I. Introduction
1. Le présent rapport est le trente-troisième présenté en application du paragraphe 17 de la résolution 2139 (2014), du paragraphe 10 de la résolution 2165 (2014), du paragraphe 5 de la résolution 2191 (2014) et du paragraphe 5 de la résolution 2258 (2015) du Conseil de sécurité, dans lesquels celui-ci m’a prié de lui rendre compte, tous les 30 jours, de l’application desdites résolutions par toutes les parties au conflit en République arabe syrienne.
2. Les informations qui y figurent reposent sur des données auxquelles ont eu accès les organismes des Nations Unies présents sur le terrain et sur des éléments d’information provenant de sources gouvernementales syriennes, d’autres sources syriennes ou de sources publiques. Les données communiquées par les organismes des Nations Unies sur l’acheminement de l’aide humanitaire portent sur la période allant du 1er au 31 août 2016.
Points essentiels – août 2016
1) Une aide alimentaire a été fournie à près de 4,19 millions de personnes. Toutefois, seuls 5 % de celle-ci ont pu être acheminés au moyen de convois interorganisations dans les zones assiégées et difficiles d’accès. Cinq convois interorganisations en tout ont été déployés dans 10 zones difficiles d’accès ou assiégées.
2) La situation humanitaire dans la ville d’Alep a continué de se détériorer du fait d’attaques aveugles, de la pénurie de fournitures de base dans l’est du pays et des combats qui ont entraîné le déplacement de près de 30 000 personnes à l’ouest d’Alep.
3) Quarante évacuations médicales ont pu être menées à bien à partir des villes assiégées de Fouaa et de Madaya (1 le 13 août, 36 le 19 août et 3 les 20 et 21 août).
4) Une fois l’État islamique d’Iraq et du Levant chassé de Manbij et de Jarblous, on a constaté d’importants mouvements de populations retournant vers ces villes.
5) L’ensemble de la population de Daraya a été évacuée les 26 et 27 août, suite à un accord entre les autorités syriennes et des représentants locaux.
6) À la fin du mois d’août, les combats ont provoqué le déplacement de plus de 55 000 personnes à Hama.
II. Principaux faits nouveaux
3. Au cours de la période considérée, les activités militaires et l’insécurité en générale ont entraîné la mort de civils et eu des répercussions négatives sur la situation humanitaire dans son ensemble, notamment la destruction de nouvelles infrastructures civiles, telles que des hôpitaux et des écoles. L’insécurité est également l’un des principaux facteurs qui a restreint la capacité des organismes des Nations Unies et de leurs partenaires à fournir une aide humanitaire fort nécessaire. De violents combats se sont poursuivis dans tout le pays, notamment à Alep, Deïr el-Zor, Hassakah, Edleb, Rif-Damas et dans d’autres provinces.
4. La situation humanitaire a continué de se détériorer à Alep tout au long du mois. Pendant tout le mois d’août, il a été en grande partie impossible pour l’ONU d’accéder à l’est d’Alep pour acheminer de l’aide humanitaire. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a réussi à livrer le carburant nécessaire au fonctionnement des groupes électrogènes de deux des trois stations de pompage d’Alep, qui se trouvent à l’est de la ville. En outre, l’Organisation internationale pour les migrations a pu faire entrer un camion dans le sud, par le couloir de Ramousseh temporairement ouvert, mais a dû interrompre l’opération lorsqu’un second camion a été touché par une roquette. En raison des combats autour de Ramousseh, la principale voie d’approvisionnement vers l’ouest d’Alep a été coupée et il a été impossible de distribuer régulièrement des denrées alimentaires par cette voie à partir de la mi-juillet et jusqu’au 13 août. Les combats ont également déplacé près de 30 000 personnes dans le sud-ouest de la ville. Le Ministère de la défense de la Fédération de Russie a publié une déclaration le 18 août appuyant l’appel lancé par l’ONU en faveur d’une trêve hebdomadaire de 48 heures pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire, et les discussions entre les coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie, la Fédération de Russie et les États-Unis d’Amérique se sont poursuivies tout au long du mois.
