le Conseil – consacrer plus de temps et d’attention que toute autre crise au monde. C’est la crise syrienne et ses conséquences qui m’ont amenée à la conclusion que le Conseil et, de façon plus générale, la communauté internationale doivent faire davantage pour protéger les civils et mieux veiller à ce que les auteurs de violations du droit international humanitaire en répondent.

J’ai été fière de servir les Nations Unies car j’ai une foi très forte dans les valeurs de l’Organisation et les principes qui sous-tendent la Charte des Nations Unies, et parce que je pense que dans le monde imprévisible et profondément troublé que nous connaissons aujourd’hui, nous avons plus que jamais besoin des Nations Unies. En voyant monter en flèche le nombre de personnes qui, autour du monde, sont touchées par un conflit ou des catastrophes naturelles – 70 millions de personnes, selon les estimations, en 2010, lorsque j’ai commencé, et 114 millions aujourd’hui –, je me suis rendue à l’évidence qu’il était nécessaire de repenser foncièrement l’intervention humanitaire effective – qui fait quoi, qui paie – et d’investir davantage dans la prévention des conflits, la préparation en prévision des catastrophes, la consolidation de la paix et l’édification de l’État.

Dans le temps que j’ai passé à ces fonctions, j’ai pu voir à l’œuvre le pire, absolu, de ce dont des gens soient capables, mais aussi le meilleur de l’humanité à tous points de vue, comme ces Syriens innombrables qui, en dépit de la gravité de leur situation, n’ont pas renoncé à l’espoir et refusent d’ajouter foi aux thèses qui voudraient que les problèmes du pays puissent être résolus par la violence. On le voit aussi dans les liens noués entre de parfaits étrangers qui font tout ce qu’ils peuvent pour s’aider entre compatriotes à survivre. On le constate dans la générosité des familles qui, en Syrie et dans les pays voisins, offrent le gîte et le couvert, et des vêtements, aux déplacés, sans rien demander en retour.

Cet esprit s’incarne dans l’action du personnel et des volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien et des organisations non gouvernementales, des premiers intervenants et du personnel des hôpitaux et des cliniques de tout le pays qui ne laissent pas des intérêts politiques étroits se mettre en travers de leur détermination de faire tout ce qu’ils peuvent pour préserver le bien- être des Syriens ordinaires. Et il est à l’œuvre avec les milliers de membres du personnel des Nations Unies sur le terrain qui s’acquittent de leurs fonctions jour après jour, en dépit des pressions politiques mesquines et, dans certains cas, de la violence et des intimidations subies de la part des parties au conflit.

Depuis plus de quatre ans, nous avons vu la Syrie s’enfoncer toujours plus profondément dans le désespoir, un désespoir qui surpasse ce que les observateurs même les plus pessimistes estimaient possible. La situation dans tout le pays est, de quelque point de vue que l’on se place, extrêmement grave, et continue de se dégrader jour après jour. Dans les dernières semaines, nous avons vu se multiplier toujours plus les actes odieux, et augmenter le nombre des innocents, hommes, femmes, enfants, qui se font tuer, mutiler, sont forcés à l’exode, et subissent une sauvagerie qu’aucun humain ne devrait jamais avoir à endurer. À titre d’exemple, un marché de Darkouch, dans la zone rurale de la province d’Edleb, a été l’objet fin avril de bombardements aériens qui ont fait entre 40 et 50 morts et plus de 100 blessés parmi les civils. Le même marché a été de nouveau frappé la semaine dernière par un bombardement, où 20 personnes, de nouveau, ont perdu la vie, selon les informations dont nous disposons. Selon des informations qui ont circulé, l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) aurait tué des civils suite à sa prise de Palmyre, la semaine dernière. Un mépris si flagrant pour les règles les plus élémentaires du droit international humanitaire – la distinction entre civils et combattants – doit être condamné dans les termes les plus énergiques.

