Application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité
Trente-quatrième rapport semestriel du Secrétaire général

I. Historique

1. Le présent rapport semestriel est le trente-quatrième du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité. On y trouve une évaluation de l’application de la résolution depuis la publication, le 22 avril 2021, du précédent rapport sur la question (S/2021/396), et un compte rendu des faits nouveaux survenus jusqu’au 27 septembre 2021.

II. Application de la résolution 1559 (2004)

L’application de la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité a peu avancé depuis son adoption, le 2 septembre 2004. Bon nombre de ses dispositions, y compris celles concernant l’existence et les activités des milices libanaises et non libanaises, demeurent en suspens.

A. Souveraineté, intégrité territoriale, unité et indépendance politique du Liban

Par l’adoption de la résolution 1559 (2004), le Conseil de sécurité entendait contribuer à renforcer la souveraineté, l’intégrité territoriale, l’unité et l’indépendance politique du Liban, placé sous l’autorité exclusive du Gouvernement libanais s’exerçant sur l’ensemble du territoire libanais, conformément à l’Accord de Taëf de 1989, auquel tous les partis politiques libanais ont souscrit. Cet objectif reste ma priorité.

Au cours de la période considérée, le Liban a continué de souffrir des retards pris dans la formation d’un gouvernement, d’une crise socioéconomique grave, de la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et des conséquences de l’explosion survenue dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020.

Le 10 septembre 2021, soit plus d’un an après la démission du gouvernement précédent, le Premier Ministre désigné, Mohammad Najib Azmi Mikati, a formé un gouvernement de 24 ministres. Composé d’une femme et de 23 hommes, ce nouveau gouvernement affiche une baisse de la présence féminine – passant de 30 % à 4 % – par rapport à l’ancien Cabinet. Le Gouvernement et sa déclaration ministérielle ont obtenu, le 20 septembre, un vote de confiance au Parlement, par 85 voix sur 100 députés présents. Le Gouvernement a axé sa déclaration sur les questions économiques et financières, s’engageant à organiser des élections législatives dans les délais prévus, ainsi que des élections au niveau des municipalités et des quartiers, et ayant à cœur de poursuivre toutes les enquêtes diligentées pour identifier les causes de l’explosion survenue dans le port de Beyrouth et pour faire toute la lumière sur les faits et en punir tous les auteurs. Comme lors de déclarations ministérielles précédentes, le Gouvernement a réitéré la détermination du Liban à mettre fin aux violations de sa souveraineté par Israël, notant à cet égard « le droit des citoyens libanais de résister à l’occupation israélienne, de contrecarrer ses agressions et de récupérer les territoires occupés ». Dans une déclaration à la presse faite le 27 septembre, les membres du Conseil de sécurité se sont félicités de la formation d’un nouveau gouvernement et ont réaffirmé leur ferme soutien à la stabilité, la sécurité, l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance politique du Liban, conformément aux résolutions 1701 (2006), 1680 (2006), 1559 (2004) et 2591 (2021) du Conseil.

C’est dans ce contexte, un an après l’explosion survenue dans le port de Beyrouth, que la France et l’Organisation des Nations Unies ont coorganisé, le 4 août, une conférence de soutien au peuple libanais. S’exprimant à cette occasion, la Vice-Secrétaire générale, Amina Mohammed, a mis en lumière les besoins urgents de la population libanaise et ceux des réfugiés syriens et palestiniens en matière d’aide humanitaire et de soutien au relèvement à plus long terme, y compris la nécessité d’établir un système complet de protection sociale. Les participants ont promis d’apporter, en plus d’une aide en nature substantielle, un soutien financier d’un montant total de 370 millions de dollars, destiné à répondre aux besoins les plus urgents dans les domaines de la sécurité alimentaire, de l’eau et de l’assainissement, de la santé et de l’éducation.

