Résolution 2235 (2015)

Le Conseil de sécurité,

Rappelant le Protocole concernant la prohibition d’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques, la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction (CIAC) et ses résolutions 1540 (2004), 2118 (2013) et 2209 (2015),

Rappelant que la République arabe syrienne a adhéré à la CIAC, faisant observer que l’utilisation comme arme chimique en République arabe syrienne de tout produit chimique toxique, tel que le chlore, constitue une violation de la résolution 2118 (2013), et faisant observer également que toute utilisation de tels produits constituerait une violation de la CIAC,

Condamnant avec la plus grande fermeté toute utilisation comme arme, en République arabe syrienne, de quelque produit chimique toxique que ce soit et notant avec une profonde indignation que des civils continuent d’être tués ou blessés par des produits chimiques toxiques utilisés comme arme dans le pays,

Réaffirmant que l’emploi d’armes chimiques constitue une violation grave du droit international et souligne à nouveau que ceux qui y ont recouru de quelque manière que ce soit doivent répondre de leurs actes,

Rappelant qu’il a prié le Directeur général de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) et le Secrétaire général de lui faire rapport de manière coordonnée sur les cas de non-respect des dispositions de la résolution 2118 (2013),

Prenant note de la lettre datée du 25 février 2015 que le Secrétaire général a adressée au Président du Conseil de sécurité (S/2015/138) pour lui transmettre le texte de la note du Directeur général de l’OIAC, concernant la décision datée du 4 février 2015 dans laquelle le Conseil exécutif de l’OIAC exprimait sa vive préoccupation face aux conclusions de la Mission d’établissement des faits, préparées avec un degré de certitude élevé, que du chlore avait été utilisé à plusieurs reprises et de façon systématique en tant qu’arme en République arabe syrienne,

Notant que des produits chimiques toxiques auraient été utilisés en tant qu’armes après l’adoption le 6 mars de la résolution 2209 (2015),

Conscient que la Mission d’établissement des faits de l’OIAC n’est pas habilitée à tirer des conclusions concernant la question de savoir à qui imputer la responsabilité de l’emploi d’armes chimiques,

Rappelant que, dans sa résolution 2118 (2013), il a décidé que la République arabe syrienne et toutes les parties syriennes devaient apporter leur pleine coopération à l’OIAC et à l’Organisation des Nations Unies,

1. Condamne à nouveau avec la plus grande fermeté toute utilisation comme arme, en République arabe syrienne, de quelque produit chimique toxique que ce soit, y compris le chlore ;

2. Rappelle qu’il a décidé que la République arabe syrienne devait s’abstenir d’employer, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir d’aucune manière, de stocker et de détenir des armes chimiques ou d’en transférer, directement ou indirectement, à d’autres États ou à des acteurs non étatiques ;

3. Réaffirme qu’aucune des parties syriennes ne doit employer, mettre au point, fabriquer, acquérir, stocker, détenir ou transférer des armes chimiques ;

4. Se dit résolu à identifier les auteurs de ces actes, réaffirme que les personnes, entités, groupes ou gouvernements responsables de l’utilisation comme arme de produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, doivent répondre de leurs actes et engage toutes les parties en République arabe syrienne à apporter leur pleine coopération à cet égard ;

5. Prie le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, en coordination avec le Directeur général de l’OIAC, de lui soumettre, pour autorisation, 20 jours après l’adoption de la présente résolution, des recommandations concernant la création et le fonctionnement d’un mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, y compris des éléments du mandat de celui-ci, mécanisme qui serait chargé d’identifier dans toute la mesure possible les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes, en République arabe syrienne, de produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, ou qui y ont participé d’une manière ou d’une autre, dans les cas où la Mission d’établissement des faits de l’OIAC détermine ou a déterminé que des produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, ont été utilisés ou ont probablement été utilisés comme arme en République arabe syrienne, et exprime son intention de donner suite aux recommandations, y compris celles portant sur les éléments du mandat, dans les cinq jours qui suivent leur réception ;

6. Prie également le Secrétaire général, en coordination avec le Directeur général de l’OIAC, de prendre sans tarder les dispositions et mesures nécessaires, une fois autorisée la création du Mécanisme d’enquête conjoint, pour que le Mécanisme soit constitué et devienne pleinement opérationnel le plus tôt possible, y compris pour ce qui est du recrutement d’un personnel impartial et expérimenté justifiant des compétences et connaissances spécialisées voulues, conformément au mandat qui aura été arrêté, et note que l’importance d’un recrutement effectué sur une base géographique aussi large que possible doit être dûment prise en considération ;

7. Rappelle que, dans sa résolution 2118 (2013), il a décidé que la République arabe syrienne et toutes les parties en Syrie coopéreront pleinement avec l’OIAC et l’Organisation des Nations Unies et souligne qu’elles sont ainsi notamment tenues de coopérer avec le Directeur général de l’OIAC et sa Mission d’établissement des faits, le Secrétaire général et le Mécanisme d’enquête conjoint, que cette coopération consiste notamment à accorder un accès illimité à tous les lieux, individus et matériels de la République arabe syrienne que le Mécanisme d’enquête conjoint juge utiles à l’enquête et lorsque celui-ci estime, après évaluation des faits et des circonstances dont il a connaissance à l’époque, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’accès est justifié, y compris dans les zones situées à l’intérieur du territoire syrien mais hors du contrôle de la République arabe syrienne, et que cette coopération s’étend également à l’aptitude du Mécanisme d’enquête conjoint d’examiner des informations et éléments de preuve supplémentaires qui n’ont pas été recueillis ou établis par la Mission d’établissement des faits, mais qui ont un lien avec le mandat du Mécanisme d’enquête conjoint énoncé au paragraphe 5 ;

8. Demande à tous les autres États de coopérer sans réserve avec le Mécanisme d’enquête conjoint, et en particulier de fournir à celui-ci et à la Mission d’établissement des faits de l’OIAC toutes informations pertinentes dont ils pourraient disposer au sujet de personnes, d’entités, de groupes ou de gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme arme de substances chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, en République arabe syrienne, ou qui y ont participé d’une manière ou d’une autre ;

