Débats

La séance est ouverte à 15 h 5.

Le Président, M. McCully (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : Je propose que le Conseil de sécurité observe une minute de silence en souvenir solennel des 298 personnes qui ont trouvé la mort lorsque le vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines a été abattu le 17 juillet 2014. J’invite toutes les personnes présentes tandis que nous honorons la mémoire de ces victimes.

Les membres du Conseil de sécurité observent une minute de silence.

Le Président (parle en anglais) : Je souhaite chaleureusement la bienvenue aux ministres qui assistent à la séance d’aujourd’hui. Leur participation vient confirmer l’importance du sujet à l’examen.

Conformément à l’article 37 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite les représentants de l’Allemagne, de l’Australie, de la Belgique, du Canada, de l’Irlande, d’Israël, de l’Italie, des Pays-Bas, des Philippines, de la Roumanie, de l’Ukraine et du Viet Nam à participer à la séance.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

Les membres du Conseil sont saisis du document S/2015/562, qui contient le texte d’un projet de résolution déposé par l’Allemagne, l’Australie, la Belgique, le Canada, l’Espagne, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Indonésie, l’Irlande, Israël, l’Italie, la Lituanie, la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, les Philippines, la Roumanie, le Royaume-Uni de Grande- Bretagne et d’Irlande du Nord et l’Ukraine.

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration avant le vote.

M. Liow Tiong Lai (Malaisie) (parle en anglais) : Le projet de résolution S/2015/562 dont est saisi le Conseil aujourd’hui est présenté par la Malaisie au nom des pays qui participent à l’équipe d’enquête mixte chargée d’enquêter sur la destruction en vol de l’appareil assurant le vol MH17 de la Malaysia Airlines,
à savoir l’Australie, la Belgique, la Malaisie, les Pays- Bas et l’Ukraine. C’est également en leur nom et au nom de ma délégation que je prends la parole pour expliquer notre position.

Il y a un an, le 17 juillet 2014, la communauté internationale apprenait avec effroi que le vol civil MH17 avait tragiquement été abattu dans l’est de l’Ukraine. Le Conseil a réagi immédiatement et de manière unie en adoptant par consensus la résolution 2166 (2014) quelques jours plus tard. Cette résolution condamnait cet incident, préconisait une enquête internationale exhaustive, minutieuse et indépendante, conformément aux directives de l’aviation civile internationale, demandait à tous les États et à tous les acteurs de coopérer pleinement dans le cadre de l’enquête internationale et exigeait que l’on contraigne les responsables de l’incident à répondre de leurs actes et que tous les États s’associent pleinement aux efforts déployés pour établir les responsabilités.

Depuis, une enquête indépendante de sûreté aérienne a été menée dans le plein respect de l’annexe 13 à la Convention relative à l’aviation civile internationale et des directives de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Le Bureau néerlandais de la sûreté a conduit l’enquête depuis que celle-ci a été confiée aux Pays-Bas par l’État d’occurrence, c’est- à-dire l’Ukraine. L’enquête a bénéficié du concours d’experts originaires de divers pays, notamment de l’Allemagne, de l’Australie, des États-Unis, de la France, de l’Indonésie, de l’Italie, de la Fédération de Russie, du Royaume-Uni et de l’Ukraine.

En parallèle et indépendamment de l’enquête de sûreté aérienne, les autorités de police de l’Australie, de la Belgique, de la Malaisie, des Pays-Bas et de l’Ukraine ont coopéré au sein d’une équipe d’enquête mixte chargée de mener l’enquête pénale sur la destruction du vol MH17. Cette enquête a été ouverte afin de donner suite à la demande du Conseil figurant dans la résolution 2166 (2014) en faveur de la réalisation d’une enquête exhaustive, minutieuse et indépendante sur l’incident. L’ONU s’est dite convaincue que l’enquête était menée conformément aux normes internationales.

À l’occasion du premier anniversaire de la destruction du vol MH17, le Secrétaire général Ban Ki- moon s’est félicité des progrès de l’enquête internationale indépendante menée conformément à la résolution 2166 (2014). L’OACI a également fait savoir qu’elle appuyait l’enquête internationale indépendante en cours.

Il y a un an, le Conseil exigeait dans sa résolution 2166 (2014) que les responsables rendent des comptes. L’heure est désormais venue pour le Conseil d’agir de manière claire et résolue pour montrer sa détermination et sa volonté politique d’établir les responsabilités dans le meurtre insensé des personnes qui se trouvaient à bord du vol MH17. C’est pourquoi aujourd’hui, au nom des pays membres de l’équipe d’enquête mixte, à savoir l’Australie, la Belgique, la Malaisie, les Pays-Bas et l’Ukraine, la Malaisie demande au Conseil de se prononcer sur le projet de résolution relatif à la création d’un tribunal pénal international spécial.

Il importe que le Conseil de sécurité prenne, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, des mesures claires et déterminées contre les personnes accusées d’avoir abattu le vol MH17 et que, par là même, il fasse savoir sans aucune équivoque au nombre croissant d’acteurs non étatiques capables de cibler des aéronefs civils que ces attaques sont inacceptables. Ainsi, la création par le Conseil d’un tribunal international signalerait clairement que la communauté internationale est résolue à agir contre ceux qui menacent la paix et la sécurité internationales en mettant en danger l’aviation civile. Toutes les personnes qui voyagent en avion seront exposées à de plus grands dangers si les auteurs de ces attaques ne rendent pas compte de leurs actes.

Un tribunal international serait également en très bonne position pour rendre justice aux familles des victimes. L’obligation de coopérer avec ce tribunal optimiserait également la perspective d’une coopération internationale. La mise en place d’un tribunal avant l’achèvement d’une enquête criminelle assurerait également que cette création soit aussi dépolitisée que possible et conforme à la pratique même du Conseil de sécurité concernant les autres cours pénales et tribunaux internationaux. Quels que soient les auteurs de ces attaques, nous tenons à nous assurer que le bras de la justice arrive jusqu’à eux et qu’ils ne jouissent d’aucune impunité. En outre, le projet de statut du tribunal, joint en annexe au projet de résolution, garantirait l’indépendance des juges et du procureur et donnerait à ce dernier les pleins pouvoirs pour ouvrir sa propre enquête.

La Malaisie, qui est l’un des pays membres de l’équipe d’enquête mixte, a établi des contacts avec tous les membres du Conseil afin de susciter leur appui au projet de résolution. Nous avons tenu des consultations sur ledit projet de résolution et sur le statut au sein du Conseil et avons mené une campagne d’information intensive, tant à New York que dans différentes capitales, en vue d’expliquer notre initiative, de répondre aux préoccupations éventuelles et de solliciter l’appui des membres du Conseil et des nations éplorées. Nous remercions tous ceux qui ont appuyé nos efforts et se sont portés coauteurs du projet de résolution aujourd’hui.

Je tiens, tandis que nous soumettons ce projet de résolution à un vote, à demander à tous les membres du Conseil de n’oublier ni les appels à la justice lancés par les familles et les proches des victimes, ni la promesse faite par le Conseil dans la résolution 2166 (2014) de veiller à établir les responsabilités. Nous devons envoyer un message sans équivoque contre l’impunité. Les familles et les proches des victimes qui ont trouvé la mort lors de la destruction du vol MH17 n’en attendent pas moins. Nous demandons au Conseil d’appuyer cette initiative. Les mots ne sauraient exprimer les profonds effets de ces événements sur les familles des passagers et des membres de l’équipage. Nous espérons que l’unité dont le Conseil de sécurité aura fait montre, mais surtout son adoption du projet de résolution, leur assurera un certain réconfort.

C’est pour ces raisons que la Malaisie votera pour le projet de résolution S/2015/562. Nous exhortons les membres du Conseil à faire de même.

Le Président (parle en anglais) : Je vais maintenant mettre aux voix le projet de résolution.

Il est procédé au vote à main levée.

Votent pour :

Tchad, Chili, France, Jordanie, Lituanie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Nigéria, Espagne, Royaume- Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, États-Unis d’Amérique

Votent contre :

Fédération de Russie

S’abstiennent :

Angola, Chine, Venezuela (République bolivarienne du)

Le Président (parle en anglais) : Le résultat du vote est le suivant : 11 voix pour, une voix contre et 3 abstentions. Le projet de résolution n’a pas été adopté en raison du vote négatif d’un membre permanent du Conseil.

Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil qui souhaitent faire une déclaration après le vote.

M. Liow Tiong Lai (Malaisie) (parle en anglais) : La Malaisie déplore vivement que le Conseil de sécurité n’ait pas réussi à rester uni concernant la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Nous sommes extrêmement déçus que le projet de résolution S/2015/562, qui aurait permis la création d’un tribunal pénal spécial pour le vol MH17, n’ait pas été adopté, en dépit des efforts persistants que nous avons déployés pour répondre aux préoccupations des membres du Conseil et atténuer nos divergences de vues. La Malaisie, de concert avec les pays de l’équipe d’enquête mixte, voulaient s’orienter vers cette solution qui aurait rallié un large appui de la part de la communauté internationale pour l’ouverture de poursuites. C’était également le meilleur moyen d’assurer la coopération de tous les pays à un mécanisme efficace de poursuites chargé de rendre la justice et d’établir les responsabilités.

Malheureusement, un an après l’adoption à l’unanimité de la résolution 2166 (2014), le Conseil marque un recul en envoyant un mauvais signe aux familles et aux proches des victimes. Le Conseil a également été dans l’incapacité de mettre en œuvre la résolution 2166 (2014), qui exige que les responsabilités soient établies et que tous les États coopèrent pleinement dans ce sens. Au lieu de transmettre un message en faveur de la justice et de la responsabilité, nous envoyons aux auteurs de ce crime odieux le message dangereux qu’ils jouissent de l’impunité, et nous compromettons la sécurité future de l’aviation civile au-dessus des zones de conflit.

Je tiens à souligner que ce qui, hélas, s’est passé aujourd’hui, ne dissuadera pas la Malaisie de poursuivre inlassablement ses efforts en vue de tenir pour responsables les auteurs de ce crime et de rendre justice aux victimes innocentes de ce vol maudit. Je remercie très sincèrement tous les pays qui ont appuyé les efforts déployés par la Malaisie pour que soit créé un tribunal pénal international sur le vol MH17 et ceux qui font partie de l’équipe d’enquête mixte.

Nous poursuivrons notre campagne d’information et nos consultations avec les pays concernés en vue de répondre à leurs préoccupations éventuelles concernant la justice et l’établissement des responsabilités relativement au vol MH17. La Malaisie envisagera et étudiera également d’autres options possibles et d’autres mécanismes de poursuites au vu de l’échec enregistré aujourd’hui. J’assure les membres du Conseil que nous n’en resterons pas là et que nous ne renoncerons jamais. Nous devons agir ; nous ne pouvons pas ne rien faire. Nous devons aller de l’avant, forts de nos convictions, afin d’être en mesure de réclamer que justice soit faite. Nous devons, pour les familles et les proches des victimes, continuer à lutter pour la justice et l’établissement des responsabilités.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous aimerions, pour commencer, adresser une fois de plus nos condoléances aux familles endeuillées, ainsi qu’aux gouvernements des pays dont des ressortissants se trouvaient à bord de l’avion qui s’est écrasé en Ukraine le 17 juillet de l’année dernière. La Russie a toujours plaidé pour que soient établies rapidement les causes de l’accident du vol MH17 de la Malaysia Airlines et poursuivis les coupables de cette tragédie. De surcroît, nous avons plus d’une fois contribué de façon concrète à la réalisation des tâches afférentes à cet égard.

La délégation russe a fait tout ce qui était en son pouvoir pour que le Conseil de sécurité adopte, dans les plus bref délais, la résolution 2166 (2014). À l’occasion de l’élaboration de cette résolution, nous avons insisté sur le renforcement des dispositions portant sur la nécessité de procéder à une enquête internationale exhaustive, méticuleuse et indépendante, conformément aux principes directeurs de l’aviation civile internationale, et sur le rôle de premier plan que devait y jouer l’Organisation de l’aviation civile internationale. De plus, nous étions pleinement ouverts à l’adoption immédiate d’une résolution supplémentaire qui garantisse un accès rapide à la zone de l’écrasement pour les besoins de l’enquête conjointe. Or, les États concernés ont préféré agir en dehors du Conseil, et sur la base d’accords bilatéraux avec l’Ukraine, dont l’élaboration a pris davantage de temps.

Dans la résolution 2166 (2014), nous avons insisté sur l’inscription d’une disposition relative à l’arrêt immédiat de toutes les hostilités dans la zone immédiatement adjacente au lieu de la catastrophe. Et c’est la délégation russe qui a soulevé, au Conseil de sécurité, la question de la violation par Kiev de cette disposition en août, lorsque les autorités ukrainiennes ont déclaré de façon unilatérale qu’elles n’adhéraient plus à l’accord de cessez-le-feu, à la suite de quoi la mission d’enquête a été contrainte de suspendre ses travaux pendant une longue période.

Dans le cadre de l’enquête technique, les experts russes, en application de l’annexe 13 à la Convention relative à l’aviation civile internationale, ont remis à la partie néerlandaise toutes les informations qui nous étaient demandées, y compris les données provenant de la station radar de Rostov de notre système unifié de gestion du trafic aérien. Dans les quelques jours qui ont suivi la catastrophe, le Ministère de la défense russe a tenu une séance d’information où il a communiqué toutes les données satellitaires russes disponibles, qui ont également été transmises à la partie néerlandaise. L’analyse et les calculs auxquels nous avons procédé au sujet de l’une des versions de la catastrophe – à savoir que l’avion avait été abattu par un missile sol-air de type Buk – ont également été communiqués aux Pays-Bas par les spécialistes du fabricant russe Almaz-Antey. À cette fin, les données relatives aux spécifications techniques et tactiques de ces missiles ont donné lieu à une levée du secret défense y relatif. La Russie est le seul pays à avoir ainsi rendu public ce type de données.

Malheureusement, plus d’un an après l’adoption de la résolution 2166 (2014), des questions graves se posent encore quant à la conduite de l’enquête. Les experts russes n’ont pas eu accès sur un pied d’égalité aux différents aspects de l’enquête technique et ils ont fourni données et calculs à titre unilatéral tout en ne sachant pas ce qu’il advenait de ces informations. Parallèlement, nous avons proposé à plusieurs reprises de mettre à disposition nos spécialistes qualifiés et équipements spécialisés pour procéder à des expertises complexes telles que, par exemple, une étude métallographique qui permettrait d’établir, par l’examen des sous-munitions, le type de missile employé pour abattre l’avion. Tout cela est resté sans réponse.

Quant à l’enquête pénale, elle est effectuée par les membres de l’équipe d’enquête mixte à huis clos. On nous a fait savoir que les cinq pays participant à l’enquête avaient conclu un accord de non-divulgation de cette information, auquel cas, quelles raisons avons-nous pour ajouter foi au caractère impartial de cette enquête ? Peut-on être sûr qu’elle ne cède pas à la campagne de propagande agressive menée dans les médias ? Peut- elle être à l’épreuve des pressions politiques quand les causes et les coupables de la catastrophe ont déjà été désignés par avance ? À plus forte raison quand ce type de déclarations est fait par les dirigeants de certains des États composant l’équipe d’enquête.

La Fédération de Russie a été le seul pays à rappeler que la résolution 2166 (2014) prévoyait une aide complète de l’Organisation des Nations Unies à l’enquête. Nous avons proposé d’envisager la création d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général, ce qui permettrait de conduire une enquête véritablement internationale et transparente. Mais notre proposition n’a pas été acceptée, tout comme il n’a pas été donné suite à l’instruction donnée au Secrétaire général dans la résolution 2166 (2014) de présenter au Conseil de sécurité un ensemble de propositions concernant les autres options possibles pouvant permettre d’aider l’ONU dans son enquête.

Qu’avons-nous obtenu en définitive ? Nous avons eu un texte élaboré en coulisses – en dehors du Conseil de sécurité –, sans qu’aient été étudiées soigneusement toutes les options s’offrant en matière d’enquête criminelle, un projet de résolution présenté au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Notre position, à savoir que cette mesure était prématurée, mal définie et insoutenable sur le plan juridique, n’a pas été entendue. Nous avons présenté un autre projet de résolution au Conseil de sécurité qui visait à tirer pleinement parti du potentiel que recèle la résolution 2166 (2014) et à garantir une enquête véritablement internationale, indépendante et complète. Après cela, il aurait été possible de revenir à la question de l’examen des mécanismes juridiques permettant d’établir les responsabilités. Nous voudrions ici souligner que le document que nous avons proposé reste toujours sur la table et que les propositions et les idées qu’il contient sont toujours d’actualité.

Nous avons déclaré à plusieurs reprises que nous n’appuyions pas l’idée de la création d’un tribunal au titre du Chapitre VII de la Charte. Il n’y a aucun fondement à cela, compte tenu, en particulier, du fait que le Conseil de sécurité, dans sa résolution 2166 (2014), n’a pas qualifié la tragédie du Boeing de menace à la paix et à la sécurité internationales. Il est difficile d’expliquer comment cet accident qui, il y a un an, n’était pas considéré comme une menace à la paix et à la sécurité internationales, en est une, subitement, aujourd’hui.

En principe, les questions relatives à l’ouverture d’une procédure pénale ne relèvent pas du Conseil de sécurité. Il y a eu, certes, des exceptions notables à cette règle par le passé, en raison de la nécessité d’établir les responsabilités dans des crimes à grande échelle considérés par la communauté internationale comme relevant des crimes les plus graves. Mais l’expérience des Tribunaux pénaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda peut difficilement être considérée comme un succès, étant donné leur complexité, leur sensibilité aux pressions politiques, leur coût élevé et l’extrême longueur des procédures.

Les précédents, concernant la création par le Conseil de tribunaux internationaux chargés de traduire en justice les coupables de catastrophes survenues dans des transports sont inexistants, en principe.

Il y a eu, bien sûr, des tragédies de cet ordre par le passé, qui n’ont pas épargné la Russie. Ainsi, en 2001, un avion de la compagnie Sibir a été abattu au-dessus de la mer Noire par des systèmes antiaériens ukrainiens. Or on n’a pas parlé à l’époque de créer un tribunal international, ni lors de la destruction en vol de l’avion de la compagnie Iran Air, en 1988, au-dessus du golfe Persique, par un missile tiré d’un destroyer américain. Les enquêtes nationales effectuées à l’époque, en Ukraine et aux États-Unis respectivement, n’ont pas déterminé qu’un crime avait été commis. Et la résolution 616 (1988) du Conseil de sécurité adoptée suite à l’accident meurtrier de l’avion de ligne iranien abattu n’a pas qualifié l’incident de menace à la paix et à la sécurité internationales.

