Le général Mattis en discussion avec le président du Comité militaire de l’Alliance, le général tchèque Petr Pavel.

À la réunion du Conseil Atlantique-Nord, qui s’est ouverte le 15 février à Bruxelles, la ministre Pinotti et les autres ministres européens de la Défense ont poussé un soupir de soulagement : l’Otan n’est pas « obsolète », comme l’avait déclaré le président Trump. Dans sa première intervention officielle hier à Bruxelles, le nouveau secrétaire états-unien à la Défense, Jim Mattis, a assuré que l’Otan reste « la base fondamentale pour les États-Unis ».

C’est « l’alliance militaire qui dans l’histoire a eu le plus grand succès », a-t-il dit aux journalistes pendant qu’il était en vol vers Bruxelles, apportant comme preuve de l’engagement états-unien dans l’Alliance le fait que l’unique commandement Otan avec quartier général aux États-Unis est celui du Commandant suprême allié pour la transformation (Sact), charge déjà assumée par Mattis lui-même. Le Sact, responsable du Comité militaire (la plus haute autorité militaire de l’Otan), « promeut et contrôle la transformation continue des forces et capacités de l’Alliance ». Dans les 20 dernières années, a souligné Mattis, l’Otan s’est transformée (elle a en effet englobé tous les pays de l’ex-Pacte de Varsovie, trois de l’ex-URSS et trois de l’ex-Yougoslavie), mais « doit continuer à se transformer pour s’adapter à ce qui s’est passé en 2014, année de tournant dans laquelle nos espoirs de quelque partenariat avec la Russie se sont démontrés infructueux ». Il faut pour cela « êtres certains que le lien transatlantique reste fort ». Pour preuve de cela, le secrétaire général de l’Otan Stoltenberg, dans sa déclaration conjointe avec le secrétaire Mattis, a confirmé hier que « des troupes et équipements états-uniens sont en train d’arriver en Pologne et dans les pays baltes, montrant clairement la détermination des États-Unis à rester aux côtés de l’Europe dans cette période tourmentée ».

Sous commandement des États-Unis (à qui revient la charge du Commandant suprême allié en Europe), l’Otan continue ainsi à s’agrandir à l’Est, à renforcer le déploiement sur le front oriental en fonction anti-Russie, malgré les intentions déclarées du président Trump d’ouvrir une négociation avec Moscou. En même temps, l’Otan potentialise le front méridional avec de nouveaux dispositifs militaires. « Aujourd’hui nous déciderons de constituer un nouveau Hub pour le Sud auprès de notre Commandement de la force conjointe à Naples », a annoncé Stoltenberg, en soulignant que « cela nous permettra d’évaluer et affronter les menaces provenant de la région, en complément du travail réalisé par notre nouvelle division de Renseignement constituée ici au quartier général de l’Otan ».

Avec grande satisfaction pour la ministre Pinotti, l’importance de l’Italie augmente dans ce que Stoltenberg, en ouvrant le Conseil Atlantique Nord, a défini comme « projection de stabilité au-delà de nos frontières ». Le nouveau « Hub pour le Sud », qui sera installé à Naples, constituera la base opérationnelle pour la projection de forces terrestres, aériennes et navales dans une « région » aux contours indéfinis, comprenant l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, mais aussi des aires au-delà de celles-ci. Pour de telles opérations, la « Force de riposte » de l’Otan est disponible, augmentée à 40 000 soldats, en particulier sa « Force de pointe à très haute rapidité opérative », qui peut être projetée en 48 heures « partout à n’importe quel moment ». Le nouveau « Hub pour le Sud », réalisé auprès du Commandement de la force conjointe allié dont le quartier général est situé à Lago Patria (Naples), sera sous les ordres de l’aguerrie amirale états-unienne Michelle Howard qui, en plus d’être à la tête du Commandement Otan, est commandante des Forces navales US pour l’Europe et de celles pour l’Afrique. Ainsi même le nouveau « Hub pour le Sud » entrera dans la chaîne de commandement du Pentagone.

Tout cela a un prix. Mattis a rappelé la demande péremptoire que tous les alliés européens portent la dépense pour la « Défense » à au moins 2 % du PIB. Seuls cinq pays membres ont atteint ou dépassé ce niveau : les États-Unis (3,6%), la Grèce, la Grande-Bretagne, l’Estonie et la Pologne. L’Italie est derrière avec « à peine » 1,1 % de son PIB, mais elle est en train de faire des progrès : selon les données officielles Otan, la dépense italienne pour la « Défense » a augmenté en 2015-2016 de 17 642 à 19 980 millions d’euros, équivalents en moyenne à 55 millions d’euros par jour. La dépense militaire effective est beaucoup plus haute, car le bilan de la « Défense » ne comprend pas les missions militaires à l’extérieur, financées par un fonds spécifique du ministère de l’Économie et des Finances, ni le coût d’importants armements financés aussi par la Loi de stabilité. Stoltenberg, heureux, annonce qu’enfin l’Otan « a tourné une page », en accroissant la dépense militaire en 2015-2016 de 3,8 % en termes réels, c’est-à-dire d’environ 10 milliards de dollars. La ministre Pinotti est confiante dans le fait que l’Italie arrivera aux 2 %, c’est-à-dire à dépenser 100 millions d’euros par jour pour la « défense ».

Le chômage augmentera, mais nous aurons la satisfaction d’avoir à Naples le nouveau « Hub pour le Sud ».

Traduction
M.-A.
Source
Il Manifesto (Italie)