La séance est ouverte à 10 h 5.

Le Président (parle en anglais) : Conformément à l’article 39 du règlement intérieur provisoire du Conseil, j’invite les personnes suivantes, qui vont présenter des exposés, à participer à la présente séance : Mme Joanne Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières, et M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge.

M. Maurer se joint à nous par visioconférence depuis Genève.

Le Conseil de sécurité va maintenant aborder l’examen de la question inscrite à son ordre du jour.

J’appelle l’attention des membres du Conseil sur le document S/2016/722, qui contient une lettre datée du 18 août 2016, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général.

Je donne maintenant la parole au Secrétaire général, S. E. M. Ban Ki-moon.

Le Secrétaire général, Ban Ki-moon (parle en anglais) : Je remercie la Nouvelle-Zélande d’avoir convoqué le présent débat, et je souhaite la bienvenue à M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), et à Mme Joanne Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières (MSF). Le CICR et MSF jouent un rôle capital dans l’administration de soins de santé dans les circonstances les plus difficiles et les plus dangereuses. Je rends hommage à leur personnel et à tout le personnel médical exposés aux tirs pour le dévouement et le professionnalisme dont ils font preuve.

Ce matin, au réveil, nous avons appris que deux nouveaux hôpitaux ont été la cible de frappes à Alep. Disons-le clairement : ceux qui utilisent des armes de plus en plus destructrices savent exactement ce qu’ils font. Ils savent qu’ils sont en train de commettre des crimes de guerre. Nous ne pouvons qu’imaginer les destructions : des personnes aux membres arrachés par l’explosion ; des enfants en proie à des douleurs atroces sans aucun soulagement, qui contractent des infections, souffrent et meurent, sans savoir où aller ni entrevoir le bout du tunnel. Imaginons un abattoir. C’est encore pire. Même un abattoir est plus humain. Des hôpitaux, des dispensaires, des ambulances et du personnel médical sont sans cesse pris pour cible à Alep.

Selon Médecins pour les droits de l’homme, 95% des membres du personnel médical présent à Alep avant la guerre ont fui ou ont été arrêtés ou tués. C’est une guerre contre les travailleurs médicaux syriens. Un professionnel de santé a expliqué comment il fait face aux difficultés et au danger. « Nous sommes à Alep », a-t-il dit. « Nous n’avons pas le temps d’avoir peur. Nous sommes écrasés comme des mouches jour après jour, et le monde nous a abandonnés ».

Le public mondial ne fait pas la distinction entre États Membres, Conseil de sécurité et Secrétaire général. Il ne sait qu’une chose, que le monde l’a abandonné. Nous l’avons abandonné. Il faut agir. Il faut une reddition de comptes. Le droit international est clair là-dessus : le personnel médical, ses moyens de transport ainsi que les installations médicales doivent être protégés. Les blessés et les malades, qu’ils soient des civils ou des combattants, doivent être épargnés. Les attaques délibérées contre les hôpitaux constituent des crimes de guerre. Interdire aux personnes l’accès aux soins de santé essentiels viole le droit international humanitaire.

Le 3 mai, le Conseil a adopté la résolution 2286 (2016) sur la protection des soins médicaux en temps de conflit armé dans le monde. Depuis le mois de mai, il n’y a pas eu aucun répit. À Hajjah, au Yémen, 19 personnes ont été tuées le mois dernier lors d’une attaque contre un hôpital géré par Médecins Sans Frontières, ce qui a contraint cette organisation à évacuer son personnel de six hôpitaux de la région, avec toutes les conséquences que cela a pour les malades et les blessés, hommes, femmes et enfants. Au Pakistan, plus de 70 personnes ont été tuées dans un attentat-suicide contre un hôpital de la province de Sandeman le 8 août. Et en Syrie, le carnage se poursuit et nul n’est épargné.

Le Sommet mondial sur l’action humanitaire et le Programme d’action pour l’humanité ont réaffirmé que la protection des êtres humains en temps de conflit armé doit être une priorité. Le Conseil a une responsabilité et une influence sans précédent en la matière. La résolution 2286 (2016) demande instamment aux parties à un conflit armé et aux États Membres de prendre des mesures concrètes. Les recommandations que j’ai soumises au Conseil présentent des mesures détaillées pour améliorer la protection du personnel et des installations médicaux, ainsi des malades et des blessés.

Tout d’abord, pour ce qui est de la prévention, les États Membres doivent tout mettre en oeuvre pour promouvoir le respect des soins médicaux en temps de conflit armé ; aligner leurs cadres législatifs nationaux sur le droit international humanitaire ; établir un dialogue entre le personnel médical, les organisations de la société civile et les autorités ; dispenser aux personnes concernées une formation sur les lois et les normes applicables ; et veiller à ce que les décisions en matière de politique étrangère, notamment celles concernant les ventes et les transferts d’armes, respectent l’administration de soins médicaux en temps de conflit.

Deuxièmement, en matière de protection, les États Membres et les parties à un conflit doivent prendre les précautions nécessaires pour protéger les installations et le personnel médicaux quand ils planifient et conduisent des opérations militaires. Mes recommandations couvrent les ordres militaires, l’emplacement des cibles, une présence militaire visible dans et autour des installations médicales, et un préavis d’alerte et d’évacuation, entre autres choses.

Troisièmement, s’agissant de la reddition de comptes, les États Membres et les parties à un conflit doivent s’assurer que les auteurs de violations soient poursuivis et punis. Ils doivent aussi prévoir des mesures d’assistance et de réparation à l’intention des personnes et des communautés victimes de ces attaques. Cela signifie qu’il faudra mener systématiquement des enquêtes impartiales sur des incidents spécifiques et collecter et analyser les données de façon approfondie.

Les attaques et les restrictions d’accès aux soins médicaux sont les signes d’une érosion plus large du respect du droit international humanitaire. L’inertie est un affront à notre humanité commune. Elle mine les obligations juridiques des États et le système multilatéral tout entier. Faisant fond sur les engagements pris au Sommet mondial sur l’action humanitaire, nous devons mener une action mondiale pour renforcer le respect des lois qui protègent l’humanité.

Le Conseil a un rôle clef à jouer. Je demande aux membres d’agir de façon décisive afin que la protection des installations et du personnel médicaux en temps de conflit dépasse le stade de l’aspiration et devienne réalité. Mieux, je les prie instamment de surmonter leurs divergences et d’assumer leurs responsabilités en Syrie et dans le monde.

Le Président (parle en anglais) : Je remercie le Secrétaire général de son exposé.

Je donne maintenant la parole à Mme Liu.

Mme Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières (parle en anglais) : La semaine dernière, le monde a été témoin d’une attaque brutale contre un convoi humanitaire des Nations Unies et du Croissant-Rouge syrien, ainsi que contre un hôpital proche d’Alep. Le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon a dit : « Alors que nous pensions que cela ne pouvait pas être pire, le niveau de dépravation vient de tomber encore plus bas. » C’est le cas, en effet.Aujourd’hui, la conduite de la guerre n’a pas de limites. C’est une course vers le bas. L’assaut implacable mené ces derniers jours par les forces russes et syriennes – sans aucune évacuation possible et avec des corps gisant sans sépulture – en témoigne. Le 3 mai, le Conseil a adopté à l’unanimité la résolution 2286 (2016). Les membres du Conseil se sont engagés à protéger les civils et les services médicaux dont ils ont besoin pour survivre. La résolution a été adoptée à la suite de l’oblitération de l’hôpital Al‑Qods d’Alep par le Gouvernement syrien et ses alliés. Cette attaque était la dernière d’une impressionnante liste d’attaques similaires.

Cinq mois plus tard, la résolution a manifestement échoué à changer quoi que ce soit sur le terrain. Cet échec reflète le manque de volonté politique parmi les États Membres combattant au sein de coalitions et ceux qui leur donnent les moyens d’agir. Nous ne pouvons plus attendre. Les membres du Conseil doivent faire en sorte que leurs engagements soient opérationnels.

Depuis l’adoption de cette résolution, l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) a, à elle seule, été victime d’autres terribles attaques. Début août, notre hôpital situé à Abs, au Yémen, a été détruit au cours d’un raid aérien mené par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite. Dix-neuf personnes ont été tuées, dont des patients et des membres du personnel médical. Les coordonnées GPS de cette structure – un hôpital totalement opérationnel – avaient été communiquées aux belligérants, y compris avec l’armée saoudienne. Cela n’a rien changé. C’était la quatrième attaque de ce type menée, en moins d’un an, contre les infrastructures de MSF au Yémen. Au total, 32 personnes ont été tuées et 51 ont été blessées. Notre équipe a dû se retirer du nord du Yémen, laissant des milliers de personnes avec un accès diminué à des soins médicaux encore réduits par le tapis de bombes saoudien. La coalition menée par l’Arabie Saoudite et ses adversaires, sont si négligents, et leurs règles d’engagement si relâchées, que cette guerre est réellement sans pareil. Nombre d’attaques sont qualifiées sans aucun état d’âme à commises dans le brouillard de la guerre. Je tiens à dire très clairement que nous rejetons le terme « erreur ».

En Syrie, les attaques sont incessantes. Les médecins d’Alep débranchent l’assistance respiratoire de leurs patients les plus faibles afin de laisser une chance à quelqu’un d’autre. Mais l’assistance respiratoire est justement faite pour les cas les plus critiques. C’est une médecine du désespoir. Pas plus tard que ce matin, deux autres hôpitaux situés dans l’est d’Alep ont été bombardés, ce qui a entraîné leur fermeture temporaire. Dans l’un d’eux, l’unité de soins intensifs a été gravement endommagée. Assiégés, nos collègues syriens sont là pour rester. Ils nous disent qu’ils vont mourir là, avec leurs patients. Lorsque ce sera leur tour. Nous déplorons le manque de contrôle sur la conduite des hostilités. Cette mêlée générale est un choix. Il y a une méthode dans la folie. Quatre des cinq membres permanents de ce Conseil sont impliqués, d’une manière ou d’une autre, dans les attaques menées au Yémen et en Syrie.

À une époque où le contre-terrorisme façonne la guerre, un permis de tuer a été délivré. Nous appelons de nouveau tous les membres du Conseil à révoquer ce permis. Qu’ils le révoquent, que leurs ennemis reçoivent ou pas les soins médicaux qu’ils attaquent, parce que faire fi de l’impartialité médicale est aussi en train de devenir une nouvelle norme de la guerre. L’action militaire et les besoins humanitaires doivent être équilibrés. Attaquer des hôpitaux et des travailleurs médicaux est une ligne rouge non négociable. À ce titre, elle doit être exposée – dans des termes clairs et simples – dans tous les manuels militaires, règles d’engagement et procédures opérationnelles permanentes. Trop souvent, des renseignements non vérifiés ou d’opaques allégations selon lesquelles un hôpital serait un « centre de commande et de contrôle » suffisent à justifier une attaque. Afin que cela cesse, il doit y avoir un rendu de comptes. Il doit y avoir des enquêtes crédibles. Et pas uniquement de la part des attaquants.

Je délivre ce message presque un an après le jour où les forces américaines ont détruit l’hôpital de Médecins Sans Frontières de Kondoz, en Afghanistan. Nous attendons toujours qu’une enquête indépendante soit menée afin de savoir comment 42 patients, personnels hospitaliers et accompagnants ont été tués alors qu’ils recevaient et administraient, simplement, des soins médicaux.

Nous demandons au Conseil de souscrire immédiatement aux recommandations du Secrétaire général et de les mettre en oeuvre, plus particulièrement, l’appel à des enquêtes indépendantes et efficaces. Nous demandons également et urgemment que le Secrétaire général mandate un représentant spécial afin de documenter et rapporter les attaques sur les structures médicales, les personnels de santé et les patients. L’impunité doit cesser. Seules la pression politique et la responsabilité y parviendront. En bref, que le Conseil fasse que la résolution soit opérationnelle. Qu’on arrête de bombarder les hôpitaux. Qu’on arrête de bombarder les travailleurs médicaux. Qu’on arrête de bombarder les patients.