Le juge d’instruction Tareq Bitar a continué de travailler à l’enquête sur l’explosion suvenue dans le port de Beyrouth. La demande qu’il avait faite d’interroger l’ancien Premier Ministre Hassan Diab et les chefs respectifs de la sécurité de l’État et de la sûreté générale, les généraux Tony Saliba et Abbas Ibrahim, ainsi que des députés et d’anciens ministres, n’a pas abouti à ce jour. Le 4 août, plusieurs manifestations, rassemblements et marches ont eu lieu dans le pays pour commémorer l’explosion, tandis que, le 12 août, des militants ont pris d’assaut le Palais de justice de Beyrouth pour exiger la conduite d’une enquête transparente à cet égard. La communauté internationale a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de mener une enquête impartiale, minutieuse et transparente sur l’explosion. Le 27 septembre, les investigations auraient été suspendues après que l’ancien Ministre de l’intérieur, Nohad al-Machnouq, eut demandé que le juge Bitar soit révoqué, en attendant la décision de la Cour d’appel de Beyrouth. Il n’y a pas eu non plus d’avancée concernant l’enquête sur le meurtre de Lokman Slim.

Les pénuries de carburant associées à la crise de l’électricité ont eu de graves répercussions sur les services essentiels, notamment l’approvisionnement en énergie électrique, les services de santé, l’approvisionnement public en eau, les entreprises et les moyens de subsistance. Cette situation a eu des répercussions importantes sur les femmes : un nombre considérable de prestataires de services de protection n’ayant pas pu maintenir une offre satisfaisante, les femmes ont continué de manière disproportionnée de s’occuper des enfants et des tâches domestiques, luttant pour que les membres de leur famille puissent accéder sans interruption à l’éducation, aux soins de santé et à une alimentation saine. Si la propagation de la COVID-19 a généralement ralenti au cours de la période considérée, la capacité de prise en charge des hôpitaux a été sensiblement entamée par les pénuries de carburant, les coupures de courant et le manque de médicaments.

Le 16 septembre, du gazole en provenance de la République islamique d’Iran aurait été importé au Liban, et ce après que le Secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a déclaré dans trois discours, en août, que son parti fournirait au Liban du gazole iranien. Le 13 septembre, celui-ci avait annoncé que le Gouvernement syrien avait accepté d’accueillir les navires transportant le carburant, qui serait transféré depuis la République arabe syrienne au Liban par voie terrestre. Dans une interview accordée aux médias le 17 septembre, le Premier Ministre, M. Mikati, répondant à une question sur l’arrivée au Liban, facilitée par le Hezbollah, de camions transportant du carburant iranien, a déclaré qu’il en était attristé car ce fait était révélateur d’un manque de souveraineté de la part du Liban.

Le 19 août, la présidence libanaise a annoncé publiquement la tenue de discussions avec la Banque mondiale, les États-Unis d’Amérique et d’autres pays sur un cadre énergétique régional qui permettrait au Liban d’importer du gaz naturel d’Égypte via le gazoduc arabe, à travers la Jordanie et la République arabe syrienne, et de l’électricité de Jordanie. Une délégation ministérielle libanaise de haut niveau, conduite par la Vice-Première Ministre et Ministre de la défense nationale par intérim et Ministre des affaires étrangères et des émigrés par intérim, Zeina Akkar, s’est rendue à Damas, le 4 septembre, pour discuter de la question. Cette visite en République arabe syrienne était la première effectuée à titre officiel par des responsables libanais de ce niveau depuis 2011. Lors d’une réunion tenue à Amman le 8 septembre, la Ministre jordanienne de l’énergie et des ressources minérales, les Ministres égyptien et syrien du pétrole et des ressources minérales, et la Ministre libanaise de l’énergie et de l’eau se sont entendus sur la livraison de gaz naturel égyptien au Liban via la Jordanie et la République arabe syrienne, ainsi que sur un plan d’action et un calendrier pour la mise en œuvre du projet.

Dans sa résolution 1680 (2006), le Conseil de sécurité a vivement encouragé le Gouvernement syrien à donner suite à la demande faite par le Gouvernement libanais de délimiter leur frontière commune, notant que ce serait un pas important dans le sens de la consécration de la souveraineté, de l’intégrité territoriale et de l’indépendance politique du Liban, ainsi que de l’amélioration des relations entre les deux pays.

La délimitation et la démarcation des frontières du Liban demeurent essentielles pour permettre un contrôle et une gestion efficaces des frontières et pour empêcher la contrebande, y compris en ce qui concerne la circulation des personnes, des biens et, éventuellement, des armes. Elles demeurent également essentielles pour garantir la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale. Puisque le tracé des frontières est une question bilatérale, le Liban et la République arabe syrienne sont tenus de progresser sur la question, conformément aux dispositions de la résolution 1680 (2006).

