Nous, Directeurs politiques du groupe restreint de la Coalition internationale contre Daech, nous sommes réunis aujourd’hui à Paris à l’invitation de M. Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères, pour réaffirmer notre détermination à poursuivre le combat contre Daech après la libération des territoires sous son emprise ainsi qu’à créer les conditions d’une victoire durable contre ce groupe terroriste par des efforts constants et multiformes. En nous appuyant à la fois sur les Principes directeurs de la Coalition, adoptés à Koweït en février 2018, et sur la Déclaration des ministres de la Coalition publiée en février 2019, nous proposons cette feuille de route pour exprimer notre vision de l’engagement à venir de la Coalition à la suite de la défaite territoriale de Daech en Syrie et en Irak.

La libération finale de tous les territoires occupés par Daech en Irak en et Syrie a été annoncée le 23 mars 2019. Cette étape importante de la lutte contre le terrorisme est le résultat de plus de quatre années d’action militaire et civile pour libérer l’Irak et le nord-est de la Syrie de l’emprise de Daech. À son apogée, le groupe terroriste avait établi son contrôle sur près de 110 000 kilomètres carrés de territoire, notamment des villes importantes en Irak comme en Syrie, et avait attiré plus de 40 000 combattants terroristes étrangers. Aujourd’hui, Daech ne contrôle plus de territoire et plus de 7,7 millions de personnes ont échappé à sa domination. Tout aussi important que son effort militaire, la Coalition a encouragé ses partenaires à lever quelque 20 milliards de dollars d’aide humanitaire et de stabilisation au bénéfice des populations irakienne et syrienne, et elle a mené à bien la formation et l’équipement de plus de 210 000 membres des forces de police et de sécurité dans le but de stabiliser les communautés locales et d’alléger leurs souffrances. . Cette réussite a été atteinte au prix de lourds sacrifices : des dizaines de milliers de partenaires locaux en Syrie et en Irak sont décédés en combattant Daech, et au moins 46 militaires de la Coalition ont perdu la vie en participant à l’opération Inherent Resolve.

Nous félicitons les forces irakiennes, nos partenaires locaux sur le terrain et nos forces armées pour leur courage qui a permis à la Coalition de franchir cette étape majeure essentielle à la sécurité internationale et à la stabilité de l’Irak et de la Syrie.

Toutefois, la défaite territoriale de Daech ne ne représente pas l’éradication du groupe terroriste ou de la menace qu’il constitue. . Alors qu’il continue d’inspirer des attaques terroristes à travers une propagande active, il a également prouvé sa résilience et sa capacité d’adaptation en continuant de mener des attaques ôtant des vies humaines. Daech a utilisé ses cellules actives dans la région pour attaquer nos partenaires et la population civile en Irak comme en Syrie, et nous avons récemment constaté une augmentation de ses attaques au Levant. Il s’agit d’une préoccupation majeure pour toute la Coalition, puisque les avancées clés réalisées grâce à notre action militaire ainsi que la stabilité nécessaire à la reconstruction sont menacées. Daech a été vaincu sur le plan territorial, mais le travail à mener pour assurer la défaite durable du groupe terroriste est encore devant nous.

Dans un moment clé comme celui que nous vivons, où les résultats acquis de haute lutte par notre action militaire sont en jeu, la réunion de Paris a mis en évidence la nécessité d’un engagement renforcé de la Coalition. Celle-ci doit demeurer unie et déterminée dans sa mission visant à affaiblir et à vaincre Daech par une approche globale qui intègre des actions militaire, humanitaire, politique, de stabilisation et de communication dans la période à venir.

Nous devons maintenir un niveau approprié d’engagement militaire dans la zone centrale d’influence de Daech pour soutenir le gouvernement irakien et nos partenaires locaux en Syrie dans leurs efforts constants de lutte contre les cellules clandestines du groupe terroriste. Compte tenu de la situation de sécurité incertaine sur le terrain, il est particulièrement important que les forces militaires de la Coalition restent au Levant afin d’apporter le soutien nécessaire à nos partenaires. Elles continueront de renforcer les capacités des forces de sécurité irakiennes, en étroite collaboration avec les autres acteurs internationaux impliqués, comme l’OTAN et l’Union européenne.

Nous devons également continuer de coopérer étroitement afin d’empêcher les combattants terroristes étrangers, notamment ceux qui sont détenus, vivent dans la clandestinité ou hors des territoires contrôlés par la Coalition, de retourner sur les champs de bataille en Irak et en Syrie ou de se déplacer ailleurs et de planifier des attaques à l’étranger. Le partage d’informations entre tous les partenaires à propos des combattants terroristes étrangers de Daech et de leurs déplacements est essentiel pour lutter efficacement contre ce phénomène, y compris par l’intermédiaire d’INTERPOL, comme il en a été convenu lors du sixième examen de la Stratégie antiterroriste mondiale des Nations Unies. En outre, nous devons respecter toutes les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies qui interdisent la fourniture de toute forme de soutien, direct ou indirect, aux déplacements des combattants terroristes étrangers de Daech.