Ville d’Alep
1) Cela faisait près d’un mois, début août, que l’accès humanitaire à l’est d’Alep avait été coupé, et les conditions de vie des 250 000 à 275 000 personnes qui y vivent continuaient de se détériorer. Le 7 août, des groupes d’opposition armés non étatiques ont pris le contrôle de Ramousseh dans le sud-ouest, ouvrant un couloir provisoire, mais les combats incessants en ont limité l’accès. Les combats ont également coupé la principale voie d’approvisionnement à l’ouest d’Alep et déplacé 5 970 familles.
2) Outre les frappes aériennes et les pilonnages, les attaques contre les centrales électriques dans le sud de la ville ont entraîné une coupure de courant généralisée. La panne de courant a également provoqué l’arrêt temporaire des services d’approvisionnement en eau dans toute la ville. Faute de garantie d’accès aux denrées alimentaires et compte tenu de la hausse des prix, le 13 août, le Conseil local de l’est d’Alep a commencé à distribuer des rations alimentaires en prélevant sur ses stocks. Le nombre de médecins dans l’est d’Alep est limité et seuls 35 ont été signalés dans la zone.
3) L’accès a été irrégulier en dépit de l’ouverture d’une nouvelle route vers l’ouest d’Alep à partir du nord. Les besoins humanitaires restent élevés, en particulier à l’est d’Alep, où les stocks de produits alimentaires et de carburant diminuent. Les efforts faits pour fournir les secours indispensables se poursuivent.
5. Le 13 août, après une impasse de 42 jours, les Forces démocratiques syriennes, soutenues par la coalition internationale anti-EIIL dirigée par les États-Unis, a pris le contrôle total de la ville de Manbij et de grandes zones à l’est d’Alep. Après le départ de l’EIIL, des dizaines de milliers de personnes déplacées sont retournées à Manbij, en dépit d’informations faisant état de graves problèmes de sécurité, notamment du fait de la présence de nombreux engins explosifs improvisés. Il a été impossible à l’ONU de sécuriser une voie d’acheminement de l’assistance humanitaire en raison de la persistance de l’insécurité dans la région. Des centaines de combattants de l’EIIL qui ont été chassés de Manbij se sont installés dans la ville de Jarablous, dans le nord de la province d’Alep, emmenant avec eux environ 2 000 civils qu’ils ont utilisés comme boucliers humains sur le chemin. Tous ont ultérieurement été libérés.
6. Entre le 24 et le 28 août, les groupes d’opposition armés non étatiques, appuyés par une opération militaire contre l’EIIL menée par la Turquie et des éléments de la coalition internationale, ont pris le contrôle de la ville de Jarablous et de vastes zones à l’ouest et au sud de celle-ci, lesquelles étaient précédemment contrôlées par l’EIIL.
7. Le 24 août, un accord local a été conclu entre le Gouvernement et les groupes d’opposition armés non étatiques pour évacuer les combattants et les civils de la ville de Daraya. Les 26 et 27 août, 1 906 personnes ont été évacuées de Daraya. Un total de 1 411 personnes, y compris des combattants et leur famille, ont été évacuées vers les territoires contrôlés par des groupes d’opposition armés non étatiques dans la province d’Edleb, tandis que 485 autres ont été évacuées vers une zone sous le contrôle du Gouvernement dans la ville de Herjallah (Rif-Damas). L’ONU n’était pas partie à l’accord et n’a pas non plus fourni d’appui à l’évacuation. Les équipes humanitaires de l’ONU ont toutefois suivi la situation à Daraya et au centre d’accueil de Herjallah, pour veiller à ce que les préoccupations en matière de protection soient consignées et prises en charge. Des négociations analogues ont été signalées entre le Gouvernement et les comités de négociation locaux de la ville de Mouaddamiyé dans la province de Rif-Damas ainsi que dans le quartier de Waar à Homs.
8. Vers la fin du mois d’août, après les avancées réalisées par les groupes d’opposition armés non étatiques dans la province de Hama, au moins 11 530 familles ont été déplacées des villes du nord de la province de Hama vers la ville de Hama et les villages environnants. Le Gouverneur de la province de Hama a estimé que le nombre effectif de personnes déplacées était bien plus élevé, à savoir près de 20 000 familles.