Je donne encore ici un exemple. En 2010, la Russie a été à l’origine d’une initiative visant à créer un tribunal international spécial chargé de poursuivre les pirates, et ce, eu égard à la multiplication sans précédent des actes de piraterie commis au large des côtes de Somalie. À l’époque, il n’existait pas de mécanisme de poursuites efficace contre la piraterie, et les pirates capturés étaient souvent simplement relâchés. Or, l’idée de créer un tribunal international chargé de juger les crimes de piraterie n’a pas bénéficié de l’appui du Conseil de sécurité, en dépit du fait que la situation avait été clairement qualifiée de menace à la paix et à la sécurité internationales. Les arguments concernant l’inefficacité, la lourdeur et la lenteur de ce type de mécanismes ont alors été utilisés, notamment dans la bouche de ceux qui, aujourd’hui, appuient le projet de résolution sur l’accident du Boeing. Aussi, force est de constater que le projet de résolution qui a été mis aux voix aujourd’hui (S/2015/562) était dépourvu de tout fondement juridique ou jurisprudentiel. Nous avons expliqué à maintes reprises tout cela à nos collègues et les avons invités à réfléchir à des solutions de substitution. Cependant, les auteurs du projet de résolution ont refusé d’agir dans un esprit de coopération et ils ont mis ce projet aux voix, sachant par avance qu’il ne donnerait pas de résultat positif. Cela montre, à notre sens, que les objectifs politiques et de propagande sont, pour eux, plus importants que les objectifs pratiques. Cela est regrettable.

En conclusion, je voudrais confirmer sans équivoque que la Russie est prête à continuer de contribuer à la conduite d’une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur les causes et les circonstances de l’écrasement de l’avion malaisien, en application des dispositions de la résolution 2166 (2014), de façon à identifier les coupables et à les poursuivre. La position que nous défendons aujourd’hui n’a rien à voir avec un quelconque soutien à l’impunité.

Mme Power (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Je remercie tous les ministres qui se sont déplacés à New York pour cette importante séance.

Shuba Jaya et son mari Paul Goes rentraient des Pays-Bas, où ils avaient emmené leur fille âgée d’un an, Kaela, rencontrer pour la première fois les parents de Paul. Nick Norris ramenait ses trois petits-enfants, Mo, 12 ans, Evie, 10 ans, et Otis, 8 ans, à Perth après des vacances en famille, afin que les parents des enfants puissent passer quelques jours de vacances seuls. Tambi Jiee et Ariza Gazalee rentraient s’installer en Malaisie après plus de deux années de séjour à l’étranger. Ils étaient accompagnés de leurs fils, Muhammad Afif, 19 ans, Muhammad Afzal, 17 ans, et Mohammed Afruz, 13 ans, et de leur fille, Marsha Azmeena, 15 ans. Toutes ces familles étaient sur le vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines. Toutes ces personnes sont mortes.

Il y avait, parmi les 298 personnes à bord, des étudiants et des enseignants, des fleuristes et des hôtesses de l’air, des entrepreneurs et des restaurateurs, un ingénieur en aérospatiale et une caissière de supermarché. Près de 80 des passagers étaient des enfants. Leur perte dépasse toute mesure.

Cette perte est ressentie par des générations d’élèves de la religieuse Philomène Tiernan, âgée de 72 ans et membre de la Société du Sacré-Cœur de Jésus, un ordre religieux qui se consacre principalement à la promotion de l’éducation des filles. Sœur Phil, comme l’appelaient ses élèves, rentrait chez elle après avoir visité en France l’église où est enterrée la dépouille de la fondatrice de cet ordre religieux. Cette perte est ressentie par des personnes qui n’ont sans doute jamais rencontré les victimes, mais dont la vie a été touchée, voire modifiée à jamais, par leur travail. Je pense à des victimes comme Joep Lange et sa partenaire, Jacqueline van Tongeren, qui faisaient partie des passagers se rendant à la vingtième Conférence internationale sur le
sida. Joep était un chercheur de renom qui a contribué à rendre les traitements antirétroviraux moins coûteux pour tous ceux qui n’auraient pas pu se les permettre autrement. Jacqueline travaillait pour une organisation non gouvernementale promouvant des solutions sanitaires pour les communautés pauvres. Je pense à des victimes comme Willem Witteveen, qui était non seulement un spécialiste du droit et de la théorie politique profondément respecté, mais également un serviteur dévoué de son pays, qui fut pendant près de 10 ans sénateur des Pays-Bas.

Mais ce sont évidemment les familles des 298 victimes qui ressentent le plus profondément cette perte. Dora Shahila Kassim était chef de cabine et mère célibataire. Elle avait travaillé dur pour faire en sorte que sa fille de 16 ans, Diyana, ait toutes les chances dans la vie. « Elle était non seulement ma mère, mais aussi mon père et ma meilleure amie », a déclaré Diyana. « Je ne sais pas comment je vais vivre sans elle. » Le fils de Silene et Rob Fredriksz, Bryce Fredriksz, qui avait 23 ans, était sur le vol avec sa petite amie, Daisy Oehlers, âgée de 20 ans. Le jeune couple vivait chez les parents de Bryce. Depuis le 17 juillet 2014, les parents de Bryce gardent la chambre telle que Bryce et Daisy l’ont laissée, avec le lit défait et des vêtements éparpillés sur le sol. Silene ne peut se résoudre à y toucher. L’air, dit-elle, respire encore Bryce et Daisy.

Cela aurait pu arriver à n’importe laquelle de nos familles. Nos fils ou nos filles, nos mères ou nos pères, nos grands-parents ou nos oncles et tantes – n’importe lequel d’entre eux aurait pu être sur ce vol, de même que nos enseignants, nos collègues, nos voisins ou nos meilleurs amis. Les passagers de ce vol étaient originaires de 18 pays, dont le mien, mais ils auraient pu être de n’importe quelle nationalité. On peut donc dire que les familles des 298 passagers, ainsi que les communautés et les nations auxquelles ils appartenaient, font toutes partie de nos familles.

Les États-Unis croient fermement que ceux qui ont perpétré ce crime innommable ne peuvent rester dans l’anonymat et impunis. Lorsque les Pays-Bas, la Malaisie, l’Australie, la Belgique et l’Ukraine ont déposé le projet de résolution S/2015/562, nous avons appuyé leurs efforts. Bien sûr, la justice à elle seule ne comblera pas le vide profond causé par la perte des passagers du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Mais les efforts visant à faire obstruction à la justice ne font qu’accroître la douleur des familles des victimes qui ont déjà enduré bien plus que tout ce qu’on peut imaginer, que ce soit lorsque les séparatistes soutenus par la Russie ont empêché les enquêteurs d’accéder pleinement et rapidement au site de l’accident, ou lorsque la Russie a refusé ne serait-ce que de négocier le projet de résolution et le statut présentés aujourd’hui, empêchant ainsi pratiquement toute négociation significative de ces documents, ou bien encore aujourd’hui avec le veto de la Russie.

En opposant son veto au présent projet de résolution, la Russie tente de refuser la justice aux 298 victimes du vol MH17 et de priver leurs familles de l’occasion de demander des comptes aux responsables. La Russie a cyniquement ignoré l’indignation publique dans les pays en deuil et les appels des familles touchées. Il est tragique que la Russie ait utilisé le privilège qui lui avait été reconnu pour faire progresser la paix et la sécurité internationales aux fins d’entraver la paix et la sécurité internationales.

Mais soyons clairs – le veto d’aujourd’hui ne peut pas et ne doit pas priver les victimes et leurs familles de la justice. Il ne peut y avoir et il n’y aura aucune impunité pour ceux qui ont abattu un avion civil transportant 298 personnes. Si la justice est refusée à ces 298 personnes et à leurs familles et communautés, elle est refusée à l’ensemble de nos familles, communautés et nations. Bien que nous soyons scandalisés et profondément déçus par le résultat de ce vote, nous tenons aujourd’hui à dire aux familles qu’aucun veto n’empêchera que ce crime odieux fasse l’objet d’une enquête et de poursuites, et qu’aucun veto n’affaiblira notre engagement inébranlable envers elles de faire en sorte qu’elles obtiennent, ainsi que leurs proches, la justice qu’ils méritent.

M. Baublys (Lituanie) (parle en anglais) : Je souhaite la bienvenue au Conseil de sécurité à vous, Monsieur le Président, ainsi qu’aux Ministres Liow Tiong Lai, de la Malaisie, Julie Bishop, de l’Australie, Pavlo Klimkin, de l’Ukraine, et Bert Koenders, des Pays-Bas. Leur présence ici témoigne de l’engagement de leurs gouvernements à établir les responsabilités et à demander justice pour la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, près de Torez, dans la province de Donetsk, le 17 juillet 2014.

Nous adressons nos plus sincères condoléances aux familles des victimes originaires des Pays-Bas, de la Malaisie, de l’Australie, de l’Indonésie, du Royaume- Uni, de l’Allemagne, de la Belgique, des Philippines, de la Nouvelle-Zélande et du Canada. Nos paroles apaisent sans doute les familles en deuil, mais le crime odieux qui a été commis exige une réponse de la part du Conseil de sécurité. Tous les États doivent coopérer pleinement afin d’établir les responsabilités, ce que demandait justement la résolution 2166 (2014) adoptée à l’unanimité par le Conseil.

Le veto opposé aujourd’hui par la Russie prive pour l’instant les familles des victimes de la possibilité de traduire les auteurs en justice. Les actions de la Russie sont extrêmement préoccupantes, bien que guère surprenantes. Depuis le 17 juillet 2014, la Russie a agi eu égard aux enquêtes indépendantes sur le vol MH17 comme si elle avait quelque chose à cacher, comme si elle voulait induire quelqu’un en erreur ou égarer quelqu’un en fournissant de fausses informations. Aujourd’hui ne fait pas exception. La triste réalité sur le terrain dément toutefois le discours russe.

Les groupes armés illégaux soutenus par la Russie qui contrôlent le site de l’accident ont falsifié les traces matérielles pendant des jours et des semaines, et ont bloqué ou limité l’accès des experts internationaux et des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Ce n’est que suite à la pression internationale considérable exprimée dans la résolution 2166 (2014) que des enquêteurs indépendants ont pu procéder à l’identification des restes des victimes et recueillir des indices. Leur travail est essentiel, et nous appelons tous les États concernés à coopérer.

L’équipe d’enquête internationale indépendante dirigée par les Pays-Bas comprend des experts d’Australie, de France, d’Allemagne, d’Indonésie, d’Italie, de Malaisie, de Russie, d’Ukraine, du Royaume- Uni et des États-Unis, de même que de l’Agence européenne de la sécurité aérienne et de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), et jouit de la pleine confiance des pays concernés et de la communauté internationale, notamment de l’OACI et de l’ONU. Nous avons toute confiance dans l’enquête, qui est menée en conformité avec les procédures et les normes de l’OACI et de la Convention de Chicago. Nous remercions les pays de l’équipe d’enquête mixte d’être constamment disponibles et de tenir le Conseil au courant.

La Lituanie a parrainé le projet de résolution (S/2015/562) déposé aujourd’hui par la Malaisie. Aujourd’hui, avec une majorité des membres du Conseil, nous envoyons un message clair selon lequel les actes de violence contre des civils ne resteront pas impunis. La destruction de l’aéronef assurant le vol MH17 constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales, et c’était un acte délibéré. La responsabilité n’est pas un concept abstrait. Un tribunal international soutenu par le Conseil de sécurité créé en application du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies aurait été le meilleur moyen de garantir l’impartialité et l’indépendance de la procédure judiciaire. Nous appuierons les efforts visant à faire respecter le principe de responsabilité, avec ou sans la coopération de la Russie.

L’entrée incontrôlée d’armes, de mercenaires et de militaires russes dans le territoire souverain de l’Ukraine a créé les conditions qui ont permis que se produise cette tragédie. Plusieurs semaines avant la destruction du vol MH17, les séparatistes ont affirmé s’être procuré un système de missiles SA-11 Bouk et l’avoir utilisé pour abattre un avion-cargo Antonov AN-26 en haute altitude. De telles armes ne se trouvent pas sur un marché local à Louhansk. Elles ne peuvent pas non plus être maniées par un mineur de Donetsk.

Le conflit orchestré de l’étranger dans l’est de l’Ukraine se poursuit, en dépit du fait que la Russie nie toute implication, comme dans le cas de l’occupation de la Crimée. Les cessez-le-feu de septembre 2014 et de février 2015 visaient à permettre aux forces russes et séparatistes présentes dans le Donbass de se regrouper. Récemment, 52000 soldats russes ont été déployés à la frontière ukrainienne. Depuis l’automne dernier, à seulement deux points de passage de la frontière entre la Russie et l’Ukraine, l’OSCE a recensé 20000 hommes en uniforme, soit deux divisions, traversant dans les deux sens sans que la moindre demande de visa ait été introduite. Que pourrait alors constater l’OSCE si la Russie respectait les accords de Minsk et l’autorisait à surveiller de vastes zones dans le Donbass, notamment les 400 kilomètres de frontière séparant l’Ukraine de la Russie ?

Les signes de mauvais augure ne s’arrêtent pas là. L’OSCE a enregistré une forte concentration d’armes lourdes dans les zones contrôlées par les rebelles, notamment à un nœud ferroviaire à Komsomolske. Il y a seulement quelques semaines, Alexei Markov, de la Brigade fantôme de la République populaire autoproclamée de Louhansk, a affirmé que ses combattants étaient déterminés à lancer une offensive estivale, mais qu’ils voulaient que Moscou leur fournisse des armes car ils en avaient très peu, étaient à court de matériel et avaient besoin d’hommes, de pièces d’artillerie et de véhicules de combat. Tous les otages et les personnes détenues illégalement auraient dû être libérés. La Russie a évidemment trouvé d’autres excuses pour braver les dispositions de la résolution 2202 (2015).

Nadia Savchenko et d’autres Ukrainiens détenus illégalement se trouvent toujours dans des prisons russes dans l’attente de procès fantoches.

Il faut mettre un terme à ces tragédie et souffrances humaines en Ukraine. Les accords de Minsk doivent être appliqués de bonne foi. Le Groupe de contact trilatéral, l’OSCE et l’ONU doivent jouer des rôles cruciaux. La Russie et ses militants doivent cesser de ne souscrire à ces accords qu’en paroles. Dans des circonstances extrêmement difficiles, l’Ukraine est en train de mettre en œuvre les accords de Minsk. Elle a lancé une réforme constitutionnelle. Elle déploie des efforts véritables pour procéder à des réformes douloureuses, combattre la corruption et se libérer du passé. L’Ukraine doit être libre d’appliquer les réformes que son peuple a choisies. Les Ukrainiens veulent la paix.

Notre devoir aujourd’hui n’était pas de prendre parti mais de garantir la justice. Le Conseil a échoué. Le veto mis aujourd’hui constitue une tentative désespérée de retarder l’application du principe de responsabilité, mais la communauté internationale n’interrompra pas ses efforts, et les responsables seront amenés à répondre de leurs actes.

M. Cherif (Tchad)  : Je voudrais tout d’abord souhaiter la bienvenue à tous les ministres présents dans cette salle.

Il y a jour pour jour un an et 12 jours, nous étions témoins de l’horreur du crash du vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines dans la province de Donetsk, en Ukraine, qui a entraîné la mort de 298 personnes innocentes, dont 85 enfants. Le Tchad réitère sa vive condamnation de cette abominable attaque contre un avion civil et exprime à nouveau sa profonde sympathie et ses condoléances les plus attristées aux familles éplorées ainsi qu’aux gouvernements des pays dont les victimes étaient originaires. Nous partageons l’incommensurable douleur des parents et proches des victimes et comprenons leur impatience légitime de connaître la vérité et d’exiger des comptes de ceux qui seraient à l’origine de cette catastrophe.

Il convient de rappeler que la résolution 2166 (2014), adoptée aussitôt après la destruction survenue le 17 juillet 2014, dispose que les responsables de cette catastrophe sont tenus de rendre des comptes et que tous les États coopèrent pleinement avec les efforts visant à établir les responsabilités. Selon le rapport préliminaire rendu public le 10 septembre 2014 par le Bureau néerlandais de la sûreté concernant la destruction, l’avion s’est désintégré en plein vol en raison des « dommages structurels provoqués par l’impact extérieur de nombreux projectiles à haute énergie ». Cependant, l’origine de ces projectiles n’a pas été précisée.

Le Tchad a soutenu et soutient toujours tous les efforts de la communauté internationale visant à demander des comptes et à situer les responsabilités dans la destruction de l’avion. Nous tenons à remercier la délégation malaisienne d’avoir déposé à cet effet le projet de résolution S/2015/562, relatif à la création d’un tribunal pénal international. Nous étions favorables dès le départ à l’idée de la création d’un tel tribunal pour juger les auteurs de ces crimes odieux, pour plusieurs raisons.

Premièrement, pour répondre à l’exigence de la résolution 2166 (2014), adoptée à l’unanimité par le Conseil de sécurité à la suite de l’incident, demandant de traduire en justice les auteurs de la destruction de l’aéronef malaisien. Deuxièmement, pour honorer la mémoire des victimes de cette tragédie et réitérer notre entière solidarité à leurs proches, dont nous partageons l’impatience légitime dans la quête de vérité et de justice, ainsi qu’aux nombreuses délégations venues ici les représenter aujourd’hui. Troisièmement, pour garantir une enquête crédible, indépendante et impartiale en vue d’une justice à l’abri de toute pression et manipulation, et encourager la coopération entre tous les États à cette fin. Quatrièmement et enfin, pour envoyer un message dissuasif fort à tous ceux qui pourraient, dans d’autres zones de conflit, attenter à l’avenir à la sécurité et à la sûreté de l’aviation civile internationale.

C’est compte tenu de tout ce qui précède que le Tchad a voté pour le projet de résolution déposé par la délégation malaisienne, mais malheureusement non adopté à cause de l’opposition d’un membre permanent. Nous regrettons profondément que ce projet n’ait pas été adopté. Malgré le rejet de ce projet de résolution, nous demeurons engagés à soutenir tous les efforts visant à répondre au besoin de justice, et encourageons à cet effet les pays concernés, ainsi que les membres du Conseil, à tout mettre en œuvre pour répondre aux attentes légitimes des proches des victimes.

M. González de Linares Palou (Espagne) (parle en espagnol) : L’Espagne a voté pour le projet de résolution S/2015/562, déposé par la Malaisie, et elle regrette qu’il n’ait pu être adopté. Ma délégation estime que le projet de résolution faisait logiquement suite à la résolution 2166 (2014), que le Conseil a adoptée à l’unanimité il y a un an. Il est important d’insister sur le fait que la résolution 2166 (2014) est toujours en vigueur aujourd’hui. Il est également important de préserver l’unité dont le Conseil avait fait preuve à ce moment-là.

