LIVRE II - INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE

==== TITRE Ier - DISPOSITIONS GENERALES

==== Chapitre Ier - Principe général

Art. L. 2211-1. - Comme il est dit à l’article 16 du code civil ci-après reproduit :

" La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. "

Art. L. 2211-2. - Il ne saurait être porté atteinte au principe mentionné à l’article L. 2211-1 qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par le présent titre.

L’enseignement de ce principe et de ses conséquences, l’information sur les problèmes de la vie et de la démographie nationale et internationale, l’éducation à la responsabilité, l’accueil de l’enfant dans la société et la politique familiale sont des obligations nationales. L’Etat, avec le concours des collectivités territoriales, exécute ces obligations et soutient les initiatives qui y contribuent.

==== Chapitre II - Interruption pratiquée avant la fin de la dixième semaine en cas de situation de détresse

Art. L. 2212-1. - La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l’interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu’avant la fin de la dixième semaine de grossesse.

Art. L. 2212-2. - L’interruption volontaire d’une grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin.

Elle ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé, satisfaisant aux dispositions de l’article L. 2322-1.

Art. L. 2212-3. - Le médecin sollicité par une femme en vue de l’interruption de sa grossesse doit, dès la première visite :

1o Informer celle-ci des risques médicaux qu’elle encourt pour elle-même et pour ses maternités futures, et de la gravité biologique de l’intervention qu’elle sollicite ;

2o Lui remettre un dossier-guide, mis à jour au moins une fois par an, comportant notamment :

a) Le rappel des dispositions de l’article L. 2211-1 ainsi que des dispositions de l’article L. 2212-1 qui limite l’interruption de la grossesse au cas où la femme enceinte se trouve placée par son état dans une situation de détresse ;

b) L’énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l’adoption d’un enfant à naître ;

c) La liste et les adresses des organismes mentionnés à l’article L. 2212-4, ainsi que des associations et organismes susceptibles d’apporter une aide morale ou matérielle aux intéressés ;

d) La liste et les adresses des établissements où sont effectuées des interruptions volontaires de la grossesse.

Un arrêté précise dans quelles conditions les directions départementales des affaires sanitaires et sociales assurent la réalisation et la diffusion des dossiers-guides destinés aux médecins.

Art. L. 2212-4. - Une femme s’estimant placée dans la situation mentionnée à l’article L. 2212-1 doit, après la démarche prévue à l’article L. 2212-3, consulter un établissement d’information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d’éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé qui doit lui délivrer une attestation de consultation.

Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance et des conseils appropriés à la situation de l’intéressée lui sont apportés, ainsi que les moyens nécessaires pour résoudre les problèmes sociaux posés, en vue notamment de permettre à celle-ci de garder son enfant. A cette occasion, lui sont communiqués les noms et adresses des personnes qui, soit à titre individuel, soit au nom d’un organisme, d’un service ou d’une association, seraient susceptibles d’apporter une aide morale ou matérielle aux femmes et aux couples confrontés aux problèmes de l’accueil de l’enfant.

Sauf en ce qui concerne les établissements publics de santé, ces consultations ne peuvent se dérouler à l’intérieur des établissements dans lesquels sont pratiquées des interruptions volontaires de la grossesse.

Les personnels des organismes mentionnés au premier alinéa sont soumis aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

Chaque fois que cela est possible, le couple participe à la consultation et à la décision à prendre.

Art. L. 2212-5. - Si la femme renouvelle, après les consultations prévues aux articles L. 2212-3 et L. 2212-4, sa demande d’interruption de grossesse, le médecin doit lui demander une confirmation écrite ; il ne peut accepter cette confirmation qu’après l’expiration d’un délai d’une semaine suivant la première demande de la femme, sauf au cas où le terme des dix semaines risquerait d’être dépassé, le médecin étant seul juge de l’opportunité de sa décision. Cette confirmation ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai de deux jours suivant l’entretien prévu à l’article L. 2212-4, ce délai pouvant être inclus dans celui d’une semaine prévu ci-dessus.

Art. L. 2212-6. - En cas de confirmation, le médecin peut pratiquer lui-même l’interruption de grossesse dans les conditions fixées au deuxième alinéa de l’article L. 2212-2. S’il ne pratique pas lui-même l’intervention, il restitue à la femme sa demande pour que celle-ci soit remise au médecin choisi par elle et lui délivre un certificat attestant qu’il s’est conformé aux dispositions des articles L. 2212-3 et L. 2212-5.