9. Prie la Mission d’établissement des faits de collaborer avec le Mécanisme d’enquête conjoint dès le début des travaux du Mécanisme afin de lui assurer un accès total à l’ensemble des informations et des preuves qu’elle a recueillies ou établies, y compris, mais non exclusivement, les dossiers médicaux, les enregistrements et transcriptions d’entretiens et les documents, et prie le Mécanisme d’enquête conjoint, en ce qui concerne les allégations qui font l’objet d’enquêtes menées par la Mission d’établissement des faits, de travailler en coordination avec celle-ci dans l’exécution de son mandat ;

10. Prie le Secrétaire général, en coordination avec le Directeur général de l’OIAC, de lui présenter un rapport sur les progrès réalisés et d’en informer le Conseil exécutif de l’OIAC, à compter de la date à laquelle le Mécanisme d’enquête conjoint commencera pleinement ses activités et tous les 30 jours par la suite ;

11. Prie le Mécanisme d’enquête conjoint d’établir son premier rapport dans les 90 jours suivant la date à laquelle il a commencé pleinement ses activités, telle que notifiée par le Secrétaire général, et d’établir d’autres rapports s’il y a lieu par la suite, de lui présenter le ou les rapports et d’en informer le Conseil exécutif de l’OIAC ;

12. Prie également le Mécanisme d’enquête conjoint de conserver tous éléments de preuve se rapportant à des cas d’utilisation éventuelle d’armes chimiques en République arabe syrienne autres que ceux dans lesquels la Mission d’établissement des faits détermine ou a déterminé que, lors d’un incident particulier survenu en République arabe syrienne, des produits chimiques, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique, ont effectivement ou probablement été utilisés comme arme, et de présenter ces éléments de preuve à la Mission par l’intermédiaire du Directeur général de l’OIAC et au Secrétaire général dès que possible ;

13. Affirme que les mesures qu’il a prises au titre du paragraphe 5 sont suffisantes pour permettre la création du Mécanisme d’enquête conjoint ;

14. Décide de créer le Mécanisme d’enquête conjoint pour une période d’un an, avec possibilité de prorogation à l’avenir s’il le juge nécessaire ;

15. Réaffirme la décision qu’il a prise d’imposer des mesures en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies en réponse à des violations de la résolution 2118 ;

16. Décide de demeurer activement saisi de la question.

Débats

La séance est ouverte à 10 h 5.

La Présidente, Mme Ogwu (Nigéria) (parle en anglais) : Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite le représentant de la République arabe syrienne à participer à la présente séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Les membres du Conseil sont saisis du document S/2015/602, qui contient le texte d’un projet de résolution déposé par l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, la France, la Jordanie, la Lituanie, la Malaisie, la Nouvelle- Zélande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

J’appelle l’attention des membres du Conseil sur le document S/2015/138, qui contient une lettre datée du 25 février 2015, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général.

Je crois comprendre que le Conseil de sécurité est prêt à voter sur le projet de résolution dont il est saisi. Je vais maintenant mettre le projet de résolution aux voix.

Il est procédé au vote à main levée.

Votent pour :

Angola, Tchad, Chili, Chine, France, Jordanie, Lituanie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Nigéria, Fédération de Russie, Espagne, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique, Venezuela (République bolivarienne du)

La Présidente (parle en anglais) : Le résultat du vote est le suivant : 15 voix pour. Le projet de résolution est adopté à l’unanimité en tant que résolution 2235 (2015).

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.

Mme Power (États-Unis d’Amérique) ( parle en anglais) : Aujourd’hui, le Conseil de sécurité a pris une nouvelle mesure destinée à mettre un terme à l’utilisation des armes chimiques en Syrie. Cette mesure est nécessaire car, malgré les efforts que nous avons déployés jusqu’ici pour mettre fin à l’utilisation d’armes chimiques, les attaques se sont poursuivies. Au nombre de ces efforts, il y a l’adoption par le Conseil en septembre 2013 de la résolution 2118 (2013), exigeant du régime syrien qu’il démantèle et détruise son programme d’armes chimiques sous supervision internationale. Or, bien que la résolution ait permis d’enregistrer des progrès notables en ce sens, les attaques se sont poursuivies. Nous avons également adopté la résolution 2209 (2015), condamnant l’utilisation du chlore comme arme chimique et établissant que ces attaques constituaient une violation de la Convention sur les armes chimiques et de la résolution 2118 (2013).

Mais, là encore, les attaques se sont poursuivies. Nous savons que ces attaques chimiques ont continué non seulement grâce aux témoignages de survivants et de professionnels de la santé, tels les récits poignants que les membres du Conseil ont entendus, au cours d’une réunion tenue à huis clos en avril, de la part du docteur Tennari, médecin à Sarmin, qui a décrit son incapacité à ressusciter trois enfants d’une même famille, âgés d’1 un à 3 ans, à la suite de l’une de ces attaques en mars. Nous le savons non seulement grâce aux images horribles, que nous avons tous vues, montrant des personnes souffrant des effets de ces attaques, lesquels effets prennent la forme de convulsions, d’asphyxie, d’écume à la bouche. Nous le savons surtout parce que l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) a mené des enquêtes approfondies et impartiales sur les allégations faisant état d’attaques, et est parvenue à la conclusion que des armes chimiques avaient été utilisées.

Je voudrais citer brièvement le rapport de l’une de ces enquêtes, et ce de peur que nous n’oubliions à quel point les effets des armes chimiques sont grotesques. Selon le troisième rapport de la mission d’établissement des faits menée par l’OIAC (voir S/2015/138), lorsque le village de Talmenes a été attaqué le 21 avril 2014, les habitants ont raconté avoir vu ce qu’ils décrivent comme un « gaz de teinte de cire couleur miel à jaune » (S/2015/138, pièce jointe IV, annexe 2, par. 5.15) s’élever du point d’impact jusqu’à une hauteur de près de 75 mètres, soit plus haut que le minaret de la mosquée de la ville. Les victimes ont ensuite décrit une odeur âcre et irritante, comme celle du chlore.