Dans ce contexte, je tiens à réaffirmer que l’Espagne condamne la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, en juillet 2014, et redire notre tristesse face au sort de ses 298 passagers et membres d’équipage, à la mémoire desquels je tiens à rendre hommage une fois de plus aujourd’hui.

Mon pays a demandé à plusieurs reprises que les responsables de cet acte inqualifiable aient à rendre des comptes. Il est inacceptable que les parties au conflit puissent recourir à de tels actes de violence aveugle contre l’aviation civile. Le Conseil de sécurité ne peut rester indifférent face à ce type d’action. Il doit, au contraire, veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes, comme il est demandé dans sa résolution 2166 (2014).

Je tiens à réaffirmer le ferme appui de l’Espagne à l’enquête technique sur les faits, qui est menée par le Bureau néerlandais de la sûreté, conformément aux principes de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), ainsi qu’à l’enquête pénale conduite par l’équipe d’enquête mixte. Je tiens aussi à saluer le rôle que le système des Nations Unies, en particulier l’OACI, a joué, avec rigueur et de manière indépendante, à l’appui de l’enquête technique et lui dire toute ma gratitude.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’Espagne considère que la création d’un tribunal pénal international spécial, tel que décrit dans le projet de résolution de la Malaisie, enverrait un message ferme de lutte contre l’impunité et de recherche de la justice pour les victimes. Il est important de poursuivre les efforts en vue d’atteindre cet objectif et de dire clairement que ces actes exécrables sont inadmissibles. Il est de notre responsabilité de contribuer, grâce aux mesures que nous prenons, à empêcher qu’ils se reproduisent, en particulier compte tenu du nombre croissant d’acteurs non étatiques qui ont les moyens de commettre ces actes aujourd’hui. C’est ainsi que nous contribuerons à renforcer la sécurité de l’aviation internationale et, au bout du compte, la paix et la sécurité internationales.

M. Liu Jieyi (Chine) (parle en chinois) : Il y a un an, le vol MH17 de la Malaysia Airlines s’est écrasé dans l’est de l’Ukraine, tuant les 298 personnes se trouvant à bord. La Chine est profondément attristée par cette tragédie et souhaite une nouvelle fois exprimer toutes ses condoléances aux familles endeuillées des victimes et aux pays concernés. Nous appuyons, conformément à la résolution 2166 (2014), la conduite d’une enquête internationale objective, impartiale et indépendante sur l’incident et la poursuite en justice des auteurs de ce crime.

À l’heure actuelle, l’accent doit être mis sur la nécessité de faire toute la lumière sur l’incident et de rendre justice aux victimes. La Chine comprend les sentiments des auteurs du projet de résolution et, en particulier, ceux des familles endeuillées des victimes de l’accident du vol MH17, ainsi que leur désir ardent de voir les auteurs de ce crime punis.

La Chine a participé aux consultations sur le projet de résolution et n’a cessé de demander aux membres du Conseil de rester unis, de trouver un terrain d’entente, de tenir compte des préoccupations des uns et des autres et d’éviter les affrontements politiques. Si le Conseil avait pu parvenir à un consensus sur la prochaine mesure à prendre en ce qui concerne cet incident, il aurait envoyé un message positif indiquant que la communauté internationale maintenait une position commune sur cette question. Cela aurait également contribué à faire toute la lumière sur l’incident dans les plus brefs délais.

Dans la mesure où quelques membres du Conseil ont encore de graves préoccupations au sujet du projet de résolution, demander un vote à tout prix ne pouvait que semer la division parmi les États membres du Conseil. Cela ne contribuera pas à apaiser la douleur des familles endeuillées des victimes du vol MH17, ni ne permettra d’établir les faits et de traduire les auteurs en justice. Pour ces raisons, la Chine s’est abstenue dans le vote sur le projet de résolution.

M. Delattre (France) : Je remercie la Malaisie et les coauteurs du projet de résolution et tiens à saluer les ministres qui nous font l’honneur de leur présence.

Nous regrettons profondément le rejet du projet de résolution instaurant un tribunal international pour juger les responsables de l’accident du МН17. La France a soutenu dès l’origine cette importante initiative.

La création du tribunal spécial allait dans le sens de la lutte contre l’impunité, dont le Conseil de sécurité a fait l’une de ses priorités. Nous assistons donc aujourd’hui à la remise en cause d’un des thèmes majeurs de l’action du Conseil, qui faisait jusqu’à présent consensus parmi ses membres. L’initiative participait également de la mise en œuvre de la résolution 2166 (2014) adoptée lе 21 juillet 2014 par le Conseil de sécurité, qui exige que les responsables de cette tragédie répondent de leurs actes.

La résolution 2166 (2014) avait marqué l’unité du Conseil pour condamner cet acte odieux. Elle avait également marqué un pas important vers l’élucidation du drame, l’établissement des responsabilités et l’exigence de justice. Les dispositions du projet de résolution ne sont nullement abrogées par son rejet aujourd’hui. Qu’on ne s’y trompe pas : l’appel pour que toute la vérité soit faite sur les circonstances du drame, pour que les responsables soient poursuivis et pour que justice soit rendue ne disparaîtra pas. L’enquête menée par l’équipe d’enquête mixte, à laquelle l’ONU a été associée via l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), et dont l’ONU reconnaît l’impartialité, doit se poursuivre. Nous lе devons aux victimes dont la mémoire ne s’effacera jamais.

Il est profondément choquant qu’un an après la catastrophe, où 298 civils innocents ont péri, le Conseil ne puisse pas répondre à l’immense douleur et à la préoccupation de nations entières, comme en témoigne la présence parmi nous aujourd’hui de plusieurs membres des Gouvernements des pays concernés. C’est dire combien nous regrettons le veto de la Russie.

Le vote d’aujourd’hui marque un grave échec pour le Conseil. Il faut en prendre acte, mais nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Nous le devons à chacune des victimes de cette tragédie. Nous le devons à la recherche de la vérité. Nous le devons aux valeurs des Nations Unies, qui doivent nous rassembler. C’est dans cet esprit que nous serons bientôt amenés à poursuivre notre travail sur les suites à donner à l’enquête internationale, qui rendra prochainement ses conclusions.

M. Olguín Cigarroa (Chili) (parle en espagnol) : Je voudrais d’abord saluer votre présence, Monsieur le Président, ainsi que celle de tous les autres ministres qui se trouvent parmi nous aujourd’hui. Un an après la tragédie, nous réitérons nos condoléances à toutes les familles touchées.

Ma délégation aurait souhaité que le Conseil adresse un message unifié à toutes les familles des victimes de la tragédie causée par la destruction du vol MH17. La résolution 2166 (2014) a été une mesure importante pour faire la lumière sur les faits grâce à la mise en place d’une équipe d’enquête mixte, parallèlement à l’enquête menée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Mais il ne fait aucun doute que l’application du principe de responsabilité fait partie intégrante des valeurs fondamentales qui exigent de rechercher la justice et de lutter contre toute forme d’impunité.

Le Chili est préoccupé par la mise en œuvre effective de ces principes. Nous avons toujours été prêts à appuyer tous les effort déployés en vue d’un accord de base qui permettrait de continuer à enquêter sur les faits et de mettre en place un mécanisme juridictionnel venant compléter la mise en œuvre de la résolution 2166 (2014). Au-delà des interprétations juridiques légitimes, il nous semble indispensable que l’exercice de la compétence juridique tarde aussi peu que possible, eu égard à la gravité des faits ainsi qu’à la nécessité indéniable d’indemniser les familles des victimes. Compte tenu de ces arguments, le Chili a appuyé le projet de résolution S/2015/562, car la vérité, la justice et les réparations sont des éléments constitutifs de notre vision de la société, que nous cherchons à concrétiser par l’action collective.

Pour terminer, nous exprimons l’espoir que le Conseil sera en mesure de transmettre les messages que la communauté internationale attend – parce que cela renforce sa légitimité, au-delà de nos divergences raisonnables.

M. Rycroft (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je voudrais remercier les Ministres malaisien, néerlandais, australien et ukrainien d’avoir marqué cette occasion de leur présence.

Le Royaume-Uni est profondément attristé, frustré et déçu que la Russie ait aujourd’hui opposé son veto au projet de résolution S/2015/562. Ce projet de résolution visait à garantir que justice serait rendue pour les 298 personnes – dont 80 enfants et 10 ressortissants britanniques – qui ont perdu la vie à bord du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Le veto de la Russie est un manque de respect pour les victimes et une insulte pour leurs familles. Avec la résolution 2166 (2014), le Conseil de sécurité avait convenu à l’unanimité que les responsables de cet incident devaient répondre de leurs actes, et avait demandé à tous les États de coopérer pleinement dans le cadre des efforts visant à établir les responsabilités. Par son veto, la Russie ne respecte pas cette demande.

Aujourd’hui, le Conseil de sécurité avait l’occasion de lancer un processus qui aurait garanti la justice et l’établissement des responsabilités aux familles de tous ceux qui ont perdu la vie. Ce n’aurait pas été la première fois que le Conseil prenait ce genre de mesure, puisqu’il a assuré l’appui international au
procès concernant l’affaire de Lockerbie et établi le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, ainsi qu’un autre tribunal spécial pour le Liban, pour n’en citer que quelques-uns. Un an après la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, le moment était précisément venu d’établir un tel tribunal – afin de transmettre le message clair et sans équivoque que le Conseil ne tolérerait pas l’impunité et que le Conseil avait clairement la responsabilité de s’attaquer aux actes violents qui constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales. Nous rejetons donc l’allégation de la Russie selon laquelle le présent projet de résolution est une mesure inutile et prématurée, et que le Conseil de sécurité aurait dû attendre la conclusion des enquêtes. Il faut du temps pour permettre à un tribunal d’être doté de toutes les ressources humaines dont il a besoin et de démarrer ses activités. Si nous avions lancé ce processus aujourd’hui, le tribunal aurait été dans une position idéale pour agir dès la conclusion des enquêtes.

Malgré le veto de la Russie, l’enquête va se poursuivre. Les enquêteurs, qui travaillent dans les circonstances les plus difficiles qui soient, ont fait preuve d’un professionnalisme et d’une intégrité exemplaires. Nous refusons toute allégation contraire. La Russie a pris part aux deux investigations. L’Agence fédérale de transport russe a participé activement à l’enquête technique et a apporté une contribution matérielle à l’enquête criminelle. Il est préjudiciable que la Russie ait choisi de bloquer la meilleure voie à l’établissement d’un tribunal qui aurait permis de conclure cette enquête criminelle. C’est grâce à ces enquêtes que nous pourrons faire en sorte que les responsables répondent de leurs actes – comme le demande la résolution 2166 (2014). Le veto d’aujourd’hui ne pourra pas l’empêcher. Que les actions de la Russie aujourd’hui n’apportent aucun réconfort aux auteurs de ce terrible crime. Les responsabilités seront établies, et la communauté internationale doit à présent s’unir pour s’y employer.

Pour terminer, je voudrais à nouveau évoquer le souvenir des victimes. Pour elles, le vol MH17 de la Malaysia Airlines était censé n’être qu’un vol de routine sur Kuala Lumpur : un voyage d’affaires ou d’agrément, ou encore une escale avant une conférence. Au lieu de cela, les 298 personnes à bord de l’avion ont perdu la vie dans une région reculée de l’est de l’Ukraine – loin de chez elles, loin de ceux qu’elles aimaient et loin de ceux qui les aimaient. Les victimes, comme tous ceux qu’elles ont laissés derrière elles, méritent que justice soit rendue. Malgré les actions de la Russie aujourd’hui, nous n’abandonnerons pas notre quête dans ce sens.

M. Ramírez Carreño (Venezuela) ( parle en espagnol) : Le Venezuela rejette l’acte répréhensible qui a provoqué la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, un avion civil, dans la région de Donetsk, en Ukraine, et la mort de 298 membres d’équipage et passagers. Dans ce sens, nous renouvelons l’expression de notre solidarité avec les familles des victimes et les pays touchés par ce regrettable incident, qui s’est produit il y a un an. Nous sommes convaincus que, dans le cadre de la lutte contre l’impunité, la justice doit prévaloir de telle manière que les responsables de cette tragédie soient sanctionnés conformément à la loi.

Néanmoins, le Venezuela s’est abstenu dans le vote sur le projet de résolution S/2015/562 parce que le texte introduisait des éléments de friction politique qui pourraient faire obstacle à la coopération et la confiance entre les parties, nécessaires pour contribuer favorablement au processus d’enquête en cours, laquelle doit déterminer le déroulement des événements qui ont abouti à la destruction du vol MH17. Tout cela a pour objectif d’établir les responsabilités pénales respectives afin de traduire en justice les auteurs de cet acte répréhensible. À cet égard, nous pensons que la référence, dans le projet de résolution, au Chapitre VII de la Charte des Nations Unies va au-delà du cadre politique et légal défini dans la résolution 2166 (2014) – qui se fixait pour objectif de déterminer la voie à suivre afin de prendre les mesures pertinentes sur cette question au sein du Conseil de sécurité.

Décrire cet incident comme une menace à la paix et la sécurité internationales est prématuré et donne une dimension politique au traitement de cette affaire, qui n’en est qu’à la phase technique de l’enquête propre au domaine pénal. Sur la base de ces éléments, nous pensons que le Conseil de sécurité n’est pas compétent pour établir un tribunal pénal international ad hoc.

Nous ne voudrions en aucun cas que cet incident déplorable ou la souffrance des victimes soient utilisés à des fins politiques dans le cadre du conflit qui touche cette région de l’Ukraine. Notre pays condamne cette attaque contre l’aviation civile. Ces actes sont inadmissibles et ne doivent pas rester impunis. Nous saisissons cette occasion pour rappeler le détournement de l’avion de la Cubana de Aviación en 1976, qui avait coûté la mort à 73 civils innocents. Les auteurs de cet acte abominable jouissent aujourd’hui encore de l’impunité.

Nous devons garder à l’esprit qu’avec la résolution 2166 (2014), il a été convenu de mener sur cet incident une enquête technique qui devait être indépendante, transparente et impartiale, en respectant les procédures et normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale et en demandant à toutes les parties concernées d’apporter leur pleine coopération. L’enquête se poursuit pour déterminer les causes de l’incident et identifier les responsables. Nous pensons donc que les efforts menés dans ce sens pour établir les faits et la vérité doivent continuer, sans préjuger de leurs résultats et sans tirer de conclusions sans fondement. C’est pourquoi nous appelons à éviter de politiser cette affaire au sein du Conseil de sécurité, afin de ne pas entraver les investigations qui, nous l’espérons, aboutiront à des résultats qui nous permettront de déterminer les causes de ce déplorable incident et d’en établir les responsabilités pertinentes – avec la coopération du Conseil. Le Venezuela est pleinement disposé à contribuer de quelque manière que ce soit à faire toute la lumière sur cet événement douloureux.

M. Gimolieca (Angola) (parle en anglais) : L’Angola s’est abstenu dans le vote sur le projet de résolution d’aujourd’hui (S/2015/562), déposé par la Malaisie, concernant l’établissement d’un tribunal international chargé de poursuivre les responsables des crimes liés à la destruction du vol MH17 de Malaysia Airlines.

Je tiens avant tout à être clair : nous condamnons dans les termes les plus forts la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines au-dessus de Donetsk, en Ukraine, le 17 juillet 2014, un événement tragique qui a causé la mort de l’ensemble des 298 passagers et membres d’équipage qui étaient à bord. Nous insistons sur la nécessité et l’importance que les responsables de ces actes rendent des comptes afin d’obtenir justice pour les victimes et leurs familles, de montrer clairement que les actes tels que ceux-ci seront punis et de faire en sorte que l’aviation civile soit à l’abri de telle exactions intolérables.

Toutefois, nous continuons de penser que la résolution 2166 (2014) demeure le cadre juridique de coopération internationale applicable dans l’intérêt d’une enquête exhaustive, véritable, concluante et transparente sur l’incident, conformément aux directives de l’aviation civile internationale. Dans la mesure où l’enquête pénale internationale n’est pas encore terminée, nous estimons qu’à ce stade, les États Membres devraient engager un vaste processus de consultation. La résolution 2166 (2014) stipule que le Secrétaire général devrait déterminer les options possibles pour l’appui de l’ONU à cette enquête et le prie de faire rapport au Conseil sur les faits nouveaux pertinents.

Nous considérons par conséquent que la création d’un tribunal pénal est prématurée et que la meilleure chose à faire est d’attendre les résultats de l’enquête. Nous regrettons qu’une fois de plus le Conseil n’ait pas été en mesure de parvenir au niveau de compromis nécessaire pour réunir le consensus autour d’un texte acceptable par tous les membres.

Mme Ogwu (Nigéria) (parle en anglais) : Il y a un an, le Conseil adoptait à l’unanimité la résolution 2166 (2014), qui préconisait la réalisation d’une enquête sur la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, conformément aux directives de l’aviation civile internationale. Surtout cette résolution exigeait que les responsabilités soient établies par souci de transparence et de justice pour les victimes. C’est pourquoi le Nigéria a voté pour le projet de résolution figurant dans le document S/2015/562, que le Conseil vient d’examiner. S’il avait été adopté, ce projet de résolution aurait autorisé la création d’un tribunal pénal international pour établir les responsabilités dans la destruction de l’appareil, préalable à l’ouverture de poursuites et à la tenue d’un procès.

La création du tribunal n’aurait pas seulement permis d’obtenir justice pour les victimes et de donner aux familles la possibilité de faire leur deuil, elle aurait également signalé avec fermeté que la communauté internationale ne tolérera aucun acte menaçant la sûreté de l’aviation civile internationale. Nous regrettons que le projet de résolution n’ait pas été adopté. De fait, cela met une fois de plus en lumière la nécessité pour le Conseil de cultiver la pratique consistant à adopter une position unie sur les questions qui appellent son leadership dans la recherche de la paix et de la sécurité internationales.

Mme Kawar (Jordanie) (parle en arabe) : Je tiens en premier lieu à souhaiter la bienvenue aux ministres qui ont fait le déplacement depuis la Malaisie, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, les Pays-Bas et l’Ukraine pour assister à la présente séance. Nous les remercions sincèrement des efforts que déploient leurs pays dans le cadre de l’enquête indépendante sur la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines.

Un an après ce drame, la Jordanie a voté pour le projet de résolution figurant dans le document S/2015/562. Nous sommes favorables à la création d’un tribunal international qui serait chargé de poursuivre les personnes qui ont abattu le vol MH17, car leur geste a coûté la vie à 298 innocents. Elles doivent être traduites en justice dans le cadre d’un mécanisme judiciaire indépendant qui garantisse qu’elles répondront clairement et effectivement de leurs actes.

