Depuis le 6 janvier, qui marque la fin de la première phase des bombardements russes, l’armée arabe syrienne reconquiert le terrain sur tous les fronts, à l’exception d’une zone au Nord d’Alep. En effet, de nouveaux jihadistes, c’est-à-dire des troupes fraîches, viennent d’y arriver par la Turquie, avec de nouveaux équipements. D’une manière générale, les bombardements ont détruit l’ensemble des bunkers que les Occidentaux et les puissances du Golfe avaient construits, de sorte que les jihadistes n’ont plus d’installations protégées, même s’ils conservent de nombreux tunnels où se cacher. De très nombreux combattants ont fui, mais l’arrivée de renforts jihadistes montre que la guerre est loin d’être terminée et que l’Otan n’a toujours pas renoncé. L’armée arabe syrienne devrait sécuriser rapidement l’essentiel du pays habité, le Sud et le Nord-Ouest. Les combats devraient alors se concentrer au Nord-Est, dans la zone proche des frontières turque et kurde d’Irak.
Les bombardements auxquels l’aviation russe a procédé depuis le 30 septembre 2015 visaient à détruire l’infrastructure militaire des jihadistes qui se battent contre la République arabe syrienne. Les Russes ont utilisé principalement des bombes et des missiles de haute précision [1].
Les bombardiers russes Su-24 M, Su-25 SM3 et Su-34 ont attaqué des dépôts d’armes, de munitions et des installations de fabrication d’explosifs installés par les jihadistes. Ces bombardements visaient à limiter leur puissance de feu. Des dépôts de carburant et des parcs automobiles ont également été bombardés pour limiter leur capacité de manœuvre. Les Russes ont aussi bombardé des camps d’entrainement, des centres de commandement et de transmissions afin de limiter leur capacité de contrôler et de coordonner leurs actions. De leur côté, les hélicoptères d’attaque russes Mi-24 V ont détecté la création de petits groupes mobiles de combattants et attaqué leurs véhicules, réduisant leur mobilité. Le résultat de l’action de l’aviation russe se reflète dans l’avance enregistrée par les troupes terrestres syriennes pendant les deux à trois derniers mois [2].
Dans le nord-ouest du territoire syrien (gouvernorat d’Alep, d’Idlib et le nord du gouvernorat de Lattaquié), la partie la plus densément peuplée du pays, il y a une zone continue contrôlée par environ 12 000 combattants soi-disant « modérés » (appartenant pour la plupart au Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda) et 5 000 combattants de l’ÉI. En dehors d’une zone tampon partiellement occupée par les forces kurdes, l’ensemble de la frontière nord-ouest de la Syrie est contrôlée par les jihadistes. C’est ici que l’on trouve les corridors d’approvisionnement en armes, en recrues et en munitions depuis la Turquie, à la fois pour l’ÉI et pour les « modérés ». Dans le sens opposé, en direction de la Turquie, affluent des camions citernes avec du pétrole syrien, extrait de zones contrôlées par l’ÉI [3].
L’armée arabe syrienne a enregistré des victoires importantes, en prenant le contrôle des quartiers ouest de la ville d’Alep et de la région alentour au Sud et à l’Est, au détriment des jihadistes « modérés » et des groupes Al-Jabha à Shamiya, Ahrar al-Sham et État islamique [4]. Comme le tronçon Alep- Hama de l’autoroute Alep-Damas est contrôlé par les jihadistes, elle a ouvert une route alternative Alep-Hama passant à l’est. Grâce à cette opération offensive, elle a réussi à s’interposer, isolant des groupes jihadistes des troupes de l’ÉI, des groupes qui, le plus souvent, agissent conjointement contre elle.
Entre Homs et Hama, l’armée arabe syrienne a réussi à enfermer dans une poche, à Rastan, environ 1 800 rebelles du Front al-Nosra. À l’est de Homs, un groupe de l’ÉI composé de 1 500 combattants s’est immédiatement interposé derrière elle, afin de dégager le Front al-Nosra de son encerclement. Elle a créé un dispositif offensif d’une grande mobilité au sud de Homs, qui a progressé grâce à une action offensive jusqu’à Palmyre. Grâce à cette manœuvre, elle a coupé la voie d’approvisionnement de l’ÉI à l’Est de Homs, déjouant le plan d’offensive conjointe des terroristes islamistes du Front al-Nosra et de l’ÉI.
Au nord de Damas, 3 000 mercenaires de Jaysh al-Islam combattent contre l’armée arabe syrienne. À l’est de Damas, elle doit affronter 5 500 jihadistes du Front islamique. Les deux groupes ont été recrutés, armés et financés par l’Arabie Saoudite. Dans le sud-Est de Damas les combats se déroulent contre un groupe de l’ÉI composé de 1 500 jihadistes. L’offensive de l’armée arabe syrienne est très difficile parce que la zone a été préparée, infestée de tunnels où les jihadistes parviennent à apporter des munitions et à loger des combattants à partir de la Jordanie. Ils organisent de fréquentes embuscades dans lesquelles ils utilisent des kamikazes.