Un garçon de 7 ans, qui vivait à environ 15 mètres du point d’impact des bombes, est mort presque immédiatement. Les personnes interrogées ont dit aux enquêteurs que son corps ne présentait aucun signe de traumatisme physique, mais qu’il « avait viré au bleu » (ibid., par. 5.17). Une adolescente de la même maison est morte quelques jours plus tard, de même qu’une femme âgée habitant dans une maison voisine. Leurs corps, comme celui du garçon, ne présentaient aucun traumatisme physique. Les oliviers, les grenadiers et les figuiers ont perdu leurs fruits, et leurs feuilles ont séché, se sont flétries et ont jauni peu de temps après avoir été exposées. Les jeunes animaux sont morts immédiatement ; les animaux d’âge adulte quelques heures plus tard. Près de 200 personnes se sont ruées vers l’hôpital de campagne de Talmenes avec des symptômes presque identiques, lesquels symptômes, je tiens à le souligner, correspondent exactement à ceux que, selon le docteur Tennari, présentaient les patients qu’il a traités suite à l’attaque perpétrée à Sarmin : sensation de brûlure dans les yeux, sensation de brûlure sur le visage et la peau exposée, brûlures dans la gorge, excès de larmes, vision floue, difficultés à respirer, sensation de suffocation, nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée, maux de tête, faiblesse généralisée, somnolence, désorientation et perte de conscience. Voilà ce à quoi ressemble, ce que sent et ce que fait ressentir une attaque chimique.

Se fondant sur les témoignages, photographies et vidéos des attaques et de leurs victimes, ainsi que sur d’autres éléments de preuve, l’OIAC a conclu que les faits relatés « viennent confirmer de façon indiscutable qu’un produit chimique toxique a été utilisé en tant qu’arme, de façon systématique et répétée, dans les villages de Talmanes, d’Al Tamanah et de Kafr Zita » (ibid., pièce jointe III, annexe 2, par. 29) entre avril et août 2014. Selon l’OIAC, 32 témoins ont vu ou entendu les hélicoptères au-dessus des trois villes contrôlées par l’opposition juste avant les attaques.

Jusqu’à ce que nous adoptions la résolution 2235 (2015) aujourd’hui, il n’existait aucun mécanisme chargé de la prochaine démarche qui s’impose, à savoir déterminer quels sont les acteurs impliqués dans ces attaques. Même lorsque les signes indiquaient clairement quelles étaient les parties responsables, les enquêteurs n’ont pas été autorisés à les désigner. Cela n’a fait que renforcer le sentiment d’impunité généralisé en Syrie.

Il importe de désigner les responsables. Imaginons un instant que nous ayons demandé à une équipe d’enquêteurs de déterminer si certaines atrocités s’étaient réellement produites, notamment des viols, des actes de torture ou des exécutions, mais que nous ne leur ayons pas demandé de déterminer qui était responsable de ces actes brutaux. Comme nous le savons tous, déterminer le responsable d’un acte relie l’auteur à l’acte commis, et ce lien est essentiel pour garantir l’application du principe de responsabilité et contribuer à prévenir des exactions futures. C’est à ce à quoi va s’atteler le nouveau Mécanisme d’enquête conjoint de l’ONU et de l’OIAC en réponse aux incidents survenus en Syrie lors desquels des armes chimiques ont effectivement ou ont probablement été utilisées comme arme. Le Mécanisme d’enquête conjoint recueillera des éléments de preuve afin d’identifier les individus et les entités qui ont joué un rôle dans ces attaques, et il fera tout ce qui est en son pouvoir pour nommer ces individus ou ces entités.

Nous savons tous que nous ne disposons pas d’un mécanisme efficace pour engager la responsabilité pénale des auteurs, mais lorsque ce sera le cas, et ce jour viendra, les preuves recueillies par le Mécanisme d’enquête conjoint détermineront non seulement quels actes ont été commis, mais également par qui ils l’ont été. Ceux qui pensent que l’impunité des responsables et de tous les autres acteurs impliqués dans les attaques chimiques – ceux qui donnent l’ordre de commettre de telles attaques, ceux qui remplissent les munitions de matières chimiques et ceux qui larguent des armes chimiques – durera éternellement devraient s’intéresser au cas des personnes qui se retrouvent aujourd’hui contraintes de répondre d’actes commis il y a des années, voire des décennies. Ils devraient s’intéresser au cas des individus condamnés pour avoir perpétré le génocide et des crimes de guerre dans les Balkans, ou à celui des individus dont les procès sont en cours à La Haye. Ils devraient s’intéresser au cas de Hissène Habré, qui est en train d’être jugé pour des atrocités commises au Tchad il y a trois décennies.

La résolution 2235 (2015) a été adoptée aujourd’hui avec l’appui unanime du Conseil. C’est un message clair et puissant qui est ainsi adressé à tous les individus impliqués dans les attaques à l’arme chimique commises en Syrie : « le Mécanisme d’enquête conjoint vous identifiera si vous gazez la population ». Il convient également de répéter que nous devrons manifester la même unité qu’aujourd’hui pour trouver une solution politique urgente à la crise syrienne.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : L’application effective des décisions du Conseil de sécurité, en particulier la résolution 2118 (2013) concernant la destruction de l’arsenal chimique de la Syrie, laquelle a été adoptée à l’initiative de la Russie et des États-Unis, est une des plus grandes réussites du Conseil de sécurité et confirme qu’il est possible de déployer des efforts conjoints productifs et fructueux sur les dossiers les plus urgents de notre époque.

Dans ce contexte, le Conseil ne pouvait rester indifférent aux informations faisant état de l’utilisation comme arme de substances chimiques toxiques en Syrie. Au printemps 2014, sous les auspices de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), la Mission d’établissement des faits en Syrie a commencé ses activités et a pu confirmer, avec un degré de certitude élevé, que du chlore avait été utilisé comme arme dans plusieurs zones peuplées en Syrie. La Fédération de Russie condamne fermement ces actes. Nous estimons qu’ils sont inacceptables et contraires à la Convention sur les armes chimiques.

Dans le même temps, la question de savoir qui a utilisé du chlore reste sans réponse, en partie parce que les mécanismes existants de l’ONU et de l’OIAC ne sont pas habilités à identifier ceux qui prennent part à de tels actes. En outre, nous avons entendu un grand nombre de déclarations politisées à cet égard, à des fins évidentes de propagande. Il était nécessaire de combler ce fossé, et nous l’avons fait aujourd’hui en adoptant la résolution 2235 (2015), qui crée les conditions nécessaires au lancement du Mécanisme d’enquête conjoint de l’ONU et de l’OIAC.

