La séance est ouverte à 15 h 5.
La Présidenten Mme Ogwu (Nigeria) (parle en anglais) : Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.
À l’issue de consultations entre les membres du Conseil de sécurité, j’ai été autorisée à faire, au nom du Conseil, la déclaration suivante :
« Le Conseil de sécurité rappelle ses résolutions 2042 (2012), 2043 (2012), 2118 (2013), 2139 (2014), 2165 (2014), 2170 (2014), 2175 (2014), 2178 (2014), 2191 (2014), 2199 (2015) et 2235 (2015) et les déclarations de son président du 3 août 2011, du 2 octobre 2013 et du 24 avril 2015.
Le Conseil réaffirme son ferme attachement à la souveraineté, à l’indépendance, à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie et à tous les autres États touchés par le conflit syrien, ainsi qu’aux buts et principes énoncés dans la Charte des Nations Unies.
Le Conseil souligne que la seule solution durable à la crise actuelle en Syrie est un processus politique sans exclusive qui soit dirigé par les Syriens et qui réponde concrètement aux aspirations légitimes du peuple syrien en vue d’obtenir l’application intégrale des dispositions du Communiqué de Genève du 30 juin 2012 et souligne à cet égard la nécessité urgente pour toutes les parties de poursuivre cet objectif avec diligence et de manière constructive.
Le Conseil renouvelle la demande qu’il avait formulée dans la résolution 2139 (2014), à savoir que toutes les parties mettent fin à toutes attaques contre les civils ainsi qu’à l’emploi sans discrimination d’armes dans des zones peuplées, tels que les tirs d’obus et l’emploi de barils d’explosifs ; procèdent à l’arrêt immédiat des détentions arbitraires, de la torture, des enlèvements, des rapts et des disparitions forcées et libèrent toutes les personnes arbitrairement détenues, y compris les journalistes et le personnel humanitaire ; souligne qu’il importe que l’on donne suite à ces demandes, conformément aux dispositions applicables du droit international, en vue d’instaurer un climat propice à l’ouverture de négociations politiques de fond et de susciter la confiance entre les parties ; et rappelle à cet égard que c’est aux autorités syriennes qu’incombe au premier chef la responsabilité de protéger la population du pays.
Le Conseil se déclare vivement préoccupé par le fait que certaines parties du territoire syrien sont sous le contrôle de groupes terroristes comme l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) et le Front el-Nosra, condamne les multiples actes de terrorisme commis par l’EIIL, le Front el-Nosra et tout autre individu ou groupe, entreprise et entité associés à Al-Qaida, condamne également le fait que des civils sont pris pour cible en raison de leur appartenance ethnique, religieuse ou confessionnelle, se dit préoccupé par les retombées négatives du terrorisme, de l’idéologie extrémiste à l’appui du terrorisme et par les actes qui déstabilisent la Syrie et la région et ont des conséquences humanitaires dévastatrices pour la population civile, réaffirme sa volonté de répondre à la menace sous tous ses aspects et demande à toutes les parties de s’engager à mettre un terme aux actes de terrorisme commis par l’EIIL, le Front el-Nosra et tout autre individu ou groupe, entreprise et entité associés à Al-Qaida.
Le Conseil félicite l’Envoyé spécial d’avoir organisé à Genève, d’avril à juin 2015, des consultations avec de nombreuses parties prenantes s’agissant de la crise en Syrie, dans le cadre de l’action visant à mettre en œuvre les dispositions du Communiqué de Genève de 2012.
Le Conseil appuie la démarche énoncée par l’Envoyé spécial pour s’efforcer de parvenir à des négociations politiques et à une transition politique fondée sur le Communiqué de Genève, qui consiste à aborder quatre domaines thématiques grâce à des consultations et à des discussions plus ciblées avec les parties syriennes au sein de quatre groupes thématiques, comme suit : sécurité et protection pour tous ; questions politiques et juridiques ; questions militaires et de sécurité et action antiterroriste ; et continuité dans les services publics, reconstruction et développement.
Le Conseil exhorte toutes les parties à s’associer de bonne foi aux efforts que déploie l’Envoyé spécial dans le cadre de ses bons offices et à continuer de participer aux consultations et aux discussions thématiques, et note que ces efforts peuvent s’appuyer sur plusieurs initiatives récentes, parmi lesquelles les réunions de Moscou, du Caire, de Paris et d’Astana.