Le Président (parle en anglais) : Je remercie Mme Liu de son exposé.

Je donne maintenant la parole à M. Maurer.

M. Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge (parle en anglais) : Nous nous sommes réunis à New York il y a exactement 149 jours pour l’adoption de la résolution 2286 (2016). Nous étions nombreux à nous féliciter de la clarté du texte, de l’engagement à respecter le droit international humanitaire et des mesures de suivi concrètes prévues. Néanmoins, au cours des cinq mois qui ont suivi, les attaques visant le personnel et les installations de santé et les véhicules médicaux n’ont assurément pas cessé. Dans de nombreux pays, la situation reste extrêmement inquiétante.

En Syrie, par exemple, sur les lignes de front, de toutes parts, les établissements et le personnel de santé essuient régulièrement des tirs et des installations sont fermées en raison d’intenses affrontements. Il y a quelques heures à peine, les deux plus grands hôpitaux d’Alep auraient été attaqués. Des patients auraient été tués et des membres du personnel médical blessés. Dans tout le pays, de nombreux hôpitaux ne sont plus opérationnels, laissant aux blessés peu d’espoir de recevoir une assistance médicale nécessaire à la survie. La violence, les coupures d’électricité et d’eau, et le manque de médicaments ont gravement fragilisé l’accès aux soins de santé.

Au Yémen, un quart de l’ensemble des services de santé auraient été détruits ou fermés à un moment où le nombre de blessés n’a jamais été aussi élevé. Il y a un peu plus d’un mois seulement, un hôpital soutenu par Médecins Sans Frontières dans le gouvernorat de Hajjah, au Yémen, a été touché et 90 personnes ont été tuées – et il ne s’agit que de la pointe de l’iceberg. La liste continue : Afghanistan, Soudan du Sud, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Libye, entre autres. Malheureusement, la tendance décrite précédemment se poursuit sans relâche. Le comportement des acteurs sur le champ de bataille n’a pas changé ces derniers mois, et il ne semble pas non plus que les belligérants tiennent compte davantage des conséquences humanitaires au moment de prendre des décisions militaires. Les systèmes de santé continuent de se désintégrer sous les effets cumulés de la violence, laissant des millions de personnes dans une situation extrêmement fragile.Bien que nous n’ayons pas observé de progrès sur le champ de bataille, au moins, ici, à l’ONU, la communauté d’États a décidé de se pencher sur le problème.

Premièrement, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) observe avec satisfaction que la présidence du Conseil réaffirme la validité continue du droit international humanitaire comme cadre universellement reconnu pour la protection des blessés et des malades et la fourniture de soins médicaux dans des situations de conflit armé. Nous devons demeurer certains, et le démontrer par nos actes, que, même dans les circonstances les plus difficiles, le droit international humanitaire reste pertinent et peut changer la donne pour les personnes qui font les frais de la guerre.

Deuxièmement, des recommandations et mesures spécifiques pour la protection des soins de santé en période de conflit sont maintenant intégrées aux résolutions officielles. À la Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la résolution visant à protéger les soins de santé en période de conflit armé a été adoptée à l’unanimité. Le Conseil de sécurité a adopté à l’unanimité la résolution 2286 (2016). Elle a été appuyée par 85 pays et nous disposons maintenant d’une base solide sur laquelle s’appuyer pour promouvoir de telles mesures. Il est toutefois évident que d’autres mesures concrètes sont nécessaires. Le CICR prend note avec reconnaissance de la lettre adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2016/722, annexe), comme suite à la demande formulée dans la résolution 2286 (2016), traçant une feuille de route claire pour la mise en oeuvre. Nous sommes heureux d’avoir été consultés sur le contenu de la lettre et d’avoir eu la possibilité d’apporter une contribution.

De notre point de vue, étant proches des victimes quand l’accès humanitaire est négocié avec ceux qui, de toutes parts, portent les armes et des informations recueillies dans le cadre de l’initiative Soins de santé en danger du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, nous considérons que des mesures concrètes doivent être prises dans quatre domaines.

Premièrement, s’agissant de la législation, les États doivent renforcer leurs textes législatifs nationaux protégeant l’accès aux soins de santé comme ils sont tenus de le faire en vertu du droit international. Ils doivent s’assurer que le droit national reconnaisse le rôle des premiers intervenants, qui sont souvent des membres du personnel et des bénévoles des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les États doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir afin de faire appliquer les sanctions judiciaires existantes à des fins dissuasives.

Deuxièmement, en ce qui concerne la collecte de données, nous encourageons les États et les autres acteurs compétents à mettre en place des systèmes nationaux et internationaux de collecte et d’analyse des données relatives aux actes de violence dont sont la cible le personnel médical, les installations et les moyens de transport médicaux et les patients et à organiser des réunions multipartites afin de partager régulièrement les défis et bonne pratiques liés à la prévention des actes de violence contre la fourniture de soins de santé et à la lutte contre ces actes.

Troisièmement, s’agissant de l’établissement des responsabilités, je demande au Conseil de veiller à ce que les actes de violence contre la fourniture de soins de santé constituant de graves violations des Conventions de Genève soient qualifiés comme tels dans les systèmes juridiques nationaux. Nous souhaitons que les capacités soient renforcées pour permettre des enquêtes complètes, rapides, impartiales, indépendantes et efficaces, garantissant une meilleure application du principe de responsabilité et répondant aux griefs des victimes.

Enfin, concernant la capacité de réaction et la prévention, nous demandons aux États et aux autres acteurs compétents d’adopter des plans d’urgence en prévision de situations qui pourraient mettre en péril l’organisation et l’apport d’une assistance aux malades et aux blessés, et d’élaborer des mesures concrètes afin que les forces armées perturbent le moins possible les services de soins de santé durant la planification et la conduite d’opérations militaires et les intègrent à leurs instructions, règles d’engagement et de comportement, formation, procédures opérationnelles permanentes et autres documents pertinents.

Je tiens à renouveler aujourd’hui la proposition du CICR d’établir des relations plus constructives de solide engagement opérationnel, de retour d’information, de dialogue et de mesures correctives avec toutes les parties aux conflits concernant la conduite des hostilités. Cela pourrait à terme contribuer à ce que les belligérants ne doutent pas que le droit est applicable non seulement à cause des sanctions et des processus de responsabilité effective connexes, mais également car c’est un outil utile et nécessaire dans l’intérêt de tous. À cet égard, je voudrais faire la remarque suivante.

Je comprends et respecte le rôle du Conseil consistant à donner des positions et directives politiques en ce qui concerne la paix et la sécurité internationales. Dans le cadre de l’examen de la question du droit international humanitaire et son application, le Conseil doit cependant prendre en compte, dans ses réflexions, l’importance de la confiance et du consensus entre belligérants, qui peuvent être encouragés de manière optimale par des intermédiaires mutuels, impartiaux et indépendants en mesure de conserver la confiance des parties aux conflits, comme indiqué dans les Conventions de Genève. Il est donc important que, au moment où nous sommes réunis dans le cadre du Conseil, nous comprenions et respections également nos rôles et responsabilités en tant qu’acteurs politiques et humanitaires.

Il y a 149 jours, le Conseil a pris des mesures historiques, et votre présence aujourd’hui, Monsieur le Président, témoigne de votre volonté de protéger les patients et le personnel de santé, partout. Néanmoins, pendant ce temps, des hommes et des femmes, des filles et des garçons, des médecins et des infirmiers continuent de se rendre en courant aux sous-sols quand ils entendent des avions et roquettes approcher. Ils continuent d’extraire leurs proches des décombres laissés par la destruction des hôpitaux. Ils continuent de craindre que leurs ambulances soient arrêtées par des hommes armés. Une action beaucoup plus énergique est nécessaire pour transformer notre engagement en réalité sur le terrain, pour faire une vraie différence dans la vie des personnes qui souffrent en temps de guerre. J’exhorte le Conseil à maintenir son action en ce sens.

Le Président (parle en anglais) : Je remercie M. Maurer de son exposé.Je donne maintenant la parole aux membres du Conseil de sécurité.

M. Oyarzun Marchesi (Espagne) (parle en espagnol) : Je remercie le Secrétaire général de son rapport (S/2016/722, annexe) et de son engagement. Je remercie également Mme Liu et M. Maurer.

J’ai écouté Mme Liu avec la plus grande attention, et je retiens bien sûr sa proposition visant à ce que le Secrétaire général désigne un représentant spécial chargé de ces questions. J’ai également écouté avec la plus grande attention les quatre propositions faites par mon ami, M. Maurer, concernant la législation, la collecte des données, la responsabilité et l’adoption de plans d’urgence. Mais par-dessus tout, je tiens à remercier, pour le travail colossal qu’elles réalisent, la multitude de personnes dans le monde qui s’efforcent de sauver des vies au prix, bien souvent, de la leur.

L’Espagne est l’un des promoteurs de la résolution 2286 (2016). Quand cette idée est-elle née ? L’idée en est venue en début d’année, au cours d’une réunion consacrée à la crise humanitaire en Syrie, entre, précisément, l’Espagne, la Nouvelle-Zélande et Médecins Sans Frontières (MSF). C’est pourquoi je voudrais aujourd’hui faire un exercice d’autocritique, à partir du rapport du Secrétaire général, afin d’analyser le rôle que peuvent jouer les membres du Conseil et la réponse que doit donner ce dernier, en tant qu’organe collégial, face aux attaques dont font l’objet les médecins et les hôpitaux.

Pour commencer, je tiens à dire que nous appuyons pleinement les recommandations du Secrétaire général, qui balisent la voie à suivre dans l’application de la résolution 2286 (2016). Certaines d’entre elles pourraient prendre effet immédiatement, y compris sur le terrain. J’en donnerai deux exemples : premièrement, la réforme des règles de combat, avec interdiction du cantonnement des effectifs et du stockage des armes à proximité des cliniques et hôpitaux ; deuxièmement, l’emploi des nouvelles technologies pour prévenir les attaques et, le cas échéant, répertorier les incidents. Nous encourageons tous les États Membres à mettre d’urgence ces recommandations en pratique.

Il y a, ensuite, le rôle des membres du Conseil de sécurité. Il est évident que nous avons l’obligation d’être réalistes et d’accepter que les attaques contre le personnel sanitaire dans les conflits armés ne peuvent être enrayées par une simple résolution. Néanmoins, la résolution 2286 (2016) peut servir de base à un changement de culture, au sein du Conseil de sécurité, et, à cet égard, nous avons, nous, membres du Conseil, et en particulier les promoteurs de cette initiative, une responsabilité particulière. Je veux parler de la prise en compte de la protection des médecins et hôpitaux dans toutes les décisions du Conseil, depuis les mandats des opérations de paix, que nous révisons en permanence, jusqu’au Groupe de travail sur le sort des enfants en temps de conflit armé, ou bien dans les dialogues que nous entretenons avec les Envoyés spéciaux du Secrétaire général.

Ce changement de culture passe également par le maintien de contacts plus réguliers avec les organisations spécialisées, afin d’échanger des informations et de rechercher des solutions. L’Espagne, en ce qui la concerne, assure en continu le suivi de toutes ses activités, dans l’objectif d’élaborer un guide de bonnes pratiques à l’intention des membres futurs du Conseil de sécurité. Ce sera notre legs dans ce domaine. Notre première impression, depuis cinq mois que la résolution 2286 (2016) a été adoptée, est qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir. Nous appartenons en outre au groupe des amis de la résolution 2286 (2016), qui est déjà à l’oeuvre à Genève, et que l’Espagne souhaiterait convoquer au minimum une fois par an ici-même, à New York.