Nous estimons que la décision prise aujourd’hui est avant tout préventive, et qu’elle crée les conditions nécessaires pour mettre un terme à l’utilisation de matières chimiques toxiques comme arme en Syrie. Nous sommes certains que le Mécanisme d’enquête conjoint opérera de manière indépendante, objective et professionnelle, en s’appuyant sur l’expérience réussie du Secrétaire général et du Directeur général de l’OIAC s’agissant de la destruction de l’arsenal chimique syrien, ainsi que sur la coopération fructueuse entre l’ONU et l’OIAC dans le cadre de leur mission conjointe, dans le cadre de laquelle leurs responsabilités avaient été clairement définies. Nous estimons que ce principe doit guider les travaux futurs du Mécanisme d’enquête conjoint.

Compte tenu de la situation politique et militaire complexe en Syrie, il nous paraît extrêmement important que le Mécanisme d’enquête conjoint établisse les relations nécessaires avec le pays, sans quoi le Mécanisme ne sera pas en mesure de travailler sur le terrain. Nous sommes convaincus que Damas, comme il l’a fait par le passé, tel que confirmé à maintes reprises dans les documents de l’OIAC et de l’ONU, fournira l’assistance nécessaire au Mécanisme d’enquête conjoint et à la Mission d’établissement des faits de l’OIAC pour déterminer, preuves à l’appui, si du chlore a effectivement ou probablement été utilisé comme arme chimique. Nous espérons que l’opposition adoptera cette approche.

Enfin, je souligne que tous les efforts déployés en vue de régler la situation en Syrie doivent être conformes à la logique de recherche d’une solution politique au conflit et ne doivent pas accroître l’hostilité entre les parties. Ceci demeure une priorité en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la recherche d’une solution politique à la crise en Syrie.

M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : La Chine se félicite de l’adoption à l’unanimité par le Conseil de la résolution 2235 (2015). La position de la Chine en ce qui concerne les armes chimiques est claire et constante. Nous sommes résolument opposés à l’utilisation d’armes chimiques par tous les acteurs et en toutes circonstances. Nous sommes préoccupés par l’utilisation du chlore comme arme en Syrie, comme l’a confirmé l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Nous appuyons l’enquête objective, juste et professionnelle sur cet incident et les efforts visant à traduire les responsables en justice lorsqu’il y a des preuves irréfutables.

Dans le cadre de ce processus, l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie doivent être respectées, et l’OIAC et l’ONU puissent pleinement jouer leurs rôles dans l’enquête. La Chine espère que le Secrétaire général présentera prochainement des recommandations concernant la création du Mécanisme d’enquête conjoint, comme le préconise la résolution 2235 (2015).

Une solution politique est le seul moyen de régler la question syrienne. En ce moment, l’Envoyé spécial, M. De Mistura, s’emploie sans relâche à promouvoir un règlement politique de la question syrienne. La communauté internationale en général et le Conseil de sécurité en particulier doivent maintenir le cap, ne pas dévier de leur trajectoire dans leur recherche d’une solution politique et fournir un appui unanime à l’ONU dans le rôle qu’elle joue dans ce processus, ainsi qu’aux bons offices du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, et de l’Envoyé spécial, M. De Mistura.

La Chine espère que la résolution 2235 (2015), qui a été adoptée par consensus, permettra de renforcer l’unanimité parmi les membres du Conseil autour de la question syrienne et donnera un nouvel élan à la recherche d’une solution politique globale, durable et appropriée dans les plus brefs délais. La Chine continuera de jouer un rôle positif et constructif à cette fin.

M. González de Linares Palou (Espagne) (parle en espagnol) : Je serai très bref et concis.

Je tiens à exprimer ma satisfaction et celle de mon pays suite à l’adoption aujourd’hui de la résolution 2235 (2015), que l’Espagne a parrainée. En adoptant cette résolution par consensus, le Conseil a fait preuve à la fois de sérieux et de détermination. D’abord, il a fait preuve de sérieux en affirmant qu’il ne peut y avoir d’impunité, encore moins pour les violations graves du droit international qui peuvent être constitutifs de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Ceux qui violent les normes les plus élémentaires et les plus sacrées du droit international et de notre coexistence, ceux qui font fi des résolutions du Conseil doivent répondre de leurs actes. Aujourd’hui, le Conseil de sécurité s’acquitte de sa responsabilité. La notion de sérieux exige que le Conseil continue d’agir avec cohérence à l’avenir. Aujourd’hui, nous avons fait un premier pas en avant, en priant le Secrétaire général de préparer la création d’un Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, mais n’oublions pas que lorsque ce mécanisme sera opérationnel et que ses enquêtes auront abouti, le Conseil devra agir en conséquence.

Deuxièmement, aujourd’hui nous envoyons à la communauté internationale un message de détermination, selon lequel nous sommes décidés à faire tout son possible pour mettre fin au pire conflit du XXIe siècle. L’unité dont nous faisons preuve aujourd’hui doit s’étendre aux autres volets du dossier syrien. Le succès d’aujourd’hui doit nous encourager à poursuivre nos efforts en faveur d’un règlement politique, qui est la seule solution possible à ce conflit. À cet égard, et je conclurai là-dessus, nous souhaitons redire notre ferme appui à l’action que mène l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura.

M. Lamek (France) : Je remercie la Mission américaine d’avoir présenté la résolution 2235 (2015), adoptée aujourd’hui, qui porte création d’un Mécanisme d’enquête sur l’emploi d’armes chimiques en Syrie. L’adoption de cette résolution est importante pour plusieurs raisons.

D’abord, elle permet de retrouver l’unité du Conseil de sécurité sur la Syrie, alors que le conflit syrien, le pire en effet de ce début de XXIe siècle, dure depuis plus de 4 ans. Le Conseil ne pouvait s’enfermer dans le silence, alors que, en dépit des résolutions 2118 (2013) et 2209 (2015) qui les condamnent, des attaques chimiques se sont poursuivies en Syrie en 2014 et 2015, et ce, de manière répétée. Plusieurs enquêtes de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye ont confirmé l’emploi de gaz de chlore en Syrie mais, sans mandat pour le faire, elles n’ont pu identifier les auteurs des attaques. Ces enquêtes présentaient de troublants détails sur la présence systématique d’hélicoptères lors des attaques, alors que nous savons bien quelle partie au conflit est la seule à disposer de telles capacités. Le Mécanisme d’enquête que nous établissons aujourd’hui permettra de confier à un organe neutre et indépendant la charge d’établir les responsabilités des attaques chimiques en Syrie ces dernières années. Il travaillera à cet effet en étroite coordination avec l’OIAC.