Lors du vote à l’étranger tenu le 20 mai dans le cadre de l’élection présidentielle syrienne, des tentatives d’intimidation visant des Syriens au Liban ont été signalées, notamment des attaques lancées contre des véhicules qui se dirigeaient vers l’ambassade de la République arabe syrienne à Beyrouth. Des images vidéo ont montré des assaillants dans plusieurs quartiers de la capitale et aux alentours, lançant des pierres sur des voitures et brisant des vitres à coups de bâton, et faisant plusieurs blessés. Des menaces de violences proférées contre les personnes qui ne souhaitaient pas voter et des appels lancés par certains politiciens libanais au Gouvernement pour qu’il renvoie les réfugiés syriens dans leur pays ont également été signalés.

Israël a poursuivi son occupation de la partie nord du village de Ghajar et de la zone adjacente située au nord de la Ligne bleue, en violation de la souveraineté du Liban et des résolutions 1559 (2004) et 1701 (2006).

Aucun progrès n’a été enregistré sur la question de la zone des fermes de Chebaa. Par ailleurs, ni la République arabe syrienne ni Israël n’ont réagi à la suite de la définition provisoire de cette zone, figurant dans le rapport du Secrétaire général sur l’application de la résolution 1701 (2006), en date du 30 octobre 2007 (S/2007/641).

Durant la période considérée, des drones et des aéronefs, y compris des avions de combat des Forces de défense israéliennes, ont poursuivi leurs survols pratiquement quotidiens du Liban, en violation de la souveraineté territoriale du pays et des résolutions 1559 (2004) et 1701 (2006). Dans des lettres identiques datées du 1er juin, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (A/75/913-S/2021/537), la Représentante permanente du Liban, d’ordre de son gouvernement, a indiqué que, dans la nuit du 7 au 8 avril 2021, des avions de combat de l’armée israélienne avaient violé l’espace aérien libanais et tiré plusieurs salves de missiles visant le périmètre de Damas. Dans une lettre datée du 22 juillet, adressée au Président du Conseil de sécurité (S/2021/712), elle a condamné, d’ordre du Président de la République libanaise, de la Vice-Première Ministre et Ministre de la défense nationale et Ministre des affaires étrangères et des émigrés par intérim de l’époque, « les récentes attaques et violations contre le Liban commises par Israël, qui a visé des sites militaires syriens à partir de l’espace aérien et terrestre libanais [...] ». Dans des lettres identiques datées du 19 août, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (A/75/1001-S/2021/743), elle a indiqué, d’ordre de son gouvernement, que ce jour-là, des avions de combat israéliens avaient « survolé à basse altitude le Liban et tiré de manière flagrante, depuis l’espace aérien libanais, des missiles sur des positions en Syrie », et que cette violation avait « suscité la panique parmi les civils libanais et a gravement et directement menacé le trafic civil libanais et la sécurité de l’aviation civile ».

La situation financière du Tribunal spécial pour le Liban est demeurée désastreuse. En raison de contraintes financières, le Tribunal ne pourra poursuivre, en 2021, que la procédure dans le cadre de l’appel formé par l’accusation contre l’acquittement d’Hassan Habib Merhi et d’Hussein Hassan Oneissi dans l’affaire principale Ayyash et consorts concernant l’attentat à la bombe du 14 février 2005 qui a tué 22 personnes, dont l’ancien Premier Ministre Rafic Hariri, et fait 226 blessés. La procédure dans les affaires qui renvoient à des faits présentant entre eux « un lien de connexité » concernant les attaques lancées contre Marwan Hamade, George Hawi et Elias el-Murr demeure suspendue sur décision de la Chambre de première instance II. Pour 2022, le budget de 8,3 millions de dollars approuvé par le Comité de gestion du Tribunal inclura le financement requis pour l’achèvement de la procédure d’appel, des activités de retrait et le début de la phase résiduelle du Tribunal spécial une fois l’appel conclu.

B. Extension de l’autorité de l’État à l’ensemble du territoire libanais

L’État libanais a poursuivi ses efforts en vue d’étendre son autorité à l’ensemble du territoire libanais, conformément aux dispositions de l’Accord de Taëf et de la résolution 1559 (2004).