Je vais maintenant m’arrêter brièvement sur la réponse que devrait donner le Conseil de sécurité face aux attaques contre les médecins et les hôpitaux. C’est la partie la plus importante de mon intervention et c’est la grande question, non encore résolue, qui découle de la résolution 2286 (2016). Nous devons reconnaître que nous avons failli à nos obligations – vis-à-vis des médecins d’Alep, cette semaine ; vis-à-vis des cliniques que MSF, ne l’oublions pas, a décidé de fermer au Yémen cet été ; et vis-à-vis des patients des hôpitaux bombardés au Soudan du Sud, et nous leur devons à tous une réponse. Et le Conseil, là encore, a tous les outils nécessaires à sa disposition. Qu’est-ce qui manque au Conseil ? C’est très simple : la volonté politique d’agir.

Le rapport du Secrétaire général évoque certaines mesures, telles que le recours aux sanctions ou le renvoi de certaines affaires devant la Cour pénale internationale. Je le dis très clairement : l’Espagne appuie ces mesures. Mais nous disposons également d’autres options, plus élémentaires. Par exemple, le Conseil peut, s’il en a la volonté politique, se mettre d’accord pour exiger qu’une enquête indépendante, impartiale et efficace soit menée sans tarder, comme le prévoit la résolution 2286 (2016), dans le cas des attaques les plus graves. Je veux parler de celles qui ont été perpétrées le 19 septembre ou de celles qui ont eu lieu semble-t-il à l’aube à Alep aujourd’hui.

L’Espagne est disposée pour sa part à fournir ressources humaines et matérielles pour que ces enquêtes soient menées à bien. Toutefois, il nous faut obtenir le consensus des 15 membres du Conseil. À cet égard, nous demandons un effort particulier à ceux qui sont directement impliqués dans des affrontements armés.

Notre engagement à l’égard de la mise en oeuvre de la résolution 2286 (2016) se déprécie à chaque fois que nous renonçons à agir. Comme l’a dit Mme Liu le 3 mai (voir S/PV.7685), faisons de cette résolution un outil à même de sauver des vies, et ne dévaluons pas en permanence le travail du Conseil de sécurité.

M.Barro (Sénégal) : Je voudrais, d’abord, remercier vivement le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de son exposé, et des pertinentes recommandations contenues dans sa lettre du 18 août 2016 (S/2016/722, annexe).

Ces remerciements s’adressent également à Mme Joanne Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières, ainsi qu’au Président du Comité international de la Croix-Rouge, M. Peter Maurer, pour leurs brillantes interventions et les efforts inlassables que leur organisation respective ne cesse de fournir sur le terrain, pour empêcher ou amoindrir les attaques commises contre les personnels de santé et les infrastructures sanitaires dans les zones de conflit armé.

Les informations que nous venons de recevoir montrent, si besoin en était encore, la nécessité pour le Conseil de sécurité de prendre en main la protection du personnel médical, des installations sanitaires et des transports. De toute évidence, cette protection constitue un impératif à respecter en temps de guerre. C’est pour cette raison que nous saluons la pertinence des recommandations sur les mesures à prendre pour renforcer la protection des blessés et des malades, du personnel médical et des agents humanitaires, ainsi que leurs moyens de transport, telles que contenues dans la lettre du Secrétaire général (S/2016/722). Nous partageons également les recommandations concrètes visant à prévenir les actes de violence, les attaques et les menaces portant atteinte aux soins médicaux en temps de conflit armé. Ma délégation soutient, à cet égard, l’idée selon laquelle l’ouverture d’enquêtes sur les allégations de violations et l’engagement de poursuites contre les auteurs de ces crimes constituent des éléments essentiels pour renforcer la protection des soins médicaux en temps de conflit armé.

Nous jugeons pertinent, par ailleurs, de renforcer le rôle des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Cela suppose de prévoir, lors de l’examen et de l’établissement des mandats des missions, des mesures de renforcement des capacités et d’appui à la réforme du secteur de la sécurité et aux procédures de sanctions, et surtout de veiller à ce que les ressources des opérations de paix soient adaptées à leur mandat. Cela suppose également l’importance de veiller à ce que les personnes soupçonnées d’avoir commis des violations graves du droit international relatives à la protection des soins médicaux en temps de conflit armé soient traduites en justice. Cela suppose, en outre, le rétablissement des services de base, notamment par la reconstruction des hôpitaux et autres installations médicales détruites ou endommagées lors des attaques.

En sus de ces recommandations du Secrétaire général, nous pensons aussi qu’il serait tout aussi pertinent de prendre les mesures supplémentaires ci-après pour faire face aux attaques qui entravent l’accès aux soins de santé en zone de conflit.

Il s’agit, tout d’abord, d’identifier toutes les entraves susceptibles de faire obstacle à l’accès aux soins de santé et aux facilités y afférentes et de veiller à ce que celles-ci soient levées pour permettre un déploiement adéquat sur le terrain.

Il s’agit ensuite pour les organismes de santé locaux d’être soutenus pour maintenir un service minimum grâce à des solutions ad hoc qui pourraient être trouvées au gré des circonstances sur le terrain.Il s’agit, dans un troisième temps, de veiller à ce que le personnel militaire bénéficie d’une formation de qualité en vue de réduire au minimum les perturbations des services de santé, tout en sauvegardant les préoccupations légitimes de sécurité.Il s’agit enfin de tenir compte des séances de débriefing du Conseil de sécurité sur les cas spécifiques de théâtres où des attaques sont fréquemment perpétrées.

Je voudrais, pour finir, réaffirmer l’attachement du Sénégal à la protection du personnel sanitaire et des établissements hospitaliers en période de conflit armé, problématique qui demeure au coeur de l’action du Groupe d’Oslo sur la politique étrangère et la santé mondiale, que notre pays a présidé en 2015 avec, à la clef, l’adoption par l’Assemblée générale de la résolution 63/33 sur le renforcement de la gestion des crises sanitaires internationales.

M. Rosselli (Uruguay) (parle en espagnol) : Aujourd’hui, au petit matin, nous avons reçu une première mauvaise nouvelle, le décès de Shimon Peres, à qui nous rendons un hommage profond et sincère. Quelques heures plus tard, nous avons appris que des installations médicales à Alep avaient à nouveau été bombardées. Il s’agit d’une tragédie qui semble sans fin. Les cinq pages de la résolution 2286 (2016) ne sont manifestement pas assez fermes pour protéger les hôpitaux, les installations médicales et leur personnel contre ces horribles et – comme le Secrétaire général l’a dit il y a quelques instants – lâches attaques contre des hôpitaux et la vie du personnel de santé qui y travaille.Nous tenons à remercier le Secrétaire général des recommandations qu’il a élaborées. Mon pays les appuie pleinement. Nous adressons également nos remerciements au Comité international de la Croix-Rouge, par l’intermédiaire de notre ami, M. Peter Maurer – nous avons pris bonne note de ses observations – et à la Présidente de Médecins Sans Frontières, Mme Joanne Liu. Je peux dire que nous appuyons pleinement la proposition concernant la création d’un poste de Représentant spécial du Secrétaire général chargé d’enquêter sur les attaques visant les installations médicales et leur personnel.

Mon intervention allait être un peu plus longue, mais mon collègue Román Oyarzun Marchesi, dans ses remarques, m’a pratiquement ôté les mots de la bouche. Je souscris à chacune de ses paroles. Par conséquent, la seule chose sur laquelle j’insisterai en particulier est la nécessité de nous engager à enquêter sur ces actes atroces et de punir leurs auteurs. Toutes les mesures préventives sont nécessaires, elles sont indispensables. Mais nous devons également prendre conscience du fait que les crimes de guerre doivent être poursuivis de façon implacable. C’est pourquoi nous devons prendre toutes les mesures qui s’imposent pour veiller à ce que justice soit faite et que les coupables soient dûment punis.

M. Delattre (France) : Je souhaite commencer par remercier le Secrétaire général, le Président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), M. Peter Maurer, et la Présidente de Médecins Sans Frontières (MSF), Mme Joanne Liu, de leurs interventions particulièrement inspirantes, mais aussi très concrètes et opérationnelles qui reflètent une volonté unanime de mettre un terme aux attaques contre les installations médicales et les personnels de santé.

Qu’il me soit permis ici, au nom de la France, de rendre à nouveau hommage à l’abnégation, au courage et à l’action exemplaire des personnels de MSF, du CICR et de l’ensemble des acteurs humanitaires qui travaillent dans des conditions de plus en plus difficiles et sont devenus eux-mêmes des cibles en raison de leur engagement auprès des victimes. Leur action, leur engagement, sont pour nous source d’inspiration et d’admiration.

Que ce soit en Syrie, au Soudan du Sud, au Yémen, en Iraq, en Afghanistan et ailleurs, les attaques contre les personnels de santé se sont multipliées depuis plusieurs années. Le Conseil se devait d’agir et s’est donc saisi de cette question en adoptant à l’unanimité la résolution 2286 (2016) dont l’objectif est de renforcer rapidement la protection des personnels médicaux et infrastructures de santé dans les zones de conflit. Je souhaite saluer ici tout particulièrement la mobilisation des rédacteurs de la résolution sur cet enjeu essentiel.

Depuis l’adoption de cette résolution, les attaques contre les personnels de santé se sont poursuivies. Le Secrétaire général nous dit qu’en Syrie, 11 hôpitaux ont été bombardés en août dernier – trois à Alep, quatre à Edleb, deux à Homs, un à Damas et un à Daraya. Ces établissements sont désormais fermés. Depuis la mi-juillet, les huit hôpitaux encore fonctionnels dans l’est d’Alep ont tous été endommagés au moins une fois par des bombardements et des tirs d’obus ; quatre l’ont été à plusieurs reprises.

Aujourd’hui encore, les deux plus grands hôpitaux dans la partie est d’Alep ont été touchés par des frappes aériennes délibérées, les mettant temporairement hors de service. S’il ne s’agit pas de crimes de guerre, alors, franchement, je ne sais pas ce que sont des crimes de guerre. Le Secrétaire général – et je le remercie au nom de la France – a été particulièrement clair sur ce point.Au Yémen, c’est l’hôpital d’Abs qui a été bombardé, le 15 août dernier, faisant 19 morts et 24 blessés, et obligeant MSF à évacuer son personnel. Je pourrais multiplier les exemples.

Le Conseil doit assurer le suivi de ses propres décisions et a demandé dans cet esprit au Secrétaire général de lui présenter des recommandations concrètes pour la mise en oeuvre de la résolution 2286 (2016). La France salue le rapport du Secrétaire général (S/2016/722, annexe) et en soutient les principales recommandations. De même, nous examinerons dans le meilleur esprit les propositions de M. Peter Maurer et de Mme Joanne Liu.

La multiplication des attaques contre les installations médicales et le personnel de santé nous rappellent que les principes d’humanité portés par le droit international humanitaire ont besoin à la fois d’être appliqués, d’être renforcés et d’être soutenus partout et en toutes circonstances. C’est un combat de tous les jours. À cet égard, la France souhaite saisir cette occasion pour appeler les pays qui ne l’ont pas encore fait à ratifier les Protocoles additionnels aux Conventions de Genève.

Au-delà des attaques, l’obstruction aux soins de santé est de plus en plus utilisée par les parties aux conflits comme arme de guerre. En Syrie, l’obstruction des autorités en matière de fournitures médicales se poursuit, en dépit des engagements pris. Ainsi, plus de 8 000 kits ont été retirés des convois en août dernier. L’accès à l’assistance humanitaire, et en particulier aux produits médicaux, doit être la norme, pas l’exception.

Enfin, la protection du personnel médical ne peut être efficace sans lutte contre l’impunité. Les attaques contre les hôpitaux, les installations médicales ou contre le personnel de santé sont constitutifs de crimes de guerre. Les responsables doivent être poursuivis en justice. Face à la multiplication des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, des enquêtes impartiales et indépendantes d’établissement des faits sont indispensables. C’est en effet cette exigence de vérité qui doit permettre de rassembler les membres du Conseil de sécurité autour d’une action efficace et résolue. Comme les membres du Conseil le savent, la France restera particulièrement vigilante et entièrement mobilisée s’agissant de cet enjeu vital au sens propre.