L’année dernière, en février, le Conseil s’est réuni pour adopter la résolution 2139 (2014). Il s’est montré clair dans ce qu’il exigeait des parties : qu’elles mettent fin à la violence, se conforment au droit international, et veillent à respecter l’obligation qui leur est faite de faciliter l’accès de l’aide humanitaire aux personnes dans le besoin. Or, depuis 15 mois maintenant, le Secrétaire général fait systématiquement état du non- respect continuel des exigences du Conseil. Alors que les envois à travers les frontières, autorisés en vertu des résolutions 2165 (2014) et 2191 (2014), ont permis à l’ONU d’accéder à davantage de personnes et de compléter les efforts considérables déployés par les organisations non gouvernementales avec lesquelles nous travaillons en partenariat, les parties au conflit ont fait fi de la quasi-totalité des aspects de la résolution.

On continue de signaler des cas d’utilisation du chlore, qui tue, blesse et terrorise la population civile. Les attaques aveugles, bien qu’interdites par le droit international humanitaire, se poursuivent sans égard aucun pour la protection des civils. Les écoles et les hôpitaux continuent d’être l’objet d’attaques. L’organisation Médecins pour les droits de l’homme a recensé en avril plus d’attaques contre des installations médicales qu’il n’en avait enregistrées chaque mois depuis l’adoption de la résolution 2139 (2014). Quelque 422 000 personnes, soit près du double du chiffre recensé lors de l’adoption de la résolution 2139 (2014), se trouvent dans des zones assiégées. Si j’avais fait état de ce fait au début du conflit, je suis sûre que les membres du Conseil n’auraient pas cru que cela soit possible ; aujourd’hui, nous acceptons ce chiffre sans réagir. L’ONU et ses partenaires n’ont pas été en mesure d’atteindre la moindre des villes assiégées en avril.

La population essaie de survivre au jour le jour en l’absence de produits et services vitaux comme l’eau et l’électricité, et les parties au conflit continuent de procéder à des coupures des services de base, punissant collectivement par là même des villages et des villes tout entiers. Les restrictions imposées à l’acheminement de l’aide continuent. La promulgation par le Gouvernement de réglementations nouvelles, qui engendrent des retards et des diversions, nous empêche d’acheminer l’aide, notamment les fournitures chirurgicales, aux personnes qui en ont cruellement besoin. Sur les 48 convois interorganisations demandés depuis décembre, cinq seulement ont pu être menés à bien, neuf ont bénéficié d’une autorisation de principe du Gouvernement syrien et sont à différents stades de préparation, et 11 autres ont été mis en attente en raison de l’insécurité. Dix-neuf autres sont encore en attente d’une réponse.

La progression de l’EIIL amène avec elle de nouveaux sommets de dépravation en Syrie, avec tueries et mutilations aveugles, viols et destructions. L’EIIL a recruté de force des enfants et rendu l’acheminement de l’aide humanitaire de plus en plus difficile dans les zones qu’il contrôle. Outre les restrictions dont ils pâtissent pour les opérations de fourniture de vivres et d’autres provisions, les agents humanitaires se sont vu empêcher de vacciner les enfants dans les zones du pays sous leur contrôle.

Aujourd’hui, plus de 12,2 millions de personnes en Syrie ont besoin d’une aide humanitaire d’urgence, soit près d’un tiers de plus qu’à la date d’adoption de la résolution 2139 (2014). Nombre de ceux qui étaient auparavant en mesure de se débrouiller par eux-mêmes ont dorénavant besoin d’aide. Moins de la moitié des hôpitaux du pays fonctionnent à plein rendement. Deux millions d’enfants en Syrie ne vont pas à l’école. Le coût social, économique et humain de cette tragédie est très élevé. Il faudra peut-être des générations à la Syrie pour s’en remettre. Cinq cent quarante mille personnes ont été déplacées rien que cette année, qui viennent s’ajouter aux 7,6 millions de personnes déplacées auparavant. Près de 4 autres millions de personnes ont cherché refuge dans les pays voisins, ce qui met sous pression, à un point insupportable, les pays et collectivités d’accueil. Je remercie la Jordanie, le Liban et la Turquie de leurs notables efforts à cet égard. Le désespoir auquel se trouvent réduits les gens conduit un nombre de plus en plus grand d’entre eux à tenter la périlleuse traversée vers l’Europe.