L’importance du projet de résolution ne réside pas seulement dans sa volonté de faire rendre des comptes aux responsables, mais tient aussi au fait qu’il décourage toute velléité de menacer la sûreté et la sécurité de l’aviation civile internationale en général. Si on ne le combat et ne le sanctionne pas, s’en prendre ainsi à l’aviation civile pourrait constituer un précédent. Nous devons empêcher que d’autres crimes de ce genre soient commis et nous ne devons pas permettre que les civils soient ainsi pris pour cible. Il nous faut impérativement faire répondre les auteurs de leurs actes.

Bien que le projet de résolution dont était saisi le Conseil de sécurité aujourd’hui n’ait pas été adopté, les efforts doivent se poursuivre en vue de trouver un accord sur les mesures à prendre et sur leur mise en œuvre selon les options présentées par le Secrétaire général. Nous insistons sur l’importance de la coopération entre tous les États afin d’obtenir la justice pour les victimes de cette tragédie.

Le Président (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de Ministre des affaires étrangères de la Nouvelle-Zélande.

Aujourd’hui, il était demandé au Conseil de se souvenir des tragiques événements du 17 juillet 2014 dans lesquels 298 personnes ont péri, dont un ressortissant et un résident néo-zélandais. Il y a un an, le Conseil adoptait à l’unanimité la résolution 2166 (2014), qui condamnait cette attaque et exigeait que les responsables rendent des comptes. Aujourd’hui le projet de résolution figurant dans le document S/2015/562 avait pour but d’établir un mécanisme pour qu’il soit répondu de ces actes. Le fait que nous n’ayons pas pu maintenir l’unanimité qui avait caractérisé la résolution 2166 (2014) est profondément décevant.

En ne parvenant pas à définir la voie à suivre, le Conseil a failli aux familles et aux amis de ceux qui ont trouvé la mort à bord du vol MH17 de la Malaysia Airlines et a failli également à son devoir. Il s’agit d’une question sur laquelle le Conseil aurait dû parvenir à s’entendre. Que le Conseil de sécurité, qui est chargé de faire régner la paix et la sécurité internationales, ne soit pas en mesure de s’entendre sur un processus d’établissement des responsabilités lorsqu’un avion commercial est abattu et que 298 personnes sont tuées constitue véritablement une grave mise en accusation. Pour moi, il n’y a pas 36 façons d’envisager les choses : soit nous faisons en sorte que des comptes soient rendus, soit il y a impunité. Je regrette sincèrement que ce soit la dernière option qui ressorte du vote du Conseil aujourd’hui.

En tant que Président du Conseil de sécurité, nous avons travaillé d’arrache-pied pour obtenir un consensus. Malheureusement, à ce stade, les positions sur la création d’un tribunal étaient irréconciliables. Mon pays regrette tout particulièrement que cette issue soit le résultat de l’utilisation du veto. La Nouvelle- Zélande s’oppose systématiquement au droit de veto depuis 1945, et nous condamnons le fait qu’il ait été recouru à ce droit aujourd’hui. Nous n’avons d’autre choix, en tant que Conseil, que de trouver le moyen de mieux travailler ensemble.

Les pays qui ont subi de lourdes pertes, en particulier l’Australie, la Malaisie et les Pays-Bas, sont des amis proches. La Nouvelle-Zélande a appuyé et coparrainé le projet de résolution relatif à la création d’un tribunal international, car il constituait un effort sérieux pour établir les responsabilités dans la destruction en vol de l’appareil de la Malaysia Airlines. C’est le moins que nous puissions faire pour honorer la mémoire des victimes et apaiser la douleur de leurs proches.

Je voudrais conclure en adressant les condoléances de mon gouvernement et de mon pays aux familles et aux amis des victimes du vol MH17 et en regrettant vivement que le Conseil n’ait pas pu s’acquitter aujourd’hui de ses obligations envers eux.

Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil.

Je donne maintenant la parole à S. E. M. Albert Koenders, Ministre des affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas.

M. Koenders (Pays-Bas) (parle en anglais) : Je suis reconnaissant de l’occasion qui m’est donnée de prendre la parole ici aujourd’hui au nom des Pays-Bas et du peuple néerlandais. Aujourd’hui, nous nous rappelons le drame du vol MH17 de la Malaysia Airlines, survenu il y a un peu plus d’un an. Nous pleurons la disparition des 298 hommes, femmes et enfants à bord de ce vol qui se rendait d’Amsterdam à Kuala Lumpur. Aujourd’hui, nous cherchons également à ce que justice soit faite.

Le 17 juillet, lors du service célébré à la mémoire des victimes organisé par leurs familles, j’ai pu constater encore une fois les répercussions profondes que cette tragédie avait eues sur un si grand nombre de personnes aux Pays-Bas et sur tant d’autres nations éplorées. Cent quatre-vingt-seize citoyens néerlandais ont trouvé la mort. Des hommes, des femmes et de nombreux enfants innocents. Leurs familles et leurs amis, nombreux et désespérés, se demandent pourquoi. Pourquoi eux ? Ce qu’ils veulent, ce qu’ils souhaitent, c’est que justice soit faite ; ils demandent que les responsabilités soient établies et que cet important organe agisse.

À la suite de ce drame, le Conseil de sécurité a adopté une résolution cruciale, la résolution 2166 (2014), qui condamne la destruction du vol MH17 – cause de ces terribles pertes en vies humaines – et appelle toutes les parties concernées à faciliter la récupération et le rapatriement, et à répondre à ceux qui exigent que les responsables rendent compte de leurs actes. Cette résolution a redonné espoir aux proches des victimes.

Mon pays a appliqué cette résolution. Nous avons mis en place, en étroite coopération avec les autres pays touchés, une approche en trois volets qui consiste, premièrement, à rapatrier et à identifier les victimes ; deuxièmement, à ouvrir une enquête approfondie et indépendante sur les causes de cet accident ; et troisièmement, à rendre justice aux victimes et à juger les responsables.

Les Pays-Bas ont, périodiquement et de manière approfondie, tenu le Conseil de sécurité informé des progrès réalisés dans ces trois volets. Premièrement, toutes les victimes, à l’exception de deux citoyens néerlandais, ont été identifiées et rapatriées. Deuxièmement, les enquêtes techniques sur les causes de l’accident sont presque terminées, et le Bureau néerlandais de la sûreté, qui est complètement indépendant, devrait publier son dernier rapport au mois d’octobre. Et troisièmement, l’enquête criminelle menée par l’équipe d’enquête mixte établie par l’Australie, la Belgique, la Malaisie, les Pays-Bas et l’Ukraine en est à un stade très avancée.

Tout ceci nous amène à notre dernière tâche qui est de faire en sorte que les personnes directement ou indirectement responsables de la destruction du vol MH17 rendent compte de leurs actes. Non seulement devons-nous les juger par respect pour les victimes de ce drame, mais l’importante résolution 2166 (2014) du Conseil l’exige. Par cette résolution, le Conseil reconnaît qu’il a l’autorité et la responsabilité de mener cette question à sa conclusion logique de la manière suivante : en réaffirmant l’interdiction juridique internationale d’actes de violence qui posent une menace à l’aviation civile internationale ; en appelant tous les États à coopérer pleinement avec l’enquête internationale menée sur cet accident ; en exigeant, comme le demande la résolution 2166 (2014), que les responsabilités soient établies et que tous les États coopèrent pleinement aux efforts allant dans ce sens. Tout ceci impose donc à la communauté internationale de poursuivre les auteurs de ce crime.

Je voudrais poser la question suivante. Lorsque le Conseil a demandé à tous les États de coopérer, n’a- t-il pas assumé que lui aussi avait une responsabilité ? Après tout, il est l’institution politique la plus éminente représentant la communauté internationale. Lorsque le Conseil a décidé de rester activement saisi de la question, ne prévoyait-il pas qu’il avait lui-même un rôle à jouer pour veiller au respect de cette résolution par l’ensemble des États Membres de l’ONU dans l’intérêt de toutes les victimes mortes dans le ciel au-dessus de l’Ukraine ?

Au nom des Pays-Bas, de l’Australie, de la Belgique et de l’Ukraine, la Malaisie a soumis au Conseil une proposition sérieuse et rédigée avec soin relative à la création d’un tribunal pénal international, en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Notre objectif est de créer un mécanisme opportun, dépolitisé et fiable chargé de veiller à ce que les responsables soient traduits en justice et rendent compte de leurs actes.

Nous sommes venus au Conseil demander que la justice soit rendue de la façon la plus efficace, impartiale et légitime et avec le plus de chance de succès possible. Je remercie les membres du Conseil qui ont appuyé le projet de résolution de la Malaisie et qui croient que ce crime terrible mérite l’attention du Conseil de sécurité et la création du meilleur mécanisme de poursuites possible. Je suis extrêmement déçu que la Russie ait exercé son droit de veto pour empêcher le Conseil de veiller activement à ce que justice soit faite. Mes pensées vont aux familles des victimes qui avaient placé leur espoir dans la détermination du Conseil à mettre en place ce tribunal.

Nous avons écouté avec attention les arguments et les préoccupations de la Russie. Nous y avons répondu, ainsi – je le souligne – qu’à toutes ses questions. Nous avons dit très clairement que c’était la meilleure voie à suivre, étant donné l’exigence faite par le Conseil lui-même que les responsabilités soient établies. Le processus d’établissement des responsabilités est en cours et conforme aux normes internationales. Il serait insensé que le Conseil s’arrête à ce stade. Comme je l’ai dit, le Bureau néerlandais de la sûreté a achevé son enquête sur les causes et publiera son rapport en octobre. L’enquête criminelle est en bonne voie et nous aurions dû agir de manière à être prêts à assurer son suivi.

Nous avons présenté les arguments en faveur de la création d’un mécanisme de poursuites qui transcende la politique. La mise en place d’un tribunal avait pour objectif de garantir une procédure indépendante et dépolitisée avant que les résultats de l’enquête ne désignent certains responsables éventuels. Je ne comprends pas qu’un membre du Conseil de sécurité fasse obstruction à la justice dans le cadre d’une tragédie qui touche tant de personnes. L’impunité enverra un signal très dangereux et menacera la sûreté de l’aviation civile – notre sûreté à tous, la sûreté des membres du Conseil.

Nous, les pays qui menons ensemble l’enquête criminelle, poursuivrons nos efforts pour que les responsables de cet acte violent soient traduits en justice. Nous avons l’appui de beaucoup de personnes ici présentes et de beaucoup d’autres ailleurs. Mon pays n’aura de cesse que tous les faits soient connus et que justice soit faite. Nous espérons que la communauté mondiale continuera de coopérer avec les efforts que nous déployons pour traduire les responsables en justice, conformément à la résolution 2166 (2014). Les Pays- Bas, la Malaisie, l’Australie, la Belgique et l’Ukraine continueront de rechercher ensemble le meilleur moyen de poursuivre les responsables en justice. Nous continuerons à travailler ensemble jusqu’à ce que justice soit faite, et nous œuvrerons avec célérité dans ce sens.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole à S. E. Mme Julie Bishop, Ministre des affaires étrangères de l’Australie.

Mme Bishop (Australie) (parle en anglais) : Il y avait 39 Australiens parmi les 298 hommes, femmes et enfants qui ont tragiquement perdu la vie lorsque le vol MH17 de la Malaysia Airlines a été abattu au-dessus de la région orientale de l’Ukraine il y a tout juste 12 mois de cela. Parmi nos concitoyens, il y avait six enfants, deux chefs religieux, deux médecins, plusieurs enseignants, un écrivain primé et un ingénieur aérospatial promis à un bel avenir. C’étaient des êtres aimés que la cruauté du destin a transformés en victimes d’une atrocité – la destruction d’un avion civil effectuant un vol régulier dans un espace aérien commercial. Des millions et des millions de personnes dans le monde font naturellement confiance et à tout moment à la sécurité de l’aviation civile.

Les personnes qui ont péri à bord du vol MH17 étaient des êtres chers, pleurés par des familles et des amis en peine. J’ai parlé aux familles australiennes au cours de l’année écoulée, et encore tout récemment lors du premier anniversaire de ce drame, le 17 juillet. Leur perte est incalculable, leur chagrin inconsolable. Elles attendent désespérément des réponses. Elles estiment d’une importance capitale que les responsables de la mort d’êtres aimés rendent compte de leurs actes.

De concert avec les Pays-Bas, la Malaisie, l’Ukraine et la Belgique, l’Australie a demandé au Conseil de sécurité de créer un tribunal international indépendant chargé de poursuivre les responsables de la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines. Les amis et familles de ceux qui étaient à bord de ce vol fatidique méritent justice. C’est ce que la résolution adoptée à l’unanimité le 21 juillet 2014, la résolution 2166 (2014), exigeait.

Notre projet de résolution et le statut du tribunal qui l’accompagne n’étaient destinés à rien d’autre et rien de moins que de traduire en actes cette exigence de reddition de comptes consacrée dans la résolution 2166 (2014). Notre motivation était et est toujours de rendre justice aux familles et de dissuader ceux qui auraient des velléités de menacer la sûreté de l’aviation civile internationale, car nous devons veiller à ce que cela ne se reproduise plus jamais. Dans un monde où ne cesse d’augmenter le nombre de groupes terroristes violents et d’autres acteurs non étatiques, dont beaucoup sont dotés de moyens militaires évolués, il est inconcevable que le Conseil de sécurité puisse maintenant se soustraire à la nécessité de demander des comptes à ceux qui ont abattu un avion commercial.

Le veto ne fait qu’aggraver l’atrocité de la chose. Une main seulement s’est levée pour marquer son opposition à la résolution, mais un veto ne devrait jamais être autorisé à permettre un déni de justice. La longue liste des assertions discréditées, et des excuses préparées et faux-fuyants débités par la Fédération de Russie devrait être traitée avec le plus grand dédain. L’exercice, aujourd’hui, du droit de veto est un affront à la mémoire des 298 victimes du vol MH17 et à leurs familles et amis. La Russie a ainsi vidé de son sens son attachement proclamé à l’obligation de respect du principe de responsabilité consacrée dans la résolution 2166 (2014).

Si la Russie est en possession d’éléments de preuves ayant trait à cette question, alors la Russie doit sûrement tenir à ce qu’ils soient entendus par un tribunal totalement indépendant et impartial mis en place par le Conseil de sécurité, dont elle soit membre, et qui dispose d’un greffier, d’un procureur et de juges nommés par un Secrétaire général impartial. Le tribunal aurait procédé en conformité avec les normes internationales les plus élevées, sous les auspices du Conseil de sécurité, dont la Russie est membre. On a allégué que la demande que nous avons faite au Conseil d’agir était prématurée, mais la création d’un mécanisme de poursuites avant l’achèvement d’une enquête pénale est tout à fait conforme à la pratique du Conseil lui- même. Les conclusions de l’enquête criminelle doivent pouvoir être communiquées à une autorité chargée des poursuites à même d’instruire elle-même l’affaire.

En adoptant à l’unanimité la résolution 2166 (2014) l’an dernier, le Conseil a exigé que les responsables répondent de leurs actes et que tous les États coopèrent pleinement aux efforts déployés pour établir les faits. La résolution 2166 (2014) a signifié de façon catégorique que les responsables ne bénéficieraient d’aucune impunité. Aujourd’hui, un membre du Conseil a empêché ce dernier de s’acquitter de son engagement à l’égard des amis et des familles des victimes du vol MH17 et de la communauté internationale. Les responsables de ce crime peuvent croire, maintenant, qu’ils peuvent se cacher derrière le veto de la Fédération de Russie. Mais on ne les laissera pas se soustraire à la justice.

L’Australie apprécie vivement l’appui dont a bénéficié le projet de résolution de la part de la majorité écrasante des membres du Conseil, ainsi que d’autres pays endeuillés. Je prends ici l’engagement, auprès des familles et amis de ceux qui se trouvaient à bord du vol MH17, que l’Australie continuera de faire tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que les auteurs de cet acte barbare en répondent. Si nous avons trouvé aujourd’hui la porte du Conseil de sécurité close, nous avons également pu voir que l’attachement à la justice était fort au sein de la communauté internationale. Sur la foi de cet appui, l’Australie, de concert avec les autres membres de l’équipe d’enquête mixte, se prononcera sur la création d’un autre mécanisme de poursuites afin que la vérité puisse l’emporter et que les responsables de cet acte innommable soient traduits en justice. Les membres du Conseil peuvent être assurés que notre détermination à cet égard est sans limites.

Il y a 12 mois, la tragédie du MH17 a choqué le monde. La Russie a utilisé le vote d’aujourd’hui pour chercher à politiser notre quête de justice et elle doit être justement condamnée. Défiant le veto d’aujourd’hui, nous entendons faire en sorte que l’exigence de respect du principe de responsabilité et de coopération de tous les États que contient la résolution 2166 (2014) soit pleinement mise en œuvre.

Le Président (parle en anglais) : Je donne la parole au Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine.

M. Klimkin (Ukraine) (parle en anglais) : Je saisis cette occasion pour vous féliciter, Monsieur le Président, de votre présidence efficace du Conseil ce mois. J’aimerais remercier la délégation de la Malaisie d’avoir demandé la convocation de la présente séance et tous les membres du Conseil de sécurité, ainsi que les pays endeuillés, de leur ferme appui à l’idée de la création d’un tribunal pénal international chargé de veiller à ce que les personnes responsables de la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines répondent de leurs actes.

Il est évident que ces moments historiques resteront toujours gravés dans les mémoires, non seulement en raison du nombre de vetos opposés par la Fédération de Russie mais encore et surtout en raison de l’esprit d’unité qui règne entre les pays prenant part à l’équipe d’enquête mixte et tous ceux qui nous appuient dans nos efforts pour que justice soit faite. Il y a un an, le peuple ukrainien a accueilli la nouvelle de la destruction du vol MH17 comme une tragédie nationale, ce qu’elle demeurera toujours dans nos cœurs. Je me souviens encore de l’océan de fleurs déposé devant les ambassades néerlandaise et malaisienne, et des centaines d’Ukrainiens qui s’étaient rassemblés autour de ces édifices au cours de la nuit. Je ne l’oublierai jamais.

Lorsque nous avons appris la nouvelle de cet accident, nous espérions, tout au début, pouvoir sauver des vies et nous avons immédiatement fourni toutes les ressources disponibles aux équipes de secours. Par la suite, nous avons fait tout notre possible pour empêcher le pillage et pour ménager aux enquêteurs un accès aux zones contrôlées par les terroristes. Maintenant, notre devoir, envers ceux qui sont morts et les familles des victimes, est de traduire en justice ceux qui ont commis cet acte barbare. Nous ressentons, plus que quiconque, la douleur des victimes, et c’est pourquoi nous voulons qu’éclate la vérité sur ce crime. Plus que quiconque, nous voulons que leurs auteurs soient mis en examen et jugés par un tribunal public international. Il ne peut y avoir de raison de s’y opposer, à moins que l’on soit soi- même l’un de ces auteurs.