Ensuite, ce vote est important parce que, en établissant ce mécanisme d’enquête, nous avançons vers la fin de l’impunité pour les attaques contre la population civile syrienne. Avec ce mécanisme d’enquête, nous allons pouvoir identifier ceux qui ont perpétré des actes criminels d’une particulière gravité. Sans ce souci de justice, les criminels en Syrie utilisant des armes inhumaines auraient pu trouver confort dans la certitude qu’ils n’auront pas à répondre de leurs crimes. En avril dernier, plusieurs médecins étaient venus témoigner au Conseil de sécurité, réuni en format Arria. Leurs récits et les images d’enfants asphyxiés par le chlore, diffusées à cette occasion, nous hantent encore. Chacun avait compris que nous nous devions de leur répondre, ainsi qu’à ceux qui nous ont livré leurs témoignages.

Ce vote, enfin, est important parce qu’il envoie un message clair de dissuasion à toutes les parties au conflit armé syrien. Ces attaques inhumaines doivent cesser. Le conflit a causé la mort de plus de 230 000 personnes, dont une majorité de civils. Au-delà des armes chimiques, les attaques indiscriminées et disproportionnées contre les populations civiles continuent, comme en ce moment à Zabadani, en violation du droit international humanitaire et des résolutions du Conseil. Il est essentiel que nous nous engagions pour la fin des violences en Syrie et la reprise rapide du dialogue et du processus politique. Nous apportons pour cela tout notre soutien aux efforts en cours de l’Envoyé spécial pour la Syrie, M. Staffan de Mistura. C’est pour toutes ces raisons que la France a voté pour ce texte et l’a coparrainé.

M. Méndez Graterol (République bolivarienne du Venezuela) (parle en espagnol) : Le Venezuela a voté pour la résolution 2235 (2015), car il est convaincu que l’emploi d’agents toxiques comme arme chimique constitue des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité que nous condamnons catégoriquement, où qu’ils se produisent et en toutes circonstances. Notre pays est partie à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, et nous sommes pleinement attachés à ses principes et objectifs. Notre délégation tient à souligner que le Gouvernement syrien respecte le programme d’élimination des armes chimiques déclarées qui se trouvent sur son territoire, et que les autorités syriennes ont apporté leur pleine coopération à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), comme l’évoque le rapport présenté par l’ONU et l’OIAC en application de la résolution 2118 (2013) (S/2015/138, annexe). Nous sommes certains que les relations entre la République arabe syrienne et les deux organisations continueront d’être renforcées dans le cadre de la promotion de la paix et la sécurité internationales.

Nous espérons que le Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU, qui sera créé en application de la résolution 2235 (2015), permettra de faire toute la lumière sur les allégations d’utilisation du gaz de chlore contre la population civile, le but étant d’identifier les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme arme, en République arabe syrienne, de produits chimiques, ou qui y ont participé d’une manière ou d’une autre. Pour s’acquitter de son mandat, le Mécanisme d’enquête conjoint devra respecter le principe d’impartialité, de transparence et d’objectivité, conformément aux termes de référence que définira le Secrétaire général, en coordination avec l’OIAC, afin que l’enquête qui sera conduite sur la question aboutisse à des conclusions concrètes.

Le Venezuela réaffirme que le règlement du conflit armé en Syrie doit être politique, pacifique et négocié. C’est la seule voie pour parvenir à la paix et à la stabilité de ce pays, avec la pleine coopération de son peuple et de son gouvernement, tout en veillant au respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique de la Syrie, conformément à la Charte des Nations Unies. La Syrie est victime de la barbarie terroriste, marquée par des actes de violence visant à imposer une idéologie totalitaire, ancrée dans la haine et l’intolérance religieuse. Le Venezuela condamne fermement ces agissements. Il est notoire que l’utilisation d’armes chimiques est imputable à des groupes terroristes financés depuis l’extérieur, qui cherchent à renverser le Gouvernement légitime du Président Bashar Al-Assad. Si ces organisations terroristes parviennent à imposer leurs solutions totalitaires, les conséquences pour le peuple syrien et la région du Moyen-Orient seraient plus destructrices que ce qui se produit actuellement en Libye. C’est pourquoi la communauté internationale doit appuyer le peuple et le Gouvernement syriens dans leur lutte contre le terrorisme qui frappe de plein fouet ce pays frère.

Pour terminer, le Conseil de sécurité doit accompagner toutes les initiatives qui promeuvent la paix et la stabilité de la Syrie, ainsi que la réconciliation de son peuple. À cet égard, nous appuyons les activités diplomatiques de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura. Nous sommes convaincus que ses efforts permettront d’ouvrir la voie à un règlement pacifique de ce conflit.

Mme Kawar (Jordanie) (parle en arabe) : Il y a deux ans, le consensus international avait permis de répondre rapidement et avec efficacité aux informations faisant état de l’utilisation d’armes chimiques dans le cadre du conflit en Syrie. Nous gardons en mémoire les images épouvantables de civils syriens victimes des attaques à l’arme chimique dans la Ghouta, à Damas. Les efforts diplomatiques internationaux ont mené à l’adoption d’une décision historique par le Conseil exécutif de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), concernant le démantèlement du programme d’armes chimiques de la République arabe syrienne, à la suite de laquelle le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2118 (2013). La communauté d’objectifs affichée par le Conseil, décidé à réaliser des avancées palpables sur le dossier des armes chimiques syriennes, a permis d’adopter la résolution 2209 (2015).

En dépit de l’adoption de la résolution que je viens de mentionner, de nouvelles informations extrêmement troublantes font état de l’utilisation du gaz de chlore comme arme chimique en Syrie, ce qui sape les progrès réalisés et constitue une provocation face à la communauté internationale tout entière et une insulte à toutes les valeurs humaines. Il est nécessaire de se pencher sur cette question, de manière précise et efficace, dans le cadre de la coopération avec l’OIAC. En effet, le silence serait interprété comme un éloignement de notre objectif principal, comme un signe de laxisme de la part de la communauté internationale s’agissant de mettre un terme à ces crimes, dont est victime la population syrienne sœur.