À l’issue d’une visite officielle en France, le 25 mai, du chef de l’Armée libanaise, le général Joseph Aoun, la France a accueilli, le 17 juin, une conférence ministérielle virtuelle coprésidée par l’Italie et facilitée par le Bureau du Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le Liban, afin de mobiliser un soutien d’urgence pour les forces de sécurité du Liban. Pour donner suite à la conférence, deux réunions ont été organisées, l’une le 25 août, l’autre le 21 septembre. L’Armée libanaise y a fait part de ses besoins immédiats aux participants, formulant notamment une demande portant sur le transport de contingents, la livraison de vivres, des fournitures médicales et des pièces de rechange. Le besoin urgent d’une aide pécuniaire permettant de payer les salaires des soldats a été souligné lors des deux réunions.

Du 13 au 15 août, la crise déclenchée par la suppression des subventions au carburant a entraîné une forte détérioration des conditions de sécurité dans tout le pays. À la suite d’une réunion, tenue le 13 août, entre les chefs de l’Armée libanaise, des Forces de sécurité intérieure, de la Direction générale de la sûreté générale et de la Sécurité de l’État, les services de sécurité, intensifiant leurs efforts pour réprimer les stockages illégaux de carburant, ont commencé à confisquer du carburant et à le redistribuer aux citoyens libanais. C’est dans ce contexte que, le 15 août à Tleïl (province de l’Akkar), un réservoir contenant 60 000 litres de combustible a explosé, tuant 36 personnes, dont deux militaires, et faisant plus de 80 blessés. Le Président, le général Michel Aoun, a présidé une réunion du Conseil supérieur de défense, qui a chargé les forces de sécurité de surveiller les opérations de distribution de carburant jusqu’au 15 septembre. Le Conseil a également chargé les forces de sécurité de surveiller les conditions de sécurité dans l’Akkar afin d’empêcher « l’anarchie » et de protéger les intérêts et la sécurité des citoyens. Les pénuries de carburant ont en outre donné lieu à de multiples affrontements entre individus dans des stations-service, impliquant parfois l’utilisation d’armes légères, de grenades à main et de roquettes, faisant des victimes et attisant, par endroits, les tensions sectaires.

Par ailleurs, le 31 juillet, à Jiyeh (province du Mont-Liban), un membre du Hezbollah, Ali Chebli, a été tué, pendant la célébration d’un mariage, lors d’une fusillade dont l’auteur était un Arabe sunnite d’origine bédouine vivant dans la région. Cet épisode faisait suite au meurtre d’un membre de la communauté sunnite (S/2020/1032, par. 27) qui aurait été commis, le 27 août 2020, par M. Chebli. Les résidents arabes sunnites de Khaldé ont affirmé que le meurtre était un acte de vengeance. Le 1er août, à Khaldé (province du Mont-Liban), cinq personnes au moins ont perdu la vie et plusieurs autres ont été blessées lors d’une attaque lancée contre des partisans du Hezbollah qui assistaient aux funérailles de M. Chebli. L’attaque a été attribuée à des membres du même groupe. Elle a été suivie d’affrontements qui se sont poursuivis, par intermittence, pendant plusieurs jours. Un représentant du Hezbollah au Parlement, Hassan Fadlallah, a qualifié les événements d’agression majeure qui aurait de graves répercussions « si ces bandes n’étaient pas arrêtées ». Dans une allocution prononcée le 23 août, le Secrétaire général du Hezbollah a également affirmé que l’événement était « non pas un incident mais un massacre », demandant l’arrestation de toutes les personnes concernées et appelant à « une solution radicale à la situation qui règne le long de l’autoroute côtière (reliant Beyrouth au sud du pays) ». Le 3 août, à Aley (province du Mont-Liban), l’Armée libanaise a arrêté un individu qui avait pris part aux affrontements de Khaldé.

C. Dissolution et désarmement des milices libanaises et non libanaises

Dans sa résolution 1559 (2004), le Conseil de sécurité a demandé que toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées. Cette prescription essentielle, qui n’a toujours pas été mise à effet, reprend et réaffirme une décision que tous les Libanais s’étaient engagés à respecter dans l’Accord de Taëf.

Les milices libanaises et les milices non libanaises actives dans le pays ont continué d’échapper à l’autorité de l’État, en violation de la résolution 1559 (2004). Bien que plusieurs factions politiques, toutes tendances confondues, possèdent des armes échappant au contrôle de l’État, le Hezbollah est la milice la plus lourdement armée du Liban.