Je ne peux qu’abonder dans le sens de mes amis et collègues, y compris plusieurs Ministres qui ont pris la parole aujourd’hui, mais j’aimerais que certains éléments soient tout à fait clairs. La résolution 2166 (2014) fait obligation aux États de coopérer pleinement au cours de l’enquête sur cette tragédie et d’en traduire les responsables en justice. L’utilisation d’une arme évoluée et puissante contre un aéronef civil constitue une menace à l’aviation civile internationale et à la paix et la sécurité internationales en général. La seule façon efficace d’empêcher pareils actes à l’avenir est d’en punir sans retard les responsables. C’est, de fait, une question que le Conseil de sécurité doit traiter au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

L’appui dont a bénéficié notre projet de résolution s’est manifestement accru, ce qui montre que nous sommes sur la bonne voie. Notre but, en l’occurrence, est de créer un instrument efficace, transparent, impartial et indépendant permettant de traduire en justice les personnes responsables de ce crime. C’est une question de responsabilité pénale individuelle des meurtriers, et non de politique. C’est pourquoi il est particulièrement décevant qu’un pays – la Russie, pour être précis – mélange encore deux questions qui sont complètement séparées : sa responsabilité dans l’agression contre l’Ukraine et son appui continuel au terrorisme, d’une part, et la responsabilité individuelle des auteurs de cette tragédie, d’autre part. Il n’y a pas d’autre explication pour le veto mis aujourd’hui par la Russie.

Le rôle de la Russie dans ce conflit est tout à fait clair et bien connu. Des milliers de soldats et de mercenaires russes ainsi que des chars et toutes sortes d’armes lourdes ont traversé la frontière ; ce qui est tout simplement impossible à cacher. Tout récemment, un autre camion russe rempli d’armes et de munitions a été saisi en Ukraine. Le chauffeur est une fois encore un officier des forces spéciales russes. Mais cette question- là relève de mécanismes internationaux.

Lorsque je regarde la délégation russe aujourd’hui, je ressens de la pitié. Elle a osé décevoir les aspirations du monde entier, en particulier celles des familles des victimes. Elle est alliée aux voyous qui ont commis ce crime atroce. Mais notre espoir de justice n’est pas perdu. La Fédération de Russie vient peut-être de tuer dans l’oeuf le projet de résolution S/2015/562, mais cet exercice abusif du droit de veto n’anéantira nullement l’espoir de ceux qui ont souffert de la perte de proches et de parents ni leur amour pour ces êtres chers. Il ne fera que nous rendre tous plus forts, plus déterminés et plus engagés à élaborer et mettre en œuvre un mécanisme de poursuites efficace et crédible pour rendre la justice.

Je me souviens d’un vers de Shakespeare sur le Bien captif serviteur du capitaine Mal ; cessons de servir le capitaine Mal – ça ne vaut absolument pas la peine. Au regard de la vérité, de l’humanité et de Dieu, si l’on croit encore en Dieu, le tribunal en question concerne 298 vies innocentes. Il concerne la vérité. Celui qui craint la vérité se trouve incontestablement du mauvais côté du problème. Celui qui craint la vérité est esseulé au Conseil de sécurité. « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. » Ce ne sont pas mes paroles ; ce sont celles de l’Évangile. Elles émanent d’une autorité supérieure.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole à la représentante de la Belgique.

Mme Frankinet (Belgique) : À l’issue du vote sur le projet de résolution S/2015/562 déposé par la Malaisie et coparrainé par de nombreux autres pays touchés, comme le mien, par le deuil de leurs ressortissants, ainsi que par plusieurs membres du Conseil de sécurité, je voudrais avant toute chose exprimer notre solidarité avec l’Australie, la Malaisie, les Pays-Bas et l’Ukraine, nos partenaires de l’équipe d’enquête mixte. Nos autorités judiciaires mettent en effet tout en oeuvre pour que la lumière soit faite sur les circonstances de la destruction du vol MH17 et pour que la justice puisse être rendue aux familles et aux proches des victimes de cette tragédie.

Ce que nous proposions au Conseil, la mise en place d’un tribunal international, aurait permis d’atteindre cet objectif. Cela étant, malgré des bases juridiques solides et le très large soutien dont ce projet jouissait, il n’a pas été possible de dégager un accord sur celui-ci au sein du Conseil, ce que nous ne pouvons que regretter. Nous devons rester engagés pour que la justice soit rendue, car c’est une responsabilité que nous portons à l’égard des victimes et de leurs proches. Une responsabilité partagée par nos cinq pays, par les autres pays unis dans le deuil, mais également par tous les pays, qui, comme nous, estiment que l’impunité en cette matière est non seulement inacceptable mais pourrait en outre avoir des conséquences désastreuses pour la paix et la sécurité internationales.

Nous sommes prêts à aller de l’avant et à intensifier nos contacts et nos démarches afin que ce que nous demande la résolution 2166 (2014) devienne réalité, à savoir que tous les États s’associent pleinement aux efforts déployés pour établir les responsabilités. Ceci doit se faire dans le respect du droit – c’est essentiel pour les victimes et pour leurs proches – et sans tomber dans le piège d’une politisation quelconque.

Nous saluons les progrès accomplis par l’enquête internationale sur la sécurité aérienne suivant les directives établies par l’Organisation de l’aviation civile internationale. L’équipe d’enquête mixte, dont font partie les autorités judiciaires belges, poursuit son travail d’enquête de manière totalement indépendante et objective, et en coopération avec toutes les parties intéressées. Nous devons faire en sorte que ce travail essentiel connaisse une suite judiciaire à la hauteur des attentes des familles et des proches des victimes, et ceci dans les meilleurs délais pour que l’impunité ne prenne pas le pas sur le respect du droit et de la dignité humaine.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole au représentant du Canada.

M. Rishchynski (Canada) : Je vous remercie, Monsieur le Président, de me donner la possibilité de prendre la parole cet après-midi.

Le Canada continue de pleurer la perte terrible de vies à bord du vol MH17 de la Malaysia Airlines, qui a été abattu le 17 juillet 2014 alors qu’il survolait une région sous contrôle des forces prorusses dans l’est de l’Ukraine. Il est important pour le Conseil de sécurité de prendre des mesures décisives pour veiller à ce que les responsables de l’attentat contre le vol MH17 répondent de leurs actes, et pour envoyer un message clair que les attaques perpétrées contre des avions civils ne seront pas tolérées. Le Canada s’est joint aux autres États en deuil pour coparrainer le projet de résolution S/2015/562. Le Canada exhorte tous les États à coopérer afin de faire en sorte que ceux qui ont commis ce crime odieux répondent de leurs actes. La communauté internationale doit aux familles et amis des 283 passagers et des 15 membres d’équipage qui ont perdu la vie de mener une enquête complète et impartiale sur le crime commis et d’en traduire les auteurs en justice.

(l’orateur poursuit en anglais)

Le Canada réitère son appui à la résolution 2166 (2014) du 21 juillet 2014, dans laquelle le Conseil de sécurité exhorte les organisations et les États concernés à entreprendre une enquête internationale indépendante. Nous sommes reconnaissants à ceux qui ont contribué à l’identification des victimes, à la récupération des corps et à leur rapatriement, ainsi qu’à l’enquête technique indépendante. Par ailleurs, le Canada apprécie grandement le travail accompli par l’équipe d’enquête mixte, composée de représentants des autorités responsables des poursuites de l’Australie, de la Belgique, de la Malaisie, des Pays-Bas et de l’Ukraine, dans la conduite de l’enquête criminelle. Mais nous sommes bien conscients qu’il est primordial de veiller à ce que les auteurs du crime soient ensuite poursuivis sans délai de façon indépendante et impartiale. C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’il convient d’adopter dès maintenant des mesures pour établir un tribunal international à cette fin. Toute action visant à entraver l’enquête ou la poursuite des responsables est tout simplement inacceptable.

Le Canada exprime sa profonde déception quant au résultat du vote d’aujourd’hui au Conseil de sécurité sur la mise sur pied d’un tribunal pénal international visant à poursuivre les responsables de la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines le 17 juillet 2014, alors qu’il survolait une région sous contrôle des forces prorusses dans l’est de l’Ukraine. Le Canada déplore que l’obstruction de la Russie aujourd’hui prive les proches des 283 passagers et des 15 membres d’équipage qui ont perdu la vie de l’occasion de voir les responsables de ce terrible crime traduits en justice par un tribunal international.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole au représentant de l’Allemagne.

M. Braun (Allemagne) (parle en anglais) : Je tiens également à exprimer la gratitude de l’Allemagne à la Malaisie et aux membres de l’équipe d’enquête mixte pour avoir déposé le projet de résolution dont nous sommes saisis aujourd’hui (S/2015/562), ainsi qu’au Royaume des Pays-Bas, qui dirige l’enquête sur la tragédie du vol MH17 de la Malaysia Airlines.

Nous regrettons sincèrement que l’engagement sans équivoque du Conseil en faveur du principe de responsabilité et de la justice ait aujourd’hui fait l’objet d’un veto. Il y a un an, avec l’adoption de la résolution 2166 (2014), le Conseil exigeait que soit menée une enquête approfondie sur la destruction du vol MH17 et que les responsables soient tenus de rendre des comptes. En adoptant cette résolution, le Conseil a assumé la responsabilité de traduire en justice les auteurs de ce crime odieux. Aujourd’hui, il ne s’est pas acquitté de cette responsabilité. En tant que l’un des pays endeuillés, l’Allemagne fera tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que la justice suive son cours et que le principe de responsabilité soit appliqué. La création d’un tribunal international sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité aurait représenté une avancée importante à cette fin, et c’est pourquoi l’Allemagne s’est portée coauteur du projet de résolution mis aux voix aujourd’hui, qui n’a malheureusement pas été approuvé par le Conseil.

Au moment où nous parlons, la situation intenable qui a mené à la destruction tragique du vol MH17 et à la perte d’un si grand nombre de vies innocentes persiste. Chaque jour, dans l’est de l’Ukraine, des personnes sont tuées, blessées ou perdent leurs maisons du fait du conflit. Il faut que cela cesse. Nous appelons à une désescalade immédiate et durable du conflit afin de prévenir de nouvelles tragédies, et nous demandons instamment à toutes les parties d’appliquer pleinement les accords de Minsk. Nous tous, et plus particulièrement l’Ukraine et la Russie voisine, avons tout intérêt à stabiliser la situation dans l’est de l’Ukraine. L’Allemagne, en collaboration avec la France, l’Ukraine et la Russie – en format Normandie et avec d’autres partenaires – travaille dur pour mettre un terme au conflit et trouver une solution. Comme nous avons tous pu le constater au cours des négociations prolongées avec l’Iran sur les questions nucléaires, durant lesquelles nous avons également coopéré étroitement avec la Fédération de Russie et les autres membres permanents du Conseil de sécurité, il est possible de trouver des solutions lorsque toutes les parties abordent les problèmes en question de manière constructive.

Aujourd’hui, le Conseil a entièrement manqué aux victimes, aux familles et aux amis des passagers et des membres de l’équipage tués, dont quatre étaient des citoyens allemands. Cela ne signifie pas que les responsables peuvent triompher et compter sur l’impunité. Nous, nations endeuillées, avec l’appui de nombreux autres pays, n’aurons pas de repos tant qu’ils n’auront pas été amenés à rendre des comptes. Nous espérons sincèrement, et faisons appel à cette fin à tous les membres du Conseil et à toutes les parties concernées, pouvoir amener le Conseil à trouver un autre moyen d’honorer ses responsabilités et de traduire les responsables en justice. Nous le devons aux victimes et à tous leurs proches.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole à la représentante des Philippines.

Mme Yparraguirre (Philippines) (parle en anglais) : Il y a un an, les Philippines se sont associées à un grand nombre d’autres délégations pour lancer un appel vibrant, depuis cette salle, afin que soit menée une enquête exhaustive, minutieuse et indépendante sur la destruction de l’appareil de la Malaysia Airlines affrété pour le vol MH17, qui a fait 298 victimes, dont trois Philippins, une mère et ses deux enfants. En juillet 2014, solidaire de notre souffrance, le Conseil a adopté la résolution 2166 (2014), qui vise à rendre justice à ces vies innocentes et irremplaçables et à honorer leur mémoire.

Un an après cet incident et l’adoption de cette résolution, le monde est toujours à la recherche de réponses. Les responsables n’ont toujours pas été contraints de rendre des comptes. Les familles des victimes continuent de rechercher des réponses, la justice et un moyen de tourner la page. S’il avait été adopté, le projet de résolution mis aux voix aujourd’hui (S/2015/562) aurait marqué une avancée cruciale en vue d’honorer l’engagement que nous avons pris – à l’égard des familles des victimes et de la communauté internationale dans son ensemble – de tenir les auteurs de cet incident tragique et de ce crime odieux pleinement responsables.

En tant que l’une des nations endeuillées, les Philippines se sont portées coauteur du projet de résolution présenté aujourd’hui afin d’appuyer fermement l’initiative prise par les Gouvernements australien, belge, malaisien, néerlandais et ukrainien de chercher à mener une enquête internationale sur cet incident et à créer un tribunal international pour juger les responsables de la destruction du vol MH17. Les Philippines et le peuple philippin sont redevables envers ces pays de leurs efforts soutenus et envers tous ceux qui ont cru au bien-fondé de ce projet de résolution et lui ont donné leur plein appui.

Cependant, nous regrettons sincèrement que le Conseil n’ait pas été en mesure d’adopter ce projet de résolution aujourd’hui, car cela cause un immense tort à tous ceux qui ont péri et à leurs familles, à leurs pays et au monde entier. Toutefois, la quête de réponses et de justice se poursuivra. Les Philippines se tiennent prêtes à appuyer les efforts d’autres pays et à s’y associer pour veiller à ce que les responsables soient enfin traduits en justice et à ce que ces incidents tragiques ne se reproduisent jamais.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole au représentant de l’Irlande.

M. Mawe (Irlande) (parle en anglais) : Je tiens tout d’abord à saisir cette occasion pour présenter mes plus sincères condoléances aux peuples et aux gouvernements de tous les pays touchés par ce terrible événement, en particulier aux familles des victimes innocentes. L’Irlande se souvient d’avoir perdu une ressortissante née en Irlande qui se trouvait à bord du vol MH17, et je tiens à exprimer une fois de plus toute notre sympathie à sa famille, qui a subi une perte dévastatrice.

Il y a un peu plus d’un an, le Conseil s’est réuni dans cette salle quelques jours après la destruction du vol MH17. Pour montrer clairement à quel point cet événement a touché et choqué tous les pays, un message sans équivoque a été délivré avec l’adoption à l’unanimité de la résolution 2166 (2014). Elle a exprimé une compassion sincère à l’égard des victimes, et elle a aussi répondu au souhait de garantir un traitement humain et digne à leurs dépouilles, de mener une enquête internationale exhaustive, minutieuse et indépendante pour déterminer le déroulement exact des événements, et de demander des comptes aux responsables.

Un an plus tard, nous saluons les progrès accomplis concernant l’identification et le rapatriement dans les meilleurs délais des victimes et de leurs possessions, ainsi que l’ouverture d’une enquête efficace, professionnelle et indépendante menée par des experts internationaux. Il ne reste plus qu’à créer un mécanisme de responsabilisation indépendant et impartial pour traduire les responsables en justice de manière crédible et légitime.

Alors que nous avons marqué récemment le premier anniversaire de cette terrible tragédie, les images choquantes et douloureuses du site de l’accident et de la perte intolérable de vies innocentes sont une fois de plus apparues sur nos écrans de télévision et dans nos journaux. La résolution 2166 (2014) visait à garantir que ces événements, et les actes qui les ont provoqués, ne resteraient pas sans suite et que le mépris flagrant de la vie humaine manifesté par les responsables aurait des conséquences. Le projet de résolution (S/2015/562) présenté aujourd’hui visait simplement à atteindre les objectifs de la résolution 2166 (2014).

Je tiens à féliciter sincèrement l’Australie, la Belgique, la Malaisie, les Pays-Bas et l’Ukraine de s’être faits chefs de file s’agissant de déposer ce projet de résolution au Conseil. Un tribunal du type de celui proposé achèverait de valider la détermination de la communauté mondiale à créer un mécanisme de responsabilisation transparent, efficace et fiable chargé de rendre une justice indépendante et impartiale. La création d’un tel tribunal aujourd’hui, avant la publication des rapports d’enquête, aurait garanti que toute mesure prise sur la base de ces rapports soit à l’abri de toute politisation.

Les tribunaux du Conseil de sécurité ont un bilan solide. La création d’un tel tribunal avant la fin de l’enquête ne serait pas une anomalie et ne créerait pas de précédent ; en fait, elle ne ferait que suivre la pratique établie. Tous les autres tribunaux spéciaux de ce type, notamment ceux créés après les conflits en ex- Yougoslavie, au Rwanda et au Liban, l’ont été avant la fin des enquêtes pertinentes.

En tant que pays insulaire, l’Irlande comprend aussi bien que tout autre pays l’importance de l’aviation civile. L’itinéraire aérien international qui passe par Dublin occupe l ;e deuxième rang mondial pour l’encombrement. L’aviation civile nous a permis de renforcer nos liens avec la fraternité des nations et nous a ouvert les portes du monde. Elle est un outil indispensable à la communication, à la sécurité et à la prospérité mondiales. Est-il possible de maintenir le secteur de l’aviation civile mondiale si la sécurité absolue de nos cieux est à quelque degré compromise parce que les responsables d’incidents tels que celui du vol MH17 ne sont pas identifiés ? Sans nul doute, mettre en péril la sécurité des transports aériens civils pose à tous égards une menace à la paix et à la sécurité internationales.

Il incombe à la communauté internationale de faire front commun pour établir un mécanisme de reddition des comptes unique, acceptable par tous et coordonné en vue de rendre justice de manière indépendante et impartiale. Il nous appartient d’afficher le même niveau de détermination, de coopération et de solidarité que dans les semaines qui ont suivi la catastrophe.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole au représentant d’Israël.

M. Prosor (Israël) (parle en anglais) : Il y a un an, en juillet dernier, nous avons été les témoins d’une scène atroce lorsqu’un avion civil a été abattu dans le ciel au-dessus de l’Ukraine. La vie de 283 passagers et de 15 membres d’équipage a été annihilée en l’espace d’un instant, mais la douleur de leurs familles demeure à ce jour. Parmi les morts, il y avait 80 enfants, 80 filles et garçons précieux, qui ont perdu la vie dans un instant tragique.