La Jordanie a voté pour la résolution 2235 (2015) parce qu’elle condamne dans les termes les plus fermes l’utilisation d’armes chimiques en Syrie ainsi que l’utilisation de gaz toxiques, tel le gaz de chlore, qui sont contraires à la Convention sur les armes chimiques, au droit international humanitaire et aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. La Jordanie réaffirme la nécessité que le Conseil de sécurité examine avec sérieux cette question et la suive de près, notamment en raison de ses répercussions sur la paix et la sécurité internationales, et ce, en vertu des prérogatives que lui confère la Charte des Nations Unies et des résolutions qu’il a adoptées.

Il faut également entamer le plus rapidement possible le suivi du travail qui sera effectué par ce mécanisme, et garantir qu’il traitera tous les cas d’utilisation d’armes chimiques signalés. Il est indispensable de coopérer avec le Mécanisme d’enquête conjoint et d’imposer les mesures requises au cas où les dispositions de la résolution 2118 (2013) ne seraient pas mises en œuvre. Il faut en outre réaffirmer la nécessité d’un suivi à long terme afin que des actes similaires ne se reproduisent pas. Ceux qui ont utilisé ces armes doivent être traduits en justice et tenus responsables de leurs actes.

En conclusion, la résolution d’aujourd’hui peut contribuer à mettre un terme à l’utilisation des armes chimiques en Syrie, cependant le peuple syrien frère continue de souffrir, jour après jour, de manière épouvantable. Nous espérons par conséquent que le consensus sur ce dossier des armes chimiques permettra de faire avancer les efforts déployés par les Nations Unies pour parvenir à une solution politique à la crise syrienne, sur la base des conclusions de la première Conférence de Genève, afin de réaliser les aspirations du peuple syrien frère, de permettre un renouveau politique auquel il prenne pleinement part et dans lequel toutes les composantes de la société pourraient jouer leur rôle pour que la stabilité revienne, que le tissu social soit réparé et que les réfugiés puissent revenir librement dans leur pays.

Mme Murmokaitė (Lituanie) (parle en anglais) : La Lituanie, qui en était également coauteur, a voté pour la résolution 2235 (2015) portant création du Mécanisme d’enquête conjoint pour identifier les personnes responsables de l’utilisation comme armes de produits chimiques en Syrie.

Malgré le fait que l’interdiction complète de l’utilisation d’armes chimiques forme le principe fondamental de la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques, à laquelle la Syrie est partie depuis octobre 2013, et malgré les interdictions contenues dans les résolutions 2128 (2013) et 2209 (2015) concernant l’emploi, la fabrication, le stockage ou le transfert d’armes chimiques en Syrie, l’utilisation de produits chimiques comme armes continue à ce jour, et ce, avec une fréquence inquiétante. Les civils restent la première cible de ces attaques dont l’objectif est de semer la terreur.

Lorsqu’en août 2013, des centaines de personnes sont mortes dans le faubourg de la Ghouta après que le régime syrien eut utilisé du gaz sarin contre son propre peuple, un effort formidable a été entrepris par la communauté internationale pour détruire les stocks déclarés d’armes chimiques du régime. Pendant quelque temps, on a pu espérer que le cas de la Ghouta serait le dernier exemple d’utilisation des armes chimiques, en Syrie ou ailleurs. Mais après la Ghouta, il y a eu Talmenes, Al Tamanah, Kafr Zita, Edleb et d’autres, avec chaque fois de nouveaux survols d’hélicoptères, le sifflement des barils d’explosifs qu’on largue et le panache orange du gaz de chlore nocif s’élevant au- dessus de quartiers civils.

Ces attaques n’ont pas cessé après que la Mission d’établissement de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques a conclu, en septembre 2014, que des armes chimiques avaient été utilisées de manière systématique et répétée dans des villages du nord de la Syrie. Elles n’ont pas non plus cessé lorsqu’il y a à peine cinq mois, le Conseil a adopté une deuxième résolution sur le sujet, la résolution 2209 (2015), dans laquelle il a souligné que les personnes responsables de l’utilisation comme arme de produits chimiques doivent répondre de leurs actes et s’est dit prêt à imposer des mesures au titre du Chapitre VII de la Charte en cas de non-respect de la résolution.

La résolution que nous venons d’adopter à l’instant concerne l’établissement des responsabilités. Le Mécanisme d’enquête conjoint qui va être créé permettra d’identifier les responsables de ces attaques impliquant l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, quels qu’ils soient. C’est une mesure cruciale car elle va permettre de démasquer les coupables, qui ne pourront plus se cacher derrière leurs horribles forfaits, d’établir leur identité et d’adresser un message clair à ceux qui seraient tentés de les imiter, leur signifiant que la communauté internationale ne tolérera pas davantage pareils crimes.

Le Conseil de sécurité doit prendre toutes les mesures qui s’imposent pour faire en sorte que les personnes responsables de ces attaques à l’arme chimique soient traduites devant la justice. Toutefois, le principe de responsabilité ne doit pas se limiter à ceux qui ont mené des attaques à l’arme chimique mais s’étendre à tous ceux qui ont infligé la mort, la destruction et des souffrances indicibles au peuple syrien durant ce conflit qui a commencé il y a plus de quatre ans et demi. Le Conseil doit défendre résolument l’application du principe de responsabilité. Nous le devons à la mémoire des centaines de milliers de personnes qui ont perdu la vie et aux millions de personnes privées de tout et déplacées par le carnage en Syrie.

M. Wilson (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Le Royaume-Uni se félicite de s’être porté coauteur de la résolution 2235 (2015). Nous appuyons énergiquement la création d’un Mécanisme d’enquête conjoint pour examiner les allégations d’utilisation de produits toxiques comme armes en Syrie. Ce mécanisme représente un pas en avant d’une importance capitale. Par notre décision d’aujourd’hui, nous nous rapprochons de notre objectif de mettre fin à l’impunité et de faire rendre des comptes à ceux qui ont utilisé ces armes barbares.

Le Mécanisme que nous avons établi aujourd’hui sera impartial, il sera indépendant et il sera exhaustif. Il s’appuiera en toute logique sur les enquêtes déjà réalisées et a clairement pour mandat d’identifier les personnes, entités, groupes ou gouvernements qui ont perpétré, organisé ou commandité l’utilisation comme armes de produits chimiques en Syrie, y compris le chlore ou tout autre produit chimique toxique.