Mme Sison (États-Unis d’Amérique) (parle en anglais) : Je remercie le Secrétaire général, M. Maurer et Mme Liu de leurs exposés très émouvants. Les États-Unis remercient sincèrement le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et Médecins Sans Frontières(MSF) pour leur travail qui vise à sauver des vies humaines et saluent les efforts inlassables qu’ils déploient pour traiter les malades et les blessés dans les endroits les plus terribles et les plus dangereux du monde. Nous rendons également hommage à tous les membres de leur personnel qui ont fait le sacrifice ultime en raison de leur détermination à aider les autres.

Comme nous le savons tous, la création de la Croix-Rouge et les normes énoncées dans la Convention de Genève remontent à juin 1859 lorsque Henry Dunant, un homme d’affaires, fut tellement choqué par une bataille entre la France et l’Autriche qu’il lança un mouvement pour garantir un traitement humain des blessés dans les situations de conflit.

Dans son ouvrage, Un souvenir de Solférino, Dunant décrit une scène, au cours de cette bataille, qui l’a incité à militer pour que les choses changent. Il a écrit :« [L’artillerie] se fraie un passage à travers les cadavres et les blessés gisant indistinctement sur le sol : alors les cervelles jaillissent, les membres sont brisés et broyés, les corps rendus méconnaissables, la terre s’abreuve littéralement de sang, et la plaine est jonchée de débris humains. »

Cela se passait en 1859. Mais considérons ce qui s’est passé aujourd’hui, en 2016, dans la partie est d’Alep. Ce matin, nos contacts dans cette partie de la ville d’Alep nous ont dit – comme les membres du Conseil de sécurité l’ont appris – que deux hôpitaux auraient été touchés par des frappes aériennes et des obus, qui ont tué deux patients et ont fait nombreux blessés parmi le personnel médical. Bien entendu, il y a très peu de chances pour les civils bloqués dans l’est d’Alep d’avoir accès aux soins médicaux. Cette semaine, un membre du personnel médical a dit à un journaliste que suite aux bombardements incessants dans la partie est d’Alep, « les hôpitaux n’ont plus de place pour recevoir même un patient supplémentaire ». Un radiologue a déclaré qu’ils étaient à court de médicaments et de respirateurs, et n’avaient pas de lait pour bébé, en particulier pour les nouveau-nés. Un autre médecin, le docteur Ahmed – qui avait tellement peur d’être pris pour cible qu’il n’a pas voulu donner son nom complet – a dit à un journaliste : « Nous effectuons beaucoup d’amputations pour que les patients puissent survivre parce que, sinon, nous n’avons pas les moyens de les traiter. » Un grand nombre des blessés, a-t-il poursuivi, sont en train de mourir sous les yeux des médecins. Ils se sentent impuissants.

Comme nous avons pu le voir, dans les rues de la partie est d’Alep, les gens sont en train de fouiller frénétiquement dans les décombres avec leurs mains, à la recherche de membres de leur famille et de leurs enfants, car il n’y a pas assez de premiers intervenants. Il n’y a pas assez de matériel de sauvetage pour tout le monde. Les habitants de la partie est d’Alep sont littéralement en train de mourir dans leurs rues. Ils sont mutilés et blessés par les frappes aériennes effectuées par la Russie et le régime d’Assad, et ils ne peuvent pas recevoir un traitement en raison du siège médiéval imposé par la Russie et le régime syrien. Les plaines de Solférino dont parlait Dunant sont devenues de nos jours les rues de la partie orientale d’Alep.

Il ne faut pas que nous finissions par nous habituer à ces atrocités alors que la Russie et le régime mènent cette nouvelle offensive. Nous ne devons pas oublier que les tactiques utilisées dans l’est d’Alep sont les mêmes qui constituaient l’image de marque du régime d’Assad il y a des années, et qu’il a utilisées sur l’ensemble du territoire syrien, en retirant systématiquement les fournitures médicales des convois humanitaires, en s’opposant aux évacuations médicales, en bombardant des hôpitaux jusqu’à les réduire en ruines et en tuant les premiers intervenants dans le cadre d’attaques à doubles coups absolument inadmissibles. Depuis 2011, Médecins pour les droits de l’homme, un groupe qui jouit d’une excellente réputation, a établi que 382 attaques avaient été perpétrées contre 269 installations médicales en Syrie. Pas une semaine ne s’écoule sans que nous entendions parler d’une nouvelle attaque visant un hôpital. Les actes du régime d’Assad et de la Russie vont à l’encontre des exigences énoncées dans la résolution 2286 (2016), que nous avons adoptée à l’unanimité il y a seulement cinq mois.Cette campagne contre les installations médicales et le personnel médical en Syrie doit cesser. Dans les situations de conflit de par le monde, on continue de porter de plus en plus atteinte à la protection des installations médicales et du personnel médical, ainsi que du personnel humanitaire. Au Soudan du Sud, l’un des pays les plus dangereux du monde pour les travailleurs humanitaires, rien qu’au cours du mois d’août, les Nations Unies ont enregistré 64 incidents où la violence a été utilisée contre les travailleurs humanitaires et l’équipement qu’ils utilisent pour soigner les gens. En février dernier, dans le cadre d’une attaque contre un site de protection des civils à Malakal, un centre médical international a été détruit et deux membres du personnel de MSF ont été tués. Des organisations humanitaires ont fait des enregistrements montrant les parties au conflit en train de tuer des patients, d’incendier des cliniques, de voler des médicaments et de menacer le personnel médical. À tout le moins, les membres du Conseil et les pays de la région doivent utiliser tous les canaux d’influence dont ils disposent pour insister auprès de toutes les parties au conflit au Soudan du Sud afin qu’elles mettent immédiatement un terme à ces actes de violence contre le personnel humanitaire et médical.

En ce qui concerne le Yémen, les États-Unis partagent les vives préoccupations exprimées par MSF au sujet des attaques menées contre ses installations médicales. Les Nations Unies ont enregistré, avec preuves à l’appui, 59 attaques perpétrées contre des hôpitaux au Yémen en 2015, par toutes les parties. Les États-Unis ont appelé la coalition dirigée par l’Arabie saoudite à insister sur l’impérieuse nécessité de prendre toutes les précautions possibles pour éviter de causer des dommages aux civils et aux biens à caractère civil, ou au moins, pour les réduire au minimum. Nous avons souligné que les frappes visant les écoles, les hôpitaux et d’autres biens civils sont inacceptables et doivent cesser, et nous appelons la coalition à publier les résultats des enquêtes qu’elle a lancés concernant de tels incidents.

Nous appelons également les houthistes et leurs alliés à mettre un terme aux lancements de roquettes sans discernement contre l’Arabie saoudite et aux bombardements de zones civiles au Yémen, qui font de nombreuses victimes parmi les civils. Toutes les parties doivent respecter le droit international humanitaire. Afin de pouvoir atténuer les souffrances, les États-Unis exhortent les parties à s’engager à cesser immédiatement les hostilités et à permettre aux acteurs concernés de répondre aux besoins humanitaires sans avoir à craindre des attaques.

De nombreuses voix ont critiqué les États-Unis pour avoir frappé par erreur un hôpital de MSF à Kondoz il y a un an. Nous endossons la responsabilité de cette frappe et avons exprimé à plusieurs reprises nos profonds regrets. Le Département de la défense des États-Unis en a assumé l’entière responsabilité et a mené une enquête exhaustive et transparente dont il a rendu publics les résultats. Nous avons depuis pris des mesures pour apprendre de Kondoz afin de réduire au minimum le risque d’incidents futurs.En outre, en juillet, le Président Obama a publié un décret sur la politique des États-Unis concernant les mesures à prendre avant et après les frappes pour éviter que les opérations militaires menées par les États-Unis ne fassent des victimes civiles. Cette politique est la première du genre. Le décret stipule que toutes les composantes du Gouvernement des États-Unis doivent collaborer afin de réduire le nombre de victimes civiles, agir en toute transparence et tirer les enseignements des incidents qui se produisent. Les États-Unis collaborent par ailleurs étroitement avec le CICR et les organisations non gouvernementales pour affiner les critères de distinction entre combattants et civils. Les États-Unis continueront de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour réduire le nombre de victimes civiles et faire preuve de transparence dans le cadre de ce processus.

Pour conclure, je voudrais mettre l’accent sur les conséquences humaines des attaques, obstructions et interventions qui gênent l’administration des soins médicaux en période de conflit armé. Refuser aujourd’hui l’accès aux soins médicaux aura des conséquences bien après que les conflits en cours auront pris fin. Au Nigéria, par exemple, les vaccins ne peuvent être livrés dans les zones où le Gouvernement et Boko Haram s’affrontent. Le résultat est que la polio a réapparu et menace de nouveau les enfants nigérians, avec deux cas diagnostiqués le mois dernier. La polio est une maladie qui avait été éradiquée dans les années 50. Le vaccin est facile à administrer et très peu cher. Toutefois, chaque jour qui passe sans que l’on puisse livrer ces vaccins voit augmenter le nombre d’enfants nigérians qui risquent d’être handicapés à vie ou de mourir, et par conséquent la nouvelle génération ressentira très certainement les conséquences du conflit.

La situation est très différente lorsque les enfants qui résident dans une zone de conflit ont accès aux soins médicaux dont ils ont désespérément besoin. En novembre dernier, un tireur d’élite dans l’est d’Alep a touché au visage Shaima, 6 ans, la rendant aveugle. Cependant, contrairement à tant d’autres enfants qui sont aujourd’hui assiégés dans l’est d’Alep, Shaima a pu quitter la ville en novembre. Elle a dit à son père, « Ce n’est pas grave que ce tireur m’ait touchée – je ne suis pas triste. C’était la volonté de Dieu et je sais que je vais guérir ». Miraculeusement, avec l’aide de docteurs en Turquie, Shaima a survécu et elle pourrait même recouvrer la vue un jour, une fois que sa famille aura récolté assez d’argent pour qu’elle puisse se faire opérer. Shaima a vécu une abomination indicible, mais le fait d’avoir reçu des soins médicaux lui permettra d’avoir un avenir. Comme l’a dit Shaima à un journaliste, « Je veux juste retourner à l’école. Je sais que j’y retournerai bientôt ».

Mes chers collègues membres du Conseil, nous devons tous faire plus pour les enfants syriens, yéménites, sud-soudanais, nigérians et dans tant d’autres zones de conflit, pour les enfants qui ont besoin qu’on leur donne cette chance.

M. Aboulatta (Égypte) (parle en arabe) : Je remercie le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon ; M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge ; et Mme Joanne Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières, de leurs exposés très détaillés. Nous saluons le rôle que jouent ces deux organisations dans les zone de conflit. Nous remercions également tout le personnel humanitaire et médical de ses sacrifices, en particulier compte tenu des dangers qu’il doit affronter quotidiennement.

Au début de la présidence égyptienne du Conseil de sécurité, les membres ont adopté à l’unanimité la résolution 2286 (2016), sur la protection des civils en période de conflit armé. Les membres élus du Conseil tenaient à se pencher sur cette question et à s’attaquer aux problèmes rencontrés par le personnel médical et humanitaire en période de conflit armé. Certaines parties entravent l’acheminement de l’aide vers les populations dans le besoin, et cela pose un problème sans précédent qui menace les fondements du droit international et du droit international humanitaire, ainsi que le principe de protection des civils en période de conflit armé.

