La cyberstabilité, à la prévention des conflits et au renforcement des capacités

La Fédération de Russie attache une grande importance à la question de la cybersécurité. Nous soutenons donc le débat inclusif qui est actuellement mené sous les auspices du Groupe de travail à composition non limitée sur les progrès de l’informatique et des télécommunications dans le contexte de la sécurité internationale, créé par l’Assemblée générale. Nous estimons que, en axant le débat sur des concepts discutables qui ne bénéficient pas d’un large appui auprès des États Membres de l’ONU, les organisateurs exposent encore plus le cyberespace international à des situations imprévisibles et indésirables.

Il faut bien comprendre que les situations conflictuelles dans le cyberespace ne pourront jamais être circonscrites à l’intérieur des frontières et s’étendront inévitablement bien au-delà. Le monde se trouve aujourd’hui littéralement face à un choix entre cyberpaix et cyberguerre. Il s’agit là d’un choix existentiel et non d’une métaphore. Ce choix doit concerner tous les États Membres, indépendamment de leurs capacités, et ne saurait être usurpé par « l’élite » minoritaire, qui se croit permis de réglementer unilatéralement le cyberespace.

La pandémie de COVID-19 a bouleversé nos vies et occupe à juste titre une place prédominante dans les activités courantes de l’Organisation des Nations Unies. Cela étant, elle nous rappelle aussi que la question de la sécurité internationale de l’information est au bas mot cruciale pour la sécurité et l’humanité. Du fait de la crise liée à la COVID-19, toutes les communications ou presque, qu’elles soient publiques ou privées, sont devenues numériques. Les services publics, banques, hôpitaux, établissements scolaires et autres institutions essentielles sont désormais entièrement tributaires des infrastructures numériques.

Le monde dépend de l’informatique et des systèmes de communication comme jamais auparavant. Assurer la sécurité de ces technologies fait déjà partie des priorités des pays du monde entier. Malgré leurs divergences politiques et leurs disparités économiques, les États Membres sont tout autant exposés à cette menace et estiment qu’il faut de toute urgence trouver une solution pour y faire face à l’échelle mondiale.

Il est très préoccupant que « l’élite » minoritaire s’emploie à militariser le cyberespace en promouvant le concept de « cyberattaques militaires préventives », y compris contre des infrastructures critiques.

Il est encore plus regrettable que certains pays invoquent le prétexte de « l’application totale et inconditionnelle du droit international », y compris du droit international humanitaire, dans le cyberespace pour justifier les pressions qu’ils exercent et les sanctions qu’ils imposent de façon unilatérale sur d’autres États Membres, voire pour justifier un éventuel recours à la force à leur endroit.

Nous sommes entièrement opposés à ces concepts et défendons fermement l’utilisation de l’informatique et des systèmes de communication à des fins pacifiques uniquement. Le rôle que joue l’ONU dans ce processus est unique et indispensable. En effet, seule l’ONU peut réellement mener une action mondiale et s’assurer que tous les États y participent sur un pied d’égalité. Nous reconnaissons combien la contribution des organisations régionales est précieuse, mais l’action mondiale ne devrait pas se scinder en diverses mesures adoptées au niveau des régions ou des « groupes d’influence ».

Nous estimons que parvenir à la « cyberpaix » est un objectif réaliste qui ne peut être atteint qu’à l’aide de mécanismes fondés sur le consensus de l’ONU et inclusifs, tels que le Groupe de travail à composition non limitée sur l’informatique et les télécommunications, qui est le mieux à même de régler cette question. Afin d’accélérer le processus, nous devrions centrer notre action sur les domaines prioritaires suivants :

1. Élaborer un ensemble complet et adapté aux réalités actuelles de règles, normes et principes universels de comportement responsable des États dans le cyberespace. Nous prions tous les États Membres de participer activement à la rédaction du rapport final du Groupe de travail à composition non limitée sur l’informatique et les télécommunications de sorte que ce document fixe de nouvelles règles de comportement fondées sur le consensus et précise qu’il faut continuer de mener un dialogue institutionnel régulier sur la sécurité internationale de l’information sous les auspices de l’ONU. Au vu des circonstances actuelles et de la volonté de plus en plus forte parmi les États d’instaurer un meilleur système visant à garantir la sécurité internationale de l’information, il conviendrait d’étudier à un moment ou à un autre la possibilité d’établir un instrument juridiquement contraignant à ce sujet.

2. Étudier de façon plus approfondie la manière dont le droit international peut être concrètement appliqué dans le cyberespace. Si le domaine numérique est réglementé, il n’y a pas encore de consensus universel, ni même de position universelle, sur cette question. Avant de conclure que le droit international, et en particulier la Charte des Nations Unies, était applicable, le Groupe d’experts gouvernementaux chargé d’examiner les progrès de l’informatique et des télécommunications dans le contexte de la sécurité internationale avait noté que les interprétations communes concernant la manière dont ces normes s’appliquent au comportement des États et à l’utilisation de l’informatique et des télécommunications par les États devaient faire l’objet d’une étude plus poussée. Il a en outre souligné que, compte tenu de la spécificité de ces technologies, de nouvelles normes pourraient être progressivement élaborées. En 2015, il a confirmé qu’il importait d’adopter une position commune sur l’application du droit international à l’utilisation de ces technologies par les États pour promouvoir un environnement numérique ouvert, sûr, stable, accessible et pacifique. Il s’agit là d’un consensus fragile obtenu non sans mal qui ne devrait être rompu.

Nous constatons avec inquiétude que certains États et groupes d’États tentent de faire passer leur avis sur la question pour des directives toutes faites s’appliquant à l’ensemble de la communauté internationale. On ne saurait adopter un « jugement définitif » sur cette question qu’après être parvenus à un consensus universel à l’issue de négociations auxquelles participent tous les États Membres sous l’égide des instances compétentes de l’ONU. Ces négociations sont en cours dans le cadre du Groupe de travail à composition non limitée et nous ne devrions pas préjuger de leur issue.

3. Le comité intergouvernemental d’experts chargé d’élaborer une convention internationale générale sur la lutte contre l’utilisation des technologies de l’information et des communications à des fins criminelles, créé à l’initiative de la Russie, constitue une autre étape importante vers l’instauration de la « cyberpaix ». Il est crucial d’unir nos efforts et de contribuer de façon constructive aux travaux du comité.

4. S’assurer qu’un système équitable et juste permettant de garantir la sécurité internationale de l’information et tenant compte des intérêts de tous les États, quels que soient leurs moyens. Les mesures de renforcement des capacités prises par l’ONU pour combler le fossé numérique sont essentielles et devraient être résolument soutenues. Nous espérons que le Groupe de travail à composition non limitée sur l’informatique et les télécommunications sera un jour en mesure de formuler des recommandations concrètes qui répondent aux besoins et qui puissent être effectivement mises en pratique.

Comme la pandémie de COVID-19 nous l’a appris à toutes et à tous, la vie importe plus que les gains politiques. La Fédération de Russie est fermement convaincue que nous devrions adopter un tel mot d’ordre dans le cadre de nos efforts conjoints visant à instaurer un environnement numérique pacifique pour le bien commun des générations futures.

Source : Onu S/2020/438