Mes chers compatriotes,

C’est avec beaucoup de tristesse et d’émotion que je m’adresse à vous ce soir.

Le président Jacques Chirac nous a quittés ce matin.

Nous, Français, perdons un homme d’Etat que nous aimions autant qu’il nous aimait.

Plus de quarante années de vie politique avaient fait de Jacques Chirac un visage familier.

Et que nous partagions ou non ses idées, ses combats, nous nous reconnaissions tous en cet homme qui nous ressemblait et nous rassemblait.

En ce petit fils d’instituteur qui, haut fonctionnaire, parlementaire, ministre, président de Conseil général de Corrèze, Premier ministre, maire de Paris et président de la République, occupa les plus hautes fonctions dans notre pays sans jamais oublier ses racines.

En ce chef, qui sut représenter la Nation dans sa diversité et sa complexité.

En cet enfant de Corrèze qui était heureux en France, à Paris comme en province, dans l’hexagone comme dans les Outre-Mer.

Le président Chirac incarna une certaine idée de la France.

Une France dont il a constamment veillé à l’unité, à la cohésion et qu’il a protégé courageusement contre les extrêmes et la haine.

Une France qui regarde son Histoire en face et dont il sut reconnaître, lors du discours du Vel d’Hiv, les responsabilités dans les heures les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale. Comme il sut élever douze ans plus tard les Justes en exemple.

Une France indépendante et fière, capable de s’élever contre une intervention militaire injustifiée lorsqu’il refusa en 2003 l’invasion de l’Irak sans mandat des Nations unies, lorsqu’il s’engagea pour mettre un terme aux guerres dans l’ex Yougoslavie, ou en lorsqu’il oeuvra pour rétablir la paix et la sécurité au Liban.

Une France qui assume son rôle historique de conscience universelle.

Le président Chirac incarna une certaine idée du monde.

En s’engageant pour une Europe des hommes plutôt qu’une Europe du marché, une Europe plus forte et plus protectrice, assise sur une amitié franco-allemande indéfectible.

En s’engageant pour le climat tôt. Car Jacques Chirac était habité par la conscience du temps long, cette conscience qui enseigne l’infinie fragilité de la vie. "Notre maison brûle" : ce cri d’alerte qu’il poussa pour inviter les dirigeants à agir pour la protection de l’environnement et contre le réchauffement climatique, ne fut pas seulement celui d’un chef d’Etat se hissant à la hauteur de l’Histoire. Mais celui d’un homme parmi les hommes, refusant de tout son être que soit menacée la pérennité de notre planète.

Le combat de sa vie, fut celui du respect des différences et du dialogue des cultures. À ses yeux, nul art supérieur aux autres. Mais des arts, des expressions sensibles de l’homme et de l’âme, qu’il faut également considérer, également promouvoir. C’est ce qu’il fit en initiant la création du musée qui porte aujourd’hui son nom, où des trésors des civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques dialoguent par-delà les siècles.

Oui, une certaine idée de la France, une certaine idée du Monde, des échanges, des coopérations. Ce soir, le président Chirac n’est pas seulement pleuré en France. Il l’est à travers l’Europe, je le sais aussi dans le beau continent d’Afrique qu’il aimait tant et dans le reste du monde.

Jacques Chirac était un grand Français.

Libre, épris de notre terre, pétri de notre histoire et amoureux taiseux de notre culture.

Lui qui attirait la sympathie de l’agriculteur et du capitaine d’industrie, lui qui prenait le temps d’échanger longuement avec l’ouvrier d’usine comme avec les plus grands artistes, aimait profondément les gens, dans toute leur diversité, quelques soient leurs convictions, leurs professions, leurs conditions.

Il aimait les Français pour les saluer, leur parler, leur sourire... les embrasser.

Les plus humbles, les plus fragiles, les plus faibles furent sa grande cause. Il ne cessa d’agir pour ceux qui, frappés par le SIDA, malades du cancer, touchés par le handicap, avaient été bousculés par la vie.

Pour Jacques Chirac, nulle hiérarchie entre les parcours, entre les histoires. Simplement des femmes et des hommes, des vies qui toutes méritent une attention égale, une affection égale.

Jacques Chirac était un destin français. S’engageant sur les terres familiales de Corrèze, porté par une ambition qui le conduisit à conquérir Paris, il a durant plusieurs décennies tout connu de la vie politique de notre pays. Ce furent des années de conquêtes, d’énergie, d’appétit et d’enthousiasme. Ce furent des succès et quelques échecs. Des fidélités et des déceptions. Si longtemps, nous n’avons osé l’aimer pour finalement concevoir pour lui un attachement affectueux, quasi filial.

Jacques Chirac eut aussi des drames intimes que sa pudeur toujours entoura de silence. Ce silence, dans lequel ces derniers mois il s’était réfugié. Aussi parce qu’il est des blessures dont un homme ne peut se remettre.

Son regard, les traits de son visage disaient encore un peu de lui à la famille et aux amis qui le visitaient. Mais, toujours, et je veux ici vous en porter témoignage de manière très personnelle, il portait en lui l’amour de la France et des Français.

Il y a près d’un quart de siècle, par votre choix, vous avez inscrit le destin de Jacques Chirac dans la lignée de ceux qui ont dirigé notre pays. Il mit ses pas dans ceux du général de Gaulle et du président Pompidou qu’il aimait tant ; dans le respect de chacun de ses prédécesseurs ; le président Valéry Giscard d’Estaing et le président François Mitterrand pour lequel il sut trouver des mots lumineux lors de sa disparition.

Notre pays est fait de ces transmissions qui portent leur mystère et nous dépassent.

Nous avons pour Jacques Chirac ce soir de la reconnaissance. Il fit tant pour notre Nation, nos valeurs, la fraternité et la tolérance.

Il eut notre République chevillée au corps tout au long de sa vie.

Nous nous souvenons avec émotion et affection de sa liberté et de sa personnalité, de ce talent qu’il eut de réconcilier simplicité et grandeur, proximité et dignité, amour de la patrie et ouverture à l’universel.

Je veux en votre nom dire à Madame Chirac, notre amitié et notre respect, dire nos condoléances à sa fille, son petit-fils, sa famille et à tous ses amis et ses proches. Ils ont accompagné tant de ses combats et l’ont tant protégé.

Dès ce soir, l’Elysée restera ouvert afin que chacun puisse venir y écrire ses condoléances et témoigner son respect.

Lundi 30 septembre sera jour de deuil national et une cérémonie en l’honneur du Président Jacques Chirac se tiendra à midi.

Mes chers compatriotes,

Portons en nous désormais cette part de notre histoire qui l’accompagne, conscients de notre dette à son égard, forts de ce qu’il nous a légué.

Il entre dans l’Histoire et manquera à chacun d’entre nous désormais.

Merci.