En tant que représentant de l’une des nations en deuil, je me joins à mes collègues pour rappeler la mémoire de ceux que nous avons perdus sur le vol MH17, déclarer notre soutien à l’enquête et insister pour que les responsables soient amenés à rendre des comptes. La destruction en vol de cet aéronef civil n’est pas seulement une tragédie ; c’était un acte délibéré, qui visait à troubler l’ordre public aérien et à instiller la peur parmi ceux qui voyagent en avion.

Hélas, en Israël, nous ne connaissons que trop bien les tentatives visant à utiliser la violence pour paralyser notre vie et nos activités quotidiennes. Nous avons appris de cette expérience douloureuse que si nous ne prenons pas de mesures pour prévenir de futures attaques, les conséquences peuvent être terribles.

En ce jour tragique, il y a un an, 298 personnes ont trouvé la mort, alors que l’avion à bord duquel elles se trouvaient traversait les airs. Les passagers de ce vol fatidique parlaient différentes langues, se rendaient à des destinations différentes et avaient des projets différents, mais ils avaient tous une chose en commun : ils étaient tous des civils innocents qui vaquaient à leurs occupations quotidiennes.

L’un des passagers à bord était Itamar Avnon, un citoyen israélien de 27 ans. Itamar rentrait en Australie, où il était étudiant de deuxième année à l’Université Swinburne de Melbourne. Itamar était rentré en Israël pour le mariage d’un ami et pour rendre visite à son grand-père de 96 ans à Haïfa. Il a ensuite pris l’avion pour aller voir sa famille aux Pays-Bas, hélas, pour la dernière fois. Bien que sa vie ait été courte, il a eu des années bien remplies. Que ce soit sa passion pour les voyages, le football, ou, plus important encore, ses amis, Itamar avait croqué la vie à pleines dents et avait apporté l’amour et le rire à tous ceux qui le connaissaient. Puissent son souvenir et la mémoire de tous ceux qui ont péri être une bénédiction.

Nous remercions les personnes chargées de mener l’enquête sur cet horrible incident et leur apportons notre soutien, et nous nous félicitons des progrès qui ont été réalisés jusqu’à présent. Nous attendons avec intérêt le rapport final.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole à la représentante du Viet Nam.

Mme Nguyen (Viet Nam) (parle en anglais) : D’emblée, je voudrais remercier les ministres qui sont venus de loin pour participer à cette importante séance.

Une année s’est écoulée depuis la tragédie du vol MH17 de la Malaysia Airlines, qui a causé la mort de 298 passagers et membres d’équipage, dont une famille vietnamienne de trois personnes. Le Viet Nam sait gré de la coopération qui a permis la récupération et le rapatriement des restes des victimes, ainsi que du soutien apporté aux familles. Nous apprécions tous les efforts qui ont été déployés par les parties concernées pour enquêter sur cet incident, notamment ceux de l’équipe d’enquête mixte, et nous prenons acte du rapport préliminaire.

Le Viet Nam réitère son appel en faveur d’une poursuite de l’enquête indépendante, objective et transparente, conformément à la résolution 2166 (2014). Nous demandons à toutes les parties concernées d’apporter leur pleine coopération à l’enquête. Nous sommes d’avis que les auteurs de cet acte doivent être traduits en justice au moyen des mécanismes appropriés, conformément au droit international et à la Charte des Nations Unies.

Le Viet Nam est prêt à travailler en étroite collaboration avec toutes les parties concernées dans les efforts que nous déployons pour que toute la lumière soit faite sur cet incident.

Le Président (parle en anglais) : Je donne maintenant la parole au représentant de l’Indonésie.

M. Percaya (Indonésie) (parle en anglais) : Je tiens à vous remercier, Monsieur le Président, d’avoir convoqué la présente séance sur la question du vol MH17 de la Malaysia Airlines, qui revêt une grande importance à nos yeux. Ma délégation remercie également la Malaisie d’avoir pris l’initiative de présenter cette proposition sur la question.

Une année s’est écoulée depuis ce jour profondément tragique où le vol MH17 a été abattu. Mais la douleur et la tristesse causées par la mort de tous ceux qui ont péri dans cet événement des plus inhumains, parmi lesquels se trouvaient des Indonésiens, n’ont pas diminué.

Il est profondément regrettable que le Conseil n’ait pu s’unir pour prendre des mesures permettant de s’attaquer aux problèmes soulevés par la destruction du vol MH17. L’Indonésie, et, je pense, toutes les autres nations en deuil le doivent aux victimes de cette tragédie et à leurs familles de prendre des mesures efficaces. Nous devons prendre les mesures qui s’imposent pour que les responsables de cet incident répondent de leurs actes, et nous devons également prendre des mesures claires pour empêcher que de tels incidents ne se reproduisent. Il s’agit notamment de veiller au respect du droit international, en particulier les dispositions pertinentes du droit international humanitaire, de renforcer la coopération internationale et de montrer ensemble et sans équivoque que ce genre d’incidents ne sera pas toléré.

L’Indonésie réaffirme son appui à la résolution 2166 (2014) et demande instamment au Conseil d’honorer l’engagement qu’il a pris et de s’acquitter de la responsabilité qui lui incombe de prendre toutes les mesures de suivi afin de mettre pleinement en œuvre la résolution, notamment de poursuivre en justice les personnes responsables de la destruction du vol MH17. Plusieurs pays ont travaillé de concert durant l’année écoulée en vue d’apporter une réponse à ceux qui sont touchés par cette tragédie. À cet égard, l’Indonésie se félicite du processus d’enquête, notamment des efforts déployés par l’équipe d’enquête mixte. Ma délégation souligne l’importance d’une enquête complète, approfondie et indépendante, qui met l’accent sur la transparence et l’impartialité et qui pourrait servir de point de départ à l’établissement des responsabilités.

Enfin, ma délégation demande instamment au Conseil de continuer à s’employer à parvenir à un consensus sur toutes les mesures voulues à cette fin.

Le Président (parle en anglais) : Le représentant de la Fédération de Russie a demandé la parole pour faire une autre déclaration.

M. Churkin (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je serai très bref.

La séance d’aujourd’hui a été chargée d’émotions, ce qui est compréhensible. À certains moments, on pouvait toutefois se demander s’il y avait des limites à l’exploitation politique des sentiments des familles de ceux qui ont péri et qui vivent une véritable horreur.

Il a été porté contre la Fédération de Russie un certain nombre d’accusations que je considère comme insultantes et qui ne sont pas dignes de diplomates.

En ce qui concerne les questions de fond, nous avons présenté nos arguments dans notre déclaration. Je vais dire quelques mots sur un seul point, à savoir l’issue des débats. Il est tout simplement incompréhensible que l’absence d’accord sur une forme de procédure judiciaire soit assimilée à l’impunité. Nous répétons notre proposition qui est d’étudier les différentes variantes possibles pour ce qui est des poursuites pénales. Parmi ces variantes, il y en a de plus simples qui sont plus efficaces, plus appropriées et certainement moins politisées ; c’est sur celles-là que nous devrions nous concentrer.

Dans sa déclaration, le Ministre des affaires étrangères de l’Ukraine, M. Klimkin, a voulu adopter une position de supériorité morale et religieuse. Il a évoqué le caractère inacceptable de l’impunité et la nécessité de coopérer. Je n’ai que deux questions à lui poser : pourquoi est-ce que des avions de ligne civils ont été envoyés dans des zones où des opérations militaires étaient en cours, des zones où les forces ukrainiennes se battaient et où leurs avions militaires se trouvaient ? Pourquoi est-ce que des vols civils ont été envoyés dans cet espace aérien ? Les passagers de cet avion de ligne ne pouvaient tout simplement pas savoir qu’un conflit militaire était en cours. Même les autorités de l’aviation malaisienne ne pouvaient pas le savoir. Mais Kiev le savait. Pourquoi l’a-t-il fait ? Par avarice ou pour d’autres raisons ? Pourquoi n’a-t-il pas fourni, à ce jour, les enregistrements des régulateurs de l’armée de l’air ? Ça, c’est de l’impunité ! Kiev a-t-elle puni qui que ce soit en Ukraine ? Nous espérons que l’enquête fera la lumière sur cet aspect et établira les responsabilités de ceux qui ont abattu l’avion et de ceux qui ont permis que l’appareil survole la zone de conflit.

Enfin, la tragédie du vol MH17 de la Malaysia Airlines est un terrible événement, non seulement pour les citoyens qui sont morts dans cette catastrophe et pour leurs pays respectifs, mais également pour les diplomates qui sont maintenant obligés de s’y pencher, pour les personnalités politiques concernées, et pour les experts et les enquêteurs qui continuent de travailler ensemble sur cette question. Nous devons avancer de concert sur cette voie. Malheureusement, la séance d’aujourd’hui est très peu susceptible de promouvoir un élan commun vers notre objectif final, qui est de faire toute la lumière sur les circonstances qui entourent cette tragédie et d’en traduire les responsables en justice. La Russie est prête à reprendre ce travail au niveau des experts, à l’échelon diplomatique et sur tout autre plan. Attachons-nous donc, dès demain, à avancer sur cette voie.

Le Président (parle en anglais) : Il n’y a pas d’autre orateur inscrit sur la liste.

La séance est levée à 17 h 10.

Proposition de résolution rejetée

Le Conseil de sécurité,

Réaffirmant sa résolution 2166 (2014) du 16 juillet 2014, concernant le vol MH17 de la compagnie Malaysia Airlines abattu le 17 juillet 2014 au-dessus de la province de Donetsk, en Ukraine, ce qui a entraîné la disparition tragique de 298 personnes, et dans laquelle il exige que l’on contraigne les responsables de l’incident à répondre de leurs actes et que tous les États s’associent pleinement aux efforts déployés pour établir les responsabilités,

Rappelant sa résolution 2202 (2015) du 17 février 2015, réaffirmant sa résolution 2166 (2014),

Notant que le rapport préliminaire sur les causes de l’accident établi par le Bureau néerlandais de la sûreté, chargé de l’enquête conformément à l’annexe 13 de la Convention sur l’aviation civile internationale, publié le 9 septembre 2014, indique que l’aéronef a été détruit par un grand nombre d’objets dotés d’une énergie cinétique importante qui ont pénétré l’aéronef depuis l’extérieur, rappelant la séance d’information qu’il a tenue le 19 septembre 2014 et notant la résolution sur le vol MH17 adoptée par le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile internationale le 28 octobre 2014,

Réaffirmant les règles du droit international interdisant les actes de violence qui constitue une menace pour la sécurité de l’aviation civile internationale et déplorant à cet égard tous les autres actes de violence contre les aéronefs civils,

Notant les lettres que lui a adressées le Gouvernement néerlandais en date des 16décembre 2014 (S/2014/903) et 20 juillet 2015 (S/2015/551), la première annonçant la création d’une équipe d’enquête mixte chargée de coordonner l’enquête pénale internationale en vue de traduire les auteurs en justice et la deuxième faisant le point sur l’état d’avancement de cette enquête ainsi que sur la mission de récupération et de rapatriement et l’enquête technique internationale sur les causes de l’accident,

Gravement préoccupé par tous les actes de violence qui constituent une menace pour la sécurité de l’aviation civile,

Constatant que cet acte de violence et ses conséquences pour la sécurité de l’aviation civile constituent une menace pour la paix et la sécurité internationales,

Résolu à dissuader toute attaque future contre des aéronefs civils et à prendre des mesures efficaces en vue de traduire en justice les personnes responsables de cet incident,

Considérant que la création d’un tribunal international chargé de poursuivre les personnes responsables de cet incident contribuera à la sécurité de l’aviation civile et au maintien de la paix et de la sécurité internationales,

Convaincu que dans les circonstances particulières de cet incident la création d’un tribunal international constituera un moyen efficace de garantir l’indépendance et l’impartialité de la procédure de recherche de responsabilités conformément aux normes internationales,

Faisant référence à la lettre adressée par les Gouvernements australien, belge, malaisien, néerlandais et ukrainien, en date du 10 juillet 2015 (S/2015/528), et saluant leur engagement à assurer le bon fonctionnement d’un tribunal international, dont les travaux s’appuieront sur ceux menés par l’équipe d’enquête mixte,

Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies,

1. Réitère sa profonde sympathie et ses condoléances aux familles des victimes de cet incident ainsi qu’aux peuples et aux gouvernements des pays d’origine des victimes ;

2. Exige de tous les États et des autres acteurs de s’abstenir de tout acte de violence dirigé contre les aéronefs civils ;

3. Demande à tous les États et acteurs de la région de coopérer pleinement à la réalisation de l’enquête internationale sur cet incident comme l’exige la résolution 2166 (2014) ;

4. Demande aux États participant aux activités de l’équipe d’enquête mixte de continuer de le tenir pleinement et régulièrement informé de l’avancement de l’enquête selon qu’il conviendra et sans préjudice du caractère confidentiel de l’enquête pénale ;

5. Demande instamment que l’enquête technique internationale sur les causes de l’accident et l’enquête pénale soient menées à terme dans les meilleurs délais, sans porter atteinte à la qualité de ces enquêtes ;

6. Décide de créer un tribunal international à seule fin de poursuivre les personnes responsables des crimes liés à la destruction le 17 juillet 2014 dans la province de Donetsk, en Ukraine, d’un avion de la compagnie Malaysia Airlines, numéro de vol MH17, et à cette fin adopte les statuts du Tribunal pénal international chargé de statuer sur l’affaire du vol MH17 de la Malaysia Airlines joint en annexe ;

7. Décide que tous les États apporteront leur pleine coopération au Tribunal international et à ses organes conformément à la présente résolution et au statut du tribunal, et que par conséquent tous les États prendront toutes les mesures nécessaires conformément à leur droit interne pour appliquer les dispositions de la présente résolution et du statut, y compris l’obligation qui leur incombe de se conformer aux demandes d’assistance et aux ordonnances prises conformément au statut du Tribunal, et prie les États de tenir le Secrétaire général informé de ces mesures ;

8. Décide également que le Tribunal international sera financé au moyen de contributions volontaires et encourage les États et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales à fournir des fonds et à offrir du matériel et des services au Tribunal, notamment à offrir du personnel spécialisé ;

9. Décide que le choix du siège du Tribunal international est subordonné à la conclusion entre l’Organisation des Nations Unies et les Pays-Bas d’arrangements appropriés qui soient acceptables pour le Conseil, et que le tribunal peut siéger ailleurs lorsqu’il le juge nécessaire pour exercer efficacement ses fonctions ;

10. Décide également que le Tribunal international mènera ses travaux sans préjudice du droit des familles des victimes de demander réparation par les voies appropriées ;

11. Prie le Secrétaire général de mettre rapidement en œuvre la présente résolution et de prendre en particulier des dispositions pratiques, s’il y a lieu en coordination avec les Gouvernements australien, belge, malaisien, néerlandais et ukrainien, pour que le Tribunal international puisse fonctionner de manière effective le plus tôt possible et de lui présenter périodiquement un rapport sur l’application de la présente résolution ;

12. Décide de demeurer activement saisi de la question.

Annexe à la proposition de résolution rejetée

Statut

Tribunal pénal international chargé de statuer sur l’affaire du vol MH17 de la Malaysia Airlines

Le fonctionnement et la compétence du Tribunal pénal international chargé de statuer sur l’affaire du vol MH17 de la Malaysia Airlines (ci-après, le « Tribunal »), constitué par le Conseil de sécurité agissant au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, sont régis par les dispositions du présent Statut.

Section I

Compétence du Tribunal

Article premier

Crimes relevant de la compétence du Tribunal

1. Le Tribunal est compétent pour juger les personnes présumées responsables de crimes en lien avec la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, le 17 juillet 2014.

2. Sous réserve du paragraphe 1, le présent Statut donne compétence au Tribunal pour statuer sur les crimes suivants :

a) Les crimes de guerre, au sens de l’article 2 ; 

b) Les crimes contre la sûreté de l’aviation civile, au sens de l’article 3 ; et 

c) Les crimes sanctionnés par le Code pénal ukrainien, au sens de 
l’article 4.

Article 2

Crimes de guerre

Aux fins du présent Statut, on entend par « crimes de guerre » :

a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir l’homicide intentionnel perpétré contre une personne protégée par les dispositions de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles temps de guerre ;

b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir, l’un quelconque des actes ci-après :

i) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des civils qui ne participent pas directement part aux hostilités ;

ii) Le fait de diriger intentionnellement des attaques contre des biens à caractère civil, c’est-à-dire des biens qui ne sont pas des objectifs militaires ;

c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de l’article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949, comme les atteintes à la vie et à l’intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations, les traitements cruels et la torture perpétrés contre des personnes ne prenant pas activement part aux hostilités armées ;

d) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, comme le fait de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile en tant que telle ou contre des personnes civiles qui ne participent pas directement aux hostilités.

Article 3

Crimes contre la sûreté de l’aviation civile

Aux fins du présent Statut, on entend par « crimes contre la sûreté de l’aviation civile » la destruction, l’endommagement ou la mise en danger d’aéronefs au sens de l’article 9 de la loi malaisienne de 1984 sur les infractions dans le domaine de l’aviation (Aviation Offences Act).

Article 4

Crimes sanctionnés par le Code pénal ukrainien

Aux fins du présent Statut, on entend par « crimes sanctionnés par le Code pénal ukrainien » :
a) Le meurtre, au sens de l’article 115 ; 

b) L’homicide par imprudence, au sens de l’article 119 ; 

c) La destruction ou l’endommagement délibéré de biens, au sens de 
l’article 194 ;
d) La contrebande, au sens de l’article 201 ; 

e) Les atteintes à la sûreté publique, au sens des articles 258 et 258-3 à 

258-5 ;
f) L’usage illicite d’armes, de munitions ou d’explosifs, au sens de l’article 263 ;
g) La dissimulation d’infractions pénales, au sens de l’article 396 ; 

h) Les atteintes à la vie du représentant d’un État étranger, au sens de 

l’article 443.

Section II

Dispositions applicables à toutes les infractions

Article 5

Compétence ratione personae

Le présent Statut donne compétence au Tribunal pour juger des personnes physiques.

Article 6

Incompétence à l’égard des personnes de moins de 18 ans

Le Tribunal n’a pas compétence à l’égard d’une personne qui était âgée de moins de 18 ans au moment de la commission présumée d’un crime.

Article 7

Défaut de pertinence des fonctions officielles

1. Le présent Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur les fonctions officielles. En particulier, la fonction officielle de chef d’État ou de gouvernement, de membre d’un gouvernement ou d’un parlement, de représentant élu ou d’agent d’un État, n’exonère en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du présent Statut, pas plus qu’elle ne constitue en tant que telle un motif de réduction de la peine.

2. Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la fonction officielle d’une personne au regard du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas le Tribunal d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne.