Au Sud de Damas, se trouve le gouvernorat de Deraa, la zone frontalière avec Israël et la Jordanie, où passe l’autoroute Alep-Damas-Amman-Aqaba. Dans l’Ouest de ce gouvernorat, le long de la frontière avec Israël, sont concentrés 9 500 jihadistes de l’Armée syrienne libre (ASL) et du Front islamique, auxquels il faut ajouter 1 500 combattants du Front al-Nosra. L’ASL a été [crée par la France et] armée par les États-Unis, formée dans des bases en Jordanie et approvisionnée en permanence en armes, combattants et munitions en provenance de Jordanie. Deux groupes de l’ÉI avec un effectif de 3 000 combattants sont déployés dans le gouvernorat voisin d’As-Suwayda, situé sur la frontière avec la Jordanie dans des localités avec des moyens de communications.
Dans le nord de la Syrie, les champs de pétrole du gouvernorat de Rakka sont occupés par un groupe de l’ÉI de 2 500 combattants. Dans le Nord-Est de la Syrie, à la frontière avec l’Irak, les champs pétrolifères d’Ash Shaddadyi sont occupés par encore 2 500 combattants de l’ÉI. Dans le Sud-Est, toujours à la frontière irakienne, un autre groupe de l’ÉI, composé de 3 000 combattants, occupe les champs pétrolifères d’Abu Kemal, dans le gouvernorat de Deir Ez-Zor. Parmi les trois zones contrôlées par l’ÉI, se trouve la ville de Deir Ez-Zor, siège d’une garnison défendue par la 104ème Brigade parachutiste. Cette brigade est une autre tête de pont de l’armée arabe syrienne prévue pour déclencher l’offensive généralisée contre l’ÉI.
Une offensive majeure de l’armée arabe syrienne pourrait être lancée au début de mars, dans le nord-ouest du pays. Les directions de l’offensive seront Alep- Idlib, Lattaquié-Idlib et Hama-Idlib. Pour ce faire, la Russie transporte quotidiennement des unités de l’armée arabe syrienne, de grandes quantités de munitions de tous calibres, des lance-roquettes, des obusiers et des blindés automoteurs. La Russie est intéressée à tester ces nouveaux types d’armes, dans les conditions réelles du champ de bataille en Syrie.
Par exemple, pour la conquête des portions stratégiques 754,5 dans le Nord de la province de Lattaquié, l’armée arabe syrienne a utilisé pour la première fois, six systèmes russes sur chenilles de type « Plateforme-M », et quatre systèmes sur roues de type « Argo ». Ces robots sont équipés de dispositifs optoélectroniques pour détecter les cibles, sont armés de mitrailleuses et de lance-roquettes, sont protégés par un blindage, et sont contrôlés à distance. Ils sont capables d’opérer sur des terrains montagneux et boisés, se rapprochant à une distance de 100 à 120 m des lignes de défense ennemies, et de déclencher le feu par surprise. Leur mission est d’attirer sur eux le feu de l’infanterie ennemie, et ainsi de dévoiler le dispositif de défense qui peut alors être frappé par l’artillerie de l’armée arabe syrienne.
L’armée arabe syrienne espère détruire ou capturer les jihadistes de la poche de Rastan, d’ici fin février. Avec de petites opérations offensives, elle pense assurer l’isolement total du groupe du reste des autres jihadistes. Simultanément, elle va achever le processus de nettoyage de la zone de la frontière avec la Turquie, et éliminer les rebelles islamistes dans le Nord du gouvernorat de Lattaquié. L’objectif, est de pénétrer profondément dans le nord, le long de la frontière avec la Turquie et dans le gouvernorat d’Idlib. La sécurisation de la frontière avec la Turquie représenterait pour la Syrie la garantie que les jihadistes ne pourront plus être approvisionnés en armes modernes et en munitions, notamment en missiles états-uniens anti-char BGM-71 TOW.
[1] « Munitions "intelligentes" utilisées par la Russie en Syrie », Valentin Vasilescu, Traduction Avic, Réseau international, 3 novembre 2015.
[2] « L’hélicoptère Mi-24 crée la panique chez les rebelles en Syrie », Valentin Vasilescu, Traduction Avic, Réseau international, 19 octobre 2015.
[3] « La Russie expose les preuves du trafic de pétrole de Daesh via la Turquie », par Valentin Vasilescu, Traduction Avic, Réseau Voltaire, 3 décembre 2015.
[4] « Bataille acharnée pour Alep », par Valentin Vasilescu, Traduction Avic, Réseau international, 29 octobre 2015.
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