Depuis plus de trois semaines, des dizaines de milliers de Français expriment leur colère, sur des ronds-points, des péages, près de zones commerciales ou dans les rues de nombreuses villes de France.

Cette colère vient de loin. Elle a longtemps couvé, elle est souvent restée muette, par pudeur et par fierté. Elle est aujourd’hui exprimée avec force et de façon collective. Cette colère, il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas la voir, ni l’entendre. Comme le Président de la République, comme les parlementaires, cette colère, je l’entends et j’en mesure à la fois la réalité, la force et la gravité.

C’est la colère de la France qui travaille, dur, et qui peine à joindre les deux bouts, la colère des Français qui sont le dos au mur, celles aussi des mères de famille qui élèvent seules leurs enfants. Cette colère prend sa source dans une profonde injustice. Celle de ne pas pouvoir vivre dignement du fruit de son travail. De ne pas pouvoir subvenir aux besoins de ses enfants alors que les journées de travail commencent tôt et finissent tard, surtout si l’on y ajoute le temps de transport.

Pendant ces dernières semaines, j’ai beaucoup consulté. Les partenaires sociaux. Les élus locaux et les associations. Les parlementaires. Les responsables de l’ensemble des partis politiques. J’ai écouté les Français et leurs représentants. J’en tire deux premières conclusions.

Les Français qui ont enfilé un gilet jaune aiment leur pays, ils veulent que les impôts baissent et que le travail paye : c’est aussi ce que nous voulons. Ce sont aussi nos valeurs. C’est le coeur de l’engagement du Président de la République. Et si je n’ai pas réussi à l’exprimer, si la majorité a peiné en convaincre les Français, c’est que je dois et que nous devons changer quelque chose. Nous avons déjà pris des mesures fortes sur le pouvoir d’achat (la baisse de la taxe d’habitation, la baisse des cotisations). Avec la prime d’activité et l’augmentation du

SMIC au 1er janvier, nous aurons une hausse de plus de 3% du SMIC net [1], c’est à dire une des plus importantes de ces 25 dernières années. Notre objectif, c’est que le travail paye et nous avons bien entendu les Français qui nous demandent d’accélérer.

Je suis par ailleurs convaincu que si l’Etat doit rester fort, et ferme, il est d’abord garant de la paix publique. Fixer le cap et le tenir est une nécessité pour gouverner la France, mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la Nation.

Depuis le début du mouvement, quatre de nos compatriotes ont trouvé la mort. Plusieurs centaines de concitoyens, en particulier des membres de nos forces de l’ordre, ont été blessés. Des menaces et des insultes s’expriment sans retenue, contre les élus de la Nation et contre les gilets jaunes eux-mêmes. Cela ne ressemble pas à ce que nous voulons être. Les violences doivent cesser.

C’est pourquoi, dans un souci d’apaisement, nous avons pris, avec le Président de la République, les décisions suivantes.

En premier lieu, trois mesures fiscales devaient entrer en vigueur le 1er janvier 2019 :
 la hausse de la taxe carbone, sur l’essence, le fioul et le diesel ;
 la convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l’essence ;
 et enfin, pour les professionnels, l’alignement sur la fiscalité des particuliers de la fiscalité du gazole des entrepreneurs non routiers, ce qu’on appelle le GNR.

Après avoir entendu cette demande exprimée par tous mes interlocuteurs au cours des consultations de ces derniers jours, je suspends, pour une durée de 6 mois, ces mesures fiscales ; elles ne s’appliqueront pas avant d’être débattues par toutes les parties prenantes. Nous voulons dans ce laps de temps identifier et mettre en oeuvre des mesures d’accompagnement justes et efficaces. Si nous ne les trouvons pas, nous en tirerons les conséquences.

Ensuite, j’ai entendu l’inquiétude sur les modalités du contrôle technique, qui le compliquent et le rendent plus cher. Là aussi, je suspends cette mesure, pour une durée de 6 mois, pour trouver les justes adaptations.

Enfin, les tarifs de l’électricité et du gaz devaient augmenter en début d’année. Ni les tarifs de l’électricité, ni ceux du gaz n’augmenteront durant la concertation et donc durant l’hiver qui s’annonce.

Ces décisions, immédiates, doivent ramener l’apaisement et la sérénité dans le pays.