Aucun progrès tangible n’a été accompli en ce qui concerne la dissolution et le désarmement des milices libanaises et des milices non libanaises, prévus par l’Accord de Taëf et la résolution 1559 (2004). Depuis l’adoption de cette résolution, aucune mesure concrète n’a été prise pour régler cette question cruciale, qui est au cœur de la question de la souveraineté et de l’indépendance politique du Liban. Nombre de voix ont continué de s’élever dans le pays contre le maintien par le Hezbollah d’un arsenal militaire en dehors de tout cadre juridique et son implication en République arabe syrienne qui sont, selon elles, des facteurs de déstabilisation pour le pays et la démocratie. De nombreux Libanais craignent que ces armes en viennent à être utilisées au Liban pour des raisons politiques.

Le fait que le Hezbollah et d’autres groupes admettent ouvertement détenir des stocks d’armes dont le nombre ne cesse de croître entrave sérieusement la capacité de l’État d’exercer pleinement sa souveraineté et son autorité sur son territoire.

Dans le contexte des événements survenus, en mai, en Israël et dans le Territoire palestinien occupé, des roquettes ont été tirées les 13, 17 et 19 mai depuis le sud du Liban en direction d’Israël, dont deux ont touché l’État hébreu qui a riposté, à chaque fois, par des tirs (voir S/2021/650, par. 2 à 4).

Du 11 au 19 mai, des Palestiniens et des Libanais ont également pris part à des manifestations statiques et organisé des marches en plusieurs endroits du pays, notamment dans des camps de réfugiés de Palestine, en solidarité avec le peuple palestinien. Le 14 mai, des manifestants circulant en convoi ont déployé des drapeaux palestiniens et libanais et des drapeaux du Hezbollah à plusieurs endroits, le long de la Ligne bleue. À un moment, au moins 10 manifestants ont franchi la Ligne bleue, en face du village israélien de Metoulla, où ils ont planté des drapeaux palestiniens et des drapeaux du Hezbollah, jeté des pierres et provoqué un incendie. Des soldats des Forces de défense israéliennes ont ouvert le feu, poussant les manifestants à se replier au nord de la Ligne bleue. Dans des lettres identiques datées du 17 mai, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (A/75/890-S/2021/482), la Représentante permanente du Liban a déclaré « que le 14 mai 2021, alors que des civils s’étaient rassemblés en solidarité avec le peuple palestinien près de la clôture technique à Ibl el-Qamh dans la localité de Sarda, des soldats israéliens ont ouvert le feu dans leur direction en territoire libanais, blessant Hussein Saloub [...] et Mohamed Tahan [...]. M. Tahan a succombé peu après à ses blessures ».

Dans des lettres identiques datées du 27 mai, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (S/2021/507), le Représentant permanent d’Israël a déclaré que le fait que des roquettes aient été tirées depuis le sud du Liban « atteste clairement l’existence d’armes non autorisées dans le sud du Liban et confirme les déclarations répétées d’Israël à ce sujet ». Il y a également mentionné que le Secrétaire général adjoint du Hezbollah, le cheik Naïm Qassem, avait annoncé publiquement sur la chaîne Al-Manar, le 22 mai 2021, que bon nombre des événements récents survenus à proximité de la Ligne bleue avaient été parrainés par le Hezbollah. Selon le Représentant permanent, cela montrait bien le lien direct qui existait entre l’activité du Hezbollah dans le sud du Liban et la situation en matière de sécurité dans la région. Dans des lettres identiques datées du 21 juillet, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (S/2021/672), le Représentant permanent d’Israël a déclaré que pendant l’opération « Gardien du Mur » à Gaza, entre les 10 et 21 mai 2021, les attaques et autres activités hostiles du Hezbollah et des autres groupes armés au Liban s’étaient considérablement intensifiées.

Le 20 juillet, deux roquettes ont été lancées depuis le Liban en direction d’Israël, provoquant les tirs d’artillerie des Forces de défense israéliennes sur le Liban.