La résolution 2286 (2016) a fait l’objet d’un large consensus, puisqu’elle a reçu l’appui de près de 85 pays. Cependant, elle n’a guère fait évoluer la réalité sur le terrain. Elle n’a rien changé aux horreurs que subit le personnel médical qui oeuvre dans des zones de conflit armé partout dans le monde. Nous prenons note des recommandations du Secrétaire général (S/2016/722, annexe) concernant les mesures à prendre pour renforcer la protection des blessés et des malades, du personnel médical, des hôpitaux et autres installations médicales, conformément au paragraphe 13 de la résolution 2286 (2016).

Nous affirmons cependant que ces recommandations doivent être appliquées sans politisation et de manière non sélective. Il importe également d’éviter toute initiative polémique n’ayant fait l’objet d’aucun consensus durant les négociations qui ont abouti à l’adoption de la résolution 2286 (2016). L’Égypte est profondément attachée aux nobles valeurs du droit international humanitaire qui visent à renforcer la protection des installations médicales et du personnel de santé, notamment à la lumière des problèmes croissants auxquels le secteur médical est confronté dans les zones de conflit.

L’Égypte appuie donc les trois axes principaux sur lesquels sont basées les recommandations du Secrétaire général, notamment en ce qui concerne la protection des blessés, des malades et du personnel médical, ainsi que des hôpitaux et autres installations médicales. Nous appuyons également les recommandations relatives à la responsabilité pénale de ceux qui commettent des attaques contre les personnes susmentionnées. Nous estimons qu’il faut prévenir les attaques futures et nous n’épargnerons aucun effort pour concrétiser les objectifs de la résolution 2286 (2016) et améliorer la sécurité des blessés, des malades et du personnel médical dans les zones de conflit armé.

M. Ramírez Carreño (République bolivarienne du Venezuela) (parle en espagnol) : Nous remercions le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon ; M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge ; et Mme Joanne Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières, de leurs exposés très utiles. Nous voudrions faire écho à l’appel dramatique qu’elle a lancé aux parties à un conflit leur demandant d’arrêter de bombarder les hôpitaux, de bombarder le personnel médical et de bombarder les patients. Nous voudrions remercier et saluer les milliers d’agents, médecins et personnels de santé, dont beaucoup travaillent dans l’anonymat, qui risquent leur vie tous les jours pour s’acquitter de leur noble tâche consistant à sauver des vies et à atténuer les souffrances humaines dans les cruelles situations de conflit. Le travail qu’effectue les agents humanitaires est un extraordinaire exemple d’humanité et une formidable source d’espoir pour ceux qui sont victimes de la violence et de l’horreur. S’attaquer au personnel de santé est un acte barbare qui ne peut en aucun cas être justifié.

Nous nous félicitons une nouvelle fois de l’adoption de la résolution 2286 (2016), qui constitue une réponse politique opportune aux violences graves et systématiques du droit international humanitaire qui ont lieu au quotidien dans le cadre des conflits armés qui ensanglantent de nombreuses régions du monde, en particulier au Moyen-Orient et en Afrique. Ce que nous devons faire maintenant, c’est mettre en oeuvre, de façon sincère et ferme, et sans trouver d’excuses, le mandat et les objectifs de cette résolution.

Nous avons du mal à comprendre comment, à une époque où sont employées des armes d’une précision technologique terrifiante, guidées par satellite ou par laser et capables de tuer à n’importe quelle distance, il est possible que de telles erreurs soient commises et que des bombardements visent encore le personnel de santé et les installations médicales en temps de conflit, en dépit du fait que les hôpitaux sont des installations publiques dont l’emplacement est bien connu des parties au conflit et que des protocoles d’alerte rapide sont en place pour éviter tout bombardement. Nous ne comprenons pas comment de telles choses peuvent se produire et surtout que certains persistent à dire qu’il s’agit tout simplement d’erreurs. C’est pourquoi nous condamnons les attaques qui ont eu lieu contre le personnel médical et humanitaire ainsi que contre les véhicules sanitaires et les installations médicales en Palestine, en Afghanistan, au Yémen et en Syrie.Pour nous, il est inacceptable que Médecins Sans Frontières, la Croix-Rouge, le personnel médical et les convois humanitaires des Nations Unies soient devenus des cibles militaires dans ces régions en proie à la guerre. On ne peut tolérer que des hôpitaux soient bombardés et que des médecins et des malades soient tués dans ces hôpitaux.Il semble que pour beaucoup, la vie n’a aucune valeur. Nous sommes les témoins de conflits qui renvoient l’humanité à une époque où il n’y avait aucune règle et où on se livrait une guerre à mort. Ces violations, outre qu’elles menacent la vie et la sécurité de millions de personnes, exacerbent les crises et posent un énorme défi au personnel médical et humanitaire, qui a, chaque jour, un peu plus de mal à s’acquitter de sa mission humanitaire.Nous pensons que nous devons tous accorder une attention particulière à ce problème afin de le régler, et que le Conseil de sécurité joue un rôle essentiel à cet égard. Nous approuvons pleinement les recommandations formulées par le Secrétaire général le 8 août 2016, en application du paragraphe 13 de la résolution 2286 (2016), et nous appuyons résolument la proposition faite aujourd’hui au Conseil par Mme Liu.

Nous estimons qu’il est impératif que tous les pays adhèrent aux traités internationaux relatifs à la protection du personnel de santé et des installations médicales en temps de conflit armé et renforcent leurs législations nationales à cet égard. Nous pensons aussi que les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales des Nations Unies doivent jouer un rôle plus actif dans la création d’un environnement propice à la protection du personnel de santé et des installations médicales. De même, nous estimons que tant les missions des Nations Unies que les États Membres ayant une influence sur les parties se doivent de plaider en faveur du plein respect du droit international humanitaire.

Il faut redoubler d’efforts pour réunir des preuves et analyser tous les incidents qui portent atteinte à la sécurité et à l’intégrité du personnel de santé et des installations médicales, et veiller à ce que des enquêtes impartiales et indépendantes soient menées sans délai et que ceux soupçonnés d’avoir commis de tels actes soient traduits en justice. Les victimes doivent aussi obtenir réparation pour les préjudices subis.Enfin, mon pays, la République bolivarienne du Venezuela, n’a jamais attaqué un autre pays, ni participé à aucune coalition militaire. Nous abordons cette question de manière totalement impartiale, en particulier quand des agents humanitaires sont bombardés. Nous n’appliquons pas deux poids deux mesures. Nous ne justifions pas certaines attaques tandis que nous gardons le silence sur d’autres. Nous n’en condamnons pas certaines tandis que nous en exploitons d’autres à des fins politiques. Nous ne vendons d’armes à personne et dépensons encore moins des millions de dollars en armes létales d’une précision terrifiante. Autrement dit, nous sommes pleinement en position politique, morale et éthique d’exiger des pays qui participent à un conflit d’arrêter le massacre et la violence contre le personnel médical et les agents humanitaires. En notre qualité de membre du Conseil de sécurité, nous mettrons tout en oeuvre pour faire en sorte que cessent les horreurs de la guerre auxquelles nous assistons actuellement. Pour nous, le plus important c’est de rétablir la paix et de permettre aux courageux agents humanitaires et personnels de santé de continuer de se déployer et d’accomplir leur formidable travail au service de la vie et des êtres humains.

M. Wu Haitao (Chine) (parle en chinois) : La Chine se félicite de l’initiative prise par la Nouvelle-Zélande de convoquer la présente séance sur la protection du personnel de santé et des installations médicales en période de conflit armé. Je tiens à remercier le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de son exposé. La Chine a écouté attentivement les déclarations faites par le Président du Comité international de la Croix-Rouge, M. Peter Maurer, et par la représentante de Médecins Sans Frontières, Mme Joanne Liu.

En mai, le Conseil a adopté à l’unanimité la résolution 2286 (2016), qui demande aux parties à un conflit armé de renforcer la protection du personnel médical et des hôpitaux et autres installations médicales en temps de conflit armé, soulignant ainsi l’importance que la communauté internationale attache à cette question. La Chine rend hommage au personnel médical et aux organisations humanitaires compétentes pour le grand humanisme dont ils font preuve en soignant les blessés et les mourants dans des conditions extrêmement difficiles, parfois au péril de leur propre vie.

Je voudrais à présent faire les observations suivantes. Premièrement, l’accent doit être mis sur la promotion des processus politiques en faveur du règlement des crises régionales. Ce n’est qu’en mettant fin aux conflits qu’il sera possible d’éliminer une fois pour toutes les menaces qui pèsent sur la sécurité des agents de santé et des installations médicales. Le Conseil doit oeuvrer activement en vue de promouvoir le dialogue et la négociation, et faciliter les efforts faits par les parties à un conflit pour y mettre fin et régler leurs différends par la voie du dialogue et de la négociation. La communauté internationale doit aussi adopter une position juste et objective, et jouer un rôle constructif afin de promouvoir des solutions politiques et de créer ainsi les conditions propices à la protection de la sûreté et la sécurité du personnel de santé et des installations médicaux en temps de conflit.

Deuxièmement, c’est aux gouvernements et aux parties à un conflit qu’il incombe de protéger le personnel de santé et les installations médicales en temps de conflit armé. La responsabilité de protéger les civils qui se trouvent à l’intérieur de leurs frontières revient au premier chef aux gouvernements des pays concernés, et ils doivent par conséquent renforcer les mesures qu’ils prennent pour protéger le personnel de santé et les installations médicales. Ils doivent enquêter, en vertu de la loi, sur les faits de violence, notamment les attaques et les menaces contre le personnel de santé et les installations médicales en temps de conflit armé. Les parties à un conflit doivent respecter le droit international humanitaire, se conformer aux résolutions du Conseil, s’acquitter de leur obligation de protection et permettre l’assistance humanitaire. La communauté internationale doit, pour sa part, fournir appui et assistance en pleine consultation avec les pays concernés.Troisièmement, les opérations humanitaires doivent être comprises par les parties concernées et gagner leur confiance. Dans les conflits armés, dans le cadre des opérations qu’ils mènent dans l’exercice de leurs tâches médicales, le personnel médical et les organismes humanitaires doivent respecter les buts et principes consacrés par la Charte des Nations Unies ; respecter pleinement la souveraineté et l’intégrité territoriale des pays concernés ; s’en tenir à l’impartialité, l’équité et l’indépendance ; suivre les principes directeurs humanitaires et éviter de s’impliquer dans les conflits. De telles pratiques contribueront à protéger le personnel médical et les installations médicales en période de conflit armé.Quatrièmement, l’ONU et les organismes humanitaires doivent oeuvrer de concert pour protéger le personnel médical et les installations médicales. L’ONU doit procéder à une étude approfondie et à une évaluation complète des risques et défis humanitaires en période de conflit armé. En s’appuyant sur les vues des pays concernés, elle doit mettre en place des dispositifs efficaces pour communiquer avec le personnel médical et les organismes humanitaires et échanger en temps voulu des informations concernant la situation sur le terrain afin de créer des conditions propices à la protection des efforts humanitaires, du personnel médical et de leurs installations. De leur côté, le personnel médical et les organismes concernés doivent également eux-mêmes avoir connaissance des risques et renforcer leurs propres sécurité et protection.

M. Ibrahim (Malaisie) (parle en anglais) : Je m’associe aux orateurs présents pour remercier le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, de sa participation à la présente séance importante, convoquée en application de la résolution 2286 (2016), que la Malaisie appuie fermement.

Je m’associe également aux autres parrains de la résolution et aux membres du Conseil pour remercier tout particulièrement M. Peter Maurer et Mme Joanne Liu, représentant les organisations estimées que sont le Comité international de la Croix-Rouge et Médecins Sans Frontières (MSF), respectivement, et leur dire ma reconnaissance. Leurs exposés ont donné un douloureux aperçu des luttes quotidiennes et des difficultés et risques croissants auxquels doivent faire face les soignants dans des situations de conflit armé. Nous rendons sincèrement hommage, et de manière appuyée, aux soignants qui risquent leur vie et se consacrent avec abnégation à cette noble cause.