9. Les consultations entre le Bureau de l’Envoyé spécial du Secrétaire général en Syrie et les interlocuteurs régionaux se sont poursuivies durant la période considérée, privilégiant les perspectives de reprise des négociations pour mettre fin au conflit et parvenir à une transition politique en République arabe syrienne. Dans le même temps, il a également tenu de nouvelles discussions avec les coprésidents du Groupe international de soutien pour la Syrie (GISS). Le Bureau de l’Envoyé spécial a rappelé aux coprésidents et aux membres du Groupe que le caractère interdépendant des aspects humanitaires, militaires et politiques continuait de dicter la dynamique sur le terrain en République arabe syrienne. Les discussions bilatérales se seraient poursuivies entre les coprésidents à divers niveaux, sur des questions liées à la lutte contre le terrorisme, la cessation des hostilités, et la fourniture de l’aide humanitaire à Alep.
La protection
10. La protection des civils a toujours été considérée comme un domaine de préoccupation majeure dans toutes les provinces de la République arabe syrienne. Les attaques aveugles contre des civils et des infrastructures civiles telles que les écoles et les marchés, et contre le personnel et les installations médicales, les risques posés par les munitions explosives, les menaces à l’égard des femmes ou des civils les plus vulnérables, notamment les enfants, les personnes âgées ou les handicapés, et les multiples atteintes aux droits de l’homme n’ont pas cessé pendant la période considérée.
11. Selon des informations reçues par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le nombre de meurtres de civils et autres violences et violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire est resté élevé en août. Une grande partie des violences a eu lieu dans les provinces d’Alep, de Deir el-Zor, d’Edleb et de Rif-Damas, (voir tableau 1 pour la liste des attaques contre des civils enregistrées par le HCDH). Le Haut-Commissariat a consigné les attaques perpétrées par toutes les parties au conflit, y compris les forces gouvernementales, les groupes d’opposition armés non étatiques et les groupes désignés comme terroristes. Les attaques contre des zones résidentielles se sont soldées par des taux de pertes particulièrement élevés, y compris des frappes aériennes sur des bâtiments résidentiels à Abou el-Zouhour (Edleb), le 1er août, qui auraient tué au moins 15 civils, dont 2 enfants, et en auraient blessé des douzaines d’autres, et des frappes aériennes sur des quartiers résidentiels de la ville d’Alep tenus par l’opposition, notamment Tariq el-Bab et Sakhour, auraient fait au moins 19 morts parmi les civils, dont 3 enfants, et plus de 10 blessés le 19 août. Le 22 août, les autorités syriennes ont adressé une note verbale au Haut-Commissariat faisant état de 43 morts et de 159 blessés à la suite d’attaques lancées par des groupes d’opposition armés non étatiques du 13 au 20 août à Alep, Dara, Deir el-Zor, Hama, Homs, Edleb et Qouneïtra.
Attaques contre des civils signalées en août 2016 par le HCDHa
a En application de la résolution 2258 (2015), la présente description de la situation sur le terrain relève de l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) par toutes les parties en République arabe syrienne. Ces renseignements sont fournis sans préjudice des travaux du Groupe de travail sur le cessez-le-feu du Groupe international de soutien pour la Syrie. Cette liste n’est pas exhaustive.
12. Les attaques supposément menées par l’EIIL ont également été source de vives préoccupations au cours de la période considérée. Le 17 août, au moins cinq civils, dont deux femmes et deux enfants auraient été tués lorsque l’EIIL a tiré sur des zones résidentielles du quartier de Joura à Deir el-Zor. Cinq civils, dont deux femmes, auraient été tués et trois autres blessés lors de l’explosion d’un engin explosif improvisé au passage d’un minibus le 5 août, attentat qui a été revendiqué par l’EIIL. Les civils ont tenté de fuir la ville d’Hajin contrôlée par l’EIIL pour se rendre dans la province de Hassaké.
13. Le Ministère de la défense des États-Unis a confirmé qu’au mois d’août, la coalition internationale dirigée par les États-Unis avait effectué au moins 274 frappes contre des cibles de l’EIIL dans les provinces d’Alep, de Deïr el-Zor de Hassaké, de Homs et de Raqqa, dont 50 % dans la région de Manbej. Le Ministère de la défense de la Fédération de Russie a fait plusieurs déclarations au cours du mois, dans lesquelles il a annoncé qu’il avait effectué des frappes contre des groupes d’opposition armés dans les provinces d’Alep, de Deir el-Zor et de Raqqa. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a reçu des informations selon lesquelles des frappes aériennes qui auraient été menées par les forces internationales avaient fait des morts et des blessés parmi la population civile, mais n’a pu établir quels étaient les auteurs de ces attaques. Les informations concernant des frappes aériennes, le 28 août, sur la ville de Suraysat, au sud de Jarablus, au cours desquelles un certain nombre de maisons et de véhicules auraient été touchés, tuant au moins 20 civils et en blessant beaucoup d’autres, suscitent une profonde inquiétude.