Le Conseil de sécurité peut montrer la voie en la matière et s’acquitter de sa responsabilité de maintien de la paix et de la sécurité internationales en prenant les mesures suivantes.

Premièrement, il doit assurer la protection des civils. Deuxièmement, il doit veiller à ce que les parties au conflit se conforment à leurs obligations juridiques internationales et aux résolutions du Conseil de sécurité en facilitant l’accès des agents humanitaires à toutes les personnes qui ont besoin d’aide dans l’ensemble du pays, sans discrimination. Troisièmement, il doit mettre fin aux sièges, qui font subir une punition collective à la population. Quatrièmement, il doit envisager tous les moyens possibles pour assurer le respect du principe de responsabilité, envoyant ainsi un message clair aux auteurs de violations du droit international, ainsi qu’à leurs victimes, à savoir que la communauté internationale ne saurait tolérer de tels agissements en Syrie ou ailleurs. Cinquièmement, il doit accroître l’appui financier destiné à l’action humanitaire ; et sixièmement, il doit respecter le caractère apolitique de l’aide humanitaire et donner aux travailleurs humanitaires la marge de manœuvre dont ils ont besoin pour mener leurs activités sans subir de pressions politiques.

Je sais qu’il n’y a pas de réponses faciles ni de solutions rapides. Mais je sais aussi que les difficultés ne doivent pas nous empêcher d’assumer la responsabilité qui nous incombe d’agir au nom du peuple syrien. Nous ne pouvons pas abandonner les Syriens au découragement et au désespoir. Le Conseil de sécurité s’est vu confier des pouvoirs et des responsabilités considérables. Pour le bien de la Syrie et de ses générations futures, le Conseil doit mettre de côté ses divergences politiques et s’unir pour trouver une solution à ce qui semble être des problèmes insolubles. Nous avons vu, lors de l’adoption des résolutions 2139 (2014) et 2165 (2014), ce que nous pouvons faire lorsque le Conseil agit de concert et s’exprime d’une seule voix. J’espère vraiment que cela se reproduira.

La Présidente (parle en anglais) : Je remercie Amos de son exposé.

Je donne maintenant la parole au représentant de la République arabe syrienne.

M. Ja’afari (République arabe syrienne) ( parle
en arabe) : Je remercie, Madame la Présidente, d’avoir convoqué cette importante séance consacrée à la situation humanitaire dans mon pays.

Nous avons dit à maintes reprises dans cette salle et ailleurs que la crise humanitaire qui sévit en Syrie ne peut s’achever si nous ne nous attaquons pas à la cause du problème, à savoir la propagation du terrorisme appuyé par l’étranger, et ce, en sus d’un appui à une solution politique obtenue via un dialogue entre Syriens conduit par les Syriens eux-mêmes, sans ingérence étrangère. Telle est la teneur du Communiqué de Genève (S/2012/522, annexe), du plan en six points de Kofi Annan et des résultats que nous avons obtenus aux pourparlers de Genève II, ainsi qu’aux première et deuxième conférences de Moscou. Il s’agit là de la seule façon sérieuse de mettre fin à ce que l’on appelle la crise en Syrie et d’améliorer la situation humanitaire de manière tangible, réelle et durable.

