Mesdames, Messieurs les chefs d’Etat, de gouvernement,
Mesdames Messieurs les dirigeants d’organisations internationales, d’organisations régionales,
Mesdames, Messieurs les vice-présidents, vice-premiers ministres, ministres, dirigeants d’organisations non-gouvernementales, de fondations, d’entreprises, élus ici présents et j’en oublie sans doute,

Merci d’être là pour cette deuxième édition du Forum de Paris sur la paix. Alors, c’est peut-être l’édition la plus dure. Je nous le dis collectivement parce que la première édition, il y avait beaucoup de monde puisque c’était le centenaire de l’armistice. Donc, nous avions réussi à attraper plus de 60 chefs d’Etat et de gouvernement. Et il y avait, si je puis dire, les charmes de l’inconnu. La deuxième édition, c’est au fond commencer à devenir un rendez-vous stable. Et il peut y avoir les risques de l’habitude. Et donc votre présence ici, votre engagement, tout autant que vous êtes, sont un test de réalité pour nous, et la preuve que c’est en train de prendre, mais qu’il nous faut aussi bâtir quelque chose de durable, c’est-à-dire d’utile. Et donc je voulais vraiment vous remercier pour votre présence, votre mobilisation, mais aussi dire combien je suis convaincu que ce Forum de Paris sur la paix et ce que nous sommes en train de faire collectivement a une utilité très profonde.

Je dirais que la première de ces utilités, c’est ce que nous venons d’entendre, d’avoir une activiste indienne, puis la présidente élue de la Commission européenne, le Vice-président chinois, le président de la République démocratique du Congo, il y a peu d’endroits où s’est donné avec la même force ou cet enchaînement peut prendre autant de sens. Et il est illustratif de cette démarche, c’est-à-dire de ce par qui, ce par quoi notre monde d’aujourd’hui est fait, et ce qui fait qu’il peut se défaire si nous ne mettons pas toutes ces énergies autour de la table, sur un projet commun, un agenda commun. Alors, vous le disiez, Madame la Présidente, il y a hier 101 ans, nous fêtions la paix à la fin de la Première Guerre mondiale, pas seulement en France, dans toute l’Europe. Beaucoup ici, avaient leur pays parfois qui naissaient des cendres de cette guerre. Le monde entier était concerné et l’Europe pensait à ce moment-là "plus jamais ça". Il y a une leçon à retenir, parmi beaucoup d’autres qui sont heureuses de cette période, c’est que nous avons échoué à bâtir durablement la paix, parce que nous avons échoué au sortir de ce premier conflit mondial à trouver les bonnes voies de coopération multilatérale. C’était la Société des Nations, première tentative, et nous n’avons pas réussi, alors que personne ne pensait raisonnablement que moins de 20 ans plus tard allaient commencer de nouvelles formes de brutalité, et que 20 ans plus tard une guerre plus terrible encore, une nouvelle guerre mondiale, allait à nouveau déchirer l’Europe et le monde. Et il y a 30 ans, presque jour pour jour, vous le disiez, le mur de Berlin tombait. Et avec lui, des divisions de l’Europe, parfois des trahisons, des ressentiments. Et nous pensions tous alors que ces formidables combattants de la liberté, non seulement en Allemagne, mais partout en Europe de l’Est, qui avaient parfois préparé ce moment, avaient dessiné une espèce de force inarrêtable. Nous allions connaître une nouvelle téléologie de notre système international.

Partout, la démocratie allait se répandre, partout, le bonheur allait nous embrasser et au fond, partout la paix, certains parlaient de fin de l’histoire, allait se révéler. Et là aussi, nous avons raté ces prédictions. Cette fois-ci, malheureusement aussi, puisque s’il y a eu un temps heureux de notre continent européen qui a suivi, les dernières années nous ont montré comment de nouveaux déchirements, de nouvelles fractures contemporaines pouvaient mettre fin à ce qui était alors perçu comme une perspective inarrêtable. Je prends ces deux exemples, ces deux anniversaires, parce que nous nous inscrivons presque dans la lignée de ces héritages, pour dire qu’il n’y a pas d’évidence dans la matière dont nous parlons. Et même si les temps contemporains peuvent paraître difficiles, c’est parfois dans les temps difficiles qu’on construit les solutions utiles. Et je prenais deux moments heureux pour dire que les prédictions d’alors s’étaient trouvées ensuite déjouées par nos propres faiblesses, nos paralysies ou nos propres erreurs. Il y a donc beaucoup à espérer du moment où nous nous retrouvons, parce qu’il est obscurci par des fractures profondes et par beaucoup de pessimisme.