Le Conseil exige que toutes les parties s’emploient d’urgence à appliquer intégralement le Communiqué de Genève, qui vise à mettre fin immédiatement à tous les actes de violence et à toutes les violations des droits de l’homme et du droit international et atteintes à ces droits ainsi qu’à lancer un processus politique dirigé par les Syriens en vue d’une transition politique qui réponde aux aspirations légitimes du peuple syrien et lui permette de décider en toute indépendance et de manière démocratique de son propre avenir, y compris en mettant en place une autorité transitoire sans exclusive et dotée des pleins pouvoirs exécutifs, formée sur la base du consentement mutuel et assurant la continuité des institutions de l’État.
Le Conseil se félicite que le Secrétaire général ait déclaré, le 29 juillet 2015, qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit en Syrie, et il réaffirme son soutien à une solution politique passant par l’application du Communiqué de Genève.
Le Conseil souligne que des progrès rapides vers une solution politique devraient s’appuyer sur la participation sans réserve de toutes les composantes de la société syrienne, y compris les femmes, et que de tels progrès constituent le seul moyen viable de résoudre pacifiquement la situation en Syrie.
Le Conseil souligne qu’il importe que l’action menée par l’Envoyé spécial bénéficie d’un soutien énergique au niveau international et régional.
Le Conseil se dit profondément alarmé de ce que la crise en Syrie soit devenue aujourd’hui la plus vaste urgence humanitaire du monde, au point de menacer la paix et la sécurité de la région, et qu’au moins 250 000 personnes aient été tuées, dont largement plus de 10 000 enfants, que 12 millions de personnes aient dû fuir leur foyer, dont plus de 4 millions ont cherché refuge dans les pays voisins, et que 12,2 millions de personnes en Syrie aient besoin d’une aide humanitaire d’urgence. Le Conseil rappelle à ce sujet qu’il a décidé, dans sa résolution 2165 (2014), que toutes les parties syriennes au conflit devaient immédiatement permettre l’acheminement sans entrave et direct de l’aide humanitaire à ses destinataires dans toute la Syrie.
Le Conseil rappelle que toutes les parties doivent respecter les dispositions pertinentes du droit international humanitaire et les principes directeurs de l’Organisation des Nations Unies relatifs à l’aide humanitaire d’urgence.
Le Conseil prie le Secrétaire général de lui rendre compte dans un délai de 90 jours des résultats de la prochaine phase des consultations. »
Cette déclaration sera publiée en tant que document du Conseil de sécurité sous la cote S/PRST/2015/15.
Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil de sécurité qui souhaitent faire des déclarations.
M. Ramírez Carreño (République bolivarienne du Venezuela) (parle en espagnol) : Bien qu’elle n’ait pas entravé l’adoption de la déclaration présidentielle S/PRST/2015/15 et qu’elle se soit jointe au consensus, la délégation de la République bolivarienne du Venezuela ne souscrit pas aux paragraphes 8 et 10 de ladite déclaration, car nous considérons qu’ils portent atteinte à la souveraineté et au droit à l’autodétermination du peuple syrien en promouvant une transition politique, y compris la mise en place d’un gouvernement de transition, sans son consentement, en violation de la Charte des Nations Unies.
La légitimité d’un gouvernement dépend de son respect de la Constitution et de l’appui que son peuple lui exprime par les urnes, dans le cadre de la détermination souveraine de son système politique, économique et social. De ce fait, le Venezuela estime que mettre en place en Syrie un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs exécutifs sape les principes de la Charte des Nations Unies concernant l’égalité des États, ainsi que le respect de l’autodétermination des peuples, ce qui constitue une précédent très dangereux pour la paix et la sécurité internationales.
Le Conseil doit être impartial et objectif quand il traite de la crise syrienne. Faire fi dès le départ de la légitimité du Gouvernement du Président Bashar Al-Assad met à mal la souveraineté du peuple syrien, en contradiction avec la déclaration présidentielle que nous venons d’adopter. Le Conseil risque de commettre de graves erreurs dans la gestion de cette crise si, motivé par les intérêts nationaux de certains de ses membres, il méconnaît le poids et l’importance que le Gouvernement syrien continuera de revêtir dans le règlement du conflit. Nous trouvons préoccupant que certains membres du Conseil appliquent une politique du deux poids deux mesures au moment d’évaluer la légitimité d’un gouvernement. Il faudrait donc s’interroger sur la légitimité d’autres gouvernements se trouvant dans des situations analogues à celle de la Syrie et qui continuent de bénéficier de l’appui politique des membres du Conseil en raison de convenances nationales.