Des éléments de preuve étayés concernant des attaques, délibérées ou non, contre les blessés et les malades, le personnel médical et les installations de santé dans de nombreuses zones où des conflits sont en cours soulignent une sombre réalité : le droit international humanitaire est délibérément bafoué et, dans certains cas, violé de manière flagrante à de multiples occasions par des belligérants. Comme l’a indiqué Mme Liu, la résolution 2286 (2016) n’a rien changé sur le terrain. Le Conseil est donc maintenant tenu d’évaluer les recommandations du Secrétaire général (S/2016/722, annexe) et de les intégrer aux mesures de prévention des actes de violence contre les blessés, les malades et le personnel de santé dans des situations de conflit armé. Nous considérons que la séance d’aujourd’hui constitue un petit pas vers la réalisation de cet engagement. C’est une tâche à laquelle le Conseil doit s’attaquer d’urgence et en priorité.

Pour donner un exemple, malgré l’accord de cessez-le-feu du 9 septembre auxquels sont parvenus la Russie et les États-Unis, les soignants et les installations de santé continuent d’être pris pour cible en Syrie. De plus, les problèmes rencontrés par le personnel médical qui essaie de soigner les victimes sont énormes et s’aggravent à mesure que les attaques et les combats s’intensifient. Il y a deux jours seulement, à Alep, un hôpital a été touché lors d’une attaque aérienne sur la zone. Il y a plus d’une semaine, un convoi humanitaire de 31 camions à destination d’Alep transportant des fournitures médicales, parmi bien d’autres choses, a également été attaqué.

Malheureusement, la Syrie n’est pas le seul conflit marqué par un odieux non-respect du principe de la neutralité médicale. Comme l’a clairement indiqué Mme Lieu, des attaques contre des hôpitaux pleinement opérationnels ont également eu lieu au Yémen, à la mi-août pour les plus récentes. Nous apprenons avec regret que, en raison de l’intensification des hostilités contre les installations médicales, la situation est devenue si insoutenable que MSF a été contrainte de partir de six hôpitaux dans le nord du Yémen.

Cette situation inquiétante mérite une concentration et une riposte plus solides, sans tarder, en prenant des mesures concrètes qui vont au-delà de la simple condamnation. À cet effet, les recommandations du Secrétaire général devraient offrir un cadre directeur. Pour commencer, le Conseil doit manifester la volonté d’appliquer les recommandations relatives à la nécessité de mener des enquêtes complètes, impartiales, indépendantes et efficaces sur les attaques contre les soins médicaux en période de conflit armé. Les attaques contre le personnel médical et les installations médicales dans de nombreuses situations de conflit continuant sans relâche, la création d’une mission internationale d’établissement des faits ou le recours à la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, conformément à la Convention de Genève, afin d’enquêter sur les allégations de violations graves du droit international nous permettrait d’appliquer le principe de responsabilité et de rendre la justice.

L’impunité ne fera qu’aggraver les atrocités commises contre les soins médicaux. La Malaisie réaffirme donc son appui à la résolution 2286 (2016) et les recommandations du Secrétaire général, qui demandent d’enquêter sur toutes les allégations de violations et de prendre des mesures à l’encontre des auteurs. Tous les auteurs doivent rendre compte de leurs actes.Avant de terminer, ma délégation tient à rendre hommage aux membres du personnel médical qui ont perdu la vie, consacrée à sauver les autres, et à exprimer notre gratitude pour le noble rôle joué par ceux qui continuent de le faire dans des conditions dangereuses et difficiles. Alors que nous cherchons à protéger les personnes mêmes qui protègent les civils dans leur ensemble, la protection du personnel médical et des installations de santé doit figurer au premier rang des priorités du Conseil. Le Conseil de sécurité doit s’obstiner à défendre et protéger la sécurité du personnel médical et des installations de santé dans les situations de conflit armé, une tâche que la Malaisie est pleinement déterminée à mener.

M. Gaspar Martins (Angola) (parle en anglais) : Nous souhaitons la bienvenue au Secrétaire général et le remercions de son exposé et de ses recommandations claires (S/2016/722, annexe) sur les mesures à prendre pour protéger les civils, le personnel de la santé et les installations de santé en période de conflits armés, ainsi que de son appel pressant aux parties aux conflits à les suivre et à les appliquer.

Nous remercions également M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge, et Mme Joanne Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières, de leurs exposés très éclairés de ce matin et d’avoir présenté ici, au Conseil, les situations réelles qui persistent dans plusieurs régions de notre planète commune et auxquelles nous devons accorder une attention particulière.

L’Angola est extrêmement préoccupé par le nombre d’attaques contre le personnel de santé et les installations médicales dans les zones de conflit. Ces attaques ont des effets dévastateurs sur les personnes qui ont besoin de soins de santé et d’une aide humanitaire. L’accès humanitaire reste un défi majeur, les parties aux conflits entravant délibérément l’acheminement de l’aide aux civils pris au piège dans des zones de conflit. Les attaques contre les agents humanitaires et le personnel médical et les installations médicales, leurs moyens de transport et leur matériel ; le refus arbitraire de l’accès humanitaire ; les restrictions administratives ; l’immixtion dans l’acheminement de l’aide ; et le fait de priver les civils de leurs moyens de survie constituent des violations flagrantes du droit international humanitaire tel qu’établi par la quatrième Convention de Genève de 1949, ses protocoles additionnels de 1977 et 2005, et la Convention sur la sécurité du personnel des Nations Unies et du personnel associé et le Protocole facultatif relatif. En outre, ces actes de violence exacerbent les conflits et font entrave aux efforts du Conseil de sécurité tels que mandaté par la Charte des Nations Unies. Le Soudan du Sud, l’Afghanistan, la Syrie et le Yémen sont quelques-unes des situations dans lesquelles des fournitures humanitaires vitales sont pillées, endommagées ou détruites, ce qui prolonge les souffrances des populations et les conflits eux-mêmes.

Malheureusement – et malgré les cadres normatifs solides définis dans plusieurs résolutions et déclarations présidentielles adoptées par le Conseil, en particulier la résolution 2286 (2016) sur la protection des civils en situation de conflits armés, qui a été adoptée à l’unanimité –, nous continuons d’être témoins de violations constantes de ces principes. L’Angola condamne toutes les attaques contre les personnels et les installations humanitaires et sanitaires, et exhorte les parties à un conflit à s’acquitter intégralement de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, du droit international des droits de l’homme et du droit international des réfugiés. Nous condamnons l’impunité qui prévaut dans les cas des violations et abus commis contre les membres du personnel médical et humanitaire. C’est aux parties à un conflit qu’il incombe en premier lieu de répondre aux besoins fondamentaux des civils sous leur contrôle, et nous sommes d’accord avec le Secrétaire général lorsqu’il déclare que les organisations humanitaires doivent être en mesure d’engager systématiquement le dialogue avec toutes les parties au conflit pour assurer et entretenir l’accès humanitaire et alléger les souffrances humaines des personnes prises au piège d’un conflit.

Avec la résolution 2286 (2016), nous avons envoyé un signal fort de rejet de ces violations du droit international humanitaire. Les recommandations du Secrétaire général sont un outil extrêmement important pour mettre un terme à ce fléau. Nous appelons tous les acteurs compétents à les mettre en oeuvre. Le Conseil ne saurait continuer à se réunir pour se contenter d’écouter les appels lancés et la description des situations qui prévalent dans différentes régions du monde, notamment lorsque ces exposés sont faits par le Comité international de la Croix-Rouge et Médecins Sans Frontières. Nous devons agir. De fait, l’heure de l’action a sonné et nous sommes en retard. Il nous faut agir.

M. Okamura (Japon) (parle en anglais) : Je vous remercie, Monsieur le Président, d’avoir convoqué la présente séance. Je remercie également le Secrétaire général, Mme Liu, Présidente internationale de Médecins Sans Frontières, et M. Peter Maurer, Président du Comité international de la Croix-Rouge, de leurs exposés et, naturellement, de l’appel qu’ils ont lancé au Conseil de sécurité.

Même en temps de paix et de stabilité, chaque jour les installations médicales et les soins médicaux sauvent des vies. Dans le contexte d’un conflit armé, toutefois, l’accès aux soins médicaux devient une question de vie ou de mort immédiate pour tous les civils innocents pris en tenaille par la guerre. Les hôpitaux représentent le dernier, et parfois le seul, espoir de survie de ceux qui ont été blessés. Les attaques contre les installations médicales menacent, voire annihilent, cet espoir.Nous estimons que les attaques qui visent les installations médicales à des fins stratégiques sont malveillantes, dénuées de décence humaine et absolument inacceptables. C’est fort de cette conviction que le Japon a joué un rôle de fer de lance, aux côtés de l’Égypte, de la Nouvelle-Zélande, de l’Espagne et de l’Uruguay, pour rédiger et garantir l’adoption de la résolution 2286 (2016) en mai. L’adoption par consensus de cette résolution atteste du ferme engagement du Conseil de sécurité à veiller à ce que les installations médicales soient intégralement protégées et sécurisées, même lors des combats.

Cela étant, comme l’ont exposé les représentants de Médecins Sans Frontières et du Comité international de la Croix-Rouge tout à l’heure, les attaques contre les installations médicales se sont poursuivies dans ces zones de conflit, même après l’adoption de la résolution 2286 (2016). La vie des membres du personnel médical restent menacée et ils continuent de mourir. Nous partageons la douleur et la colère de Médecins Sans Frontières et du Comité international de la Croix-Rouge. Nous tenons à faire part de notre profond respect face au courage et au dévouement de tous les membres du personnel médical à pied d’oeuvre sur le terrain pendant un conflit.

Nous remercions tous ceux qui ont contribué à la rédaction des recommandations que le Secrétaire général a transmises au Conseil (S/2016/722, annexe), qui présentent dans le détail diverses mesures pratiques. Le Japon voudrait encore une fois inviter toutes les parties à un conflit armé à prendre des mesures concrètes allant dans le sens des recommandations dont nous sommes saisis et des exposés que nous avons entendus aujourd’hui afin de protéger l’administration des soins médicaux en situation de conflit armé.

Je suis entièrement d’accord avec l’Ambassadeur de Malaisie : l’un des principaux facteurs qui expliquent notre incapacité à prévenir les attaques récurrentes contre les installations médicales est l’absence de mécanismes de responsabilisation. Lorsque ces attaques sont perpétrées, il est difficile de déterminer leurs tenants et aboutissants : les différentes parties au conflit s’en rejettent mutuellement la faute et aucune enquête complète n’est jamais effectuée. C’est pourquoi, en définitive, il est impossible d’appliquer le principe de responsabilisation.

Dans ce contexte, je voudrais appeler l’attention du Conseil sur les recommandations du Secrétaire général. Selon la recommandation 11, les États Membres devraient élaborer des protocoles et des procédures garantissant l’ouverture d’enquêtes sur les allégations de violations graves du droit international relatif à la protection des soins médicaux en temps de conflit armé. La recommandation prévoit également que « [s]i les États Membres ne mènent pas ces enquêtes, le Conseil de sécurité devrait envisager de créer des missions internationales d’établissement des faits ou des commissions d’enquête internationales, ou d’avoir recours à la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits créée par l’article 90 du premier Protocole additionnel aux Conventions de Genève. » (S/2016/722, annexe, par. 30)

Enfin, elle prévoit aussi que « [l]es États Membres et les parties à un conflit armé devraient appuyer et faciliter le travail des missions d’établissement des faits ». (ibid., par. 31)

À cet égard, le Japon souligne le rôle important que joue la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits pour veiller à l’application objective et équitable du droit international humanitaire. En conséquence, le Japon a contribué et continuera de contribuer à cette entité, aussi bien en termes financiers qu’en termes de ressources humaines. Je tiens à insister sur le fait que le Conseil de sécurité devrait jouer un rôle actif dans l’établissement des faits et des responsabilités à cet égard. Le Japon est déterminé à collaborer avec les Nations Unies et toutes les parties concernées sur cette question.