Et donc, c’est pourquoi je crois très profondément à ce Forum de Paris sur la paix, parce que nous vivons - et les trois interventions qui ont ouvert notre forum l’ont montré je crois - une crise sans précédent dans notre système international. Sans précédent, parce qu’elle ne vient pas pour la première fois à la fin d’une guerre mondiale, mais qu’elle est liée, je dirais, à des défis profondément nouveaux et à une crise endogène de notre système. Les deux ensemble, c’est en quelque sorte une réaction chimique unique. Je m’explique. Nous avons une crise de notre système politique et économique mondial. Ce système qui est au fond l’économie sociale de marché, l’ouverture, le libre-échangisme, des systèmes de coopération pensés après la Deuxième Guerre mondiale, a été formidablement efficace pendant 70 ans. Il a sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté, vous l’avez rappelé, en particulier dans votre pays, Monsieur le Vice-Président. Il a permis de pacifier énormément de régions où on pensait que la guerre ou le conflit était inarrêtable. Il a permis un système de contrôle d’équilibres inédit. Mais ces dernières années l’ont montré, il a fait réémerger des inégalités nouvelles, parfois dans nos sociétés. Il a fracturé les sociétés contemporaines, faisant naître aussi une crise de nos démocraties, avec un doute dans toutes les démocraties occidentales, qui en étaient le pilier. Il a fait renaître l’unilatéralisme, parfois même chez ceux qui étaient les garants en dernier ressort de ce système international. Et donc nous avons, si je puis dire, une crise endogène du système qui est que, sur le plan économique, politique, ce système est aujourd’hui en crise et bousculé. Et dans le même temps, émergent des problématiques depuis une dizaine d’années profondément nouvelles, en tout cas avec cette force, la problématique démographique, et une seule de ses conséquences qui est le phénomène des grandes migrations dont nous vivons et nous ne traitons parfois que les conséquences, mais qui est beaucoup plus large, beaucoup plus profond. Comment nourrir une planète qui ne cesse de grandir ? Comment gérer les déséquilibres démographiques, dont je le rappelle d’ailleurs les principales forces migratoires se jouent au sein de l’Afrique elle-même, parfois, au sein du continent asiatique aussi, avec des grandes perturbations. Le défi technologique et le numérique, et tout ce qu’il emporte de transformations du travail, mais aussi de nos imaginaires, de l’inter-relations de nos pays. Et le défi climatique, principalement la lutte contre le réchauffement et la lutte pour la biodiversité.

Ces trois grands défis - je ne suis sans doute pas exhaustif - mais ces trois grands défis, ajoutés au défi qui n’est pas nouveau, lui, mais qui continue à être un combat, de la lutte pour les libertés et la démocratie, arrivent donc à un moment de fracture du système international et de nos propres sociétés, alors que pour répondre à ce défi, on a besoin de plus de coopération. Et donc, le risque qui est collectivement le nôtre, c’est que la tentation réémerge dans nos pays - tous ceux qui se sont exprimés et tous ceux qui sont ici présents - soit, au fond, de la paresse, premier risque : se dire on a des organisations, on les aime bien, ne les questionnons pas, elles ont parfois perdu leur finalité, plus personne ne comprend où elles vont, mais cachons ce sein que nous ne saurions voir, comme on dit dans Molière, et ça avancera mieux. Je ne crois pas du tout. Je l’ai montré parfois en heurtant peut-être certains dans cette salle il y a quelques jours ou quelques semaines. Je pense qu’on a besoin de vérité. La pudibonderie ou l’hypocrisie, ça ne marche pas dans les temps qui courent. Pourquoi ? Parce que nos concitoyens le voient. Nous sommes dans un monde ouvert. Les experts qui sont ici présents, les citoyens, les activistes, ils voient les conséquences de ce monde-là. Quand ça ne marche plus, ils nous le disent. Donc l’hypocrisie et le silence, ce n’est pas une solution. Et la paresse intellectuelle ou d’action n’est pas non plus une solution.