Nous avons affirmé à plusieurs reprises qu’une solution politique au conflit armé qui afflige ce pays frère ne pourra être trouvée sans la participation des autorités syriennes qui représentent le peuple. Le Gouvernement de ce pays mène une lutte tenace contre le terrorisme dont il est victime de la part d’acteurs non étatiques violents comme l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), le Front el-Nosra et l’Armée de la conquête, entre autres. La lutte contre ces organisations terroristes exige l’appui sincère de la communauté internationale afin de vaincre l’extrémisme qui se nourrit du chaos, de la haine et de l’intolérance.
C’est sur les champs de bataille en Syrie que se livre une lutte sanglante et terrible contre le terrorisme. Si le Gouvernement syrien du Président Bashar Al-Assad était vaincu militairement, le drapeau noir de l’EIIL flotterait à Damas, et il s’abattrait alors sur le peuple syrien la plus grande et la plus épouvantable tragédie, pire que la situation actuelle, dont les effets destructeurs et déstabilisateurs seraient ressentis dans les pays voisins, en Méditerranée et en Europe. De manière responsable, nous souhaitons mettre en garde contre une telle situation maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.
Le Venezuela a insisté sur la nécessité d’éviter de répéter les graves erreurs politiques commises en Iraq et en Libye, où, au moyen de fausses preuves et en invoquant l’argument de la protection des civils, un changement de gouvernement par une intervention militaire a été encouragé, provoquant ainsi l’effondrement institutionnel de ces États dont ont ensuite profité les organisations terroristes pour promouvoir, avec l’appui d’acteurs étrangers, leurs objectifs criminels au détriment des aspirations des peuples de ces pays à la paix, à la justice sociale et au développement.
Nous considérons qu’il est important d’insister sur le fait que l’effondrement institutionnel dans ces pays a intensifié la violence au Moyen-Orient et en Afrique en raison de la présence et des actions terroristes d’Al-Qaida et de l’EIIL. Les armes qui ont été fournies aux acteurs non étatiques afin de renverser des gouvernements sont les mêmes que celles qui se trouvent aujourd’hui entre les mains des groupes terroristes qui ensanglantent ces peuples. Nous exigeons donc qu’il soit mis fin à l’aide financière et militaire offerte à ces groupes criminels, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale.
Les allégations relatives à l’emploi d’armes chimiques par l’EIIL sont notoires. Leur emploi constitue manifestement un crime de guerre et un crime contre l’humanité que nous condamnons clairement. Les responsables doivent être traduits en justice afin qu’ils répondent d’actes aussi abominables.
Le processus suivi par certains membres du Conseil pour élaborer la présente déclaration présidentielle a souffert d’un manque d’ouverture, une ouverture nécessaire à tout processus de négociation. Les membres élus de cet organe, une fois encore, n’ont pas été invités à participer à l’élaboration de ce document. Ce texte, déjà approuvé par les cinq membres permanents, nous a été présenté afin qu’il soit ensuite adopté par le reste des membres du Conseil. Ce genre de pratique nuit à la transparence et aux méthodes de travail du Conseil de sécurité, qui agit au nom des États Membres, comme cela est établi par la Charte des Nations Unies. L’unité du Conseil exige la pleine participation de ses membres à l’élaboration des décisions relatives à la paix et à la sécurité internationales qui incombent à tous les États de la communauté internationale. Nous demandons de nouveau que cette pratique antidémocratique cesse, car elle érode la crédibilité et la légitimité de cette instance.
En tant que membre élu du Conseil de sécurité, le Venezuela ne cessera de faire entendre sa voix et exposera ses raisons à la conscience de la communauté internationale et à l’Assemblée générale, organe dans lequel réside la légitimité des Nations Unies. Bien qu’il se dissocie des paragraphes 8 et 10 de la déclaration présidentielle pour les raisons que je viens d’exposer, le Venezuela s’en est tenu à son esprit constructif en n’empêchant pas l’adoption de ce document, car nous pensons sincèrement qu’il faut donner une chance à la paix et aux négociations politiques.
Pour terminer, notre pays réaffirme son plein appui aux démarches diplomatiques de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie, M. Staffan de Mistura. Nous ne doutons pas que, grâce à ses compétences diplomatiques reconnues et à ses qualités humaines, il est en mesure de faire participer toutes les parties, y compris le Gouvernement syrien, au processus de négociations, en vue de promouvoir une solution politique négociée et pacifique à ce conflit.
Nous réitérons notre attachement à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à l’indépendance politique de la République arabe syrienne, conformément au droit international, y compris la Charte des Nations Unies.
La séance est levée à 15 h 25.
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