14. On constate toujours de graves défaillances dans le fonctionnement et les résultats des services de soins de santé primaires, secondaires et tertiaires, en raison des dégâts considérables subis par les installations sanitaires, du renouvellement rapide du personnel sanitaire et de la pénurie de professionnel qualifié dans différentes spécialités médicales. Les services de santé pédiatrique et maternelle, y compris la vaccination de routine, continuent d’en pâtir, tout particulièrement dans les provinces d’Alep, de Deraa, de Hama et de Homs ainsi que dans les secteurs assiégés de Rif-Damas.
15. Au mépris flagrant du statut protégé dont bénéficient les installations médicales en vertu du droit humanitaire international, réaffirmé par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2286 (2016), celles-ci ont continué d’être endommagées ou détruites du fait des combats en République arabe syrienne. D’après des informations crédibles reçues par l’ONU et ses partenaires, dont certaines sont en cours de vérification, 50 attaques auraient visé des installations médicales au cours du seul mois d’août, dont 15 ont été confirmées. Dix hôpitaux (3 dans la province d’Alep, 2 à Homs, 4 dans la province d’Edleb, et 1 dans la périphérie rurale de Damas) qui ont été attaqués sont désormais fermés. Une de ces attaques a eu lieu le 12 août, lorsqu’une frappe aérienne a touché une unité médicale dans la ville de Hreïtan faisant deux morts parmi les membres du personnel médical et en blessant cinq autres. En outre, le principal hôpital de campagne à Darayya a été partiellement endommagé par des frappes aériennes le 16 août, puis frappé à nouveau le 19 août et mis hors service.
16. En outre, un institut de formation en soins infirmiers et un centre ambulatoire à Alep, un centre de soins de santé primaires à Homs et une ambulance de la protection civile ont été touchés. Collectivement, ces attaques confirmées ont entraîné la mort d’au moins 28 personnes, dont 5 membres du personnel de santé, et fait 47 blessés.
17. Le 11 août, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie a lancé un appel spécial pour demander l’évacuation des personnes ayant des besoins médicaux urgents des villes assiégées de Fouaa et Madaya. Une fillette de 10 ans a également été évacuée de Madaya le 13 août. Entre le 19 et le 21 août, 39 personnes ont été évacuées de ces villes par le Croissant-Rouge arabe syrien, dont plusieurs enfants et autres personnes nécessitant des soins médicaux d’urgence. Le 12 août, des jumeaux siamois ont été évacués de la Ghouta orientale vers l’un des hôpitaux privés de Damas, mais ils n’ont pas survécu.
18. Suite à l’incident lié à la sécurité qui s’est produit à Rakban (Jordanie) le 21 juin, le dialogue avec les autorités jordaniennes pour la reprise de l’évacuation des blessés et des malades du sud de la République arabe syrienne vers la Jordanie s’est poursuivi.
Violations des droits de l’homme
19. Le Haut-Commissariat a continué de recevoir en août des informations faisant état de violations graves des droits de l’homme. Le 5 août, les forces de sécurité auraient tiré à balles réelles alors qu’elles tentaient de réprimer des troubles qui avaient éclaté dans la Prison centrale de Suweida. Les autorités auraient tiré par les fenêtres dans un certain nombre de cellules, blessant au moins 29 détenus, dont 2 seraient décédés le 7 août des suites de leurs blessures. Le 6 août, l’EIIL aurait publiquement décapité deux hommes dans la ville de Raqqa. Ceux-ci avaient été accusés de faire sortir clandestinement des personnes hors des zones contrôlées par l’EIIL. Le 8 août, l’EIIL aurait réquisitionné plus de trois maisons habitées par des civils à Tall Abou Hassan, province de Deir el-Zor parce que leurs propriétaires vivaient en dehors des zones qu’il contrôle. Les maisons abritaient apparemment des proches des propriétaires et les familles ont été expulsées sans être autorisées à emmener leurs effets personnels.
