Rapport du professeur Michèle UZAN, Chef du service de gynécologie-obstétrique

de l’hôpital Jean Verdier à Bondy (93) Université Paris XIII, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, INSERM U 361

SOMMAIRE

LETTRE DE MISSION

INTRODUCTION

I - LES INTERRUPTIONS VOLONTAIRES DE GROSSESSE DES ADOLESCENTES

A- Etat des lieux à Jean VERDIER

B- Comparaison à la population adulte

C- Caractéristiques socio-économiques

D- Répétition de l’I.V.G.

E- Contraception lors de l’I.V.G.

F- Consultation post-IVG et suivi ultérieur

G- Devenir de la 1ère grossesse chez l’adolescente

H- Réalisation de l’I.V.G.

I- Problème de l’autorisation parentale

J- Dépassement des délais légaux

K- Rôle de passerelle du centre planning vers les collèges

L- Autres activités d’un centre de planning

M- Conduites additives : rôle du tabac, alcool, drogues

N- I.V.G. et IMG dans un contexte de violence

II - LA GROSSESSE DES ADOLESCENTES

A- Etat des lieux à Jean VERDIER

B- Comparaison à la population adulte

C- Origines ethniques

D- Taux de scolarisation

E- Suivi des grossesses

F- Situation familiale

G- Termes et modes d’accouchement

H- Conduites additives

III - LA CONTRACEPTION DES ADOLESCENTES

IV - LE COMPORTEMENT PSYCHOLOGIQUE DE L’ADOLESCENTE ENCEINTE

V - CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS

VI - BIBLIOGRAPHIE

==== MISSION ====

Ce rapport conduit à la demande du Pr Joël MENARD, Directeur Général de la Santé, a pour but de faire des propositions à partir de l’expérience d’un établissement de gynécologie-obstétrique appartenant à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris en Seine St-Denis et qui dispose d’un centre de protection maternelle et infantile ainsi que d’un centre de planning.

Nous avons analysé les données disponibles concernant les grossesses des mineures âgées de 12 à 18 ans (en tenant compte de la minorité à l’âge du début de grossesse). Il s’agit d’une frange de population qui pose des problèmes sociaux, médicaux et juridiques bien spécifiques.

Nous avons étudié le devenir des grossesses des adolescentes qui venaient se confier à nous, qu’elles souhaitent interrompre cette maternité ou la poursuivre. Nous avons réuni tous les personnels de santé du service de gynécologie-obstétrique qui, au quotidien, ont pris en charge ces adolescentes, les ont écoutées, soignées et accompagnées : sages-femmes, aides-soignantes, conseillères conjuguales, infirmières, psychologues, psychiâtres, médecins. Nous avons également réuni au cours de deux séances d’audition, un certain nombre de professionnels travaillant en coordination avec le service : pédiatres en charge d’adolescents, institutrices dirigeant une classe d’adolescents en milieu hospitalier, médecin responsable des urgences médico-judiciaires, médecin expert national qualifié pour les sévices et violences sexuelles sur mineurs, enfin des professionnels externes à l’hôpital Jean Verdier : médecins gynécologues prenant en charge plus spécifiquement les grossesses d’adolescentes, des professionnels des collèges, documentalistes ou éducatrices, des médecins dirigeant des maisons maternelles pour adolescentes enceintes, enfin des représentants du centre d’écoute, d’information et d’orientation pour jeunes.

Il a été proposé à ces différentes personnes, de faire part de leur expérience, que nous avons pu confronter à la nôtre, d’essayer de définir les différentes filières, les stéréotypes et les comportements à risque, mais également de faire des propositions allant dans le sens d’une amélioration de la prise en charge de ces adolescentes.

Le but était de trouver des pistes conduisant à des solutions préventives à la survenue d’une grossesse bien trop précoce, mais également le mode de diffusion de l’information, trouver des passerelles entre le monde des professionnels de santé, de l’éducation et des adolescents, de créer un maillage éducatif et sanitaire assurant une meilleure prévention et permettant de rétablir parfois ces adolescentes dans des liens affectifs.

Nous remercions vivement,

Mesdames BELGHITI, psychologue - Hôpital Jean Rostand, BENETEAU, institutrice - Hôpital Jean Verdier, BLAZY, Responsable du Centre Maternel du Vésinet, BOURHIS, assistante sociale en milieu scolaire, CADEAC, Fil Santé Jeunes - Ecole des parents et des Educateurs, CHAUX, sage-femme planning familial - Hôpital Tenon, COUVREUR, infirmière - Lycée Ledoux, CUKIER-HEMEURY, psychologue - Hôpital Jean Verdier, DAUDU, documentaliste - Lycée Ledoux, DELORIERE, assistante sociale - Hôpital Jean Verdier, DEVRAIGNE, gynécologue - responsable du centre maternel de JOUARRE, FOUCHER, gynécologue - Hôpital Louis Mourier, FRANCOIS, cadre infirmier - Maternité Jean Verdier, HASSOUN, responsable du centre de planning familial - Hôpital St-Denis, HAUMONT, cadre infirmier - Service de gynécologie-obstétrique - Hôpital Jean Verdier, HUGUES, sage-femme - surveillante chef, Maternité Jean Verdier, IGERT, psychologue, JABAUD, secrétaire médicale - Service de gynécologie-obstétrique - Hôpital Jean Verdier, JOSPIN, sage-femme, LETELLIER, conseillère conjugale - Hôpital Jean Verdier - LOCHE, infirmière - centre de planning - Hôpital Jean Verdier, NATHANSON, pédiatre - Hôpital Jean Verdier, NEUMAN, psychiatre - Service de gynécologie-obstétrique - Hôpital Jean Verdier, PAIS, médecin généraliste, SECRET, Educatrice spécialisée - Hôpital Jean Verdier, STIRNEMANN, conseillère conjuguale - planning familial VILLEPINTE, TOURNADE, conseillère conjugale - centre de planning - Hôpital Jean Verdier, VAYSSE, infirmière responsable - centre de planning - Hôpital Jean Verdier

Messieurs FAUCHER, responsable du centre de planning - Hôpital Jean Verdier, GARNIER, chef du service des urgences médico-judiciaires - Hôpital Jean Verdier, SERFATY, responsable du centre de planning familial - Hôpital St-Louis, UZAN, chef du service de gynécologie-obstétrique - Hôpital Tenon, VARNIER, gynécologue, expert national - urgences médico-judiciaires - Hôpital Jean Verdier

pour leurs conseils, fruit d’une longue expérience, leur disponibilité, leur professionnalisme.

C’est grâce à eux que ce rapport peut exister, il est le résultat d’une réflexion commune dont le seul but est de venir en aide à ces adolescentes trop souvent démunies, désemparées, navigant dans la "galère" d’un quotidien hostile, égarées dans le monde des adultes, à peine sorties de l’enfance.

==== INTRODUCTION ====

Si nous voulons saisir d’où nous venons, il nous faut remonter assez loin dans le temps, disons au Moyen-Age. Si nous faisons une halte au XVIè siècle, nous nous représentons facilement de très jeunes femmes enceintes et mères, la maternité précoce était souvent la règle de ces temps anciens. La Littérature nous offre de bien nombreux témoignages. Ainsi la Juliette de Shakespeare épouse dans le secret Roméo à l’âge de 14 ans. La mère de Juliette ne remarque t’elle pas qu’elle même était déjà mère à l’âge de sa fille ?

On sait qu’au Moyen Age la puberté était plus tardive qu’aujourd’hui, mais la vie sexuelle et le mariage étaient relativement précoces aboutissant à des maternités chez des femmes très jeunes.

Les peintres ont souvent représenté la Vierge comme une très jeune fille, une femme enfant : elle avait 16 ans. Ce modèle ne s’est maintenu par la suite que dans des milieux restreints comme l’aristocratie ou bien dans certaines régions comme le midi de la France ou les colonies du nouveau monde, au Canada par exemple.