Deuxième option, au moins aussi risquée, c’est la non-coopération, c’est-à-dire le retour à l’unilatéralisme ou à une forme d’hyper-régionalisme. Je crois que cette option est aussi très risquée. Elle tente certains, parce qu’on peut dire c’est beaucoup plus efficace de se replier, de répondre soi-même aux propres défis, d’apporter une solution de fermeture parce que le mal, en quelque sorte, serait lié à un monde devenu trop ouvert. Je ne le crois pas non plus. On a testé cette option par le passé. Elle produit la guerre. Le nationalisme, c’est la guerre. Quand il oublie- vous avez rappelé ce distinguo, chère Trisha [Shetty], je vous en remercie- la différence qu’il y a entre le nationalisme et le patriotisme, et la non-coopération déconstruirait, en quelque sorte, ce que nous avons au moins réussir à bâtir durant ces dernières décennies. Et elle peut conduire à un troisième risque qui serait une voie possible, l’hégémonie. Au fond, on pourrait se dire face à ces crises, il faut qu’il y ait des puissances nouvelles qui émergent et on va se mettre derrière elles. Ce serait une solution de dire il y a quelques grandes puissances, elles vont régler le sujet pour les autres, et on accepte, en quelque sorte, de se mettre derrière elles. Je crois que l’hégémonie, et je le dis d’un pays qui parfois a tenté cette voie pour les autres, ça a été le moment colonial de la République française, on a tenu ce discours ici, y compris au nom de la liberté, en disant on va régler les problèmes du monde, nous, on est éclairés, on va éclairer les autres, ça va mieux marcher. Ça dure un temps, ça ne marche pas très longtemps. Ça n’est plus possible dans le monde actuel. Et donc la voie de l’hégémonie ou de la répartition entre quelques puissances hégémoniques n’est pas non plus souhaitable parce qu’elle produira à nouveau du ressentiment, à nouveau de la frustration, à nouveau de l’humiliation. Je ne vois, pour répondre à ces défis, qu’une voie, la plus difficultueuse, la plus complexe, c’est celle de la coopération équilibrée, celle qu’on appelle du multilatéralisme, c’est-à-dire qui accepte les discussions, les désaccords, les médiations, pour trouver des solutions communes. Et pour moi, le dialogue qu’il y a entre les trois premières interventions qu’on a eu et qui va y avoir pendant deux jours entre les différents continents, les différents acteurs, est à cet égard profondément essentiel.

L’Europe, d’abord, est un continent où la solution doit se construire. Madame la Présidente, je vous remercie d’être là dans un agenda chargé et d’avoir porté avec force cette vision d’une Europe géopolitique, comme vous l’avez dit. Je crois en effet très profondément que l’Europe a une part de réponse à la solution, pour une raison simple, notre Europe - on est plusieurs ici à y participer activement et qu’on soit membre de l’Union européenne ou puissance géographique de cette Europe, nous avons tous ce rôle - l’Europe est un laboratoire de multilatéralisme. Peut-être d’ailleurs le laboratoire le plus complexe parce qu’elle s’est épuisée pendant des millénaires à des guerres civiles. Donc, l’Europe est sans doute l’endroit du monde où on sait le mieux le prix de la coopération, ou plutôt le prix de la non-coopération, et donc le trésor qu’est la capacité à bâtir des équilibres, y compris quand tout pousserait à la différence. Cette Europe géopolitique, elle doit être souveraine, démocratique, mais en effet construire les solutions de nouveaux équilibres et, je pense, être cette espèce de tiers de confiance entre les Etats-Unis d’Amérique et la Chine, si vous me le permettez, Monsieur le Vice-Président. Ce qui suppose qu’elle ait sa voie d’indépendance, sa voie propre, et qu’elle aide à construire des solutions utiles comme vous l’avez rappelé comme vous vous y êtes engagé à l’instant, Madame la Présidente, et je pense que c’est formidablement utile que nous continuions à être ces partenaires dans les enceintes internationales et des acteurs de construction de ces solutions nouvelles dans une Europe ainsi repensée, avec tous nos partenaires régionaux. Et je pense que l’Europe a cette vocation d’agréger autour d’elle les puissances de bonne volonté, et à cet égard l’initiative d’une alliance pour le multilatéralisme, poussée par les ministres des affaires étrangères ici présents et je les en remercie, est une initiative qui a été commencée en marge du sommet des Nations unies qui sera poursuivie par les ministres Maas et Le Drian avec leurs collègues, et qui est, je pense, une initiative très importante qui est emblématique de ce que justement cette Europe peut apporter dans le concert des nations aux côtés de la Commission européenne.