Le 4 août, deux roquettes ont été lancées depuis le Liban en direction d’Israël, qui a riposté par des tirs d’artillerie. Le 5 août, les Forces de défense israéliennes ont informé qu’elles avaient mené des frappes aériennes sur trois zones du Liban-Sud. Le 20 juillet, deux roquettes ont été lancées depuis le Liban en direction d’Israël, provoquant des tirs d’artillerie des Forces de défense israéliennes sur le Liban. Les Forces de défense israéliennes ont informé que 19 roquettes avaient été tirées depuis le Liban en direction d’Israël. Le Hezbollah a publié, le même jour, une déclaration dans laquelle il revendiquait le tir de roquettes du 6 août, déclarant qu’en guise de riposte aux raids aériens israéliens lancés au Liban le 5 août, la Résistance islamique avait lancé des dizaines de roquettes de 122 mm sur des zones ouvertes proches des sites d’occupation israéliens, dans les fermes de Chebaa. Dans un discours prononcé le 7 août, le Secrétaire général du Hezbollah a ajouté que « notre riposte d’hier était en lien avec les raids aériens israéliens qui, pour la première fois en 15 ans, visaient directement le Liban-Sud ».

Dans des lettres identiques datées du 6 août, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (A/75/988-S/2021/711), la Représentante permanente du Liban a dénoncé, d’ordre du Ministère de la défense nationale, ce que celui-ci a appelé des tirs d’obus israéliens, lancés sur le Liban les 4 et 6 août, et les deux raids effectués le 5 août en territoire libanais par des avions de combat israéliens, ajoutant que le Liban condamnait ces attaques israéliennes, qu’il a qualifiées d’actes hostiles et de violations claires de sa souveraineté.

Dans des lettres identiques adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité, également datées du 6 août (S/2021/710), le Représentant permanent d’Israël a déclaré que, le même jour, le Hezbollah s’était livré à un tir de barrage de 19 roquettes sur Israël, et que cette attaque était survenue deux jours seulement après trois autres tirs de roquette lancés en direction d’Israël depuis le Liban. Dans une déclaration publiée le 8 août, j’ai exprimé ma profonde inquiétude quant à la récente recrudescence des combats entre le Liban et Israël de part et d’autre de la Ligne bleue, notamment les tirs de roquette lancés en direction d’Israël et, en riposte, les frappes aériennes et les tirs d’artillerie dirigés sur le Liban.

Dans un discours qu’il a prononcé le 7 août, le Secrétaire général du Hezbollah a déclaré que le groupe de résistance avait été intercepté par des individus alors qu’il rentrait de l’opération menée à Choueïya et quatre de ses membres avaient été remis à l’Armée libanaise. Celle-ci a déclaré dans un communiqué avoir arrêté quatre personnes qui avaient lancé les roquettes et avoir saisi le lanceur utilisé lors de l’opération. Le 7 août, les quatre individus ont été libérés par le Procureur général du Liban, dans l’attente de leur procès. Dans son discours du 7 août, le Secrétaire général du Hezbollah a dénoncé l’interception, y voyant une tentative d’incitation aux tensions sectaires, et a déclaré que les auteurs des violences dirigées contre les combattants du Hezbollah en question devraient faire l’objet d’une enquête de la part des services de sécurité et être traduits en justice. Dans des lettres identiques datées du 12 août, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (S/2021/725), le Représentant permanent d’Israël a déclaré que la libération des quatre terroristes avait clairement un caractère politique et mettait en évidence l’étendue de la domination de l’Iran et de son supplétif, le Hezbollah, sur le gouvernement local et le pouvoir au Liban. En outre, pareille impunité ne faisait qu’encourager de nouvelles offensives contre Israël. Dans des lettres identiques datées du 27 août, adressées au Secrétaire général et au Président du Conseil de sécurité (S/2021/758), la Chargée d’affaires par intérim de la Mission permanente de la République islamique d’Iran a rejeté catégoriquement « toutes les allégations infondées du régime israélien contre la République islamique d’Iran contenues dans les documents S/2021/710 et S/2021/725 ».

Le 8 août, le Patriarche Raï a déclaré, durant son sermon, que l’on ne pouvait accepter qu’une partie s’arroge la décision de guerre et de paix en se substituant à l’État et en dehors du cadre de la légalité nationale que représente le cabinet se prononçant à la majorité des deux tiers, et a demandé à l’armée qui, avec les forces internationales, est responsable de la sécurité dans le sud, de prendre le contrôle de l’ensemble du territoire méridional, d’appliquer strictement la résolution 1701 (2006) et d’empêcher le lancement de roquettes depuis le territoire libanais, non pas tant pour préserver la sécurité d’Israël que pour préserver celle du Liban.