Accès humanitaire
Points essentiels
1) Cinq convois interinstitutions ont permis d’apporter une assistance à 189 500 personnes dans le besoin vivant dans deux zones assiégées et huit zones d’accès difficile.
2) À la suite de l’évacuation de Daraya, le nombre des zones assiégées est passé de 18 à 17, le nombre des personnes concernées passant ainsi de 590 200 à 586 200.
3) Au total 8 892 articles médicaux ont été retirés des convois en août.
4) Le plan de convois interinstitutions pour le mois de septembre vise à apporter une assistance à 1,19 million de personnes dans le besoin vivant dans 34 zones assiégées, zones d’accès difficile et zones prioritaires situées au-delà des lignes de front.
20. Il est toujours extrêmement difficile d’acheminer l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin dans de nombreuses régions de la République arabe syrienne, en raison des conflits en cours, de la fluidité des lignes de front et des restrictions délibérément imposées par les parties à la circulation des personnes et des biens.
21. En août, le nombre de personnes vivant dans des zones assiégées ou difficiles d’accès s’élevait à 5,47 millions. Toutefois, le nombre de zones assiégées est passé de 18 à 17 et le nombre de personnes vivant dans ces zones de 590 200 à 586 200, Daraya ayant été totalement évacuée les 26 et 27 août. En raison de la poursuite des combats, un grand nombre d’autres civils risquaient d’être assiégés, notamment la population vivant dans la partie est d’Alep qui compte, selon les estimations, 250 000 à 275 000 habitants.
22. L’accès aux millions de personnes vivant dans des zones assiégées ou difficiles d’accès est resté une préoccupation majeure. Pour tout le mois d’août, cinq convois interinstitutions ont réussi à atteindre au total 189 500 personnes ayant besoin d’une assistance dans 10 zones assiégées ou difficiles d’accès, soit 37 % des 506 000 bénéficiaires environ approuvés dans le plan pour la période considérée, et environ 19 % du nombre total de 991 050 personnes demandé dans le plan (voir par. 26 ci dessous pour un aperçu du plan pour le mois d’août). Outre l’assistance que les Nations Unies continuaient d’apporter dans les zones en question (voir tableau 2), les organisations non gouvernementales ont continué de fournir dans les zones d’accès difficile des services limités en matière de santé, d’éducation et de protection, ainsi qu’une certaine assistance dans d’autres secteurs, dans des conditions extrêmement difficiles.
Opérations interinstitutions des Nations Unies dans les zones situées
au-delà des lignes de front : nombre de personnes ayant bénéficié
d’une assistance dans les zones assiégées, par mois
23. Les combats qui se poursuivent dans plusieurs provinces ont également nui au bon acheminement de l’aide humanitaire et empêché les populations d’avoir accès aux services essentiels. Des marchés, des écoles, des établissements médicaux et d’autres infrastructures civiles ont été endommagées en raison des affrontements en août, ce qui a réduit les services de base et services essentiels disponibles dans les zones critiques. Par exemple, le 2 août, une frappe aérienne aurait touché l’école Ousama Bin Zaid à Alep, entraînant la destruction des étages supérieurs de l’immeuble ainsi que des dégâts mineurs au rez-de-chaussée. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) n’a pas pu de nouveau se rendre à Yalda en août, à cause de la situation préoccupante qui continuait de régner en matière de sécurité. La mission précédente de l’UNRWA remonte au 25 mai 2016.
Opérations humanitaires interinstitutions des Nations Unies dans
les zones situées au-delà des lignes de front (du 1er janvier au 31 août 2016)
24. L’ingérence délibérée des parties au conflit et les restrictions qu’elles imposent à la liberté de circulation ont également continué d’empêcher l’acheminement de l’aide. Ainsi, dans les zones contrôlées par l’EIIL, le Programme alimentaire mondial (PAM) n’est toujours pas en mesure d’atteindre les populations dans le besoin, tous les plans visant à fournir une assistance dans ces zones ayant été suspendus du fait de l’impossibilité de travailler de façon indépendante et de contrôler les activités. Cela empêche le PAM d’atteindre la province de Raqqah et la plus grande partie de la province de Deir el-Zor, ainsi que des poches des zones rurales du nord de la province d’Alep, des zones rurales du sud de la province de Hassaké et des zones rurales du nord-ouest de la province de Hama. Le PAM largue des fournitures par parachutage à haute altitude aux parties assiégées de la ville de Deir el-Zor, qui sont inaccessibles par voie terrestre depuis mars 2014.