Les souffrances du peuple ne sauraient être complètement allégées en fournissant simplement une aide humanitaire à une région ou à une autre, même si nous sommes pleinement conscients de l’importance que revêtent une telle assistance et l’allègement des souffrances de la population dans les régions touchées. Les événements récents nous ont donné raison, puisque les six plans d’intervention humanitaire qui ont été adoptés en coopération avec le Gouvernement syrien n’ont pu mettre fin à la crise humanitaire. Bien au contraire, nous avons constaté l’apparition, dans des zones auparavant sûres, de nouvelles crises humanitaires à la suite des incursions menées par des groupes terroristes, comme nous l’avons vu à Palmyre, à Edleb, à Jisr el-Choughour et aujourd’hui dans la ville d’Ariha, dans la province d’Edleb. Ces incursions ont causé la mort ou le déplacement d’un grand nombre de Syriens innocents, les privant de leurs moyens de subsistance et de leur dignité, ce qui confirme une fois de plus que la crise humanitaire, ainsi que les déplacements internes et le problème des réfugiés, ne surviennent que dans les zones où les organisations terroristes armées sont présentes.

Il est, par conséquent, crucial que les résolutions du Conseil de sécurité sur la lutte contre le terrorisme soient mises en œuvre, en particulier les résolutions 2170 (2014), 2178 (2014) et 2199 (2015), ainsi que la résolution 1624 (2005), qui interdit l’incitation au terrorisme, et qu’elles soient appliquées en coopération et coordination étroites avec le Gouvernement syrien. Cela mettrait un terme à l’alliance terroriste entre la Turquie, le Qatar et l’Arabie saoudite qui appuie, finance et arme les groupes terroristes et qui est soutenue politiquement et dans les médias par ses bailleurs de fonds et commanditaires étrangers.

Mais le problème est que certains États influents ne sont pas sérieux lorsqu’ils disent qu’ils veulent lutter contre le terrorisme, en particulier le terrorisme tel qu’il est pratiqué par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) et les organisations qui lui sont affiliées. Certains pays exercent ainsi des pressions pour empêcher toute coordination entre la Syrie et l’Iraq dans la lutte contre l’EIIL, comme on l’a bien vu ce matin, lorsque l’Assemblée générale a adopté la résolution 69/281 sur la sauvegarde du patrimoine culturel de l’Iraq. La Syrie était l’un des auteurs de cette résolution. Toutefois, les pays occidentaux ont menacé l’Iraq en disant que si le patrimoine culturel syrien était mentionné, le projet de résolution ne serait pas adopté – comme si le patrimoine iraquien était différent du patrimoine syrien, comme si l’EIIL en Syrie était différent de l’EIIL en Iraq, et comme si ceux qui en bénéficieraient étaient deux parties distinctes sans aucune affiliation l’une avec l’autre.

Ce problème est également confirmé par le fait que l’EIIL continue de se procurer des armes et d’attirer de nouvelles recrues dans ses rangs. Le pourcentage de combattants étrangers au sein de l’EIIL est passé à 70 % après l’adoption de la résolution 2178 (2014). L’Équipe d’appui analytique et de surveillance des sanctions créée par la résolution 1526 (2004) du Conseil de sécurité a dressé le même constat. Au paragraphe 33 de son récent rapport sur les combattants terroristes étrangers (S/2015/358), l’Équipe de surveillance, qui est composée des propres experts du Conseil, a réaffirmé que les principaux itinéraires empruntés par les combattants terroristes étrangers pour se rendre en Syrie et en Iraq passaient par la Turquie et, dans une moindre mesure, par la Jordanie et le Liban.