Ensuite, il y a l’Asie. Vous l’avez dit, Monsieur le Vice-Président, beaucoup de chefs d’Etat et de gouvernement sont là aussi qui viennent d’Asie centrale ou d’Inde ou d’autres pays. L’Asie a aujourd’hui de formidables défis de stabilité, de paix et de construction, là aussi de solutions nouvelles, de clarification parfois de conflits frontaliers, de défis démographiques et religieux. Elle est un laboratoire, elle a été bien souvent ces dernières années un laboratoire de conflits qui ensuite ont toujours touché l’Europe. Et l’Asie est dans cette continuité avec nos propres défis. Et je le redis ici avec beaucoup de force et pour dire tout l’engagement qui est le nôtre dans certains des conflits qui la divisent encore. Mais l’Asie, vous l’avez dit, est aujourd’hui en train de se stabiliser. L’initiative que vous avez prise en fait partie, l’initiative de connectivité de l’Union européenne est un complément utile et une voie de ce dialogue aussi avec la Chine. Et le rôle de la Chine, comme vous l’avez rappelé, est un élément important de cette stabilisation. Et je vous remercie, Monsieur le Vice-Président, d’avoir eu des mots très forts à cet égard. Je crois que le rôle, en particulier sur le défi climatique, que vous aurez à porter et que vous avez commencé à décliner, est très important. Et en matière de lutte contre le réchauffement climatique comme en matière de lutte pour la biodiversité, le chemin, le rôle que l’Asie pourra construire, est un élément extrêmement structurant. 2020 à cet égard comporte plusieurs rendez-vous, celui d’un dialogue sino-européen où la lutte contre le réchauffement climatique, comme le sujet économique, sera décisif ; celui aussi de la COP15 biodiversité, qui se tiendra en Chine, est un rendez-vous essentiel pour l’ordre international.

Et puis il y a l’Afrique, Cher Président Tshisekedi, dont vous avez parlé admirablement, en parlant non seulement de votre pays mais des conflits. Beaucoup de présidents sont ici présents et ont aussi pris sur leur temps, alors même qu’ils sont courageusement à la tête de pays qui sont bousculés par le terrorisme et par des groupes qui contestent la souveraineté nationale, qui menacent non seulement la stabilité de leur pays, de tout un continent, mais aussi la nôtre. Et là aussi nous avons destins liés et je crois que l’Afrique, comme je l’ai rappelé hier soir avec quelques-uns d’entre vous, est aujourd’hui en train de vivre avec nous collectivement un défi. Elle a longtemps été un objet du multilatéralisme, elle est en train de devenir un des sujets du multilatéralisme, c’est-à-dire qu’elle y prend sa part active. Et je veux saluer l’engagement des Etats africains ici présents et plus largement des pays d’Afrique qui prennent leur destin en main, construisent des solutions concrètes. La Tunisie a su le faire avec beaucoup de courage quand il s’est agi de rebâtir la démocratie il y a plusieurs années. Je salue ici la présence du Premier ministre qui, avec beaucoup de force, aux côtés du défunt président Essebsi, a eu à conduire les destinées du pays après ce miracle démocratique. Mais tout le continent africain, et je pense en particulier au Sahel, a aujourd’hui ce défi, et la force des pays africains de relever le défi politique aussi militaire et sécuritaire est essentielle.