Ailleurs, les grossesses aux âges jeunes, avant 20 ans, se sont heurtées surtout au XIXè siècle à une très forte réprobation sociale conduisant les mères à cacher leurs grossesses et naissances et bien souvent à abandonner l’enfant nouveau né : l’engrenage se refermait autour du secret des jeunes filles enceintes et de la répression sociale. Depuis l’édit Royal de 1556 toute jeune femme célibataire enceinte devait en faire la déclaration au juge sous peine d’être accusée "de recel de grossesse".

La solution qui s’offrait aux jeunes mères célibataires était de se placer comme nourrice dans la bourgeoisie, en ville pour échapper à la réprobation familiale. C’est pour venir en aide à ces jeunes femmes sans emploi ni soutien familial que le sénateur Paul Strauss (1852-1942) a créé des institutions, asiles refuges et autres "samaritaines", il préfigurait les "premières maisons maternelles".

A notre époque, un des facteurs essentiels de bouleversement est la scolarisation de masse, qui créé pratiquement cet âge d’adolescence entre enfance et âge adulte, ce passage obligé qui doit être respecté. A cela, ce sont imposés les révolutions sexuelles et contraceptives auxquelles s’ajoutent des références culturelles et ethniques et une maturité physique plus rapide des jeunes (l’âge de la puberté a diminué de 4 ans en cent ans passant de 17 à 13 ans).

En France, la fécondité des adolescentes après avoir augmenté jusqu’au milieu de la décennie 1970, a rapidement diminué. La fécondité est deux fois plus faible aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Chez les très jeunes femmes avant 18 ans, l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) est l’issue de plus d’une grossesse sur deux.

Si l’on admet de nos jours que les maternités à l’adolescence sont en majorité non désirées, certaines sont même subies par la force et la violence.

Cependant, certaines sont voulues pour des motivations très variées : désir de prouver sa féminité, désir d’exister, désir de maternité, désir de se reproduire, désir de prouver son indépendance enfin parfois hélas désir de lancer une cri d’alarme, un signal de détresse qui peut générer soit un suicide, soit une grossesse.

Nos institutions ont bien repéré ce type de comportement qui aboutit à des grossesses de déclaration tardive (12 % sont mineures). Ces déclarations tardives ont été retenues comme marque de précarité et de vulnérabilité sur le plan social pour la mère et sur le plan médical pour l’enfant.

==== I - LES INTERRUPTIONS VOLONTAIRES DE GROSSESSE DES ADOLESCENTES ====

A- ÉTAT DES LIEUX À JEAN VERDIER

Depuis la restructuration du centre de planning, nous disposons d’un certain nombre de données concernant cette activité. Nous avons sur une durée de 42 mois (1/9/94 à 28/2/98) réalisé 3153 I.V.G., une moyenne de 900 I.V.G. par an. Ce chiffre est considérable. Il correspond à l’activité d’une unité fonctionnelle au sein d’un service de gynécologie et d’obstétrique. Le fonctionnement de cette unité a justifié le regroupement d’un certain nombre de personnels et de moyens sous la responsabilité du Chef de Service de gynécologie-obstétrique :

 1 PH temps partiel (médecin responsable)

 1 médecin contractuel

 1 médecin vacataire

 1 infirmière responsable

 2 infirmières

 1 aide-soignante

 1 secrétaire médicale mi-temps

 2 conseillères conjugales

Il fonctionne du lundi au vendredi, 12 mois par an.

Le week-end, l’activité d’urgence est assurée par le service de gynécologie-obstétrique.

Nous présentons ici les caractéristiques des adolescentes prises en charge par cette équipe.

Il est convenu de définir comme adolescentes les patientes au dessous de l’âge de la majorité, c’est à dire entre 12 et 18 ans, en sachant qu’il faut distinguer deux catégories totalement différentes : celles qui se situent entre 12 et 15 ans et celles qui sont au delà de 15 ans et jusqu’à 18 ans.

L’activité peut être représentée ainsi en quelques données chiffrées :

1994 (4 mois) n = 15

1995 (12 mois) n = 54

1996 (12 mois) n = 33

1997 (12 mois) n = 46

1998 (2 mois) n = 10

n = 158

Ces chiffres représentent 5 % de l’activité globale des I.V.G. de l’unité de planning.

B- COMPARAISON A L’ACTIVITE GLOBALE D’I.V.G. ADULTES

Il est intéressant de comparer l’activité adolescente et adulte ayant consulté durant la même période du 1/9/94 au 28/2/98.

Total I.V.G. I.V.G. Ados

1994 (4 mois) 294 15 5 %

1995 (12 mois) 933 54 5,7 %

1996 (12 mois) 820 33 4 %

1997 (12 mois) 946 46 4,8 %

1998 (2 mois) 160 10 6,2 %

42 mois 3153 158 5 %

Ce pourcentage d’I.V.G. chez les adolescentes reste assez stable sur une durée de 42 mois. Ces chiffres sont semble t-il des chiffres moyens en Seine St-Denis, dans certains centres de planning, ils sont plus élevés jusqu’à 1O % de l’activité globale (Hôpital DELAFONTAINE - St Denis).

Les chiffres nationaux sont un peu plus bas que ceux du département de Seine St-Denis et se situent aux environs de 3 %. Cette discordance est le fait d’une population beaucoup plus jeune en Seine St-Denis (population immigrée dont le taux de fécondité est très élevé).

Dans le monde, 10 % des 50 millions d’avortements provoqués chaque année concernent des adolescentes âgées de 15 à 19 ans.

Les taux d’I.V.G. dans les pays développés s’échelonnent de 0,42 % aux Pays-Bas (c’est le taux le plus bas) à 4,57 % aux Etats-Unis (surtout aux dépens de la population noire américaine). Il faut d’emblée noter que dans tous les pays développés où une contraception efficace est aisément accessible et disponible, de même qu’une éducation sexuelle diffusée de façon appropriée, le taux d’I.V.G. des mineures diminue.

Le bulletin d’information de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) paru en juin 1997 rapporte des données comparées de 1980 à 1989.

Chez les adolescentes, les chiffres sont donnés en avortements pour 100 conceptions.

Age 1980 1989

14/15 ans 59,9 % 61,9 %

16/17 ans 44,9 % 50,4 %

globalement : 14/44 ans 22,8 % 20 % (1/5) Avortements pour 100 conceptions

Deux remarques peuvent être faites :

 Plus l’âge est faible et plus il est fait recours à l’I.V.G.

 Les taux d’I.V.G. sont restés assez constants entre 1989 et 1989.

Il est important de noter sur l’année 1989, pour la population en âge de procréer (entre 14 et 44 ans), qu’une grossesse sur cinq s’est terminée par une I.V.G..

Les chiffres d’I.V.G. sur la population générale montrent une légère inflexion (250000 en 1976 contre 220000 en 1994).

Les chiffres globaux concernant les I.V.G. des adolescentes par rapport aux grossesses débutantes sont bien sûr plus élevés = une grossesse sur deux aboutit à une interruption.

Il est donc urgent de mettre en place comme nous le verrons des mesures permettant une meilleure prévention : une plus grande diffusion de la contraception chez les adolescents (là où ils se trouvent) et une meilleure éducation sexuelle et sanitaire.

C) CARACTERISTIQUES SOCIO-ECONOMIQUES D’UN ECHANTILLON A PARTIR D’UNE ETUDE PROSPECTIVE

Sur un échantillon plus spécifiquement étudié de 72 adolescentes ayant consulté à Jean Verdier, nous avons réalisé une approche socio-économique intéressante :

Origines ethniques

 Origine Française

(métropolitaine + DOM/TOM) 53 soit environ 73 % (près des 3/4)

 Maghreb 7

 Gitanes 6

 Afrique noire 2

 Divers 4 (Turquie, Asie, Russie, Italie)

Scolarisation

Sur ces 72 adolescentes, 42 seulement étaient scolarisées (soit 58 %), 3 étaient salariées et 27 étaient sans "occupation" (sans emploi et sans qualification). Il s’agit donc d’une population en grande majorité déscolarisée et sans emploi.