Un grand nombre d’États membres du Conseil réaffirment fréquemment, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Conseil, tout comme le Secrétaire général et les hauts responsables du Secrétariat, que la seule solution possible à la crise en Syrie est de nature politique plutôt que militaire. De toute évidence, il ne s’agit là que de vains mots destinés à leurs affidés politiques et aux médias. Comment pouvons-nous parler d’une solution politique, lorsque l’on entend le Ministre turc des affaires étrangères affirmer, il y a quelques jours à peine, que son pays a conclu un accord avec les États-Unis pour fournir un appui aérien aux groupes terroristes en Syrie ? Comment peuvent-ils dire qu’ils refusent une solution militaire, alors qu’ils fournissent un appui aux terroristes et leur ouvrent des camps d’entraînement en Turquie, en Arabie saoudite, au Qatar et en Jordanie, et ce sous le nom d’opposition armée syrienne modérée ? Mais la véritable question que nous posons à ces États et à leurs représentants dans cette salle est la suivante : où se trouve cette opposition armée modérée sur la carte de la Syrie ? Est-elle à Palmyre, à Edleb, à Jisr el-Choughour ou à Deir el-Zor ? Ou peut- être à Qalamoun, à notre frontière avec le Liban ? Et quid des armes et financements fournis à cette opposition armée modérée ?

Il n’est plus possible de continuer à proférer des mensonges, de poursuivre cette mascarade et de se cacher derrière le slogan d’opposition armée modérée afin de justifier l’appui au terrorisme. Comment des citoyens tchétchènes, australiens, britanniques, français, marocains et libyens peuvent-ils faire partie de l’opposition syrienne modérée ? C’est très simple. Les choses deviennent limpides. Il n’existe pas un terrorisme légitime et un terrorisme condamnable – un terrorisme « halal » et un autre « haram » – tout comme il n’y a pas de terrorisme modéré et de terrorisme extrémiste. Il y a des mouvements terroristes sur le terrain qui commettent des crimes ignobles, avec l’appui ou le consentement de certains pays influents au sein et en dehors du Conseil. Il y a l’EIIL, le Front el-Nosra et d’autres groupes terroristes qui sont alliés à ces deux organisations et coopèrent avec elles.

N’est-ce pas l’EIIL qui a pris d’assaut Palmyre ? N’est-ce pas le Front el-Nosra qui a récemment pris d’assaut Edleb et Jisr el-Choughour, et encore aujourd’hui la ville d’Ariha, en utilisant le nom d’armée du Fatah ? Bien sûr, auparavant l’armée du Fatah était connue sous le nom de Front Chamia, et avant cela, sous le nom de Front syrien, de Révolutionnaires syriens, de Mouvement Hazam, et ainsi de suite, telle une série hollywoodienne dans laquelle nous suivons un épisode après l’autre.

La chaîne de télévision qatarienne Al-Jazira n’a-t-elle pas invité hier M. al-Julani, chef du groupe terroriste le Front el-Nosra, pour qu’il puisse nous informer que la charia est désormais en vigueur en Syrie, et afin que le Qatar puisse lui aussi nous informer au cours de cet entretien que le groupe terroriste du Front el-Nosra constitue une forme de terrorisme modéré qui peut être « blanchi », tout comme les gangs de la mafia blanchissent l’argent sale ? Et après tout cela, d’aucuns parlent encore d’une opposition armée modérée. Demain, nous risquons d’en entendre certains dire que le Conseil de sécurité doit radier le Front el- Nosra des listes d’entités terroristes. Je fais le pari devant le Conseil que cela se produira bientôt.

Une fois de plus, le dernier rapport en date (S/2015/368) du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) contient de nombreuses omissions et des erreurs graves. Aujourd’hui, nous avons envoyé deux lettres identiques à la Présidente du Conseil de sécurité et au Secrétaire général à cet égard. Cependant, je me contenterai de dire ici que toutes les allégations contenues dans le rapport à l’encontre du Gouvernement syrien se fondent sur des sources anonymes. Le rapport emploie le conditionnel à 15 reprises lorsque des allégations sont faites contre le Gouvernement syrien, mais ne fournit aucune information quant aux sources de ces rapports ou à leur crédibilité.