Nous devons continuer d’accroître nos contributions financières humanitaires et de stabilisation au profit des territoires libérés. La réunion de Paris a permis à nombre de partenaires de s’engager à fournir des contributions supplémentaires afin de remédier aux manques de financement identifiés. Cet engagement renouvelé souligne la détermination de la Coalition à relever les défis qui l’attendent ainsi que celle de s’attaquer aux causes structurelles de la crise. En ce qui concerne l’Irak, la réunion de Paris a permis d’évoquer les moyens de coopérer avec le gouvernement du pays pour apporter une réponse adéquate aux besoins en matière d’aide humanitaire et de stabilisation. Nous continuons à soutenir le gouvernement irakien, en étroite collaboration avec les Nations Unies et d’autres organisations et partenaires internationaux, pour aider les populations locales à se relever, empêcher la résurgence de Daech et ouvrir la voie à un processus de reconstruction inclusif et mené par le gouvernement irakien, dans la lignée de la Conférence internationale de Koweït pour la reconstruction de l’Irak. Au nord-est de la Syrie, nous continuons de nous concentrer sur la fourniture d’aide humanitaire et de stabilisation dans le but d’améliorer le quotidien des populations vulnérables, rendant ainsi possible un relèvement durable après l’occupation de Daech. Nos efforts doivent inclure une analyse des problématiques liées au genre afin de garantir la bonne prise en compte des besoins de l’ensemble de la population.

Nous demeurons entièrement mobilisés en soutien des efforts politiques nécessaires pour promouvoir la stabilité régionale. En Irak, la Coalition se félicite de la réussite des élections démocratiques organisées l’an dernier ainsi que des efforts actuels du gouvernement pour mettre la reconstruction du pays sur la bonne voie. En particulier, la Coalition doit continuer à soutenir la gouvernance inclusive et les initiatives promouvant une réconciliation menée au niveau de la communauté, ainsi que les perspectives d’amélioration des moyens de subsistance, pour faire en sorte que Daech ne puisse jamais réapparaître. En Syrie, la Coalition se tient aux côtés du peuple syrien pour soutenir une transition politique réelle qui s’appuie sur la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations Unies, et qui vise à mettre en place un gouvernement inclusif et non partisan représentant la volonté de tous les Syriens comme à faire respecter l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Syrie. Au nord-est de la Syrie, la Coalition doit apporter son appui à toutes les initiatives visant à promouvoir une gouvernance inclusive et représentative. Il est également important d’insister, dans ce contexte, sur l’intégration des femmes dans les processus de prise de décisions politiques et de réconciliation tant en Irak qu’en Syrie.

Le Levant n’est pas la seule région où des efforts considérables sont requis : Daech et les groupes qui lui sont affiliés ont montré qu’ils étaient capables de frapper les membres de la Coalition et leurs alliés dans le monde entier. Les attentats de Pâques dernier au Sri Lanka et les déclarations postérieures d’Abou Bakr Al-Baghdadi, chef de Daech, témoignent du regain d’intérêt de l’organisation pour son système de réseaux et de filiales depuis la chute de son califat autoproclamé en Irak et en Syrie. En invitant le Sri Lanka, le Mali et le Burkina Faso à participer en tant qu’observateurs à la réunion de la Coalition, l’évènement de Paris a démontré la volonté de la Coalition de partager son expertise dans le monde entier à l’échelle globale.. Pour empêcher Daech d’étendre encore son influence et son pouvoir, il est essentiel que la Coalition détermine où et comment elle peut contribuer efficacement à la lutte contre ses filiales et ses réseaux internationaux, sans répliquer le modèle centré autour de l’aaction militaire qui a été développé au Levant depuis 2014. Cela nécessitera des instruments civils tels que le partage d’informations, le renforcement de la sécurité aux frontières, de la sûreté maritime et de la sûreté de l’aviation, la lutte contre le financement du terrorisme, la lutte contre la radicalisation et le recrutement, ainsi que l’arrestation des terroristes, l’engagement de poursuites à leur encontre et leur incarcération. À cette fin, la Coalition pourrait définir des projets d’aide au renforcement des capacités de base dans les pays menacés par Daech. Cette aide se présenterait notamment sous la forme de contributions faites par les membres de la Coalition disposant de compétences spécifiques adaptées à des pays et des régions ciblés. La Coalition doit encourager un dialogue étendu entre tous ses membres et les autres organisations concernées, ainsi que leur cohésion politique et leur unité dans la lutte contre le terrorisme au-delà de la zone principale d’influence de Daech, afin d’identifier et de soutenir des initiatives concrètes qui seraient approuvées dans les mois à venir, ceci en complément des efforts existants dans chaque région et en en concertation étroite avec les acteurs sur place.

La défaite complète et durable de Daech dépend de cet effort global, et la Coalition est le format le plus inclusif et le plus efficace pour mener à bien cette entreprise. Ses 80 membres, ses quatre groupes de travail, les consultations d’acteurs politiques et militaires et les efforts de mise en oeuvre qu’elle a déployés ont mobilisé une combinaison unique de compétences militaires et civiles en matière de lutte contre le terrorisme. Cet atout doit être préservé et exploité dans les mois à venir, à la fois dans la zone centrale d’influence de Daech et dans le cadre des efforts pour limiter la menace que représentent ses filiales et ses réseaux internationaux.