Nous reviendrons sur ce problème car l’état de grossesse même s’il doit aboutir à une I.V.G. procure durant un temps (si éphémère soit-il) un statut, une première entrée dans le monde des adultes, une "reconnaissance".

Enfin, qu’il nous suffise de rajouter que 6 adolescentes avaient été placées à l’aide sociale à l’enfance (c’est à dire 8 %), que 3 recouraient à une I.V.G. après viol [c’est à dire 4 % : il s’agissait de 2 métropolitaines (12 et 17 ans) et d’une malienne âgée de 17 ans].

Comme il est fréquent, dans ces 3 cas les violences sexuelles avaient pour auteur des membres de la famille (grand-père pour la fille de 12 ans, père et frère pour celles de 17 ans).

AU TOTAL

Sur cette population d’adolescentes qui a recours à l’I.V.G. dans notre unité, près des 3/4 sont Françaises (73 %) et 1/4 sont immigrées (27 %).

Notre échantillon de population est pratiquement et totalement d’origine locale de Seine St Denis : 68/72 habitent le département.

Ceci est en léger décalage avec la population de Seine St-Denis. Dans ce département le taux de population immigrée est de 18,9 %, mais le taux de fécondité est plus élevé dans cette population.

D) LE PROBLEME DE LA REPETITION

Il constitue bien entendu une des principales préoccupations en matière d’I.V.G., que ce soit chez l’adulte et à fortiori chez l’adolescente. C’est bien entendu un des points sur lequel doivent porter tous nos efforts de prévention.

Sur ce même échantillon de 72 adolescentes, 9 avaient déjà eu une I.V.G., soit 12 %. Ce chiffre est fort préoccupant.

Age : Ces adolescentes se situent dans la tranche d’âge comprise entre 16 et 17 ans, l’une d’elles avait déjà fait 2 I.V.G.. Il s’agit essentiellement de la tranche d’âge supérieure.

8 sur 9 sont d’origine Françaises.

Si l’on se reporte à la population générale (données de Kaminski et coll 1997 Inserm U 149) on voit que les femmes ayant des I.V.G. répétées se distinguent surtout par un âge précoce à la 1ère grossesse, que celle-ci se soit terminée par une naissance ou une I.V.G. et par des grossesses successives (naissance ou I.V.G.) rapprochées.

Le risque d’I.V.G. répétés est nettement augmenté en cas de 1ère grossesse avant 20 ans.

Dans la population adulte, si depuis le début des années 1980, le nombre global d’I.V.G. est en diminution, par contre le nombre d’I.V.G. répétées à tendance à augmenter. Il faut rajouter, (comme l’a montré Blayo) :

 l’augmentation du risque d’une I.V.G. supplémentaire selon le nombre d’I.V.G. antérieure

 le nombre élevé d’enfants chez les femmes ayant des I.V.G. répétées

 le rythme rapproché des grossesses successives.

On peut schématiquement dire que si le nombre global d’I.V.G. en France est en diminution lente mais certaine (250000 en 1976 et 220000 e 1994, en données corrigées), il représente environ 20 à 25 % des enfants nés (une conception sur 4 à 5 aboutit à une I.V.G.).

Un certain nombre de patientes continuent à avoir recours à l’I.V.G. répétée, à titre de contraception.

Les données de Serfaty (1995) montrent que le taux de répétition d’I.V.G. en 1980 en France, se situe aux alentours de 10 % alors qu’en 1989 il est de 20 %. Ce niveau de répétition bien qu’inférieur à celui des autres pays européens est néanmoins inquiétant et doit faire envisager une politique nationale efficace de prévention, tous âges confondus.

La répétition est le témoin d’un caractère irresponsable, incapable de poursuivre une contraception, au comportement sexuel souvent très actif et donc très exposé aux maladies sexuellement transmissibles.

Cette prévention passe très certainement par une éducation sexuelle précoce dans les collèges, dans certains pays elle est initiée dès la fin de l’enseignement primaire. On sait que chez les mineures 60 % des premiers rapports se déroulent sans contraception.

Cet enseignement de la sexualité devra s’adresser tant aux petites filles qu’aux petits garçons ; en effet, si chez la fille l’installation des premières règles ou la demande d’une contraception peut être le moment privilégié pour initialiser son éducation sexuelle, il n’en est pas de même chez le jeune adolescent au comportement irresponsable mais également ignorant des choses de la reproduction humaine.

C’est le double message qui doit être passé :

celui du P + P : pilule + préservatif. Lui seul préviendra la grossesse et la maladie sexuellement transmissible.

E) CONTRACEPTION AU MOMENT DE L’I.V.G.

La connaissance du type de contraception lors de l’I.V.G. est capitale si l’on veut mettre en place un programme efficace de prévention de la répétition.

Sur notre échantillon de 72 adolescentes ayant eu recours à l’I.V.G.

 52 n’avaient aucune contraception (71 %) !!! Il s’agit souvent d’adolescentes qui ont déjà eu une contraception et qui l’ont arrêtée. On définit comme pas de contraception, l’absence de contraception dans les trois mois qui précédent l’I.V.G..

 4 démarraient une grossesse après oubli de pilule oestro-progestative

 16 avaient une grossesse après échec de préservatif (échec, c’est à dire mauvaise utilisation, voire souvent pas mis).

On se rend compte que peu d’adolescentes ont une contraception efficace.

Si l’on compare ces chiffres à ceux de la population adulte consultant pour demande d’I.V.G., on voit qu’ils sont assez différents.

Les chiffres de J. Kahn-Nathan en 1997 montrent que 75 % des demandes d’I.V.G. sont liées à un échec de contraception dont

10 % sont dues à l’utilisation de méthodes sûres : pilule ou stérilet.

25 % des demandes sont issues de patientes sans contraception.

L’étude de Serfaty 95 montre des chiffres équivalents, la contraception pré-IVG se répartit comme suit :

 aucune contraception = 20,4 %

 pilule + stérilet = 11,2 % (bonne contraception)

 autres méthodes : 68,4 % (aléatoire)

La confrontation de ces données est intéressante.

Il est admis que les oublis de pilule sont responsables de 8 à 10 % des demandes d’I.V.G. dans les centres de planning parisiens.

Ces chiffres éloquents montrent qu’il parait urgent de développer le parent pauvre de la contraception qui est la contraception du lendemain ou contraception d’urgence, qui peut être utilisée dès les 72 heures qui suivent le rapport. Il s’agit d’une technique simple et extrêmement efficace (de l’ordre de 85 à 90 %) et très peu onéreuse : c’est la méthode de Yuzpe.

Il faudrait pouvoir disposer de plaquettes comprenant 4 comprimés d’oestro-progestatifs dosés à 50 g d’éthinyl oestradiol. Voici une solution très efficace à condition d’être connue et répandue . On se rend compte qu’elle est très peu connue des femmes qui viennent consulter pour une demande d’I.V.G., mais également des médecins généralistes !!! qui pourraient être au 1er plan de la demande, des services d’urgences hospitalières et des pédiatres. En Grande-Bretagne et en Ecosse, des informations sont fournies aux médecins généralistes : brochures et fiches, des spots télévisés sont intégrés dans les programmes destinés aux jeunes.

Chez les patientes multipares la pose du stérilet jusqu’à 5 jours après le rapport est très efficace. Cette technique simple est elle aussi très peu employée. Voici deux mesures simples qui pourraient (rapporter gros) diminuer de façon drastique le nombre d’I.V.G.. En Grande-Bretagne, il existe une présentation spécifique de ces 4 pilules commercialisées sous le nom de PC4 (35821 boîtes vendues en 1994).