25. La confiscation de médicaments et de fournitures médicales vitales transportés par les convois d’aide humanitaire s’est poursuivie. Des sérums, des articles consomptibles (rasoirs, lames de scalpel, pansements) et du matériel chirurgical (forceps, ciseaux, aiguilles) sont systématiquement retirés des trousses de soins obstétriques, des trousses de santé d’urgence, des trousses de soins pédiatriques et des trousses de traitement de la diarrhée. Les médicaments et fournitures retirés des convois en août sont indiqués dans le tableau 3.
Fournitures retirées des convois en août 2016
26. Le plan de convois interinstitutions des Nations Unies pour le mois d’août a demandé l’accès à 32 localités, y compris toutes les zones assiégées, afin d’apporter une assistance à 991 050 personnes, dont 523 550 dans des zones d’accès difficile et 467 500 dans des zones assiégées. Dans leur réponse – qui aurait dû être donnée le 28 juillet (conformément à l’accord stipulant une réponse dans un délai de sept jours ouvrables) mais qui a été reçue le 3 août et amendée deux fois par la suite – les autorités syriennes ont approuvé l’accès à 505 750 personnes sur les 991 050 personnes dans 23 des 32 localités. Elles ont également demandé que 41 autres localités non prévues dans le plan soient desservies en août. En tout, l’ONU n’a pas obtenu l’accès à plus de 50 % des bénéficiaires visés par sa demande.
27. Le 21 août, l’ONU a présenté au Ministère des affaires étrangères le plan de convois interinstitutions pour le mois de septembre, qui comprend 26 demandes visant à fournir une assistance à 1,19 millions de personnes dans le besoin vivant dans 34 zones assiégées, zones d’accès difficile et zones prioritaires situées au-delà des lignes de front. Le Ministère des affaires étrangères devait donner une réponse vers le 30 août, conformément au dispositif d’examen convenu, mais ne l’avait toujours pas fait à la date du 6 septembre.
28. Depuis le 25 décembre 2015, le point de passage de Nusaybin-Qamishli dans la province de Hassaké a été temporairement fermé par les autorités turques pour des raisons de sécurité. Cette province reste aussi pratiquement inaccessible par voie routière pour les organismes des Nations Unies à partir de la République arabe syrienne. Le 9 juillet, l’ONU a commencé à effectuer des ponts aériens depuis Damas à destination de l’aéroport de Qamishli.
Visas et enregistrement
29. Au total 28 nouvelles demandes de visas ont été présentées en août. Trente demandes ont été approuvées, dont 15 présentées en août et 15 qui avaient été présentées précédemment ; 11 demandes sont toujours en attente. Cinq nouvelles demandes de visas ont été rejetées en août (2 présentées en août et 3 précédemment). Par ailleurs, 52 demandes de renouvellement de visas au total ont été présentées. Quarante-quatre demandes ont été approuvées ; 35 demandes sont toujours en attente.
30. Au total, 17 organisations non gouvernementales ont été enregistrées auprès du Gouvernement syrien comme étant autorisées à opérer dans le pays. Quatre autres organisations non gouvernementales s’emploient à achever la procédure d’enregistrement. Ces organisations continuent de se heurter à des obstacles et restrictions d’ordre administratif qui entravent leur capacité d’opérer, notamment pour obtenir l’autorisation de procéder à des évaluations indépendantes des besoins. Quelque 172 organisations non gouvernementales nationales sont autorisées à opérer en République arabe syrienne. Vingt et une autres ont été ajoutées en août.
Aperçu de l’action humanitaire
31. En août, les organismes et partenaires de l’action humanitaire des Nations Unies ont continué d’apporter une assistance à des millions de personnes dans le besoin, selon toutes les modalités à l’intérieur de la République arabe syrienne et par-delà les frontières (voir tableau 4). Comme les mois précédents, les organisations non gouvernementales ont également continué de fournir une aide aux populations dans le besoin. Le Gouvernement a, pour sa part, continué d’assurer des services de base dans les zones se trouvant sous son contrôle ainsi que dans de nombreuses autres échappant à son contrôle.