La mise en place de ce mécanisme impartial est le signe de notre attachement à un système international fondé sur des règles, un système dans lequel les responsables de ces crimes seront identifiés sur la base de faits réels. C’est certes une avancée importante, mais il ne faut pas s’arrêter là. Nous espérons vivement que le Mécanisme d’enquête conjoint entamera ses travaux rapidement et nous réitérons ici l’appel que le Conseil a adressé à tous les États pour qu’ils coopèrent pleinement avec les enquêteurs des Nations Unis, ainsi qu’avec la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Ils auront un rôle de facilitateur clef à jouer dans le travail du Mécanisme d’enquête conjoint.

En établissant ce mécanisme aujourd’hui, nous avons fait la preuve que le Conseil de sécurité pouvait trouver un terrain d’entente. Nous espérons vivement qu’il sera possible de faire fond sur cette réalisation afin de s’attaquer aux autres problèmes qui se posent en Syrie et de mettre en terme aux souffrances qu’endure la population syrienne depuis si longtemps.

M. Van Bohemen (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : La Nouvelle-Zélande se félicite d’avoir appuyé la résolution 2235 (2015), que nous venons d’adopter, et de l’avoir parrainée.

Les armes chimiques sont une arme abominable. La communauté internationale a confirmé le sentiment d’horreur que lui inspirent ces armes et sa détermination à les éliminer lorsqu’elle a négocié et adopté la Convention sur les armes chimiques. L’adoption de la résolution 2118 (2013) a constitué une mesure extrêmement importante prise par le Conseil en réaction aux rapports confirmant l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. L’acceptation par le régime syrien de cette résolution et sa décision, bien que tardive, d’adhérer à la Convention sur les armes chimiques et de coopérer à la destruction de ses stocks d’armes chimiques ont été les bienvenues et la communauté internationale a alors entrepris un effort majeur, sous la direction de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, afin de procéder à l’enlèvement et à la destruction de ces armes.

Pourtant, nous continuons de recevoir des informations en provenance de Syrie indiquant que des armes chimiques y sont toujours utilisées. Cela est monstrueux, même dans le contexte de ce conflit déjà parfaitement horrible. Il est donc juste et approprié que le Conseil ait adopté aujourd’hui un mécanisme pour permettre l’identification des responsables et leur faire rendre des comptes. Les personnes qui utilisent ou autorisent l’utilisation de telles armes doivent être tenues responsables de leurs actes abjects. Nous nous félicitons de l’accord intervenu sur le texte de la résolution 2235 (2015), même si c’est un exemple trop rare d’action collective du Conseil sur le dossier syrien. Nous espérons que l’esprit de coopération qui sous-tend la résolution marquera à l’avenir les efforts du Conseil pour traiter et régler le conflit syrien dans son ensemble.

La Présidente (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentante du Nigéria.

Le Nigéria note que la mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) qui était chargée de faire la lumière sur les faits entourant l’utilisation alléguée d’armes chimiques en Syrie a conclu « avec un degré de certitude élevé » (S/2015/138, annexe 2, par. 29) que des substances toxiques avaient été utilisées comme armes en Syrie. Nous notons également que la mission d’établissement des faits n’avait pas pour mandat d’attribuer la responsabilité de ces actes, qui constituent une violation flagrante du droit international. Ces actes non attribués laissent un vide qu’il faut combler si l’on veut déterminer ceux qui se cachent derrière l’utilisation des armes chimiques en Syrie. La résolution 2235 (2015) que le Conseil vient d’adopter à l’unanimité vise à combler ce vide au moyen d’un Mécanisme d’enquête conjoint OIAC-ONU. C’est pourquoi le Nigéria a voté pour son adoption.

Nous estimons nécessaire de réaffirmer que si nous appuyons la création d’un Mécanisme d’enquête conjoint, nous n’avons pas d’idées préconçues ni de préjugés concernant ceux qui se cachent derrière ces attaques à l’arme chimique commises en Syrie. Nous sommes convaincus que ces faits peuvent être établis par le Mécanisme d’enquête conjoint. Notre souhait est d’en voir les auteurs traduits en justice. Nous appelons toutes les parties en Syrie et l’ensemble de la communauté internationale à coopérer avec le Mécanisme d’enquête conjoint aux fins de l’exécution de son mandat. Nous réaffirmons notre ferme condamnation de l’utilisation d’armes chimiques par qui que ce soit, en toutes circonstances.

Je reprends à présent mes fonctions de Présidente du Conseil.

Je donne la parole au représentant de la République arabe syrienne.

M. Ja’afari (République arabe syrienne) (parle en arabe) : Cela fait 70 ans aujourd’hui que l’armée états-unienne a utilisé l’arme nucléaire contre les villes d’Hiroshima et de Nagasaki au Japon. Il y a 70 ans, l’humanité a découvert la portée et l’horreur de cette arme dévastatrice. Les gouvernements se sont depuis lors employés à y trouver remède, finissant par s’accorder sur le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 1968. Mon pays a adhéré au traité dès cette année-là. Puis a suivi la découverte d’un nouveau type d’armes, les armes biologiques. Les gouvernements se sont de nouveau attelés à adopter un traité d’interdiction de ces armes, la Convention sur les armes biologiques, en 1975. Mon pays y a adhéré. Par la suite, l’arme chimique a été découverte. Les gouvernements se sont affairés pour une troisième fois à l’adoption d’un traité : la Convention sur les armes chimiques, en 1993, à laquelle mon pays a adhéré récemment. Le Gouvernement syrien ne s’est pas rendu coupable de l’utilisation ni d’armes nucléaires, ni d’armes biologiques ni d’armes chimiques.

L’engagement de mon pays a été patent en 2003, lorsque la Syrie était membre du Conseil de sécurité et qu’elle a présenté au Conseil et aux États Membres un projet de résolution visant à faire du Moyen-Orient une zone exempte de toutes armes de destruction massive : chimiques, biologiques, nucléaires. Malheureusement, notre projet de résolution s’est heurté à l’objection d’un membre influent du Conseil, qui avait pour objet de protéger l’arme nucléaire israélienne.