Bientôt, elles devraient être commercialisées en France par les laboratoires Schéring. Elles devront bénéficier d’une grande diffusion et être délivrées gratuitement sous contrôle médical dans les centres de planning. En dehors des oestroprogestatifs, la contraception urgente pourrait être assurée par le RU 486 (Mifégyne) à la dose de 600mg.

Son efficacité est plus grande que la méthode de Yuzpe, quelque soit le moment du cycle.

F) CONSULTATION POST-IVG ET SUIVI POST-IVG

L’un des éléments importants de prévention est sûrement la forte incitation au suivi post-IVG. C’est là un des points forts sur lequel il faut sûrement insister pour réduire les risques de répétition. Dans notre unité nous insistons dès le premier entretien sur l’importance de ce suivi qui permet de veiller à la bonne observance et tolérance à la contraception essentiellement oestro-progestative chez l’adolescente. Les résultats sont assez satisfaisants car 80 % des patientes sont revues dans le mois qui suit l’I.V.G.. Dans la population des femmes adultes, le taux des consultations post-IVG est de 73 %.

Pour être incitatif ce suivi peut être prolongé au delà de la consultation post-IVG et nous avons instauré une consultation de gynécologie au centre de planning, pour un suivi de contraception, le dépistage des MST, celle-ci elle est également l’occasion de la 1ère consultation pour une 1ère contraception.

Il n’est pas rare de voir des mineures consulter au planning, afin d’obtenir leur première prescription de contraception, elles viennent seules ou accompagnées d’une amie (déjà venue il y a peu de temps).

En 1996 : nous avons vu 84 adolescentes : < 16 ans = 13

en dehors de toute demande 16/17 ans = 28

d’I.V.G. 17/18 ans = 43

En 1997 : nous avons vu 63 adolescentes : < 16 ans = 10

en dehors de toute demande 16/17 ans = 22

d’I.V.G. 17/18 ans = 31

C’est là une mission importante du centre de planning. La contraception est prescrite aux mineures sur des formulaires spécifiques qui permettent l’obtention gratuite de pilule en pharmacie. Ceci est possible grâce à une convention passée avec le Conseil Général de Seine St-Denis qui prend en charge la contraception. Elle existe également dans les Yvelines (78). Ce type de convention devrait être généralisé. La prescription est possible sans autorisation des parents et la pilule est gratuite.

Ce suivi gynécologique est probablement plus aisé dans un centre de planning que dans un service de gynécologie-obstétrique. Cette mesure de gratuité devrait se généraliser partout en France. Elle est simple à obtenir. Elle est fonction de la volonté du Conseil Général qui passe convention avec la CPAM du département. Elle est incitative à la prise et à la poursuite de la contraception orale chez les adolescentes et les non assurées sociales.

G) DEVENIR DE LA 1ERE GROSSESSE CHEZ L’ADOLESCENTE

Il est intéressant d’étudier la façon dont évolue la 1ère conception chez l’adolescente : plus la 1ère conception survient tôt et plus elle a de risque de se terminer par une I.V.G.

Le rapport de l’INED conduit par le Pr H. Leridon ainsi que les données publiées par le Dr Hassoun en 1997 montrent une évolution très intéressante entre les années 89 et 91. Lorsqu’on étudie par tranches d’âge successives entre 12 et 17 ans le devenir d’une 1ère conception, on voit que plus on avance en âge vers la majorité et plus la grossesse a de chance de se poursuivre jusqu’à son terme.

1989 1991

12 ans

13 ans

14 ans

15 ans

16 ans

17 ans 7 N

45 N

259 N

827 N

2366 N

5221 N 43 I.V.G.

187 I.V.G.

672 I.V.G.

1722 I.V.G.

3105 I.V.G.

4661 I.V.G. 12 ans

13 ans

14 ans

15 ans

16 ans

17 ans 12 N

38 N

203 N

783 N

2119 N

5064 N 34 I.V.G.

215 I.V.G.

703 I.V.G.

1840 I.V.G.

3290 I.V.G.

/

N = naissances

A la lecture de ces données récemment publiées, on voit qu’il existe une zone charnière entre 16 et 17 ans autour de laquelle s’articule un changement. Entre 12 et 16 ans, la 1ère conception se termine beaucoup plus souvent par une I.V.G..

Après 17 ans, plus de la moitié des grossesses se poursuivent. A l’âge adulte comme nous l’avons vu, une conception sur 4 a abouti à une I.V.G. en 1994.

Le rapport du Dr Ch. Blayo publié dans Population en 1995 montre des résultats à peu près similaires.

En 1981, sur une population d’adolescentes âgées de 14 à

19 ans, les naissances représentent 7 % des grossesses et les I.V.G. 13,8 %.

En 1989 sur une même population d’adolescentes entre 14 et 19 ans les naissances représentent 3,9 % des grossesses et les I.V.G. 10,8 %.

Il se confirme la diminution du nombre des naissances chez les adolescentes, mais également celui des I.V.G., probablement liée aux efforts réalisés en matière de contraception.

Nous avions vu qu’entre 12 et 18 ans, les grossesses des adolescentes représentent en 1994 2 % des naissances en France.

H) CONDITIONS DE REALISATION DE L’I.V.G.

Il s’agit d’une pratique parfaitement standardisée et qui doit répondre à des exigences techniques parfaitement codifiées. Les différentes pratiques sont exposées à la patiente en lui exposant les avantages et les inconvénients et il lui est laissé le choix du type de technique : médicamenteuse, anesthésie générale ou anesthésie locale (annexe p 71)

Dans notre unité de planning, les I.V.G. sont toujours réalisées en hôpital de jour. Sur notre série d’adolescentes :

* 53 % des I.V.G. sont faites sous anesthésie générale et 1 % sous anesthésie locale (en cas de récidive d’I.V.G. ou de multiparité car les conditions techniques s’y prêtent).

* et 46 % sont médicamenteuses (association RU 486 ou Mifégyne et Cytotec).

Le nombre élevé d’I.V.G. médicamenteuses est lié au fait que les patientes ont consulté très tôt, soit parce qu’elles ont pu en parler tôt et être orientées rapidement, soit parce qu’elles avaient simplement un projet d’enfant mais pas de grossesse ou que la grossesse permettait simplement de les rassurer sur leur fécondité et que le projet d’enfant n’existait pas.

Les pratiques varient selon les différents centres, même si les techniques sont standardisées. Dans certains centres, les I.V.G. sont toujours faites sous anesthésie générale et au cours d’une hospitalisation de 24 heures, et ce dans le but de disposer de plus de temps pour donner des informations sur la contraception. Ailleurs, elles sont réalisées en ambulatoire et sous anesthésie locale (dans les 2/3 des cas) afin de contourner (sans pour autant la régler) la difficulté de demande d’autorisation parentale. Dans ces cas il n’y a pas d’hospitalisation.

Nous reviendrons plus loin sur les comportements psychologiques rencontrés autour de l’I.V.G..

Si l’on compare ces pratiques à celles réalisées sur la population de femmes adultes, les chiffres diffèrent sensiblement.

Nous avons : 33 % d’I.V.G. faites sous A.G.

27 % d’I.V.G. faites sur A.L.

et 40 % d’I.V.G. qui sont médicamenteuses

Quelle que soit la technique utilisée, une consultation d’anesthésie est réalisée, un dépistage de sérologie HIV proposé.

Dès qu’une aspiration est réalisée, une antibioprophylaxie est faite (le traitement qui comprend 2 comprimés de Minocyne, est remis gratuitement à la patiente).

I) PROBLEMES LIES A L’AUTORISATION PARENTALE : AUTORISATION DES JUGES

L’autorisation parentale est probablement un des points de la loi Veil qui rencontre le plus de difficultés et sûrement le plus de distorsion.