Et nous avons dans ce nouvel ordre international à bâtir aussi des nouvelles solutions dans le cadre des Nations unies, permettant d’accompagner mieux qu’on ne le fait aujourd’hui cette capacité sécuritaire de l’Afrique, mais aussi à l’aider à bâtir sur le plan de l’éducation, de la santé, de l’environnement et de l’économie ce qui sont les quatre solutions qui permettent de bâtir la paix durable et d’éviter que ne réémergent les facteurs de déstabilisation. Dans ce triptyque - et je n’oublie pas évidemment, et je vais y revenir dans un instant, les autres régions que j’ai moins évoquées - mais dans ce dialogue que vous avez commencé à nouer il y a le début d’une solution, d’un agenda commun, de partenariats nouveaux que nous pouvons nouer. Et je crois que dans notre capacité à bâtir des solutions contemporaines, il y a évidemment le dialogue avec les Etats-Unis d’Amérique et les pays américains. Je souhaite que dans la troisième édition nous réussissions à mobiliser davantage ces derniers pour contribuer plus encore à ce dialogue. Mais il y a la capacité à construire des voies et moyens de coopérations nouvelles. Nous avons des enceintes, elles sont parfois bloquées, les Nations unies en font partie. C’est notre responsabilité de continuer à avancer pour mieux partager un agenda commun. Et donc pour moi, et je conclurai sur ce point, la force, la valeur ajoutée de ce forum, de nos travaux, de la réflexion en cours, c’est de savoir rebâtir des forums nouveaux, des voies de coopérations nouvelles, des alliances nouvelles entre nos organisations internationales, comme nous avons su le faire dans la lutte contre les inégalités il y a quelques semaines à Biarritz, entre les organisations internationales et les différents pays, entre les gouvernements, les organisations internationales, les ONG, fondations, acteurs académiques et entreprises. Et au fond, par ces échanges durant deux jours et par le travail tout au long de l’année, acter que nous avons un agenda partagé, celui de la lutte contre les discriminations et de l’accès aux droits, celui, justement, de la construction de nouveaux équilibres et de nouveaux droits en matière de numérique, celui de la lutte contre le réchauffement climatique et pour la biodiversité, celui de structures durables pour faire face aux sujets migratoires, celui aussi de la lutte contre les déséquilibres géographiques et de la résolution des conflits. Plusieurs sont ici touchés et j’espère qu’en aparté de nos discussions nous pourrons aider à faire avancer plusieurs sujets sensibles. Ça, c’est notre agenda commun. S’il est partagé par tous les acteurs ici présents, on fait déjà oeuvre utile. Et ensuite c’est la construction de nouvelles formes de coopération, des alliances, B4IG par exemple, portée par nos entreprises pour lutter contre les inégalités ; le Partenariat pour l’information et la démocratie, porté par Reporters sans frontières et soutenu par plusieurs gouvernements, élus, entreprises pour lutter contre la désinformation et pour une meilleure coopération ; l’appel de Christchurch entre des gouvernements, des entreprises, pour lutter contre les contenus terroristes et permettre d’agir plus efficacement. Voilà quelques exemples d’innovations concrètes où des acteurs qui ne se parlaient pas jusqu’alors décident d’agir ensemble.

Ce forum sera plein d’initiatives nouvelles, il faut continuer à en lancer pour, en quelque sorte, non pas concurrencer les enceintes du multilatéralisme contemporain, mais pour aider à les réinventer, pour les compléter et surtout pour agir utilement. Pourquoi l’unilatéralisme remonte dans certains pays ? Pourquoi le doute réémerge ? Parce que ce que nos citoyens nous reprochent, c’est parfois notre inefficacité, notre volonté de ne pas voir ou d’agir insuffisamment rapidement. Et je crois que la construction de ces solutions utiles, de ces alliances nouvelles, de ces innovations, est un élément extrêmement important de la réponse collective à nos défis contemporains dans nos pays et une manière de conjuguer cette coopération que j’expliquais il y a un instant. Je conclurai en citant la regrettée Ágnes Heller. C’était une formidable militante, comme vous, Trisha, de la liberté. Elle avait plus de 90 ans, elle était une intellectuelle hongroise, et chaque jour elle allait se baigner dans les grands lacs de Hongrie et au mois de juillet elle n’est pas revenue d’une de ses baignades. Parce que l’esprit de révolte et l’indignation préservent longtemps et continuent à donner du courage. Et Ágnes Heller, qui était une femme formidable, avait cette phrase, en disant que "Notre époque a besoin plus que d’autres d’une forme d’héroïsme qui se donne pour tâche de saisir ce qu’est le présent. La tâche demeure", disait-elle, "de se rendre disponible à ce qui nous advient." Cette disponibilité à ce qui nous advient et cet héroïsme dont parle Ágnes Heller, c’est cette capacité à comprendre le monde tel qu’il vient à nous, à le penser et à essayer d’apporter des réponses utiles. Ni la lâcheté de ne pas voir ou de rester dans nos habitudes, ni la lâcheté de ne pas faire, ni le confort d’être loin du quotidien de nos concitoyens. Ce dont nous parlons là c’est de guerres, de conflits, de déséquilibres, c’est du quotidien de nos concitoyens. À nous de le régler, nous avons reçu mandat pour cela. À nous de continuer à agir utilement, et c’est pour cela que je crois très profondément à l’utilité de ce Forum de Paris sur la paix et que je remercie le président et le directeur général, l’ensemble des organisateurs, mais également l’ensemble des contributeurs, et que je vous remercie très profondément pour votre présence aujourd’hui à Paris.

Merci à vous.