Nombre de personnes desservies par des organismes des Nations Unies, août 2016
32. Au cours de la période considérée, les livraisons transfrontalières à partir de la Turquie et de la Jordanie à destination de la République arabe syrienne se sont poursuivies en application des résolutions 2165 (2014), 2191 (2014) et 2258 (2015) du Conseil de sécurité (pour plus de détails, voir fig. III). Conformément à ces résolutions, l’ONU a notifié à l’avance chaque livraison aux autorités syriennes, y compris le contenu, la destination et le nombre de bénéficiaires. Le Mécanisme de surveillance de l’aide humanitaire en République arabe syrienne a poursuivi ses opérations, vérifiant 756 camions utilisés pour livrer 21 cargaisons en août, confirmant le caractère humanitaire de chacune de ces cargaisons et notifiant chaque livraison aux autorités syriennes après chaque opération. Il a continué de bénéficier de l’excellente coopération des Gouvernements jordanien et turc.
Nombre de personnes ayant bénéficié d’une assistance de l’ONU
et de ses partenaires par type d’assistance, grâce à des livraisons
transfrontières en août 2016 (En milliers)
33. Les convois interinstitutions à destination des zones assiégées et difficiles d’accès figurant dans le tableau 7 ont été menés à bien en août. Par ailleurs, le PAM a effectué 22 parachutages de denrées alimentaires et d’une aide humanitaire au nom d’autres organismes des Nations Unies au-dessus de la ville de Deir el-Zor. En outre, la cellule d’appui au Module mondial de la logistique du PAM a poursuivi les parachutages à Qamishli à partir de Damas. Au cours de la période considérée, des organismes des Nations Unies ont également effectué des livraisons individuelles dans des zones situées au-delà des lignes de front et des zones d’accès difficile ou ont desservi ces sites dans le cadre de leurs programmes ordinaires.
Convois interinstitutions, août 2016
34. L’Organisation mondiale de la Santé et l’UNICEF ont poursuivi leur campagne de vaccination à l’échelle nationale. La deuxième phase de cette campagne multi-antigène a été lancée le 24 juillet 2016 pour une semaine ; elle a ciblé 713 543 enfants de moins de 5 ans vivant dans des zones assiégées et difficiles d’accès dans 12 provinces. La campagne a ensuite été étendue à d’autres zones, ce qui a permis de vacciner au total 157 568 enfants au cours de cette phase. Les équipes du Ministère de la santé se sont rendues dans toutes les zones ciblées dans quatre provinces, à savoir Deraa, Lattaquié, Quneitra et Soueida.
Approche globale appliquée à l’ensemble de la Syrie : type d’assistance et nombre de personnes qui en ont bénéficié, juillet 2016
Financement du plan d’action humanitaire
35. L’état du financement du plan d’action humanitaire au 31 août 2016 est présenté dans la figure V.
Financement du plan d’action humanitaire au 31 août 2016
Sûreté et sécurité du personnel humanitaire et des locaux
des organismes humanitaires
36. Au total, 27 membres du personnel des Nations Unies, dont 25 membres du personnel de l’UNRWA, un du Programme des Nations Unies pour le développement et un de l’UNICEF, sont encore détenus ou portés disparus. Depuis le début du conflit, des douzaines d’agents humanitaires ont été tués, dont 18 membres du personnel des Nations Unies, 53 membres du personnel et volontaires du Croissant-Rouge arabe syrien et huit membres du personnel et volontaires de la Société du Croissant-Rouge palestinien. En outre, de nombreux membres du personnel d’organisations non gouvernementales internationales et nationales auraient été tués.
III. Observations
37. Au bout de cinq années d’un conflit désastreux, la situation humanitaire continue de se détériorer en République arabe syrienne. Au fil des mois, les hôpitaux, les écoles et les marchés étant détruits, les médecins, les enseignants et les commerçants tués, le pays sombre de plus en plus, et n’est plus que l’ombre de lui-même. À la fin août, la ville de Daraya, assiégée et attaquée sans relâche des années durant, a été complètement évacuée. À la fin du premier semestre de 2016, 900 000 autres personnes ont été déplacées et même pour celles qui ont pu retourner dans leurs foyers, les infrastructures de base sont souvent détruites. En particulier dans les zones précédemment contrôlées par l’EIIL, les niveaux élevés de contamination par des engins explosifs constituent un risque majeur. Grands sont les besoins en matière de protection pour tous, mais surtout pour les plus vulnérables, notamment les enfants, les personnes âgées et les personnes handicapées.