En effet, si la loi du 17.1.75, reprise et modifiée par la loi du 31.12.79 relative à l’I.V.G. a dépénalisé l’avortement non thérapeutique, celui-ci doit obéir à certaines règles :

 toute femme majeure ou mineure peut interrompre sa grossesse, si cette interruption est faite avant la fin de la 10ème semaine de grossesse

 si elle est pratiquée par un médecin

 et si elle est pratiquée dans un établissement privé ou public ayant reçu l’autorisation préalable de recevoir des femmes enceintes.

Mais une mineure célibataire qui veut interrompre sa grossesse doit obtenir le consentement de l’une des personnes qui exerce l’autorité parentale (père, mère ou tuteur).

La mineure mariée en est donc dispensée mais le concubinage ne peut être assimilé au mariage.

En effet en France :

 le mariage émancipe le mineur mais la maternité ne l’émancipe pas

 la mineure célibataire peut seule avoir le droit de reconnaître son enfant (et donc de donner sa filiation) et d’exercer son autorité parentale, par contre elle reste soumise à l’autorité de ses parents.

L’adolescente jouit pour elle-même d’un statut de mineure, et comme parent, elle dispose à l’égard de son enfant des droits et obligations d’un parent majeur.

Ce consentement parental doit être fait par écrit. Certains centres exigent la présence des parents pour la signature du consentement en utilisant les règles appliquées à tout acte chirurgical : toute intervention sur un mineur doit être autorisée par le parent responsable et présent.

Ceci a pu être considéré comme une mesure dissuasive et Mme Veil en février 1995 répondait à une question d’un député à l’Assemblée Nationale qu’exiger la présence des parents pouvait constituer un abus.

En fait, il existe un véritable problème. Si tout le monde est d’accord pour dire que jusqu’à 15 ans, l’autorisation pour une I.V.G. signée en présence des parents est utile (et qu’il faut probablement signaler l’enfant à une assistante sociale ou à un éducateur à la recherche d’éventuelles violences sexuelles) par contre à partir de 16 ans, la situation parait tout autre et cette mesure pourrait être assouplie.

Il parait raisonnable de continuer à exiger l’autorisation des parents quelque soit l’âge de la mineure, signée en leur présence s’il doit y avoir une anesthésie générale. En effet, toute anesthésie générale quelque soit sa durée peut 1/100000 aboutir à une mort. L’absence d’autorisation et donc d’accord réel des parents engagerait totalement la responsabilité du médecin réalisant l’I.V.G. et celle de l’anesthésiste ayant pratiqué une anesthésie générale sur cette mineure.

On pourrait donc envisager une autorisation parentale plus "souple" dans les cas de mineures au delà de 15 ans et définir une "majorité sanitaire". qui autoriserait la réalisation de l’I.V.G. sans avoir recours à l’autorisation parentale.

Aux Pays-Bas, il existe une majorité sanitaire à 16 ans. On peut logiquement penser que dans les cas où les adolescentes ont rompu toute relation avec leurs parents, ont acquis une autonomie complète, cette autorisation parentale peut paraître obsolète. Les adolescentes plus âgées pourraient bénéficier de cette mesure qui leur permettrait d’éviter d’avoir recours à des circuits parallèles ou d’en arriver à un dépassement du terme légal par le fait d’attente et de tergiversations.

Pour les petites mineures, entre 12 et 15 ans, cette autorisation signée par les parents et en leur présence parait plus logique, car elle soulève le problème

. de la démission des parents à qui on demande leur autorisation pour un voyage scolaire et qui ne la donneraient pas pour une I.V.G.

. de la protection des adolescentes, il faut suspecter l’existence d’abus sexuels face à la grossesse d’une jeune mineure qui en première intention ne dénoncera jamais l’auteur de l’abus, que celui-ci soit lié à un proche de la famille ou au "petit ami" qui lui est majeur.

. enfin, celui du remboursement de l’acte médical par la CPAM : en effet, la mineure relève du régime de sécurité sociale de ses parents en tant qu’ayant droit. La demande de remboursement ne peut être faite que par l’assuré (père ou mère), ceci exclu donc toute possibilité d’I.V.G. sans accord des parents.

En cas de situation très conflictuelle une demande d’aide médicale peut être faite pour le règlement du ticket modérateur.

Qu’advient-il en cas de refus parental ?

Dans certains cas pour porter assistance aux mineures en danger, le juge des enfants est en droit de prendre des mesures allant à l’encontre de la volonté des parents, si la protection de la santé, de la sécurité ou de la moralité du mineur appellent ces mesures.

Enfin, il est des cas où il y a impossibilité de recueillir l’autorisation parentale : un tuteur sera alors désigné et ce sera alors à lui et à lui seul de donner son consentement. Malheureusement, cette procédure est longue. Le juge des tutelles pourrait théoriquement désigner un tuteur "ad hoc" qui sera dans la grande majorité des cas le juge des enfants.

Dans la pratique, le juge des enfants est d’emblée compétent pour prendre la décision à la place des parents. En effet, cette autorisation parentale prise par la législateur a été adoptée à partir des règles appliquées à tout mineur étant hospitalisé dans une structure hospitalière privée ou publique, règles qui exigent l’autorisation écrite et la présence des parents pour effectuer tout acte thérapeutique médical ou chirurgical.

J) DEPASSEMENT DU DELAI LEGAL

Malheureusement dans un certain nombre de cas, pour des raisons multiples, les délais légaux de l’I.V.G. seront dépassés. Lorsque la patiente vient consulter elle est au delà de 10 semaines de grossesse (date au delà de laquelle même les procédures dites d’urgence qui permettent de raccourcir le délai de réflexion de 7 à 2 jours sont inutilisables).

De quels moyens dispose l’adolescente ?

 pour les très jeunes mineures 10 ou 12 ans une interruption médicale de grossesse peut être réalisée si 2 médecins dont un expert jugent l’enfant en grave péril, cette procédure est cependant exceptionnelle.

 il peut s’agir de la poursuite de la grossesse avec les conséquences psychologiques, familiales que cela peut entraîner

 enfin, le recours à d’autres centres (en Seine St Denis) qui peuvent orienter et conseiller ces adolescentes vers d’autres pays de la communauté Européenne où les délais de réalisation de l’I.V.G. sont plus longs qu’en France (jusqu’à 4 mois).

K) ROLE DE PASSERELLE DU CENTRE PLANNING VERS LES COLLEGES.

Un centre de planning doit pour remplir toutes ces missions fonctionner comme une plaque tournante, localisée au sein d’un service de gynécologie-obstétrique, qui assurera le suivi des grossesses (dans les cas où la demande d’I.V.G. n’est pas confirmée) mais également la prise en charge de certaines complications à savoir les grossesses extra-utérines et les complications proprement liées à l’I.V.G..

Ce centre de planning doit, de plus, de part sa position assurer également des consultations de contraception et rappelons à cette occasion qu’une adolescente peut consulter sans autorisation parentale un centre de planning et se voir prescrire une contraception orale qui sera prise en charge à 100 %, sans même faire l’avance des frais.

Il doit également avoir des missions de prévention et d’éducation et parmi elles, une qui nous parait essentielle et qui est celle de s’ouvrir sur les collèges, afin de pouvoir donner des informations sur l’éducation sexuelle et la contraception (contraception standard mais également contraception d’urgence).

Dans notre centre des interventions sont régulièrement faites dans les collèges avoisinants (entre 25 et 40 par an). Elles sont assurées soit par le personnel infirmier soit par le personnel médical. Elles s’appuient sur un matériel pédagogique et fournissent aux collégiens des informations pratiques et laissent des documents sur place (dépliants) et les coordonnées du centre de planning.