Pire encore, le rapport va bien plus loin et formule des allégations contre le Gouvernement syrien, en affirmant notamment que celui-ci utilise ce qu’on appelle des barils d’explosifs, et ce sans même recourir une seule fois à l’emploi du conditionnel, comme si ce fait était avéré. C’est exactement ce qui s’est passé lorsque des terroristes, aidés par la Turquie, ont employé des substances chimiques à Khan el-Assal et dans d’autres localités, et lorsque du gaz chloré et du sarin ont été utilisés dans d’autres zones. Comment les rapports du Secrétaire général peuvent-ils formuler des allégations contre le Gouvernement d’un État Membre de l’ONU sans qu’elles soient fondées sur des sources fiables et sans avoir lu, pris en compte ou mentionné les rapports, lettres, preuves et déclarations présentés par le Gouvernement syrien ces quatre dernières années ? Il s’agit là d’un précédent très grave qui risque de saper ce qu’il reste de crédibilité dans la manière dont le Secrétariat traite les questions humanitaires en Syrie, à moins qu’il ne prenne les mesures crédibles et rapides qui s’imposent pour éviter une telle situation.

Je voudrais également attirer l’attention sur le fait que le rapport omet de mentionner que le Gouvernement turc a permis à des milliers de camions d’entrer illégalement en Syrie à travers les points de contrôle utilisés par les convois d’aide humanitaire des Nations Unies, et ce pour acheminer des terroristes, des armes et des matières dangereuses aux groupes terroristes armés en Syrie. Cela a mis en danger les convois des Nations Unies eux-mêmes – comme nous l’avions signalé à Mme Amos lorsqu’elle a demandé au Conseil de sécurité d’adopter la résolution 2165 (2014).

En outre, les mesures économiques unilatérales imposées au peuple syrien ajoutent encore à ses souffrances humanitaires. Il faut donc lever ces mesures injustes et illégales et combler le déficit de financement des activités humanitaires en Syrie. Seuls 17 % des fonds nécessaires au Plan d’intervention stratégique 2015 ont été récoltés. Cela prouve une fois de plus que certains pays, y compris, en premier lieu, l’Arabie saoudite, le Qatar, la Turquie et certains pays occidentaux, souhaitent profiter de la crise humanitaire en Syrie uniquement à des fins de trafic de marchandises, d’extorsion politique et de mise en œuvre de leurs propres politiques interventionnistes.

Le Gouvernement syrien coopère avec l’ONU afin de faciliter la fourniture d’une aide humanitaire à tous les civils. Le 9 avril, il a accédé à la plupart des demandes soumises par l’ONU et d’autres organisations internationales s’agissant de garantir l’acheminement de l’aide à certaines zones instables. À la date du 27 mai, c’est-à-dire hier, bien que le Gouvernement syrien ait accordé la permission aux convois des institutions des Nations Unies de transporter l’aide humanitaire vers les zones instables ou d’accès difficile, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires n’a pu fournir que 30% de ce qui avait été autorisé. Par ailleurs, le Gouvernement syrien est en train d’examiner des demandes d’autorisation afin d’accorder la permission à davantage de convois mixtes.

Je voudrais dire un dernier mot. J’espère qu’il s’agit d’un problème d’interprétation, mais lorsqu’elle s’est adressée au Conseil, j’ai entendu la Secrétaire générale adjointe dire « au nom du peuple syrien ». C’est ce qu’a dit l’interprète. Au nom de mon gouvernement, je ne saurais permettre à la Secrétaire générale adjointe de s’adresser au Conseil en disant qu’elle parle au nom du peuple syrien. C’est une représentante du Secrétariat et de cette organisation internationale. Cela outrepasse son mandat et ses fonctions de membre du personnel du Secrétariat. Elle n’est pas syrienne et elle n’occupe aucun poste en Syrie lui permettant de s’exprimer au nom du peuple syrien.

La Présidente (parle en anglais) : J’invite à présent les membres du Conseil à poursuivre le débat sur la question dans le cadre de consultations.

La séance est levée à 15 h 35.