Officiellement les États-Unis ne participent plus à l’opération de destruction de la Syrie et du Yémen. Ils se battraient contre les jihadistes. Pourtant, le département de la Défense continue à acheminer des armes aux jihadistes. Une ligne régulière d’approvisionnement vient d’être installée.
Il s’appelle Liberty Passion (Passion pour la liberté). C’est un très moderne et énorme navire états-unien de type Ro/Ro (projetée pour transporter des véhicules et des charges sur roues) : long de 200 mètres, il a 12 ponts avec une superficie totale de plus de 50 000 m2, permettant le transport d’une charge équivalente à 6 500 automobiles.
Le navire, appartenant à la compagnie états-unienne « Liberty Global Logistics », a fait sa première escale le 24 mars dans le port de Livourne. Ainsi est lancée officiellement une liaison régulière entre Livourne et les ports d’Aqaba en Jordanie et Djeddah en Arabie saoudite, effectuée mensuellement par le « Liberty Passion » et par ses deux confrères Liberty Pride (Orgueil de Liberté) et Liberty Promise (Promesse de liberté). L’ouverture de ce service a été célébrée comme « une fête pour le port de Livourne ».
Personne ne dit, cependant, pourquoi la compagnie états-unienne a choisi justement le port toscan. Un communiqué de l’Administration maritime états-unienne l’explique [1] : le Liberty Passion et les deux autres navires, qui effectuent la liaison Livourne-Aqaba-Djeddah, font partie du « Programme de sécurité maritime » qui, dans un partenariat public-privé, « fournit au département de la Défense une puissante flotte mobile de propriété privée, avec pavillon et équipages états-uniens ». Les trois navires ont chacun « la capacité de transporter des centaines de véhicules de combat et d’appui, parmi lesquels chars d’assaut, véhicules pour le transport de troupes, hélicoptères et équipements pour les unités militaires ».
Claire est donc la raison pour laquelle, pour la liaison avec les deux ports moyen-orientaux, la compagnie états-unienne a choisi le port de Livourne. Il est relié à Camp Darby, la base logistique limitrophe de l’US Army, qui approvisionne les forces terrestres et aériennes états-uniennes dans l’aire méditerranéenne, moyen-orientale, africaine et au-delà. C’est l’unique site de l’armée US dans lequel le matériel pré-positionné (chars d’assaut etc. ) est basé au même endroit que les munitions : dans ses 125 bunkers se trouve l’entier équipement de deux bataillons blindés et deux d’infanterie mécanisée. Y sont stockées aussi d’énormes quantités de bombes et de missiles pour avions, avec les « kit de montage » pour construire rapidement des aéroports en zones de guerre. Ceux-ci et d’autres matériels guerriers peuvent être rapidement envoyés en zone d’opération à travers le port de Livourne, relié à la base par le Canal des Navicelli récemment élargi, et à travers l’aéroport militaire de Pise. D’où sont parties les bombes utilisées dans les guerres contre l’Irak, la Yougoslavie et la Libye.
Dans son voyage inaugural —rapportent des sources documentées (Asianews [2] et autres)— le Liberty passion a transporté 250 véhicules militaires de Livourne au port jordanien d’Aqaba où, après avoir traversé le Canal de Suez, il est arrivé le 7 avril. Deux jours auparavant, à Washington, le président Trump recevait le roi Abdullah, pour la seconde fois depuis février, en réaffirmant l’appui états-unien à la Jordanie face à la menace terroristes provenant de Syrie. Alors qu’en Jordanie précisément ont été entraînés pendant des années —par des instructeurs états-uniens, britanniques et français— des militants de l’ « Armée syrienne libre » pour des attaques terroristes en Syrie.
Divers rapports indiquent de croissants mouvements de troupe états-uniennes, dotées de chars d’assaut et de véhicules blindés, à la frontière jordano-syrienne. L’objectif serait de s’emparer, en utilisant aussi des troupes jordaniennes, de la bande méridionale du territoire syrien, où opèrent des forces spéciales états-uniennes et britanniques en soutien à l’ « Armée syrienne libre » qui affronte Daesh. En février déjà le président Trump avait discuté avec le roi Abdullah « la possibilité d’établir des zones sûres en Syrie ». En d’autres termes, la possibilité de balkaniser la Syrie étant donné l’impossibilité de contrôler la totalité de son territoire, à la suite de l’intervention russe.
À cette opération guerrière et d’autres encore, parmi lesquelles la guerre saoudienne qui massacre des civils au Yémen, servent les armes US qui partent de Livourne. Ville où, à l’invitation du maire Nogarin (mouvement 5 étoiles), viendra probablement en visite le pape François, qui hier a de nouveau dénoncé « les trafiquants d’armes qui font de l’argent su le sang des hommes et des femmes ». Pendant qu’à Livourne on fête le choix du port toscan comme escale de la « Liberty Global Logistics » avec de grandes perspectives de développement. Tant qu’il y a de la guerre, il y a de l’espoir [3].
[1] “U.S. Department Of Transportation Secretary Elaine L. Chao Welcomes The Addition Of M/V LIBERTY PASSION To Maritime Security Program”, News Release #DOT 23-17, Marad, March 3, 2017.
[2] “Jordan strengthens military presence on border with Syria and Iraq”, Pierre Balanian, AsiaNews, April 11, 2017.
[3] Finché c’è guerra, c’è speranza (Tant qu’il y a de la guerre il y a de l’espoir) est le titre d’un célèbre film italien (1974), dirigé et interprété par Alberto Sordi, qui raconte l’histoire d’un commerçant qui s’enrichit en vendant des armes dans des pays du tiers-monde ravagés par la guerre. NdT
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