Article 8
Imprescriptibilité

Les crimes visés à l’article 2 ne se prescrivent pas. Dans les cas où le droit interne prévoit un délai de prescription, celui-ci est prolongé de 15 ans pour les crimes visés aux articles 3 et 4.

Article 9

Responsabilité pénale individuelle

Quiconque commet un crime relevant de la compétence du Tribunal est individuellement responsable et peut être puni conformément au présent Statut.

Article 10

Compétences concurrentes

1. Le Tribunal et les juridictions nationales sont concurremment compétentes pour juger les personnes présumées responsables de crimes en rapport avec la destruction du vol MH17 de la Malaysia Airlines, le 17 juillet 2014.

2. Le Tribunal a la primauté sur les juridictions nationales. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il peut, à tout stade de la procédure devant une juridiction nationale, demander officiellement à celle-ci de se dessaisir en sa faveur conformément au présent Statut et à son Règlement de procédure et de preuve.

3. Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le Tribunal est habilité à renvoyer une affaire devant une juridiction nationale.

Article 11
Ne bis in idem

1. Sauf disposition contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par le Tribunal pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté par lui.

2. Nul ne peut être jugé par une autre juridiction pour un crime visé à l’article premier, paragraphe 2, pour lequel il a déjà été condamné ou acquitté par le Tribunal.

3. Quiconque a déjà été jugé par une autre juridiction pour un comportement visé à l’article premier, paragraphe 2, ne peut être jugé par le Tribunal que si la procédure devant l’autre juridiction :

a) Avait pour but de soustraire l’intéressé à sa responsabilité pénale pour des crimes relevant de la compétence du Tribunal ; ou

b) N’a pas été menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une manière qui, compte tenu des circonstances, était incompatible avec l’intention de traduire l’intéressé en justice.

Article 12
Amnistie

Le fait qu’une personne ait bénéficié d’une amnistie pour un crime relevant de la compétence du Tribunal ne fait pas obstacle à ce que des poursuites soient engagées ou une peine prononcée à son encontre.

Section III

Dispositions applicables aux crimes visés à l’article 2

Article 13

Responsabilité pénale individuelle

Une personne est pénalement responsable et peut être punie pour un crime de guerre si :

a) Elle commet un tel crime, que ce soit individuellement, conjointement avec une autre personne ou par l’intermédiaire d’une autre personne, que cette autre personne soit ou non pénalement responsable ;

b) Elle ordonne, sollicite ou encourage la commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou tentative de commission de ce crime ;

c) En vue de faciliter la commission d’un tel crime, elle apporte son aide, son concours ou toute autre forme d’assistance à la commission ou à la tentative de commission de ce crime, y compris en fournissant les moyens de cette commission ;

d) Elle contribue de toute autre manière à la commission ou à la tentative de commission d’un tel crime par un groupe de personnes agissant de concert. Cette contribution doit être intentionnelle et, selon le cas :

i) Viser à faciliter l’activité criminelle ou le dessein criminel du groupe, si cette activité ou ce dessein comporte l’exécution d’un crime relevant de la compétence du Tribunal ; ou

ii) Être faite en pleine connaissance de l’intention du groupe de commettre ce crime ;

e) Elle tente de commettre un tel crime par des actes qui, par leur caractère substantiel, constituent un commencement d’exécution mais sans que le crime soit accompli en raison de circonstances indépendantes de sa volonté. Toutefois, la personne qui abandonne l’effort tendant à commettre le crime ou en empêche de quelque autre façon l’achèvement ne peut être punie en vertu du présent Statut pour sa tentative si elle a complètement et volontairement renoncé au dessein criminel.

Article 14

Responsabilité des chefs militaires et autre supérieurs hiérarchiques

Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut, pour ce qui est des crimes de guerre :

a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence du Tribunal commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :

i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ; et

ii) Ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;

b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence du Tribunal commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :

i) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;

ii) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et

iii) Le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites.

Article 15

Motifs d’exonération de la responsabilité pénale pour crimes de guerre

Outre les autres motifs d’exonération de la responsabilité pénale prévus par le présent Statut, une personne n’est pas responsable pénalement pour un crime de guerre si, au moment du comportement en cause :

a) Elle souffrait d’une maladie ou d’une déficience mentale qui la privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi ;

b) Elle était dans un état d’intoxication qui la privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement, ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi, à moins qu’elle ne se soit volontairement intoxiquée dans des circonstances telles qu’elle savait que, du fait de son intoxication, elle risquait d’adopter un comportement constituant un crime relevant de la compétence du Tribunal, ou qu’elle n’ait tenu aucun compte de ce risque ;

c) Elle a agi raisonnablement pour se défendre, pour défendre autrui ou, dans le cas des crimes de guerre, pour défendre des biens essentiels à sa survie ou à celle d’autrui ou essentiels à l’accomplissement d’une mission militaire, contre un recours imminent et illicite à la force, d’une manière proportionnée à l’ampleur du danger qu’elle courait ou que couraient l’autre personne ou les biens protégés. Le fait qu’une personne ait participé à une opération défensive menée par des forces armées ne constitue pas en soi un motif d’exonération de la responsabilité pénale au titre du présent alinéa ;

d) Le comportement dont il est allégué qu’il constitue un crime relevant de la compétence du Tribunal a été adopté sous la contrainte résultant d’une menace de mort imminente ou d’une atteinte grave, continue ou imminente à sa propre intégrité physique ou à celle d’autrui, et si elle a agi par nécessité et de façon raisonnable pour écarter cette menace, à condition qu’elle n’ait pas eu l’intention de causer un dommage plus grand que celui qu’elle cherchait à éviter. Cette menace peut être :

i) Soit exercée par d’autres personnes ; 


ii) Soit constituée par d’autres circonstances indépendantes de sa volonté. 


Article 16

Erreur de fait ou erreur de droit

1. Une erreur de fait n’est un motif d’exonération de la responsabilité pénale que si elle fait disparaître l’élément psychologique du crime.

2. Une erreur de droit portant sur la question de savoir si un comportement donné constitue un crime de guerre n’est pas un motif d’exonération de la responsabilité pénale.

Article 17

Ordre hiérarchique et ordre de la loi

Le fait qu’un crime de guerre ait été commis sur ordre d’un gouvernement ou d’un supérieur, militaire ou civil, n’exonère pas la personne qui l’a commis de sa responsabilité pénale, à moins que :

a) Cette personne n’ait eu l’obligation légale d’obéir aux ordres du gouvernement ou du supérieur en question ;

b) Cette personne n’ait pas su que l’ordre était illégal ; et 


c) L’ordre n’ait pas été manifestement illégal. 


Section IV

Dispositions applicables aux crimes visés aux articles 3 et 4

Article 18

Dispositions applicables aux crimes visés à l’article 3

Pour ce qui est des crimes visés à l’article 3, le Tribunal fera application de l’article 13 de la loi malaisienne de 1984 sur les infractions dans le domaine de l’aviation, des chapitres IV (Exonérations générales), V (Incitation) et VA (Association de malfaiteurs) du Code pénal malaisien et des autres dispositions du droit pénal matériel malaisien qu’il jugera pertinentes dans le cadre d’une procédure pénale donnée et compatibles avec le présent Statut et les normes consacrées au niveau international.

Article 19

Dispositions applicables aux crimes visés à l’article 4

Pour ce qui est des crimes visés à l’article 4, le Tribunal fera application des chapitres III (Typologie des infractions pénales), V (Formes de culpabilité), VI (Complicité) et VIII (Circonstances excluant le caractère pénal d’un acte) du Code pénal ukrainien et des autres dispositions du droit pénal matériel ukrainien qu’il jugera pertinentes dans le cadre d’une procédure pénale donnée et compatibles avec le présent Statut et les normes consacrées au niveau international.

Section V

Organisation du Tribunal

Article 20

Organes du Tribunal

Les organes du Tribunal sont les suivants :

a) Les Chambres, comprenant un juge de la mise en état, une Chambre de première instance et une Chambre d’appel ;

b) Le Procureur ;

c) Le Greffe.

Article 21

Composition des Chambres

1. Les Chambres sont composées de la manière suivante :
a) Un juge de la mise en état ; 

b) Une Chambre préliminaire composée de trois juges ; 

c) Une Chambre d’appel composée de cinq juges ; 

d) Deux juges suppléants. 


2. Les juges de la Chambre préliminaire et les juges de la Chambre d’appel 

élisent en leur sein un président, qui dirige les travaux de la chambre où il a été élu.

3. Le Président de la Chambre d’appel est également Président du Tribunal. 


4. Le Président du Tribunal peut, dans l’intérêt d’une bonne administration de la 

justice, désigner un juge suppléant pour remplacer un juge se trouvant dans l’impossibilité de siéger.

5. Un juge ne siège qu’à la chambre à laquelle il a été affecté.

Article 22
Qualifications des juges

1. Les juges sont choisis parmi des personnes jouissant d’une haute considération morale, connues pour leur impartialité et leur intégrité et réunissant les conditions requises dans leurs États respectifs pour l’exercice des plus hautes fonctions judiciaires. Les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance et ne sollicitent ni n’acceptent d’instructions d’aucun gouvernement ou d’aucune source extérieure.

2. Tout candidat à la fonction de juge au Tribunal devra jouir de compétences avérées dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale, tenant compte du fait que le Tribunal sera amené à appliquer le droit international tout comme les droits malaisien et ukrainien, et avoir de préférence une expérience du procès pénal, que ce soit en tant que juge, procureur, avocat ou tout autre fonction similaire.

3. Tout candidat à la fonction de juge au Tribunal devra avoir une excellente connaissance et une pratique courante de la langue de travail du Tribunal.

Article 23
Nomination des juges

1. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies invite les États à présenter des candidats aux sièges vacants du Tribunal.

2. Le Secrétaire général nomme des juges dès que le fonctionnement du Tribunal l’impose. Il procède aux nominations après avoir recueilli l’avis d’un comité de sélection qu’il aura créé et en avoir référé au Conseil de sécurité. Le comité est composé de deux juges siégeant, ou ayant siégé, dans un tribunal pénal international, et d’un représentant du Secrétaire général.

3. Le Tribunal ne peut comprendre plus d’un ressortissant du même État.

4. Les juges sont nommés pour un mandat de cinq ans, qui peut être renouvelé pour une durée qu’il appartiendra au Secrétaire général de déterminer.

Article 24

Pouvoirs du Président du Tribunal

1. Le Président du Tribunal veille au bon fonctionnement du Tribunal. 


2. Outre ses attributions judiciaires, le Président a pour fonction de représenter le 
Tribunal.

3. Le Président présente un rapport annuel sur les travaux du Tribunal au Conseil de sécurité et à l’Assemblée générale.

Article 25

Le Procureur

1. Le Procureur est responsable de l’instruction des dossiers, tout en tenant compte de l’enquête menée par l’équipe d’enquête mixte visée dans la lettre S/2014/903, en date du 16 décembre 2014, et de l’exercice des poursuites contre les personnes présumées responsables de crimes relevant de la compétence du Tribunal.

2. Le Procureur, qui est un organe distinct au sein du Tribunal, agit en toute indépendance. Il ne sollicite ni ne reçoit d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune autre source.

3. Le Bureau du Procureur se compose du Procureur et du personnel qualifié qui peut être nécessaire. Pour ce qui est du personnel, le Procureur veille à choisir des personnes à même d’entretenir de bons contacts avec les proches des victimes.

4. Le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies invite les États à proposer des candidats au poste de Procureur du Tribunal. Le Procureur est nommé par le Secrétaire général.

5. Le Procureur doit être de haute moralité et disposer de compétences et d’une expérience extrêmement solides en matière d’investigations et d’instruction des affaires criminelles. Son mandat est de cinq ans renouvelable. Ses conditions d’emploi sont celles d’un secrétaire général adjoint de l’Organisation des Nations Unies.

6. Le personnel du Bureau du Procureur est nommé par le Secrétaire Général sur recommandation du Procureur.

Article 26
Le Greffe

1. Le Greffe est chargé d’assurer l’administration et les services du Tribunal. 


2. Le Greffe se compose d’un greffier et des autres fonctionnaires nécessaires. 


3. Le Greffier est désigné par le Secrétaire général, après consultation du Président du Tribunal, pour un mandat de cinq ans renouvelable. Les conditions d’emploi du Greffier sont celles d’un sous-secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

4. Le personnel du Greffe est nommé par le Secrétaire général sur recommandation du Greffier.

5. Le Greffe comprend un bureau de la défense, qui tient, au nom du Greffier, la liste des conseils de la défense habilités à plaider devant le Tribunal et administre l’aide judiciaire dont peuvent bénéficier les personnes démunies ou partiellement démunies poursuivies devant le Tribunal.

6. Le Greffe comprend un bureau chargé de la protection et de l’aide relatives aux témoins, qui met en œuvre, au besoin en consultation avec le Bureau du Procureur ou le conseil de la défense, les mesures de protection et de sécurité ordonnées par le Tribunal, ou par ailleurs nécessaires, et fournit aux témoins, ou à toute autre personne courant un danger du fait de déclarations faites par des témoins, des conseils et toute autre mesure d’assistance qui pourra s’avérer nécessaire.

Article 27
Langue de travail

La langue de travail du Tribunal est l’anglais.

Article 28

Règlement de procédure et de preuve

Dès que possible après avoir pris leurs fonctions, les juges du Tribunal adoptent le règlement de procédure et de preuve régissant les procédures de première instance et de recours, la recevabilité des preuves, la protection des témoins et d’autres questions appropriées. Ils peuvent le modifier en fonction des besoins.

Section VI

Enquêtes et poursuites

Article 29

Équipe d’enquête mixte

Le Procureur reçoit et examine les éléments de preuve recueillis par l’équipe d’enquête mixte.

Article 30

Enquêtes et préparation de l’acte d’accusation

1. Le Procureur ouvre une information d’office ou sur la foi des renseignements obtenus de toutes sources, notamment des gouvernements, des organes de l’Organisation des Nations Unies et des organisations intergouvernementales et non gouvernementales, et prend en considération au besoin les éléments issus de l’enquête menée par l’équipe d’enquête mixte. Il évalue les renseignements reçus ou obtenus et décide s’il y a lieu de poursuivre.

2. Le Procureur est habilité à :

a) Recueillir et examiner des éléments de preuve ; 


b) Convoquer et interroger des personnes faisant l’objet d’une enquête et 
des témoins ;

c) Rechercher la coopération de tout État ou organisation intergouvernementale ou accord intergouvernemental conformément à leurs compétences ou à leur mandat respectifs ;

d) S’engager à ne divulguer à aucun stade de la procédure les documents ou renseignements qu’il a obtenus sous la condition qu’ils demeurent confidentiels et ne servent qu’à obtenir de nouveaux éléments de preuve, à moins que celui qui a fourni l’information ne consente à leur divulgation ; et

e) Prendre, ou demander que soient prises, des mesures nécessaires pour assurer la confidentialité des renseignements recueillis, la protection des personnes ou la préservation des éléments de preuve.

3. S’il estime qu’il existe des éléments suffisants pour engager des poursuites, le Procureur établit un acte d’accusation dans lequel il expose succinctement les faits et le crime ou les crimes qui sont reprochés à l’accusé en vertu du Statut. L’acte d’accusation est transmis au juge de la mise en état.

Article 31

Examen de l’acte d’accusation

1. Le juge de la mise en état examine l’acte d’accusation dont il est saisi. S’il estime que le Procureur a démontré qu’il existait des éléments suffisants pour engager des poursuites, il confirme l’acte d’accusation. À défaut, il le rejette.

2. S’il confirme l’acte d’accusation, le juge de la mise en état décerne, sur réquisition du Procureur, les ordonnances et mandats d’arrêt, de dépôt, d’amener ou de remise et toutes autres ordonnances nécessaires pour la conduite du procès.

Section VII

Droits de l’accusé et des autres personnes

Article 32

Droits des autres personnes durant l’enquête

1. Dans une enquête ouverte en vertu du présent Statut, une personne :

a) Ne peut être tenue de témoigner contre elle-même ni de s’avouer coupable ;

b) N’est soumise à aucune forme de coercition, de contrainte ou de menace, ni à la torture ni à aucune autre forme de peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant ;

c) Bénéficie gratuitement, si elle n’est pas interrogée dans une langue qu’elle comprend et parle parfaitement, de l’aide d’un interprète compétent et de toutes traductions que rendent nécessaires les exigences de l’équité ; et

d) Ne peut être arrêtée ou détenue arbitrairement, ni privée de sa liberté si ce n’est pour les motifs et selon les procédures prévus dans le présent Statut.

2. Lorsqu’il y a des motifs de croire qu’une personne a commis un crime relevant de la compétence du Tribunal et que cette personne doit être interrogée par le Procureur ou par les autorités nationales à la suite d’une demande faite par le Tribunal, cette personne a de plus les droits suivants, dont elle est informée avant d’être interrogée :

a) Être informée avant d’être interrogée qu’il y a des raisons de croire qu’elle a commis un crime relevant de la compétence du Tribunal ;

b) Garder le silence, sans que ce silence soit pris en considération pour la détermination de sa culpabilité ou de son innocence ;

c) Être assistée par le défenseur de son choix ou, si elle n’en a pas, par un défenseur commis d’office chaque fois que les intérêts de la justice l’exigent, sans avoir dans ce cas à verser de rémunération si elle n’en a pas les moyens ; et

d) Être interrogée en présence de son conseil, à moins qu’elle n’ait renoncé volontairement à son droit d’être assistée d’un conseil.

Article 33

Droits de l’accusé

1. Toute personne est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par le Tribunal. Il incombe au Procureur de prouver la culpabilité de l’accusé. Pour condamner l’accusé, le Tribunal doit être convaincu de sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable.

2. Lors de l’examen des charges portées contre lui, l’accusé a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement, compte tenu des dispositions du présent Statut, équitablement et de façon impartiale. Il a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

a) Être informé dans le plus court délai et de façon détaillée de la nature, de la cause et de la teneur des charges dans une langue qu’il comprend et parle parfaitement ;

b) Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement et confidentiellement avec le conseil de son choix ;

c) Être jugé sans retard excessif ;

d) Sans préjudice de l’article 38, être présent à son procès, se défendre lui-même ou se faire assister par le défenseur de son choix ; s’il n’a pas de défenseur, être informé de son droit d’en avoir un et, chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, se voir attribuer d’office un défenseur par le Tribunal, sans frais s’il n’a pas les moyens de le rémunérer ;

e) Interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge. L’accusé a également le droit de faire valoir des moyens de défense et de présenter d’autres éléments de preuve admissibles en vertu du présent Statut ;

f) Se faire assister gratuitement d’un interprète compétent et bénéficier des traductions nécessaires pour satisfaire aux exigences de l’équité, si la langue employée dans toute procédure suivie devant le Tribunal ou dans tout document présenté au Tribunal n’est pas une langue qu’il comprend et parle parfaitement ;

g) Ne pas être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable, et garder le silence sans que ce silence soit pris en considération pour déterminer sa culpabilité ou son innocence ;

h) Faire, sans prêter serment, une déclaration écrite ou orale pour sa défense ; et

i) Ne pas se voir imposer le renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la réfutation.