M. Fesko (Ukraine) (parle en anglais) : En mai, lors de la séance au cours de laquelle nous avons adopté la très importante résolution 2286 (2016) (voir S/PV.7685), Mme Liu avait déclaré que nous devions faire en sorte que cette résolution sauve des vies. Nous abondons dans son sens. Pourtant, nous sommes au mois de septembre et force est de constater que l’objectif est toujours hors de portée. Malheureusement, la Syrie offre le pire exemple d’attaques contre des installations médicales. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, presque tous les jours, des hôpitaux, des dispensaires et des ambulances sont pris pour cible dans ce pays. Ce mois-ci, jusqu’à hier, il y avait eu deux attaques particulièrement horribles contre des installations médicales en Syrie : l’une contre un convoi humanitaire, le 19 septembre, et l’autre, le lendemain, contre une unité mobile de soins médicaux dans une zone d’Alep contrôlée par l’opposition. Ce matin, nous avons appris qu’un autre bombardement avait visé deux hôpitaux qui fournissent des services indispensables à la population de l’est d’Alep. Franchement, nous sommes sans voix. Nous nous associons à l’appel lancé par d’autres délégations autour de cette table au régime syrien et à son allié russe pour qu’ils mettent fin à ces actes barbares.

Au Yémen, les installations médicales sont également devenues une cible fréquente de frappes aériennes. Hélas, la situation n’est guère différente en Afghanistan, où au cours des trois derniers mois seulement, il y a eu huit attaques contre des établissements de santé.

C’est dans ce contexte consternant que nous devons examiner de toute urgence comment garantir une véritable application de la résolution 2286 (2016). À cet égard, nous avons pris note de la recommandation du Secrétaire général visant à renforcer la protection du personnel médical et humanitaire.Nous tenons à souligner que le droit international humanitaire et le droit international des droits de l’homme comprennent suffisamment de dispositions relatives à la protection juridique des personnels médical et humanitaire et des installations connexes. Toutefois, bien souvent, ces dispositions ne sont pas respectées et sont violées par les parties à un conflit armé.

Dans ce contexte, nous voudrions insister sur les recommandations suivantes formulées par le Secrétaire général.Premièrement, il faut améliorer la constatation des actes de violence visant le personnel médical et les installations connexes en période de conflit armé. La collecte et l’enregistrement public de données sur les attaques contre les services de santé est un élément clef dans la mise en place d’un système efficace de prévention. C’est pourquoi nous voudrions faire écho à la recommandation soumise par le Secrétaire général aux États Membres concernant le renforcement de leur soutien aux activités menées par l’ONU en matière de suivi et de collecte de données.

Deuxièmement, nous devons veiller à ce que des enquêtes indépendantes et efficaces soient menées sur les violations graves du droit international visant le personnel médical et les installations connexes en période de conflit armé.À cet égard, nous estimons qu’il est nécessaire d’organiser des séances d’information du Conseil de sécurité sur les situations de pays où les soins médicaux sont attaqués. Ces réunions doivent, à notre avis, inclure des informations sur les mesures prises par les États Membres concernés pour enquêter sur ces attaques. Par ailleurs, la recommandation faite au Conseil tendant à la création éventuelle de missions internationales d’établissement des faits ou de commissions d’enquête internationales mérite notre plus grande attention.

Troisièmement, nous devons veiller à ce que les responsables d’actes de violence visant les soins médicaux en période de conflit armé soient amenés à rendre des comptes.

Il est de la plus haute importance que les auteurs de ces crimes de guerre répondent de leurs actes. Nous partageons l’avis selon lequel, lorsque les mécanismes de sanction au niveau national sont insuffisants, les États Membres doivent coopérer pleinement avec les institutions de justice pénale internationale, notamment la Cour pénale internationale, afin de lutter contre l’impunité et de garantir le respect du droit international humanitaire.

M. Zagaynov (Fédération de Russie) (parle en russe) : Nous remercions le Secrétaire général et les personnes qui ont fait des exposés de leur participation à la présente séance.

La protection des civils en période de conflit armé demeure malheureusement une question urgente. Nous partageons les préoccupations des intervenants quant aux informations faisant état de victimes parmi les civils et les personnels humanitaire et médical. Nous sommes très reconnaissants aux médecins de l’abnégation dont ils font preuve en risquant leur vie pour s’acquitter de leur devoir professionnel dans les zones de conflit. Nous sommes extrêmement préoccupés par les attaques visant les installations et le personnel médicaux, et les condamnons fermement.

Les circonstances qui entourent ces faits doivent faire l’objet d’une enquête rigoureuse et indépendante. Consciente de l’importance particulière que revêtent les installations médicales et le danger auquel leur personnel est exposé en période de conflit, notre délégation a appuyé l’adoption, en mai, de la résolution 2286 (2016). Nous étudions attentivement les recommandations du Secrétaire général (S/2016/722, annexe) relatives et comptons qu’elles feront l’objet d’un examen détaillé. Nous espérons obtenir des éclaircissements aux questions que nous avons à leur sujet.Pour le moment, nous voudrions faire quelques observations générales. La responsabilité principale de la sécurité du personnel humanitaire et des autres personnes qui ont droit à une protection internationale spéciale, en vertu des Conventions de Genève, incombe à toutes les parties à un conflit armé. Elles doivent faire tout leur possible pour éviter la mort de civils, y compris le personnel médical, afin de se conformer au droit international humanitaire. De toute évidence, cela ne couvre pas les situations dans lesquelles le personnel médical souffre aux mains de ceux qui sont censés les protéger. Pour y faire face, les États Membres, les organismes des Nations Unies et les organisations humanitaires doivent redoubler d’efforts pour renforcer les mécanismes visant à assurer la sécurité des installations médicales et de leur personnel en période de conflit armé.

Dans le contexte des guerres d’information qui font rage aujourd’hui, tous les organismes des Nations Unies doivent, dans l’examen de cette question, utiliser des données avérées qui ne font l’objet d’aucun doute. Il est important de veiller à ce que les rapports du Secrétaire général, qui sont présentés en application de la résolution 2286 (2016), ne comportent que des informations fiables.Enfin, nous estimons qu’il est indispensable d’aborder la question de la protection du personnel médical dans le contexte plus large de la protection des civils en général, sans créer de hiérarchie entre les différentes catégories.

Aujourd’hui, beaucoup de choses ont été dites, et avec beaucoup d’émotion, à propos de la tragédie que vivent les citoyens syriens et des conditions dans lesquelles le personnel médical opère en Syrie. Les souffrances de la population civile dans ce pays doivent cesser. Les accords conclus entre la Russie et les États-Unis, le 9 septembre, offraient une véritable chance d’atteindre cet objectif.

Notre approche à l’égard de la situation actuelle en Syrie et de la lutte contre les groupes terroristes, qui sont solidement implantés sur ce territoire, a été décrite en détail durant les séances du Conseil de sécurité, tenues les 22 et 25 septembre (voir S/PV.7775 et S/PV.7777, respectivement), ainsi que dans d’autres formats. Nous ne répéterons pas tout ce que nous avons dit, mais nous concentrerons sur les points suivants.

C’est devenu une sorte de tradition que d’accuser, sans preuves et, pour ainsi dire, automatiquement, Damas et la Russie de la majorité des attaques perpétrées contre des cibles civiles en Syrie. Cette tendance s’est poursuivie aujourd’hui. Dans les zones de conflit, notamment au Moyen-Orient, des faits tout aussi inacceptables sont le résultat inévitable de la politique de déstabilisation que mènent les États-Unis, avec l’appui de leurs alliés. Des hôpitaux ont été réduits à un tas de ruines par les frappes lancées par les Américains ou leurs alliés.

Nous nous rappelons tous le bombardement tragique de l’hôpital de Médecins Sans Frontières à Kondoz, en Afghanistan, en octobre 2015. La coalition au Yémen a détruit des infrastructures civiles, y compris des installations médicales, et les États-Unis ont fourni une assistance directe à ces frappes par le biais de leurs forces aériennes. Quelques capitales européennes ont très généreusement fourni des armes à la coalition. De temps à autre, sous la pression des faits, l’erreur est admise et des excuses sont présentées. Dans le cas de l’attaque meurtrière perpétrée par les forces aériennes américaines à Kondoz, notamment, une enquête a été menée, des mesures disciplinaires ont été prises et des améliorations ont été apportées aux procédures opérationnelles. Mais qu’est-ce que cela signifie réellement ? Aucun des militaires impliqués dans ces frappes n’a été traduit en justice : ils continuent de servir. Selon les informations publiées dans les médias, les indemnités versées aux familles des victimes n’étaient que symboliques. En ce qui concerne les améliorations apportées aux procédures opérationnelles des forces aériennes dont j’ai parlé tout à l’heure, nous devons nous demander comment il se fait qu’elles aient abouti aux prétendues erreurs qui ont été commises lors des bombardements des positions de l’armée syrienne dans la ville de Deïr el-Zor par la coalition dirigée par les États-Unis, lors des frappes contre la ville de Manbej, le 19 juillet, où, selon des informations, une centaine de civils ont trouvé la mort, et dans l’attaque, le 28 juillet, de la ville d’Al‑Ghandoura.

Dans le cadre du conflit syrien, on n’a cessé de vouloir se substituer à tout prix au Gouvernement et redessiner la carte géopolitique de la région. À un moment, on aurait pu prévenir l’éclatement de ce conflit et à plus d’une reprise, on aurait pu y mettre fin et parvenir à un règlement politique, qui est la seule solution possible. Toutefois, au lieu de chercher à trouver une solution collective, les représentants des États qui ont directement attisé les flammes de la guerre en Syrie préfèrent proférer des mensonges sans fin à l’encontre de la Russie au Conseil de sécurité et dans d’autres instances. Ce que nous voyons aujourd’hui dans les médias ne sont rien d’autre que des spéculations qui exploitent les souffrances de la population à des fins de propagande et qui cherchent à détourner l’attention de l’échec des politiques menées. Ces informations se basent souvent sur des données peu fiables provenant des quartiers contrôlés par des groupes armés qui ont un intérêt direct à discréditer les activités du Gouvernement syrien et de la Russie. Le travail avec les prétendus témoins se fait souvent dans les pays voisins de la Syrie et de fausses informations sont ainsi propagées.

En ce qui nous concerne, nous appelons au rejet des discours provocateurs. Nous devons concentrer tous nos efforts sur l’objectif de mettre fin au conflit en Syrie le plus rapidement possible. Nous avons déjà posé de bons fondements à cet égard, notamment grâce à la coopération entre la Russie et les États-Unis.

M. Wilson (Royaume-Uni) (parle en anglais) : Je voudrais remercier le Secrétaire général de la clarté de son exposé et de nous avoir présenté ses recommandations aujourd’hui. Ces idées nous aideront à protéger le personnel médical et les endroits où il mène ses activités et à prévenir les attaques qui les prennent pour cible. Le Royaume-Uni se félicite de cette contribution importante.

D’emblée, je tiens à rendre hommage à Mme Joanne Liu, de Médecins Sans Frontières, et à M. Peter Mauer, du Comité international de la Croix-Rouge. Je voudrais mettre en relief une déclaration faite par chacun d’eux. Mme Liu nous a dit que faire fi de l’impartialité médicale était en train de devenir une nouvelle norme de la guerre. M. Mauer a dit que nous devons démontrer que le droit international humanitaire reste pertinent pour les personnes qui font les frais de la guerre. Il s’agit d’un signal d’alarme pour le Conseil. M. Mauer et ses collègues effectuent un travail vital, souvent dans des conditions extrêmement difficiles et souvent au péril de leur vie.

