J’ai l’honneur de vous écrire au sujet de la lettre datée du 18 décembre 2018 que les Représentants permanents de l’Allemagne, de la France et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ont adressée au Secrétaire général (S/2018/1171). D’ordre de mon gouvernement, je souhaiterais appeler votre attention sur ce qui suit.

Dans cette lettre où figure une référence erronée au Régime de contrôle de la technologie des missiles, le tir de missile effectué lors d’un essai est considéré à tort comme une « activité liée aux missiles balistiques conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires », qu’aux termes du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) du Conseil de sécurité la République islamique d’Iran est tenue de ne pas mener. Il s’agit là d’une tentative infructueuse d’interprétation arbitraire de ce paragraphe par la mise en avant d’un critère qui appartient au cercle exclusif du Régime de contrôle de la technologie des missiles. Comme nous l’avons déclaré à maintes reprises, notamment dans ma lettre datée du 28 novembre 2018 (S/2018/1061), ce paragraphe ne comporte aucune référence explicite ou implicite au Régime de contrôle ou aux définitions et critères qui y figurent. Ainsi, puisqu’aucune de ces définitions et aucun de ces critères ne sont applicables au paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), nous rejetons catégoriquement toute tentative de réinterprétation de ce paragraphe au moyen desdits critères et desdites définitions. Les critères de ce régime de contrôle des exportations exclusif et fermé ne sont que le fruit d’une entente politique entre les 35 États membres et ne revêtent aucun caractère juridique contraignant, y compris pour ces derniers. En conséquence, toute tentative de présentation de ces critères comme étant universellement acceptés est incontestablement prématurée et de ce fait totalement inacceptable.

Il convient également de noter que le Conseil de sécurité a déjà examiné la question des tirs de missiles balistiques mais que, comme mentionné dans le rapport du Secrétaire général (S/2016/589), ses membres « ne sont parvenus à aucun consensus quant à la question de savoir si la résolution 2231 (2015) s’appliquait précisément à ces tirs ».

La République islamique d’Iran souligne une fois encore que la substitution de l’expression « conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires » à l’expression « pouvant emporter des armes nucléaires » qui était employée dans la résolution 1929 (2010) du Conseil de sécurité, dont les dispositions ont été levées, a procédé d’une décision prise à l’issue de longues négociations, qui visait à exclure du champ d’application de la résolution le programme iranien de missiles de défense « conçu » exclusivement pour que lesdits missiles puissent emporter des têtes classiques. En conséquence, puisqu’aucun missile iranien n’est « conçu pour pouvoir emporter des armes nucléaires », les dispositions du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015) ne limitent en rien les activités liées aux missiles balistiques classiques de la République islamique d’Iran, lesquelles non seulement ne contreviennent pas aux dispositions susmentionnées mais n’entrent pas dans le champ d’application de la résolution concernée.

En outre, les auteurs de la lettre susmentionnée procèdent à une analyse extrêmement bizarre et entachée d’erreur, qui demeure incompatible avec le paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015). Les dispositions figurant dans ce paragraphe, qui sont très claires et n’ont donc pas besoin d’être interprétées, n’ont rien à voir avec le « programme mené par la République islamique d’Iran pour mettre au point des missiles balistiques ». Il ne fait donc aucun doute qu’il est fallacieux de tenter d’étendre le champ d’application spécifique de ce paragraphe à des domaines qui en sont exclus tels que les activités liées au programme iranien de développement de missiles balistiques. Cette approche, qui obéit à des mobiles politiques et illustre la position foncièrement incohérente et paradoxale de ces pays, montre qu’il n’existe pas de véritable préoccupation face à la possibilité de voir l’Iran mettre au point des missiles balistiques « conçus pour pouvoir emporter des armes nucléaires », étant donné qu’il n’existe pas une seule preuve pour l’étayer. Au contraire, en essayant de présenter comme un motif de préoccupation les moyens défensifs exclusivement composés de missiles balistiques conventionnels détenus par l’Iran, soit en recourant à des critères non pertinents comme le Régime de contrôle de la technologie des missiles afin d’accuser le pays de ne pas se conformer aux dispositions du paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), soit en élargissant arbitrairement le champ d’application de ces dispositions à l’ensemble du programme iranien de missiles balistiques, ces pays ne font que manifester clairement leur mauvaise intention.