Les réfugiés de Palestine ont continué de souffrir de la détérioration de la situation socioéconomique du pays, tandis que de graves pénuries de carburant et d’électricité sévissent dans les camps de réfugiés. Les tensions entre les réfugiés et l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) se sont accrues, celui-ci ayant fait l’objet de nombreuses protestations qui l’ont contraint à fermer ses bureaux. L’Office s’est efforcé de sécuriser l’approvisionnement en eau dans les camps et de fournir une aide pécuniaire supplémentaire aux réfugiés. Toutefois, les besoins dépassant les capacités de l’Office, qui prévoit pour 2021 un déficit de son budget-programme de quelque 100 millions de dollars, les protestations contre l’UNRWA se sont poursuivies.

Il s’est également produit une augmentation des violences en général dans les camps de réfugiés, notamment les violences liées à la drogue, les violences domestiques et autres épisodes violents. Le 6 juin, des affrontements qui ont éclaté dans le camp de Rachidiyé auraient fait deux morts et six blessés. Les 3 et 17 juillet, dans le camp de Beddaoui, des querelles personnelles ont dégénéré en échange de tirs, au cours duquel une Syrienne ainsi qu’une Palestinienne de 13 ans auraient trouvé la mort. Le 27 août, dans le camp d’Aïn el-Héloué, une tentative d’assassinat, et les affrontements armés qui ont suivi, ont fait un mort.

La présence hors des camps de groupes armés palestiniens reste également une réalité. Nonobstant la décision prise en 2006 dans le cadre du dialogue national, et confirmée ultérieurement, de désarmer dans les six mois les milices palestiniennes présentes hors des camps, aucun progrès n’a été fait au cours de la période considérée en ce qui concerne le démantèlement des bases militaires du Front populaire de libération de la Palestine – Commandement général et du Fatah-Intifada dans le pays.

III. Observations

Je me félicite de la formation d’un nouveau gouvernement au Liban. Le peuple libanais est aux prises avec une crise et des difficultés croissantes. J’exhorte le nouveau Gouvernement à mettre en œuvre un programme de réformes concrètes qui réponde aux besoins et aux aspirations du peuple libanais et qui prévoie la tenue d’élections législatives en temps voulu. L’Organisation des Nations Unies collaborera avec le Gouvernement dans ce contexte. J’encourage le Liban à assurer la pleine participation des femmes à tous les secteurs du gouvernement ainsi qu’aux élections à venir.

Il demeure de la plus haute importance de mener une enquête impartiale, approfondie et transparente sur l’explosion survenue dans le port de Beyrouth, le peuple libanais exigeant des comptes des responsables. J’insiste également sur la nécessité de diligenter une enquête minutieuse et transparente sur le meurtre de Lokman Slim.

Il est essentiel de remédier à la grave crise socioéconomique qui sévit, non seulement pour le bien des Libanais et la stabilité du Liban, mais aussi parce que celle-ci entraîne une érosion des institutions de l’État, créant un vide que les acteurs non étatiques ne demandent qu’à combler. Je suis également préoccupé par les répercussions sur la sécurité des crises simultanées. Les services de sécurité doivent faire face à des demandes toujours plus nombreuses auxquelles ils ne sont pas toujours en mesure de répondre et subissent des pressions logistiques et financières croissantes. Dans ce contexte, le soutien matériel que la communauté internationale apporte à l’Armée libanaise est essentiel pour que celle-ci puisse continuer d’assumer son rôle de garante de la stabilité du pays. Je me félicite du soutien que plusieurs États Membres ont déjà apporté aux services de sécurité et j’encourage les autres à faire de même.

Les atteintes à la sécurité qui se sont produites entre le Liban et Israël rappellent avec force les risques que représentent l’existence d’armes échappant à l’autorité de l’État et la persistance de la présence de milices armées au Liban. Je condamne fermement les tirs de roquettes lancés depuis Gaza en direction d’Israël. Je condamne également les tirs d’Israël, en particulier les frappes aériennes lancées sur le Liban le 5 août. Ces épisodes auraient très bien pu mettre en péril la stabilité de part et d’autre de la Ligne bleue et conduire à un nouveau conflit.

L’omniprésence d’armes échappant au contrôle de l’État, l’existence de milices armées et les tirs de roquettes tels que ceux dont il est question dans le présent rapport continuent de compromettre la sécurité et la stabilité du Liban et constituent une violation des résolutions 1559 (2004) et 1701 (2006). Le fait que le Hezbollah admette ouvertement disposer d’importants moyens militaires de pointe échappant au contrôle de l’État libanais reste très préoccupant.