Parallèlement, de 300 à 600 jeunes viennent chaque année par groupe de 10 à 15 une fois au centre de planning sous la conduite d’un enseignant afin de se familiariser avec les différentes contraception (projection de films et démonstration de matériel).

C’est le moment idéal pour parler sexualité , contraception, prévention des MST et contraception du lendemain.

Des distributeurs gratuits de préservatifs fournis par le conseil général de Seine St Denis sont à la disposition des adolescents.

Il est licite d’envisager qu’un représentant permanent (jeune de préférence) puisse servir de passerelle entre lycée et le centre de planning pour les adolescents en difficulté, notamment en matière de contraception urgente.

L’éducation sexuelle ne peut être entendue par les adolescents, que si elle est faite par un intervenant extérieur. Il faudrait donc envisager un relais planning/collège afin que puissent être abordés les problèmes de sexualité et contraception avec les adolescents. Ceci pourrait tout à fait constituer un emploi jeune de coordination.

L) AUTRES ACTIVITES DU CENTRE DE PLANNING - MISSION DE PREVENTION DES MST

Enfin ultime mission de prévention, et non des moindres, celle du dépistage des MST.

Si un dépistage de sérologie chlamydiae ou d’hépatite B peut être proposé et la vaccination de cette dernière réalisée en centre de planning une attention toute particulière doit être portée au dépistage du portage du VIH.

Notre unité fonctionne comme un centre de dépistage anonyme, répondant à la loi Calmat. Nous réalisons tous les ans environ 450 dépistages anonymes, qu’il s’agisse d’adolescents consultants pour une I.V.G. ou pour toute autre personne adolescent ou adulte, homme ou femme souhaitant bénéficier de ce dépistage.

Les résultats sont remis en mains propres par un médecin du centre qui ne se contente pas de rendre un résultat brut, mais qui a un entretien avec son patient afin que soient exposées les raisons qui l’on conduit à ce dépistage. Y a t’il une conduite à risque ? homo ou hétérosexuelle ou dans le cadre de l’usage de drogue par voie IV ?

Il s’agit d’un moment privilégié pour essayer dans la mesure du possible d’expliquer toutes les mesures préventives pour éviter la contamination par le VIH.

Au cours de ces 42 mois écoulés dans le cadre du dépistage anonyme, il a été diagnostiqué une séropositivité (1 sur 1755 examens réalisés).

La prise en charge du dépistage anonyme est faite dans le département par la DASS sur un crédit spécial.

M) CONDUITES ADDITIVES : ROLE DU TABAC, ALCOOL, DROGUES

Les conduites additives sont plus fréquemment retrouvées chez les adolescents de nos jours.

La plus banalisée de toutes : le tabac (Sources Inserm)

Parmi les 11/19 ans 77,8 % ne fument jamais

7,8 % fument occasionnellement

14,5 % fument quotidiennement

8,4 % fument au moins 10 cigarettes par jour

L’alcool vient largement au 1er rang des conduites additives

parmi les 11/19 ans 47,8 % des jeunes ne boivent jamais

39,8 % boivent occasionnellement

et sont ivres 1 ou 2 fois dans l’année

12,4 % boivent régulièrement

Enfin la drogue parmi les 11/19 ans

85,3 % n’en ont jamais pris

6,1 % en ont expérimenté 1 à 2 fois

3,2 % en ont pris 3 à 9 fois

5,4 % au moins 10 fois

Parmi ces drogues, le haschich vient en premier, loin derrière cocaïne et héroïne.

Enfin 3,7 % des 11 à 19 ans ont fugué.

Ces pratiques tendent à augmenter régulièrement chez les adolescents et ces chiffres donnés pour la France sont certainement plus élevés dans le département de Seine St Denis (aucun chiffre n’est disponible).

Il est évident que ce type de comportement surtout alcool et drogue rend souvent moins attentifs garçons et filles à la bonne observance de la contraception qu’il s’agisse d’oubli de pilule ou de mauvaise utilisation des préservatifs.

Qui accompagne l’adolescente lors de l’I.V.G. ?

Sur un échantillon de patientes parfaitement analysé, nous avons pu établir par qui les adolescentes étaient adressés au centre de planning :

 Pour 26 % des cas, elles sont adressées par les médecins de ville ou les urgences de l’hôpital lui-même

 13 % par les PMI de secteur

 et 61 % des adolescentes viennent d’elle même, seule ou accompagnée d’une amie ou d’un ami, plus rarement avec sa mère ou d’un éducateur

( c’est le cas des petites mineures 12/15 ans).

Documents remis

Nous nous efforçons avant et après l’I.V.G. de sensibiliser les adolescentes à la contraception en leur remettant un certain nombre de documents permettant d’expliquer et de démystifier la prise (souvent la 1ère prise de pilule) et compléter quelquefois une éducation sexuelle un peu mince. De même ce peut être l’occasion de découvrir le préservatif et les mesures préventives contre les MST.

Il existe donc une double mission de prévention

 prévention de la grossesse

 prévention des MST et en 1er lieu les chlamydiae et les contaminations par le virus VIH.

N) I.V.G. DANS UN CONTEXTE DE VIOLENCES PHYSIQUES OU SEXUELLES

Il est reconnu qu’un grand nombre d’I.V.G. fait suite à une grossesse obtenue dans le cadre de violences sexuelles (elle-même souvent dues à un membre proche). Ces sévices et violences ont été particulièrement étudiés par le service du Pr M. Garnier à l’hôpital Jean VERDIER.

Les urgences médico-judiciaires de l’AP-HP représentent un lieu privilégié pour définir l’importance et la nature des multiples actes de violences.

Les violences sexuelles sur mineures en Seine St Denis

Le département comprend 1 400 000 habitants et 27 commissariats (1 pour 50 000 h)

Ce département est particulièrement exposé car 28,5 % de la population à moins de 20 ans et comprend une forte population immigrée (18,9 %), enfin la fécondité des femmes étrangères est de 3 pour 1,7 sur l’ensemble des femmes franciliennes.

Il y a donc beaucoup plus de mineures dans ce département qu’ailleurs susceptibles d’être victimes de sévices

(400 000 mineurs).

La violence envers les mineurs peut être diverse :

 il peut s’agir de sévices à mineur qui correspondent à des coups, à des blessures, à des manques de soins ou d’alimentation

 ou de violences sexuelles qui correspondent à des attentats à la pudeur ou à des viols.

Les abus sexuels constituent souvent des motifs de consultation, qu’il faut savoir dépister. Ces abus sont le plus souvent commis par des proches de l’enfant ou des familiers.

L’abus peut être révélé par l’adolescent lui-même, un parent ou un examen à minima du pédiatre (traumatisme des organes génitaux externes).

Ailleurs, il s’agit de troubles fonctionnels, céphalées, vertiges, malaises, douleurs abdominales ou troubles du comportement (anorexie, boulimie, paroles impudiques).

Malheureusement parfois c’est une tentative de suicide, une fugue, la demande d’I.V.G. ou un diagnostic plus ou moins tardif de grossesse. Enfin, il peut s’agir d’infections génitales, de vulvites ou vulvovaginites.

L’hôpital Jean VERDIER dispose du fait de la présence du service d’urgences médico-judiciaires, d’un observatoire privilégié. En effet, tout dépôt de plainte pour coups et blessures ou sévices à enfant doit faire l’objet d’un constat médico-légal initial rédigé par un spécialiste.

Depuis 1989, la quasi-totalité des victimes signalées aux brigades des mineurs ont été examinées à Jean VERDIER. Les signalements pour attentats à la pudeur augmentent régulièrement et en leur sein les mineurs représentent plus de la moitié. De même, les affaires de viol concernent dans 45 à 50 % des cas des mineurs.