Elles doivent nous permettre d’engager un vrai dialogue sur l’ensemble des préoccupations qui se sont exprimées ces dernières semaines.

Il faut réfléchir ensemble au rythme de la transition écologique tout en gardant l’ambition. Nous devons dépolluer nos villes, lutter contre le changement climatique, qui menace d’abord les plus faibles. Nous devons mieux accompagner les Français dans cette transition. C’est un impératif.

Le Gouvernement a fait des propositions. Peut-être sont-elles insuffisantes, ou inadaptées. Les solutions doivent être différentes dans les grandes villes et les campagnes. Parlons-en, améliorons-les. Complétons-les. J’y suis prêt.

J’ai demandé aux ministres en charge de réunir les partenaires sociaux et les élus locaux pour étudier ensemble les meilleures manières d’aider les personnes qui travaillent loin de leur domicile. Réfléchissons à une meilleure prise en charge des transports, notamment hors des villes, par exemple sous forme d’une prime mobilité. Mobilisons-nous, avec les partenaires économiques, pour investir plus vite dans le logement. Les partenaires économiques et sociaux sont prêts à se saisir de ces questions. Je leur fais confiance, pour trouver avec les élus locaux des solutions qui améliorent effectivement la vie quotidienne des Français.

Enfin, je veux ouvrir un large débat sur les impôts et les dépenses publiques. Il faut plus de transparence sur les impôts en France. Nos impôts sont les plus élevés d’Europe, notre système fiscal est terriblement complexe et il est souvent critiqué parce qu’il serait injuste. Discutons des modifications qu’il faut lui apporter. Et rappelons des règles claires.

D’abord, si les évènements de ces derniers jours ont démontré une chose, c’est que les Français ne veulent ni hausses d’impôts, ni nouvelles taxes.

Ensuite, si les impôts baissent, il faudra que les dépenses baissent, car nous ne voulons pas léguer des dettes à nos enfants ; cela s’applique dès à présent pour la suspension des taxes que je viens de décider. Et il nous faudra débattre du juste niveau du service public dans les territoires, et notamment les territoires ruraux. Car ce que nous avons entendu, c’est aussi une demande de plus de service public.

Cette concertation, ne doit ressembler à aucune autre. Il y a aura bien sûr un dialogue au niveau national. Mais le débat doit aussi avoir lieu au plus près des Français, sur tous les territoires, dans leur diversité. Nous travaillons pour trouver une organisation appropriée, qui permette à tous les Français qui le souhaitent de s’exprimer. En mobilisant les institutions qui sont les lieux naturels des concertations ; en mobilisant les organisations syndicales et patronales, les ONG, les collectivités locales (je pense notamment aux maires), les parlementaires ; en démultipliant les façons de participer : il faudra des réunions locales, des conférences nationales thématiques, des sites internet, des débats filmés…

Le débat commencera dès le 15 décembre et il se terminera pour le 1er mars. Il devra déboucher sur des traductions concrètes dans la vie quotidienne de nos compatriotes.

Un mot sur les manifestations : tous les Français ont le droit de manifester. Mais tous les Français ont aussi droit à la sécurité, à circuler, à vivre normalement. Le Gouvernement n’accepte pas les violences qui ont eu lieu samedi dernier, contre les forces de l’ordre, contre les monuments nationaux, les bâtiments publics et contre les commerces. Ceux qui ont cassé ces lieux ont cassé les biens des Français. Ce sont les impôts des Français qui seront utilisés pour réparer les dégâts et indemniser. Je veux dire de la façon la plus claire que les auteurs de ces actes sont recherchés, et qu’ils seront punis.

S’il y a une nouvelle journée de mobilisation samedi, elle doit être déclarée et elle doit se dérouler dans le calme. Le ministre de l’Intérieur mobilisera tous les moyens nécessaires pour faire respecter la loi et l’ordre, et je voudrais dire à nos policiers et à nos gendarmes tout à la fois mon admiration pour leur dévouement et leur sang-froid, mais aussi notre détermination à leur apporter tout le soutien nécessaire.

C’est maintenant le temps du dialogue. J’ai la conviction que quand on met des Français de bonne volonté autour d’une table et qu’on travaille sérieusement, on trouve des solutions. C’est ce que je vous propose de faire.

Je vous remercie.

[1NdlR : il s’agit de la revalorisation prévue par la loi au 1er janvier (1,8 %), augmentée des baisses de charge.