Le directeur de l’établissement de santé dans lequel une femme demande son admission en vue d’une interruption volontaire de la grossesse doit se faire remettre et conserver pendant au moins un an les attestations justifiant qu’elle a satisfait aux consultations prescrites aux articles L. 2212-3 à L. 2212-5.

Art. L. 2212-7. - Si la femme est mineure célibataire, le consentement de l’une des personnes qui exercent l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est requis. Ce consentement devra être accompagné de celui de la mineure célibataire enceinte, ce dernier étant donné en dehors de la présence des parents ou du représentant légal.

Art. L. 2212-8. - Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de la grossesse mais il doit informer, au plus tard lors de la première visite, l’intéressée de son refus. Il est tenu de se conformer aux obligations mentionnées aux articles L. 2212-3 et L. 2212-5.

Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse.

Un établissement de santé privé peut refuser que des interruptions volontaires de grossesse soient pratiquées dans ses locaux.

Toutefois, dans le cas où l’établissement a demandé à participer à l’exécution du service public hospitalier ou conclu un contrat de concession, en application des dispositions des articles L. 6161-5 à L. 6161-9, ce refus ne peut être opposé que si d’autres établissements sont en mesure de répondre aux besoins locaux.

Les catégories d’établissements publics qui sont tenus de disposer des moyens permettant la pratique des interruptions volontaires de la grossesse sont fixées par décret.

Dans les établissements de santé appartenant aux catégories mentionnées à l’alinéa précédent, le conseil d’administration désigne le service dans lequel les interruptions volontaires de grossesse sont pratiquées.

Lorsque le chef de service concerné refuse d’en assumer la responsabilité, le conseil d’administration doit créer une unité dotée des moyens permettant la pratique des interruptions volontaires de grossesse.

Art. L. 2212-9. - Tout établissement dans lequel est pratiquée une interruption de grossesse doit assurer, après l’intervention, l’information de la femme en matière de régulation des naissances.

Art. L. 2212-10. - Toute interruption de grossesse doit faire l’objet d’une déclaration établie par le médecin et adressée par l’établissement où elle est pratiquée au médecin inspecteur régional de santé publique ; cette déclaration ne fait aucune mention de l’identité de la femme.

Art. L. 2212-11. - Les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.

==== Chapitre III - Interruption pratiquée pour motif thérapeutique

Art. L. 2213-1. - L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins attestent, après examen et discussion, que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.

L’un des deux médecins doit exercer son activité dans un établissement public de santé ou dans un établissement de santé privé satisfaisant aux conditions de l’article L. 2322-1 et l’autre être inscrit sur une liste d’experts près la Cour de cassation ou près d’une cour d’appel. Si l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’un de ces deux médecins doit exercer son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire.

Un des exemplaires de la consultation est remis à l’intéressée ; deux autres sont conservés par les médecins consultants.

Art. L. 2213-2. - Les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-8 à L. 2212-10 sont applicables à l’interruption volontaire de la grossesse pratiquée pour motif thérapeutique.

Art. L. 2213-3. - Les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.

==== Chapitre IV - Dispositions communes

Art. L. 2214-1. - Les frais occasionnés par le contrôle de l’application des dispositions des chapitres II et III du présent titre sont supportés par l’Etat.

Art. L. 2214-2. - En aucun cas l’interruption volontaire de grossesse ne doit constituer un moyen de régulation des naissances. A cet effet, le Gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour développer l’information la plus large possible sur la régulation des naissances, notamment par la création généralisée, dans les centres de planification maternelle et infantile, de centres de planification ou d’éducation familiale et par l’utilisation de tous les moyens d’information.

La formation initiale et la formation permanente des médecins, des sages-femmes, ainsi que des infirmiers et des infirmières, comprennent un enseignement sur la contraception.

Art. L. 2214-3. - Chaque année, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances, le ministre chargé de la santé publie un rapport rendant compte de l’évolution démographique du pays, ainsi que de l’application des dispositions du présent titre.

Ce rapport comporte des développements sur les aspects socio-démographiques de l’interruption de grossesse.