Cette déclaration vise simplement à permettre à tous de se représenter la situation dans son ensemble et non pas sous un angle partiel. Le Gouvernement de la République arabe syrienne a maintes fois alerté les membres du Conseil au sujet du danger que représentait l’utilisation d’armes chimiques en Syrie par des groupes terroristes, dont certains sont affiliés à Al-Qaida, comme chacun le sait ici. Nous avons exprimé nos craintes très sérieuses de ce que certains régimes, qui appuient le terrorisme et les terroristes, donnent des armes chimiques aux groupes terroristes armés, et prétendent par la suite que ces armes ont été utilisées par le Gouvernement syrien. À cet égard, je rappelle que le Gouvernement syrien avait pris l’initiative de demander au Secrétariat de l’ONU de diligenter une enquête relative à l’utilisation des armes chimiques à Khan el-Assal, dans la périphérie d’Alep, ce qui n’a pas été fait jusqu’à ce jour, malheureusement, et ce, en dépit de l’accord donné par le Gouvernement syrien à l’envoi sur place de M. Sellström pour enquêter sur cet incident précis. Cela s’est produit il y a deux ans. Deux ans se sont écoulés au cours desquels aucune enquête n’a été effectuée sur les événements de Khan el-Assal. Les responsables de ce crime épouvantable n’ont toujours pas été identifiés et n’ont pas eu à répondre de leurs crimes. Je rappelle également les dizaines de lettres officielles envoyées par le Gouvernement syrien au Conseil de sécurité, à ses comités compétents, et à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), comprenant des preuves tangibles de ce que des matières chimiques et toxiques sont détenues, fabriquées et utilisées par des groupes terroristes en Syrie. Le 5 août, il y a trois jours exactement, nous avons envoyé à l’intention des délégations un dossier récapitulatif comprenant l’ensemble de cette correspondance – 13 lettres officielles – qui est à disposition dans les archives de l’ONU, et que les membres peuvent trouver auprès de leur délégation.

La Syrie s’est acquittée de ses obligations au titre de la Convention sur les armes chimiques ainsi que de ses obligations au titre de la résolution 2118 (2013). La Syrie a tenu, dès le départ et jusqu’à aujourd’hui, à coopérer sous toutes les formes et à traiter de manière positive, transparente et souple afin d’honorer ses engagements, en dépit de la difficulté d’une situation de sécurité rendue extrêmement complexe, sinon provoquée, par les positions hostiles de certaines parties régionales et internationales. C’est à la coopération constructive de la Syrie avec la Mission conjointe OIAC-ONU que cette mission a dû d’être un succès sans précédent dans l’histoire de l’Organisation. Mme Sigrid Kaag en a elle- même témoigné plus d’une fois. Le Gouvernement de la République arabe syrienne a affirmé auprès du Conseil de sécurité et auprès du Conseil exécutif de l’OIAC, à plus d’une reprise, sa condamnation de l’utilisation des armes chimiques ou de toutes autres armes de destruction massive par qui que ce soit, où que ce soit dans le monde. Je rappelle à cet égard que le Gouvernement syrien et l’armée syrienne n’ont jamais utilisé d’armes chimiques. Ils n’utiliseront jamais d’armes chimiques.

L’armée syrienne, les civils syriens, en revanche, ont été visés par les armes chimiques utilisées, des produits chimiques et substances toxiques parmi lesquelles le gaz de chlore, par des groupes terroristes armés, en tête desquels Daech et le Front el-Nosra, dans plusieurs endroits de Syrie, dans le cadre des actes criminels et terroristes qu’ils commettent en Syrie et dans la région. Le Gouvernement de la République arabe syrienne réaffirme que la neutralité, la transparence, la crédibilité, l’intégrité, l’absence de politisation, ainsi qu’une coopération et une coordination complètes avec le Gouvernement syrien, doivent être les principes directeurs de l’action du Mécanisme créé en vertu de la résolution 2235 (2015) que le Conseil vient d’adopter. Nous disons cela en raison de notre expérience avec les missions précédentes qui ont par le passé transgressé tous ces principes dans leurs pratiques, notamment parce qu’elles ont fondé leur travail sur de faux témoignages faits par des parties bien connues de tous. Ces missions ont mené de manière partiale des enquêtes à l’extérieur de la Syrie, sans un minimum de coordination avec les autorités syriennes.

Par exemple, plusieurs membres du Conseil ont parlé d’hélicoptères. Il s’agit là d’un point très important qui illustre bien les fabrications insérées dans plusieurs dépositions de témoins prétendant avoir entendu des hélicoptères, mais des hélicoptères qui survolaient le territoire turc, et non pas syrien. Ce qui remet en question ces déclarations, pour des raisons bien connues de tous. Par ailleurs, il y a deux ans, nous avons montré au Conseil un film réalisé en Turquie dans lequel on voyait des lapins utilisés comme cobayes pour des essais d’armes chimiques. Ces essais ont été effectués en vue de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie, comme l’affirme l’un des protagonistes du film, et c’est, hélas, ce qui s’est passé.

Le fait est que le Gouvernement syrien a tenu la totalité de ses engagements, conformément aux résolutions adoptées par le Conseil – qu’il s’agisse des armes chimiques, de la situation humanitaire ou de la lutte contre le terrorisme. Mais malgré cela, certains États, dans la région et au-delà, dont certains sont cités nommément dans plusieurs rapports, y compris des rapports des comités du Conseil de sécurité, ne font qu’aggraver la situation en Syrie où ils ont attiré des combattants terroristes de plus de 100 pays. Ces parties n’ont appliqué aucune des résolutions du Conseil.

Nous souffrons des violations de ces parties en Syrie, et ce, dans le cadre d’un chantage politique sans précédent qui prolonge la souffrance du peuple et exacerbe la crise. Dans le cadre de l’adoption de la présente résolution, nous demandons encore une fois au Conseil d’appeler tous les États Membres à mettre pleinement en œuvre les dispositions de ses résolutions, notamment les résolutions 2170 (2014), 2178 (2014) et 2199 (2015). Nous demandons au Conseil et au Mécanisme d’enquête conjoint qu’il vient de créer de coopérer et de coordonner ses actions avec le Gouvernement syrien afin de garantir responsabilisation et transparence.

La séance est levée à 10 h 55.