Malheureusement, cinq mois après l’adoption de la résolution 2286 (2016), les graves dangers auxquels sont confrontés Médecins Sans Frontières, le Comité international de la Croix-Rouge et d’autres qui travaillent dans les zones de conflit sont encore douloureusement évidents. En dépit de la résolution 2286 (2016) et des protections clairement prévues par le droit international humanitaire, les membres du personnel médical continuent d’être blessés et tués alors qu’ils essaient de sauver des vies humaines en Syrie, au Yémen et au Soudan du Sud, ainsi que dans tous les autres pays énumérés par M. Mauer et dans de nombreux endroits de par le monde.Mais soyons honnêtes, cela est encore plus flagrant à Alep. Ce n’est pas de la propagande ; c’est un fait. Aujourd’hui, nous avons appris que des frappes aériennes avaient pris pour cible les deux plus grands hôpitaux qui fonctionnaient encore dans la partie est d’Alep contrôlée par les rebelles. C’est un fait. Nous, au Conseil, ne pouvons pas nous cacher derrière la voix passive. Nous devons dire les choses clairement. Les seules forces aériennes qui effectuent des frappes dans la partie est d’Alep sont les forces aériennes syriennes et russes. C’est aussi un fait.Comme le Secrétaire général vient de le dire, ceux qui utilisent des armes de plus en plus destructrices savent qu’ils sont en train de commettre des crimes de guerre. Alep est aujourd’hui une ville qui est synonyme de souffrances. C’est une ville synonyme de médecins travaillant à la lumière de leurs téléphones et à l’aide de fournitures les plus élémentaires. C’est une ville synonyme de gravats, de poussière et de bombardements incessants – un banc d’essai odieux pour des armes encore plus cruelles, encore plus barbares. La Syrie et la Russie sont pleinement responsables de ces atrocités.

Et pourtant, ce n’est que la pointe de l’iceberg. Alors que le conflit a fait directement 400 000 morts, le nombre de décès secondaires, résultant de la destruction du système de santé, sera beaucoup plus élevé. L’accès à la vaccination, aux soins néonatals, aux soins de santé maternelle, aux soins de santé pour les femmes – tout cela n’existe pratiquement plus. On assiste à la réapparition de maladies qui avaient été éradiquées, comme la polio, tandis que la rougeole, la fièvre typhoïde, l’hépatite et la tuberculose ont atteint des niveaux dangereux. Dans des villes comme Madaya, nous entendons des histoires déchirantes comme celle de Ghina Ahmad Wadi, qui a été touchée par un tireur d’élite du régime le mois dernier. Depuis plus de deux semaines, le régime s’est opposé à son évacuation médicale avant qu’elle ne reçoive finalement les soins dont elle avait besoin. Pourquoi ? Retirer de force les fournitures médicales des convois humanitaires, ainsi que des actions de ce genre, ne sont rien d’autre qu’un démantèlement délibéré du système de soins de santé de la Syrie.

Nous sommes également préoccupés par la situation au Yémen, où 40 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire. L’amélioration de l’accès à ces personnes est une priorité absolue pour le Royaume-Uni. Nous appelons toutes les parties à faciliter l’acheminement des fournitures médicales et humanitaires essentielles pour soulager les souffrances des populations. Nous prenons également très au sérieux les informations faisant état de violations du droit international humanitaire au Yémen, y compris des attaques contre les installations médicales. Toutes les parties doivent mener des enquêtes approfondies et complètes sur tous les incidents impliquant des violations présumées du droit international humanitaire.

Nous devons garantir le respect du principe de responsabilité partout où le droit international humanitaire est violé, par qui que ce soit. Nous le devons aux habitants d’Alep et à beaucoup d’autres personnes dans le monde entier. Pour ce faire, il est clair que nous devons recueillir les éléments de preuve et les données nécessaires. Nous nous félicitons de ce que le Secrétaire général ait attiré l’attention sur cette question dans ses recommandations. Des groupes comme Daech, qui mènent des attaques ignobles contre le personnel médical et les installations médicales ne font pas exception. C’est pour cette raison que notre ministre des affaires étrangères, M. Boris Johnson, a annoncé la semaine dernière que le Royaume-Uni, conjointement avec l’Iraq, présentera une proposition à l’ONU, lui demandant de recueillir et de préserver les éléments de preuves concernant les crimes commis par Daech en Iraq. Nous agissons ainsi parce que nous estimons qu’il ne saurait y avoir d’impunité. Nous appuyons donc la recommandation du Secrétaire général selon laquelle lorsque les mécanismes de sanction au niveau national sont insuffisants ou inadéquats, les mécanismes internationaux doivent être saisis, notamment la Cour pénale internationale.

Je voudrais terminer en soulignant une fois de plus l’importance du droit international humanitaire. Dans les situations de conflit armé, les civils et ceux
qui fournissent une assistance médicale doivent être protégés. Je suis fier de réaffirmer l’engagement du Royaume-Uni à faire respecter ces lois. Je demande à tous les membres du Conseil de faire de même.

Le Président (Nouvelle-Zélande) (parle en anglais) : Je vais maintenant faire une déclaration en ma qualité de représentant de la Nouvelle-Zélande.

Je voudrais tout d’abord remercier le Secrétaire général, Mme Liu et M. Maurer de leurs exposés, et je tiens à souligner la gravité de leurs messages au Conseil.

Nous avons adopté la résolution 2286 (2016) en mai avec un certain optimisme et un fort sentiment d’unanimité. Quatre-vingt-cinq pays ont parrainé cette résolution, ce qui en fait l’une des résolutions du Conseil de sécurité qui compte le plus grand nombre de coauteurs. La Nouvelle-Zélande, en tant que rédacteur de cette résolution, espérait que le message fort qu’elle transmettait quant à la nécessité de protéger le personnel de santé et les établissements sanitaires en temps de conflit armé serait entendu là où cela importe le plus – dans les situations de conflit dont le Conseil est actuellement saisi. Les derniers mois ont été plus que décourageants.

Comme nous l’avons entendu, les attaques contre le personnel médical et les installations médicales et contre les convois humanitaires transportant des fournitures médicales se sont intensifiées depuis que cette résolution a été adoptée. Comme d’autres nous l’ont rappelé, ces attaques sont perpétrées dans différentes régions du monde, mais le Yémen et la Syrie en particulier forment une classe à part pour ce qui est de la fréquence et de la violence des attaques. Au Yémen, des attaques aveugles, notamment l’attaque meurtrière qui a pris pour cible un hôpital en août, ont contraint Médecins Sans Frontières à retirer son soutien à six hôpitaux dans le nord du Yémen, ce qui a conduit à plus de souffrances et de morts pour des Yéménites innocents.

La Syrie est le pays le plus dangereux du monde pour le personnel de santé, en grande partie à cause des agissements du Gouvernement syrien. Nous avons observé clairement une tendance consistant à attaquer systématiquement des hôpitaux, des cliniques et des ambulances, à entraver les activités du personnel de santé et à confisquer des médicaments et du matériel vital. Nous avons entendu dire que tous les hôpitaux situés dans la partie est d’Alep avaient fait l’objet d’attaques militaires et en conséquence, ne fonctionnent que partiellement. Comme nous l’avons appris aujourd’hui, deux autres attaques ont été perpétrées contre des hôpitaux dans l’est d’Alep pendant la nuit.

L’attaque – apparemment délibérée – menée la semaine dernière contre un convoi humanitaire près d’Alep représente un nouveau point bas d’un conflit qui a été caractérisé par des violations flagrantes du droit international humanitaire. Comme tant d’autres attaques récentes visant les soins de santé et les travailleurs humanitaires, elle constitue sans doute un crime de guerre. Ces attaques prouvent que certains États Membres de cette Organisation sont prêts à violer délibérément ou à bafouer de manière irresponsable le droit international pour parvenir à leurs fins sur le plan militaire et politique. Ce chef d’accusation s’applique tant aux États qui commettent ces attaques qu’à ceux qui font alliance avec eux. Un tel comportement est absolument inacceptable.La lettre du Secrétaire général (S/2016/722, annexe) présente des recommandations que nous approuvons pleinement. Si elles sont appliquées, elles contribueront à la mise en oeuvre des mesures énoncées dans la résolution 2286 (2016), qui correspondent à des règles du droit international humanitaire bien établies de longue date. Je voudrais en souligner plusieurs qui méritent une attention particulière.

Premièrement, les États peuvent et doivent faire plus pour veiller à ce que les cadres juridiques internationaux relatifs à la protection des soins médicaux en période de conflit armé soient respectés dans le droit national, ainsi que dans les règles d’engagement pertinentes, les manuels d’instruction militaire et autres directives opérationnelles. L’application du droit international humanitaire n’est pas laissée à la discrétion de chacun. Elle est aussi contraignante pour les États que toute autre règle de droit international.

Deuxièmement, les États doivent s’employer à bien faire comprendre le droit international humanitaire au sein de leurs forces armées, par une formation régulière et en appliquant la discipline militaire.

Troisièmement, nous devons enfin nous atteler sérieusement à demander des comptes aux plus grands responsables d’attaques contre des travailleurs de santé. La résolution 2286 (2016) contient une condamnation vigoureuse de l’impunité qui prévaut généralement pour les attaques commises contre les activités médicales, et le Conseil y engage instamment les États à mener sans tarder des enquêtes exhaustives, impartiales et efficaces.

Il est capital que ces enquêtes soient rigoureuses et servent les intérêts de la justice, notamment les droits des victimes.

Le Conseil de sécurité a un rôle important à jouer en veillant à ce que les violations du droit international humanitaire fassent l’objet d’enquêtes approfondies et que, le cas échéant, les responsables rendent des comptes. Si le Conseil ne peut être le gendarme du monde chargé de faire appliquer le droit international humanitaire, nous devons être prêts à utiliser les outils dont nous disposons lorsque les circonstances l’exigent.

Enfin, les attaques incessantes contre des installations et des travailleurs médicaux montrent à quel point est nécessaire un suivi continu du Conseil. Nous demandons au Secrétaire général de continuer à attirer l’attention sur cette question dans les rapports qu’il présente régulièrement au Conseil. Ces rapports doivent être étayés par la collecte constante de données pertinentes, notamment au moyen de l’échange d’informations entre l’ONU et les entités compétentes, telles que l’Organisation mondiale de la Santé.

Il convient que le Conseil utilise l’exposé annuel prévu par la résolution 2286 (2016) pour souligner les problèmes clefs et engager les États à prendre des mesures supplémentaires en usant, notamment, de leur influence sur les parties belligérantes afin de mieux faire appliquer le droit international humanitaire. Nous devons à tous les civils pris au piège de conflits, ainsi qu’à tous ceux qui risquent leur vie pour sauver celle d’autres personnes, de veiller à ce que le personnel de santé soit protégé et à ce que sa neutralité soit respectée. Surtout, les membres du Conseil doivent montrer par leur comportement, ici-même et dans le contexte des conflits auxquels ils prennent part, que leur respect du droit international est réel. Faute de quoi, ils remettent en question l’objectif même de cet organe et leur droit d’y siéger.Je reprends à présent mes fonctions de Président du Conseil de sécurité.

Le représentant de la Fédération de Russie a demandé à faire une nouvelle déclaration.

M. Zagaynov (Fédération de Russie) (parle en russe) : Je souhaite juste préciser rapidement qu’il me semble que l’interprétation de ma déclaration n’était pas tout à fait exacte par endroits. Ma phrase concernant le fait que la souffrance des civils en Syrie doit prendre fin n’a pas été interprétée correctement. À cet égard, nous renvoyons les membres à la version corrigée de notre déclaration, qui sera comme d’habitude distribuée ultérieurement.

Le Président (parle en anglais) : Au nom du Conseil, je remercie Mme Liu et M. Maurer de leur contribution au présent débat. Je les félicite, au même titre que tous leurs collaborateurs, de leur courage et de leur dévouement.

J’invite à présent les membres du Conseil à poursuivre le débat sur la question dans le cadre de consultations.

La séance est levée à 12 h 5.