Je demande de nouveau à toutes les parties de s’abstenir de toute activité militaire à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, conformément aux dispositions de l’Accord de Taëf et de la résolution 1559 (2004). Il est impératif que tous s’attachent à préserver et appliquer ces accords si l’on veut éviter le spectre de nouveaux affrontements entre Libanais et renforcer les institutions de l’État. Toutes les parties concernées doivent concourir au renforcement des institutions de l’État libanais.

L’État libanais doit redoubler d’efforts pour avoir le monopole en matière de détention d’armes et d’emploi de la force sur tout son territoire. J’exhorte de nouveau l’Armée et le Gouvernement libanais à prendre toutes les mesures qui s’imposent pour empêcher le Hezbollah et les autres groupes armés de se procurer des armes et de développer une capacité paramilitaire hors de l’autorité de l’État et en violation des résolutions 1559 (2004) et 1701 (2006).

Les appels lancés par une partie de la population libanaise en faveur de la pleine application de la résolution 1559 (2004) et contre la détention d’armes par des acteurs non étatiques montrent que le fait que le Hezbollah continue de détenir des armes reste une question qui divise la société libanaise.

Non seulement le rôle pleinement assumé que continue de jouer le Hezbollah dans le conflit en République arabe syrienne contrevient à la politique de dissociation et aux principes de la Déclaration de Baabda, mais il risque également d’embourber le Liban dans le conflit régional et menace la stabilité du pays ainsi que celle de la région. Il est également l’expression du refus du Hezbollah de déposer les armes et de se soumettre aux institutions de l’État que la résolution 1559 (2004) visait précisément à renforcer. Les informations selon lesquelles le Hezbollah et d’autres éléments libanais participeraient aux combats qui se déroulent ailleurs dans la région demeurent préoccupantes.

Dans l’intérêt supérieur du Liban ainsi que de la paix et de la sécurité dans la région, les pays qui entretiennent des liens étroits avec le Hezbollah devraient encourager celui-ci à déposer les armes et à devenir un parti politique exclusivement civil, conformément aux dispositions de l’Accord de Taëf et de la résolution 1559 (2004).

Je condamne fermement toutes les violations de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Liban, qui mettent à mal la crédibilité des organes de sécurité et des institutions de l’État libanais et suscitent une profonde inquiétude parmi la population civile. Compte tenu des risques pour la stabilité de la région, il est vivement préoccupant que les Forces de défense israéliennes se servent encore et toujours de l’espace aérien libanais, comme il est allégué, pour frapper des cibles en République arabe syrienne. Je demande de nouveau à Israël de respecter les obligations que lui imposent les résolutions du Conseil de sécurité et de retirer ses forces de la partie nord du village de Ghajar et de la zone adjacente située au nord de la Ligne bleue, et de mettre fin immédiatement aux survols de l’espace aérien libanais.

Il est indispensable que les donateurs continuent d’assurer le financement de l’UNRWA, et notamment de tenir compte de sa demande d’assistance financière pour faire face à la dégradation de la situation économique, exacerbée par la crise de la COVID-19, qui règne dans les camps de réfugiés de Palestine, afin que l’Office puisse continuer de jouer son rôle essentiel et dispenser ses services. Le rôle de l’Office dans le maintien de la stabilité dans les camps de réfugiés de Palestine est plus que jamais essentiel et vital pour la dignité et la sécurité des réfugiés de Palestine. Ces mesures sont prises sans préjudice d’un règlement juste de la question des réfugiés de Palestine, auquel il faut parvenir dans le cadre d’un accord global dans la région.

Alors que le Tribunal spécial pour le Liban achève ses travaux, je suis convaincu que le Liban veillera à ce que les auteurs d’actes terroristes répondent de leurs actes devant ses tribunaux nationaux, conformément aux obligations qui lui incombent en droit international.

J’attends du Gouvernement qu’il continue d’honorer les obligations internationales qui sont les siennes, et j’invite toutes les parties et tous les acteurs à respecter pleinement les résolutions 1559 (2004), 1680 (2006) et 1701 (2006). L’Organisation des Nations Unies poursuivra ses efforts pour que ces résolutions et toutes les autres résolutions sur le Liban soient appliquées dans leur intégralité.

Source : S/2021/873