3. Outre toute autre communication prévue par le présent Statut, le Procureur communique à la défense, dès que cela est possible, les éléments de preuve en sa possession ou à sa disposition dont il estime qu’ils disculpent l’accusé ou tendent à le disculper ou à atténuer sa culpabilité, ou sont de nature à entamer la crédibilité des éléments de preuve à charge. En cas de doute quant à l’application du présent paragraphe, le Tribunal tranche.

Article 34

Protection des témoins

1. Le Tribunal prend les mesures propres à protéger la sécurité, le bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de la vie privée des témoins. Ce faisant, il tient compte de tous les facteurs pertinents, notamment l’âge, le sexe et l’état de santé, ainsi que la nature du crime. Le Procureur prend ces mesures en particulier au stade de l’enquête et des poursuites. Ces mesures ne doivent être ni préjudiciables ni contraires aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial.

2. Par exception au principe de la publicité des débats énoncé à l’article 36, paragraphe 4, les Chambres du Tribunal peuvent, pour protéger les victimes et les témoins ou un accusé, ordonner le huis clos pour une partie quelconque de la procédure ou permettre que les dépositions soient recueillies par des moyens électroniques ou autres moyens spéciaux.

3. Lorsque la divulgation d’éléments de preuve et de renseignements en vertu du présent Statut risque de mettre gravement en danger un témoin ou les membres de sa famille, le Procureur peut, dans toute procédure engagée avant l’ouverture du procès, s’abstenir de divulguer ces éléments de preuve ou renseignements et en présenter un résumé. De telles mesures doivent être appliquées d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial.

Article 35

Informations confidentielles

Un État peut demander que soient prises les mesures nécessaires pour assurer la protection de ses fonctionnaires ou agents et la protection d’informations confidentielles ou sensibles.

Section VIII

Déroulement de l’instruction

Article 36

Ouverture et conduite de la première instance

1. La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit équitable et rapide et à ce que l’instance se déroule conformément au Règlement de procédure et de preuve, les droits de l’accusé étant pleinement respectés et la protection des victimes et des témoins dûment assurée.

2. Toute personne contre laquelle un acte d’accusation a été confirmé est, conformément à une ordonnance ou un mandat d’arrêt décerné par le Tribunal, placée en état d’arrestation, immédiatement informée des chefs d’accusation portés contre elle et déférée au Tribunal.

3. La Chambre de première instance donne lecture de l’acte d’accusation, s’assure que les droits de l’accusé sont respectés, confirme que l’accusé a compris le contenu de l’acte d’accusation et l’invite à faire valoir ses moyens de défense. La Chambre de première instance fixe alors la date du procès.

4. Les audiences sont publiques, à moins que la Chambre de première instance décide de les tenir à huis clos conformément à l’article 34, paragraphe 2, et à son Règlement de procédure et de preuve.

Article 37

Pouvoirs des Chambres

1. Le Tribunal limite strictement le procès, l’appel et la révision à un examen rapide des questions soulevées par les charges, des moyens d’appel ou des moyens de révision. Il prend des mesures strictes pour éviter toute action qui entraînerait un retard non justifié.

2. Les Chambres peuvent recevoir tout élément de preuve pertinent qu’elles estiment avoir valeur probante et exclure tout élément de preuve dont la valeur probante est largement inférieure à l’exigence d’un procès équitable.

3. Les Chambres peuvent recevoir la déposition d’un témoin oralement, ou par écrit si l’intérêt de la justice le commande.

4. Les Chambres respectent les règles de confidentialité énoncées dans le Règlement de procédure et de preuve.

5. Pour ce qui est des faits de notoriété publique, les chambres n’exigent pas que la preuve en soit rapportée, sachant qu’elles peuvent toutefois en dresser le constat judiciaire.

6. Les éléments de preuve obtenus par un moyen violant le présent Statut ou les droits de l’homme internationalement reconnus ne sont pas admissibles :

a) Si la violation met sérieusement en question la crédibilité des éléments de preuve ; ou

b) Si l’admission de ces éléments de preuve serait de nature à compromettre la procédure et à porter gravement atteinte à son intégrité.

7. Lorsqu’elle se prononce sur la pertinence ou l’admissibilité d’éléments de preuve réunis par un État, les chambres ne se prononcent pas sur l’application de la législation nationale de cet État.

8. Dans les situations qui ne sont pas prévues dans le Règlement de procédure et de preuve, les Chambres appliquent les règles d’administration de la preuve qui permettent un règlement le plus équitable possible de l’espèce et sont conformes à l’esprit du Statut et aux principes généraux du droit.

Article 38

Procès par défaut

1. Le Tribunal conduit le procès en l’absence de l’accusé si celui-ci :

a) N’a pas été remis au Tribunal par les autorités de l’État concerné ; 


b) Est en fuite ou est introuvable, et tout ce qui était raisonnablement 
possible a été fait pour garantir sa comparution devant le Tribunal et l’informer des charges confirmées par celui-ci.

2. S’il procède en l’absence de l’accusé, le Tribunal s’assure que :

a) L’acte d’accusation a été notifié ou signifié à l’accusé, ou que celui-ci en a été avisé par voie d’insertion dans les médias ou de communication adressée à son État de résidence ou de nationalité ;

b) L’accusé a désigné un conseil de son choix qui sera rémunéré par lui ou par le Tribunal si son état d’indigence est établi ;

c) Si l’accusé ne peut ou ne veut désigner un conseil, le Tribunal en désigne un chargé de défendre scrupuleusement les intérêts et les droits de l’accusé.

3. En cas de condamnation par défaut, l’accusé a droit à ce que sa cause soit rejugée en sa présence devant le Tribunal, à moins qu’il accepte le verdict ou qu’il ait renoncé expressément et indiscutablement à son droit d’être présent.

Article 39

Accord sur le plaidoyer

1. Lorsque l’accusé accepte de plaider coupable pour l’ensemble de l’acte d’accusation ou un ou plusieurs chefs d’accusation, la défense et le Procureur peuvent convenir que celui-ci peut accomplir un ou plusieurs des actes suivants devant la Chambre de première instance :

a) Demander une modification de l’acte d’accusation ; 


b) Proposer une peine déterminée ou une fourchette de peines ; 


c) Ne pas s’opposer à la demande par l’accusé d’une peine déterminée ou 
d’une fourchette de peines.

2. La Chambre de première instance n’est pas liée par le plaidoyer visé au paragraphe 1, mais l’intérêt d’une justice pénale rapide et efficace commande qu’elle en tienne dûment compte.

Article 40

Atteintes à l’administration de la justice

1. Le Tribunal a compétence pour connaître des atteintes suivantes à son administration de la justice lorsqu’elles sont commises intentionnellement :

a) Faux témoignage d’une personne qui a pris l’engagement de dire la vérité ;

b) Production d’éléments de preuve faux ou falsifiés en connaissance de cause ;

c) Subornation de témoin, manœuvres visant à empêcher un témoin de comparaître ou de déposer librement, représailles exercées contre un témoin en raison de sa déposition, destruction ou falsification d’éléments de preuve, ou entrave au rassemblement de tels éléments ;

d) Intimidation d’un membre ou agent du Tribunal, entrave à son action ou trafic d’influence afin de l’amener, par la contrainte ou la persuasion, à ne pas exercer ses fonctions ou à ne pas les exercer comme il convient ;

e) Représailles contre un membre ou un agent du Tribunal en raison des fonctions exercées par celui-ci ou par un autre membre ou agent ;

f) Sollicitation ou acceptation d’une rétribution illégale par un membre ou un agent du Tribunal dans le cadre de ses fonctions officielles.

2. Le Tribunal est compétent pour connaître des atteintes à l’administration de la justice commises par des personnes physiques ou légales.

3. Les principes et les procédures régissant l’exercice par le Tribunal de sa compétence à l’égard des atteintes à l’administration de la justice en vertu du présent article sont énoncés dans le Règlement de procédure et de preuve.

4. En cas de condamnation, le Tribunal peut imposer une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder cinq années, ou une amende prévue dans le Règlement de procédure et de preuve, ou les deux.

Article 41
Jugement

1. La Chambre de première instance fonde son jugement sur son appréciation des preuves et sur l’ensemble des procédures. Son jugement ne peut aller au-delà des faits et des circonstances décrits dans les charges et les modifications apportées à celles-ci. Il est fondé exclusivement sur les preuves produites et examinées au procès.

2. Les juges s’efforcent de rendre leur jugement à l’unanimité, faute de quoi, ils le rendent à la majorité.

3. Les délibérations de la Chambre de première instance sont et demeurent secrètes.

4. Le jugement est rendu par écrit et contient l’exposé complet et motivé des constatations de la Chambre de première instance sur les preuves et les conclusions. Il n’est prononcé qu’un seul jugement. S’il n’y pas unanimité, la décision contient les vues de la majorité et de la minorité. Il est donné lecture du jugement ou de son résumé en audience publique.

Article 42

Participation des proches des victimes

Le Tribunal autorise les proches des victimes à exprimer leurs vues et préoccupations au stade de la détermination de la peine, d’une manière qui n’est ni préjudiciable ni contraire aux droits de la défense et aux exigences d’un procès équitable et impartial et conforme au Règlement de procédure et de preuve.

Article 43
Les peines

1. La Chambre de première instance peut prononcer contre une personne déclarée coupable d’un crime une peine d’emprisonnement à temps de 30 au plus, ou une peine d’emprisonnement à perpétuité si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient. Pour déterminer la peine, elle se fonde sur la pratique internationale relative aux peines d’emprisonnement et, le cas échéant, sur la pratique des juridictions ukrainiennes ou malaisiennes.

2. Lorsqu’elle fixe la peine, la Chambre tient compte de considérations telles que la gravité du crime et la situation personnelle du condamné.

3. Lorsqu’il prononce une peine d’emprisonnement, le Tribunal en déduit le temps que le condamné a éventuellement passé, sur son ordre, en détention. Il peut également en déduire toute autre période passée en détention à raison d’un comportement lié au crime.

4. Lorsqu’une personne est reconnue coupable de plusieurs crimes, le Tribunal prononce une peine pour chaque crime et une peine unique indiquant la durée totale d’emprisonnement. Cette durée ne peut être inférieure à celle de la peine individuelle la plus lourde et ne peut être supérieure à 30 ans ou à celle de la peine d’emprisonnement à perpétuité prévue au paragraphe 1.

Article 44

Indemnisation des proches des victimes

1. Le Tribunal peut rendre contre une personne condamnée une ordonnance indiquant l’indemnité qu’il convient de verser aux proches des victimes. Ce faisant, il définit l’ampleur du dommage, de la perte ou du préjudice qui leur a été causé, en indiquant les principes sur lesquels il fonde sa décision, tout en tenant compte des autres indemnités envisageables.

2. Les dispositions du présent article s’entendent sans préjudice des droits que le droit interne ou le droit international reconnaissent aux proches des victimes.

Article 45
Procédure d’appel

1. La Chambre d’appel connaît des recours introduits soit par les personnes condamnées par la Chambre de première instance, soit par le Procureur, pour les motifs suivants :

a) Erreur sur un point de droit qui invalide la décision ; ou

b) Erreur de fait qui a entraîné un déni de justice.

2. Le Procureur ou le condamné peut, conformément au Règlement de procédure et de preuve, interjeter appel de la peine prononcée au motif d’une disproportion entre celle-ci et le crime.

3. La Chambre d’appel peut confirmer, annuler ou réviser les décisions de la Chambre de première instance.

4. L’article 41 s’applique mutatis mutandis.

Article 46
Révision

1. S’il est découvert un fait nouveau qui n’était pas connu au moment du procès en première instance ou en appel et qui aurait pu être un élément décisif de la décision, le condamné ou le Procureur peut saisir le Tribunal international pour le Rwanda d’une demande en révision de la sentence.

2. La Chambre d’appel est compétente pour connaître des demandes en révision. Elle la rejette si elle l’estime infondée. Si elle estime que la requête est fondée, elle peut, selon ce qui convient :

a) Réunir à nouveau la Chambre de première instance ; 


b) Rester saisie de l’affaire. 


3. L’article 41 s’applique mutatis mutandis.

Article 47

Exécution des peines

Les peines d’emprisonnement sont exécutées dans l’État désigné par le Tribunal sur la liste des États qui ont fait savoir au Conseil de sécurité qu’ils étaient disposés à recevoir des condamnés. Elles sont exécutées conformément aux lois en vigueur de l’État concerné et aux normes internationales généralement reconnues, sous la supervision du Tribunal.

Article 48

Grâce et commutation de peines

Si le condamné peut bénéficier d’une grâce ou d’une commutation de peine en vertu des lois de l’État dans lequel il est emprisonné, cet État en avise le Tribunal. Le Président du Tribunal statue sur la question en consultation avec les juges et dans l’intérêt de la justice et sur la base des principes généraux du droit.

Article 49

Transfèrement du condamné qui a purgé sa peine

Une fois sa peine purgée, une personne qui n’est pas un ressortissant de l’État chargé de l’exécution peut être transférée, conformément à la législation de l’État chargé de l’exécution, dans un autre État qui accepte ou est tenu de l’accueillir ou dans un autre État qui accepte de l’accueillir en réponse au souhait qu’elle a formulé d’être transférée dans cet État, à moins que l’État chargé de l’exécution n’autorise cette personne à demeurer sur son territoire.

Section IX

Coopération et entraide judiciaire

Article 50

Coopération et entraide judiciaire

1. Les États collaborent avec le Tribunal à la recherche et au jugement des personnes accusées d’avoir commis des crimes relevant de la compétence du Tribunal.

2. Les États répondent sans retard à toute demande d’assistance ou à toute ordonnance émanant du Tribunal et concernant, sans s’y limiter :

a) L’identification et la recherche des personnes ; 


b) La réunion des témoignages et la production des preuves ; 


c) L’expédition des documents ; 


d) L’arrestation ou la détention des personnes ; 


e) Le transfert ou la traduction de l’accusé devant le Tribunal. 


Article 51

Protection de renseignements touchant à la sécurité nationale

1. Le présent article s’applique dans tous les cas où la divulgation de renseignements ou de documents d’un État porterait atteinte, de l’avis de cet État, aux intérêts de sa sécurité nationale. Le présent article s’applique également lorsqu’une personne qui a été invitée à fournir des renseignements ou des éléments de preuve a refusé de le faire ou en a référé à l’État au motif que leur divulgation porterait atteinte aux intérêts d’un État en matière de sécurité nationale et lorsque cet État confirme qu’à son avis la divulgation de ces renseignements porterait atteinte aux intérêts de sa sécurité nationale.

2. Aucune disposition du présent article ne porte atteinte aux normes de confidentialité applicables en vertu d’autres articles du présent Statut.

3. Si un État apprend que des renseignements ou des documents de l’État sont ou seront probablement divulgués à un stade quelconque de la procédure, et s’il estime qu’une telle divulgation porterait atteinte aux intérêts de sa sécurité nationale, cet État a le droit d’intervenir en vue d’obtenir le règlement de la question selon les dispositions du présent article.

4. Lorsqu’un État estime que la divulgation de renseignements porterait atteinte aux intérêts de sa sécurité nationale, il prend, en liaison avec le Procureur, la défense, le juge de la mise en état ou la Chambre de première instance, selon le cas, toutes les mesures raisonnablement possibles pour trouver une solution par la concertation. Ces mesures peuvent notamment consister à :

a) Modifier ou préciser la demande ;

b) Faire trancher par le Tribunal la question de la pertinence des renseignements ou éléments de preuve demandés, ou la question de savoir si les éléments de preuve, quoique pertinents, pourraient être ou ont été obtenus d’une source autre que l’État requis ;

c) Obtenir les renseignements ou éléments de preuve d’une autre source ou sous une forme différente ; ou

d) Trouver un accord sur les conditions auxquelles l’assistance pourrait être fournie, notamment par la communication de résumés ou de versions corrigées, l’imposition de restrictions à la divulgation, le recours à une procédure à huis clos ou ex parte, ou l’application d’autres mesures de protection autorisées par le Statut ou le Règlement de procédure et de preuve.

5. Lorsque toutes les mesures raisonnablement possibles ont été prises pour régler la question par la concertation et que l’État estime qu’il n’existe ni moyens ni conditions qui lui permettraient de communiquer ou de divulguer les renseignements ou les documents sans porter atteinte aux intérêts de sa sécurité nationale, il en avise le Procureur ou le Tribunal en indiquant les raisons précises qui l’ont conduit à cette conclusion, à moins qu’un énoncé précis de ces raisons ne porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’État en matière de sécurité nationale.

6. Par la suite, si le Tribunal détermine que les éléments de preuve sont pertinents et nécessaires pour l’établissement de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé et l’État rejette en tout ou partie la demande d’assistance, le Tribunal peut tirer toute conclusion qu’elle estime appropriée en l’espèce, lorsqu’il juge l’accusé, quant à l’existence ou la non-existence d’un fait.

Article 52

Renseignements ou documents émanent de tiers

Si un État Partie est requis par le Tribunal de fournir un document ou un renseignement en sa possession, sous sa garde ou sous son contrôle qui lui a été communiqué à titre confidentiel par un État, une organisation intergouvernementale ou une organisation internationale, il demande à celui dont il tient le renseignement ou le document l’autorisation de le divulguer. L’État Partie consent alors à la divulgation du renseignement ou du document, ou s’efforce de régler la question avec le Tribunal, sous réserve des dispositions de l’article 51.

Section X

Privilèges et immunités, siège et dépenses

Article 53

Privilèges et immunités du Tribunal

1. La Convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, datée du 13 février 1946, s’applique au Tribunal, aux juges, au Procureur et à son personnel, et au Greffier et à son personnel.

2. Les juges, le Procureur et le Greffier jouissent des privilèges et immunités, des exemptions et des facilités accordés aux agents diplomatiques, conformément au droit international.

3. Le personnel du Procureur et du Greffier jouit des privilèges et immunités accordés aux fonctionnaires des Nations Unies en vertu des articles V et VII de la Convention visée au paragraphe 1 du présent article.

4. Les autres personnes, y compris les accusés, dont la présence est requise au siège du Tribunal bénéficient du traitement nécessaire pour assurer le bon fonctionnement du Tribunal.

Article 54

Siège du Tribunal

Le Tribunal aura son siège aux Pays-Bas.

Article 55

Dépenses du Tribunal

Les dépenses du Tribunal sont financées par des contributions volontaires des États.