L’Institut national d’études démographiques analyse et publie, en liaison avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, les statistiques établies à partir des déclarations prévues à l’article L. 2212-10.

Art. L. 2214-4. - Une délégation parlementaire pour les problèmes démographiques a pour mission d’informer les assemblées :

1o Des résultats de la politique menée en faveur de la natalité ;

2o De l’application des dispositions législatives relatives à la régulation des naissances et à la contraception ;

3o De l’application et des conséquences des dispositions législatives relatives à l’interruption volontaire de la grossesse.

Le Gouvernement présente chaque année à la délégation un rapport sur les actions mentionnées à l’alinéa précédent ; la délégation formule sur celui-ci des observations et les soumet aux commissions parlementaires compétentes.

Art. L. 2214-5. - La délégation parlementaire pour les problèmes démographiques compte vingt-cinq membres (quinze députés et dix sénateurs).

Les membres de la délégation sont désignés en leur sein par chacune des deux assemblées du Parlement de manière à assurer une représentation proportionnelle des groupes politiques.

Les députés membres de la délégation sont désignés au début de la législature pour la durée de celle-ci.

Les sénateurs membres de la délégation sont désignés après chaque renouvellement partiel du Sénat.

Le mandat des délégués prend fin avec le mandat parlementaire.

La délégation définit son règlement intérieur.

==== TITRE II - DISPOSITIONS PENALES

==== Chapitre Ier - Provocation à l’interruption de grossesse

Art. L. 2221-1. - Sans préjudice des dispositions des articles 121-6 et 121-7 du code pénal, le fait de provoquer par un moyen quelconque à l’interruption de grossesse, même licite, alors même que cette provocation n’est pas suivie d’effet, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 F d’amende.

La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, par un moyen quelconque, concernant soit les établissements dans lesquels sont pratiquées les interruptions de grossesse, soit les médicaments, produits et objets ou méthodes destinés à procurer ou présentés comme de nature à procurer une interruption de grossesse, sauf dans les publications réservées aux médecins et aux pharmaciens, est punie des mêmes peines.

En cas de provocation, de propagande ou de publicité au moyen de l’écrit, même introduit de l’étranger, de la parole ou de l’image, même si celles-ci ont été émises de l’étranger, pourvu qu’elles aient été perçues en France, les poursuites prévues aux alinéas précédents sont exercées contre les personnes énumérées à l’article 42 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, dans les conditions fixées à cet article, si le délit est commis par la voie de la presse, et contre les personnes reconnues responsables de l’émission ou, à leur défaut, les chefs d’établissement, directeurs ou gérants des entreprises ayant procédé à la diffusion ou en ayant tiré profit, si le délit est commis par toute autre voie.

==== Chapitre II- Interruption illégale de grossesse

Art. L. 2222-1. - Comme il est dit à l’article 223-10 du code pénal ci-après reproduit :

" L’interruption de la grossesse sans le consentement de l’intéressée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende. "

Art. L. 2222-2. - Comme il est dit à l’article 223-11 du code pénal ci-après reproduit :

" L’interruption de la grossesse d’autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende lorsqu’elle est pratiquée, en connaissance de cause, dans l’une des circonstances suivantes :

1o Après l’expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle pratiquée pour un motif thérapeutique ;

2o Par une personne n’ayant pas la qualité de médecin ;

3o Dans un lieu autre qu’un établissement d’hospitalisation public ou qu’un établissement d’hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi.

Cette infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende si le coupable la pratique habituellement.

La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines. "

Art. L. 2222-3. - Le fait de procéder à une interruption de grossesse après diagnostic prénatal sans avoir respecté les modalités prévues par la loi est puni de deux ans d’emprisonnement et de 200 000 F d’amende.

==== Chapitre III - Entrave à l’interruption légale de grossesse

Art. L. 2223-1. - Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, dont l’objet statutaire comporte la défense des droits des femmes à accéder à la contraception et à l’interruption de grossesse, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par l’article L. 2223-2 lorsque les faits ont été commis en vue d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8.

Art. L. 2223-2. - Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 F d’amende, le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables prévus par les articles L. 2212-3 à L. 2212-8 :

 soit en perturbant l’accès aux établissements mentionnés à l’article L. 2212-2 ou la libre circulation des personnes à l’intérieur de ces établissements ;

 soit en exerçant des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements ou des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse.