Le cabinet Mossak-Fonseca a été créé par la CIA, en 1986, de manière à constituer les sociétés off-shore nécessaires à l’anonymisation et au transfert de l’argent de l’opération Iran-Contras. L’Agence s’était alors appuyée sur Jürgen Mossack, le fils du SS Erhard Mossack, recruté par le Gladio pour lutter contre les Soviétiques.

Je ne pense pas rentrer dans le débat byzantin de savoir si la constitution d’entreprises off-shore est légale ou non, ni sur la question de leurs objectifs éventuels. Non que le sujet de la légalité de la chose me soit indifférent ou me semble sans importance. En effet, j’ai appris le mois dernier la responsabilité en la matière d’une certaine dame, agissant pour des raisons personnelles, et motivée par une volonté de vengeance : elle vendait, on le sait maintenant, depuis 2008-2009, une partie des documents de Mossack–Fonseca, et cela a été complété par les agissements d’un couple du même bureau et peut-être d’autres personnes.

Ce qui nous intéresse ici, c’est de savoir comment ces documents de Mossack-Fonseca sont tombés aux mains des agences étasuniennes « chargées de l’application de la loi » (US Law Enforcement Agencies) et si cela s’est produit avant ou après que la dame les remette ou les vende au journal Süddeutsche Zeitung. On sait que le Süddeutsche Zeitung les a remis au consortium des journalistes d’investigation (CPI) et que ceux-ci ont été soutenus par George Soros et les élites US hostiles à la Russie.

Le fait est que les dites agences se sont servies des documents de Mossack-Fonseca pour accuser et faire arrêter des narco-trafiquants, des terroristes, des trafiquants d’armes, des blanchisseurs d’argent, etc., et en outre pour agir contre certaines banques au Panama.

Cette question n’est plus du tout byzantine, parce qu’elle implique la participation éventuelle du gouvernement US, dans une action illicite d’ordre international. L’action contre la place bancaire et financière de Panama constitue une attaque contre l’une des bases de notre économie. Rien de byzantin non plus dans la révélation selon laquelle Mossack-Fonseca était de mèche et l’est encore, avec des personnages sinistres de presque tous les continents, liés à des services de renseignement, au moins depuis 1986, en particulier ceux qui ont trempé dans le scandale US-contra.

La firme Mossack-Fonseca n’est pas née en 1977 comme cela figure dans les archives mais en 1986, aux Iles Vierges (britanniques). En 1977 il n’existait que la Jürgen Mossack Law Firm (cabinet d’avocats). C’est en 1986 que naît la firme, à l’occasion du scandale US-Contra.

Comme l’affirme le New York Times dans son édition du 7 avril 2016 :

En 1986, tandis que le pays n’était pas encore sous le joug du général Manuel Noriega, Ramón Fonseca et Jürgen Mossack ont fusionné leurs modestes cabinets d’avocats et créé ce qui deviendrait le centre des opérations bancaires discrètes pour les élites. [1]

L’argent provenant de la vente d’armes était investi dans la drogue, que de hauts fonctionnaires —prétendant tomber des nues— introduisirent, à partir de Washington, dans les quartiers pauvres des US. Une partie des fonds ont été canalisés dans le Democracy Project pour faire tomber Noriega, de sorte que, d’un côté ils faisaient semblant de ne rien voir dans les quartiers non-blancs, et de l’autre, ils permettaient à des messieurs respectables et en smoking d’ouvrir la Mossack-Fonseca aux Iles vierges, territoire que les US partagent avec la Grande-Bretagne.

Pourquoi ne pas l’avoir créée au Panama ? Peut-être parce que l’opération Piscis de la DEA à Panama venait de se terminer avec succès, et que notre pays (sous la direction de Ricardo de la Espriella) avait approuvé des lois qui entravaient les opérations clandestines et illégales comme la Contra-US.

Mossack-Fonseca aurait pris part, en connivence avec Washington, à une action qui violait le droit international, contre le Panama, tel que le renversement d’un gouvernement étranger ; et c’est pour cette raison que l’origine de Mosscak-Fonseca est confuse, car on sait maintenant que Mossack-Fonseca avait servi divers services de renseignement de différents pays.

L’année 1986 est capitale à cause du scandale US-Contras, mais aussi parce qu’il y a exactement trente ans, en avril 1986, le Conseil de sécurité nationale des USA avait pris la décision de renverser Noriega pour des raisons internes, et ne relevant pas des Panaméens qui demandaient un changement, de façon bien légitime. Chaque Panaméen peut bien avoir sa vision de Noriega, mais les US n’avaient pas le moindre droit de l’expulser, d’autant moins qu’ils savaient d’avance que ce serait l’occasion d’assassiner des milliers de Panaméens innocents.

Il faut refuser à l’échelle du monde entier que le nom de Panama, qui appartient à tous les Panaméens, soit détourné pour qualifier les papiers qui décrivent la pourriture et la dégénérescence la plus grave du capitalisme des temps modernes. Pour couper tout lien avec le préjudice qui affecte désormais de nombreux pays, organismes et personnalités, il faut interdire l’entrée au lupanar, ou mieux encore, le fermer.

Traduction
Maria Poumier
Source
La Estrella de Panamá

[1Panama Papers Cast Light on a Law Firm Founded on Secrecy”, Kirk Semple,
Azam Ahmed & Eric Lipton, The New York Times, April 7th, 2016.