C’est le même raisonnement perfide qui fait écrire à ces pays dans leur lettre que l’activité liée aux missiles balistiques menée par l’Iran « a un effet déstabilisant et exacerbe les tensions dans la région », alors même que le programme iranien de missiles balistiques, en sa qualité de force dissuasive des menaces contre la sécurité, est une source sûre de stabilité régionale. Contrairement à ce que pensent ces pays, l’instabilité et l’insécurité régionales découlent principalement des agressions commises par le régime israélien contre des pays de la région, dont la Palestine et la République arabe syrienne, ainsi que des brutalités que d’autres pays agresseurs de la région font subir depuis quatre ans au peuple yéménite opprimé, toutes ces exactions étant menées, perpétuées et aggravées au moyen d’armes sophistiquées que l’Allemagne, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni exportent massivement, transformant la région en poudrière. En poursuivant de manière effrénée leurs exportations d’armes dans la région, ces pays nous rappellent qu’ils ont apporté un soutien inconditionnel au régime de Saddam Hussein dans le passé, lors de son agression contre l’Iran, en fournissant à ses troupes des avions de combat et des missiles de pointe qui ont servi à bombarder les villes iraniennes, ainsi que des agents chimiques qui ont causé la mort de civils dans les villes et villages des deux pays. Il va de soi que toutes les fausses informations qui peuvent circuler ou être fabriquées et toutes les accusations portées contre les moyens de dissuasion conventionnels détenus par les pays de la région ne sauraient dissimuler les politiques irresponsables de ces pays et les autres activités malfaisantes qu’ils y ont menées.

De même, les allégations infondées qu’ils soulèvent à l’égard de l’Iran ne peuvent suffire à détourner l’attention de la politique expansionniste et des pratiques bellicistes du régime israélien ainsi que de son rôle déstabilisateur dans la région, dont les plus récentes illustrations ont été la menace d’anéantissement par les armes nucléaires proférée le 29 août 2018 (S/2018/859) et l’annonce de la mise au point de missiles offensifs pouvant atteindre n’importe quelle cible partout dans la région, soit une menace implicite pour tous les pays concernés (S/2018/1156). De plus, en soulevant d’un côté des allégations infondées contre les moyens défensifs conventionnels de l’Iran et en observant d’un autre côté un silence meurtrier sur le danger que représentent les armes nucléaires et autres armes de destruction massive détenues par le régime israélien, ces pays occidentaux montrent à quel point leurs principes d’action sont partiaux, irresponsables, incohérents et hypocrites.

Accueillant avec satisfaction tous les efforts tendant véritablement à « promouvoir l’application par tous les États de la résolution 2231 (2015) » comme énoncé dans la lettre susmentionnée (S/2018/1171), nous tenons à souligner qu’une telle action doit être menée de manière cohérente dans tous les pays, en particulier ceux qui sont connus pour avoir violé les dispositions de la résolution et ceux qui prennent des mesures subversives à cette fin. Dans cet esprit, les trois pays européens visés, au lieu de soulever des allégations infondées contre les moyens défensifs conventionnels de l’Iran et interpréter de manière arbitraire le paragraphe 3 de l’annexe B de la résolution 2231 (2015), devraient prendre des mesures concrètes contre les violations flagrantes et systématiques des dispositions de cette résolution par les États-Unis et mettre tout en œuvre pour s’acquitter des obligations que leur fait le Plan d’action global commun qui est indissociable de la résolution 2231 (2015).

Je tiens également à souligner qu’en tant que pays situé dans la région la plus instable et troublée du monde, la République islamique d’Iran est pleinement fondée à développer des moyens conventionnels crédibles propres à dissuader toute menace contre sa sécurité, toute agression ou attaque armée, y compris les actes terroristes, et à lui permettre de se défendre contre elles. En conséquence, comme il l’énonce dans la déclaration de la République islamique d’Iran faite à la suite de l’adoption par le Conseil de sécurité de la résolution 2231 (2015) entérinant le Plan d’action global commun (S/2015/550), l’Iran « continuera de prendre les mesures nécessaires pour renforcer sa défense afin de protéger sa souveraineté, son indépendance et son intégrité territoriale contre toute agression et de contrer la menace du terrorisme dans la région. Dans ce contexte, les moyens militaires iraniens, y compris ses missiles balistiques, ont pour seule fin sa légitime défense. Ils n’ont pas été conçus comme des moyens de destruction massive et sont de ce fait en dehors du champ d’application de la résolution du Conseil de sécurité et de ses annexes ».

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire distribuer le texte de la présente lettre comme document du Conseil de sécurité.

Source : Onu S/2019/49