38. Mais alors que les besoins augmentent, les acteurs humanitaires des Nations Unies n’ont pas pu soutenir le rythme en matière de prestation de l’assistance. Les civils qui sont le plus dans le besoin, ceux vivant près des lignes de front et dans les zones assiégées par les parties au conflit, souffrent inutilement. Dans les pires des cas, leur souffrance est utilisée comme arme de guerre. Des appels sont lancés en leur faveur pour les secourir, sous la forme de demandes expresses d’accès présentées tous les mois et dans le cadre des réunions hebdomadaires de l’équipe spéciale chargée des questions humanitaires du Groupe international de soutien pour la Syrie, sans compter l’action que les agents humanitaires mènent bravement sur le terrain au quotidien. Mais plutôt que de s’améliorer, l’accès à ceux qui sont dans le besoin s’est détérioré.
39. L’ONU et ses partenaires ont toujours été disposés et continuent d’être prêts à remplir leur mission. Pourtant, au mois d’août, cinq convois interinstitutions seulement ont pu franchir les lignes de front pour fournir une assistance à moins de 200 000 personnes et cela n’a pu se faire qu’au cours des neuf derniers jours du mois, alors qu’on souhaitait apporter une assistance à plus d’un million de personnes sur 32 sites. Les problèmes d’accès tiennent à la poursuite du conflit et à l’insécurité qui continue de régner, ainsi qu’à des obstacles bureaucratiques : en raison du retard pris initialement par les autorités pour donner leur réponse au plan pour le mois d’août, qu’elles ont par la suite modifié deux fois, la liste finalement approuvée n’a été reçue que le 14 août ; des retards ont donc été enregistrés dans l’établissement des lettres de facilitation et l’approbation des articles à charger dans les convois. À Fouaa, Kafraya, Madaya et Zabadani, qui n’ont reçu aucune assistance depuis le 30 avril 2016 en raison des tensions entre les parties à l’accord de cessez-le-feu pour les quatre villes, tensions alimentées par de violents bombardements aériens à Edleb et des bombardements de Fouaa et de Kafraya, l’accès à ces localités a de nouveau été bloqué en août.
40. L’ONU continue de s’acquitter de sa mission d’assistance. L’Organisation et ses partenaires ont apporté une assistance à près de 6 millions de personnes en juillet, et le PAM à lui seul a fourni une assistance alimentaire à quelque 4,19 millions de personnes dans l’ensemble de la République arabe syrienne en août. Tous les mois, des centaines de camions franchissent la frontière, transportant une assistance vitale. Pourtant, même ces chiffres ne représentent que la moitié des 13,5 millions de personnes qui, selon nos estimations, sont dans le besoin. Il faut faire davantage pour atteindre toutes ces personnes. Il faut que les parties au conflit nous permettent de nous rendre dans les zones les plus difficiles d’accès, que ceux qui ont de l’influence sur les parties au conflit fassent montre de plus de volonté politique et accordent la priorité aux questions humanitaires, et que, avec un plan d’action financé seulement à 33 % pour 2016, les États Membres fournissent plus de ressources pour permettre à l’Organisation des Nations Unies de remplir notre mission.
41. Certes, les organismes à vocation humanitaire mettent tout en œuvre pour alléger la souffrance des populations victimes d’un conflit qui est désormais le pire d’une génération, mais ce qu’il faut vraiment c’est que le conflit cesse. Alors que les dirigeants du monde vont se réunir pour la soixante-onzième session de l’Assemblée générale fin septembre, il ne peut y avoir d’objectif plus pressant que de mobiliser collectivement leur pouvoir pour mettre un terme à la plus grande tragédie humanitaire de notre temps. J’invite tous les États Membres, ceux qui sont engagés dans le conflit, ceux qui participent aux travaux du Groupe international de soutien pour la Syrie, ceux qui ont de l’influence, à agir. Le monde observe.
Source : S/2016/796
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