Voici pour ce qui concerne les mineurs la progression des sévices et des viols sur 6 ans (1990 à 1995)

Années 90 91 92 93 94 95

Sévices sur mineurs 42 124 235 378 327 350

(X 8)

Viols sur mineurs 135 143 180 236 248 273

(X 2)

Si l’on étudie plus spécifiquement la population ayant subi des sévices sexuels : elle se définit de la sorte

Répartition : 82 % filles et 18 % garçons

Age : 11,2 +/- 4,6 et 9,8 +/- 4,3

Auteurs : 92 % hommes proches

37 % membre proche de la famille

39 % un voisin

10 % un autre, mineur

L’agresseur agit seul dans 89 % des cas. Il y a 11 % de viols collectifs.

Il a été recensé :

5 % de MST 3 grossesses : (1,2 %)

2 recherches de stupéfiants positives (cannabis, opiacés)

Enfin, il est important d’avoir présent à l’esprit que selon les évaluations des spécialistes, 10 % seulement des abus sexuels sur mineurs sont signalés aux autorités judiciaires.

Cette augmentation des signalements aux autorités judiciaires est probablement liée aux campagnes d’informations diffusées vers le grand public et le personnel spécialisé

enseignants, assistants sociaux, personnel PMI et les crèches.

Une enquête récente de l’Inserm diffusée en 1994 a pu définir un certain nombre de :

 vol public 1 fois = 7,8 % nombreuses fois = 6,2 %

 fugue 1 fois = 2,7 % nombreuses fois = 1 %

 trouble du sommeil = 48 %

 inquiétude = 34 %

 dépression = 16 %

 troubles boulimiques = 6 %

 usage de psychotropes = 12 %

 conduites violentes : .en colère souvent

.se bagarre souvent

.racket = 14 %

= 18 %

= 2,3 %

 suicidaires 1 fois = 4,7 % plusieurs fois = 1,8 %

 violences psychologiques et

sexuelles subies = 2 %

 violences psychologiques subies = 13 %Ces comportements chez les adolescents entre 14 et 19 ans peuvent être spécifiquement reconnus comme des troubles pathologiques spécifiques à notre fin de siècle.

Il faudra pour toutes ces raisons garder pour les jeunes mineures < 15 ans, l’exigence de l’autorisation parentale pour la réalisation d’une I.V.G.. Il faudra même envisager parallèlement une prise en charge par un système éducatif. Il pourrait s’agir d’éducateurs spécialisés connus des juges pour enfant qui sauront apprécier le niveau de risque pour cet enfant et définir le moment opportun pour un signalement ou un placement dès qu’un danger existe.

Demandes d’interruptions médicales de grossesse

Il est des cas où le diagnostic de la grossesse n’est fait que tardivement, bien après les délais légaux de l’I.V.G.. Le plus souvent il s’agit d’une adolescente aux cycles irréguliers chez qui le diagnostic n’est pas toujours aisé, qui par naïveté ou crainte de la réaction familiale va cacher sa grossesse.

La législation intervient alors dans le but de protéger la mineure. En effet, la loi dispose qu’une interruption médicale de grossesse (IMG) peut être pratiquée à tout moment, si la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, attesté par deux médecins dont l’un est expert. Il s’agit en l’espèce d’un acte qui a pour but de sauvegarder la vie de la future mère que la grossesse met en danger et les violences sexuelles sont considérées comme faisant partie des indications d’IMG.

Il s’agit donc d’un acte curatif pour la mère réalisé dans un établissement d’hospitalisation et dans le cas d’une mineure seraient donc applicables les règles générales en matière d’hospitalisation des mineures : l’autorisation des père, mère ou tuteur légal doit être recueillie pour pouvoir procéder à une intervention chirurgicale et aux actes qui sont liés à l’opération. Sans cette autorisation, il ne peut être procédé à aucune intervention chirurgicale.

 hors les situations d’urgence

 ou si la santé ou l’intégrité corporelle du mineur risquent d’être compromises par le refus parental, le médecin peut dans ce cas saisir le ministère public afin de provoquer des mesures d’assistance éducative.

==== II- LA GROSSESSE DES ADOLESCENTES ====

A) ETAT DES LIEUX À JEAN VERDIER

La grossesse chez l’adolescente a toujours existé, elle était même habituelle au moyen-âge et à la Renaissance. Les tableaux des Maîtres Français, Flamands et Italiens représentent les Vierges à l’enfant sous les traits d’une jeune adolescente.

L’adolescente selon la loi française peut accoucher sous X, remettre son enfant à l’aide sociale, le reconnaître, faire une recherche de paternité et exercer l’autorité parentale sur son enfant enfin utiliser des méthodes de contraception. La mineure est émancipée par le mariage et exceptionnellement dans les cas où les parents sont déchus de leurs droits parentaux. Mais les parents gardent sur l’adolescente leur autorité parentale et l’adolescente célibataire ne peut recourir seule à l’I.V.G. sans autorisation parentale.

B) CARACTERISTIQUES DES GROSSESSES POURSUIVIES CHEZ LES ADOLESCENTES

Voici l’activité obstétricale recueillie sur 42 mois à la maternité Jean VERDIER en Seine St Denis du 1.9.94 au 28.2.98 chez les adolescentes (tableau comparatif avec les adultes).

Adolescentes Adultes

94 4 mois 15 575 2,6 %

95 12 mois 25 1546 1,6 %

96 12 mois 33 1659 2 %

97 12 mois 19 1452 1,3 %

98 2 mois 10 262 3,5 %

Total : 42 mois 102 5494 1,85 %

On voit d’emblée que le nombre de grossesses (102) chez les adolescentes représente de 1,85 de l’activité obstétricale. Parallèlement, nous avons eu chez les adolescentes de 12 à 18 ans 158 I.V.G., soit un peu plus de 3 I.V.G. pour 2 grossesses.

On peut donc extrapoler l’analyse suivante :

Sur 1000 femmes enceintes consultant dans le service de gynécologie-obstétrique

* 5 % sont des adolescentes qui avortent

* 1,85 % sont des adolescentes qui mènent leur grossesse

Donc 6,8 % sont des adolescentes enceintes.

Ces chiffres sont supérieurs à la moyenne nationale. On admet que les adolescentes représentent 5 % des femmes enceintes, 3 % avortent et 2 % poursuivent leur grossesse.

La différence porte essentiellement sur le nombre d’I.V.G. chez les adolescentes qui semble plus élevé dans le département, pour des raisons diverses :

 faible scolarisation

 conduites additives

 faible taux de contraception

 origines multi-ethniques et multi-culturelles

C) ORIGINES ETHNIQUES

Sur les 102 grossesses voici les origines ethniques

 métropolitaines : 22 Dom : 3 = 25 = 1/4

 gitanes = 36 = 1/3

 Afrique noire = 22 +/- 1/5

 Afrique du nord = 8

 autres = 19On observe d’emblée un comportement différent chez les adolescentes métropolitaines enceintes par rapport à leur grossesse

* 73 % choisissent une I.V.G.

* 27 ° la poursuite de la grossesse

Dans cette population métropolitaine confinée dans les banlieues, la survenue de la grossesse est inopinée, sans désir, sans projet, un peu par bravade, pour se faire peur, se faire mal et aboutit le plus souvent à une I.V.G..

Ces taux sont différents des grossesses chez les femmes adultes menées à terme où nous avons sur un échantillon de 18 mois :

50 % Française (métro + DOM/TOM)

[Afrique noire

|Afrique du nord 23,8

20,3

50 % |Europe du sud

|Turquie

[Divers 5,4

2,9

7,6

Le taux d’étrangers en France recensé en 1995 est de 11,8 %.

En Seine St-Denis le taux de grossesses chez les étrangères est de 50 %.

D) TAUX DE SCOLARISATION*

(* certaines caractéristiques n’ont pu être colligées que sur un échantillon de 62 adolescentes).

Il est de 26 % chez les adolescentes qui décident ou chez qui la grossesse se poursuit, alors qu’il est de 58 % lorsque le choix se porte vers l’I.V.G..

La parité : 89 sont des primipares

8 sont secondipare ) soit 12,7 % de

5 sont ) multipares

Les antécédents

d’I.V.G.

= 3 %

de fausses couches spontanées = 3 %

E) LES SUIVIS DE GROSSESSE

ont été plus que chaotiques chez ces 102 adolescentes enceintes

13 ont consulté au 1er trimestre

31 ont consulté au 2ème trimestre

41 ont consulté au 3ème trimestre ) 58 % peu ou

17 ont une grossesse totalement non suivie ) pas suivies

Elles arrivent à la maternité pour accoucher. (en France = 0,2 %)

Les grossesses non suivies représentent en Seine St Denis 0,4 % des grossesses.

Les grossesses suivies au 3ème trimestre dans le service de gynécologie-obstétrique sont de 15 % environ. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes !!.

A l’évidence pour ces grossesses peu ou pas suivies, l a conséquence première est le taux de prématurité qui s’en suit.

Accouchement < à 37 SA = 11 %, alors que le taux national est de 5,9 %.

F) LA SITUATION FAMILIALE DES ADOLESCENTES A EGALEMENT ETE ETUDIEE

42 % sont mariées ou vivent en couple

58 % sont célibataires, mais parmi celles-ci 2/3 connaissent le père de l’enfant

G) TERMES ET MODE D’ACCOUCHEMENT

 césarienne n = 6 5,9 % Chiffre national 15,5 %

 forceps n = 23 22,5 % Chiffre national 14,1 %

 voie basse n = 73 71,6 % Chiffre national 70,4 %

Il faut noter le taux extrêmement bas de césariennes pour lequel nous ne trouvons pas de raison évidente (en dehors du taux plus élevé de prématurité, mais qui n’explique pas tout). Le poids des nouveau-nés est sensiblement le même que dans la population générale.

Les retards de croissance intra-utérins : 13 % contre 9 %

(NN < 10è p) dans la population générale.

Quelques particularités de cette cohorte d’adolescentes

Les assurées sociales sont au nombre de 42 %, contre 86 % dans la population du service de gynécologie-obstétrique.

Ceci est le reflet évident de l’extrême précarité de ce groupe.

 3 accouchements ont eu lieu à domicile (3 %)

 Il y a eu une grossesse gémellaire

 1 mort foetale in utero à 7 mois

 1 grossesse qui s’est poursuivie après viol

 10 transferts de nouveau-nés en néonatalogie ou en unité mère enfant

 1 transfert en réanimation néonatale

 1 abandon d’enfant

H) LES CONDUITES ADDITIVES

retrouvées sur cette cohorte sont les suivantes :

Usage régulier de

 tabac : 15 %

 alcool : 0

 toxicomanie : 1 % (patiente séropositive)

En résumé, ces grossesses (2 % environ des grossesses suivies au service de gynécologie-obstétrique) sont vues tardivement ou pas du tout, 82 % sont des primipares, 58 % ne sont pas assurées sociales, deux fois plus d’accouchements prématurés mais à peine plus de retards de croissance intra-utérins.

Par contre, ces adolescentes accouchent très naturellement et par voie basse dans 94 % des cas.

Une étude de 1997 de l’université du Texas a montré que ces grossesses chez les adolescentes étaient beaucoup moins pathologiques que ce qui est régulièrement dit. Il a été retrouvé simplement plus d’anémies maternelles et plus d’admission d’enfant en néonatalogie. Par contre, ils retrouvent comme dans notre étude et contrairement aux analyses antérieures à peine plus de complications que chez les femmes adultes, pas plus de fausses couches spontanées, de pré-éclampsie ou de retards de croissance intra-utérins, à peine plus d’accouchements prématurés.

Le taux d’hospitalisation 20 % : à peine inférieur au reste de la population (elles sont suivies plus tard).

Le rapport du Registre de l’Ile de France dirigé par J. Goujard

(Inserm U 149) montre que le taux des malformations, toutes anomalies confondues est plus élevé avant 20 ans, il est de 3,2 % alors qu’il n’est que de 2,8 % entre 20 et 24 ans.

Dans les suites immédiates, elles ont dans une large proportion allaité leur enfant = 65 % (chiffre identique à la population adulte). Nous avons veillé à ce qu’il y ait une prise en charge multidisciplinaire en suites de couches : personnel médical, psychologues et assistantes sociales.

Pour un certain nombre, le retour s’est fait au domicile, pour d’autres il a fallu trouver des solutions de placement en établissements spécialisés. Le nombre de maisons maternelles est très limité (pas plus d’une par département) avec un nombre de places très insuffisant par rapport à la demande. Il faudrait sûrement envisager que les adolescentes soient prioritaires et prévoir un quota de place qui leur serait réservé dans ces établissements. Les délais pour l’obtention d’une place sont fort longs, il arrive que l’adolescente séjourne 2 à 3 semaines en maternité avant de pouvoir être enfin accueillie. Cette hospitalisation prolongée bien que pouvant être mise à profit pour parfaire l’apprentissage de la jeune mère et mettre en route une contraception, est souvent délétère, car peu propice à une certaine intimité mère-enfant.

Si les mineures retournent chez elle, une attention toute particulière devra être portée par les professionnels de santé des services de PMI : sages-femmes à domicile et assistantes sociales sur le comportement de ces jeunes mères, car leur immaturité les expose à des comportements violents vis à vis de leur enfant, ou alors totalement irresponsables susceptibles d’entraîner des situations de maltraitance et de sévices très préjudiciables à l’état physique et psychique du nouveau né. Dans certains cas des signalements ont été nécessaires et les enfants ont alors été placés en institution.

==== III- LA CONTRACEPTION DES ADOLESCENTES ====

Il faut rappeler ici que toute mineure qui se présente dans un centre de planning peut accéder à une prescription de contraception sans autorisation parentale, mais également la délivrance d’une ordonnance lui permettant d’avoir la remise gratuite de pilule en pharmacie, à condition que soit passée une convention entre le département et la CPAM. En effet, au moins une adolescente sur deux (S. Mimoun) débute sa vie sexuelle sans contraception.

Aux USA, ceci représente 1 million de grossesses par an et 500000 naissances.

De même pour une adolescente qui démarre dans la vie sexuelle et/ou amoureuse se trouve confrontée à une double contrainte : celle de la prévention de la grossesse par la pilule et celle de la prévention des MST par l’usage du préservatif. Ces deux contraintes peuvent entraîner une double résistance. Il faut signaler également chez la jeune adolescente les craintes et la contrainte que constitue pour elle la démarche d’une consultation pour première contraception, l’angoisse que constitue l’éventualité d’un premier examen gynécologique enfin la gêne d’affronter un questionnement sur son activité sexuelle ou sur d’éventuelles infections génitales. Ce premier contact avec le médecin prescripteur devrait aboutir à une mise en confiance par un interrogatoire court sur les cycles et leur durée, n’omettant pourtant pas d’évaluer la consommation de tabac, les antécédents familiaux, la prise de médicaments. L’examen clinique peut pour une 1ère consultation se contenter d’une pesée, d’une prise de la pression artérielle, d’une évaluation de la taille. L’acné et l’hirsutisme sont repérables à l’inspection du visage.

Un examen gynécologique et biologique plus complet peuvent être faits à un second examen, quand un climat de confiance se sera instauré.

Surtout cette 1ère demande de contraception constitue le moment idéal pour expliquer la notion de contraception d’urgence (quelque soit l’enseignement reçu à l’école ou au collège ou lors de campagnes d’information), certaines notions demeurent obscures et cette consultation pourra apporter un éclairage nouveau sur la conduite sexuelle.

Le discours devra informer s

ans effrayer sur les risques du tabac et les MST afin de ne pas avoir pour effet d’éloigner l’adolescente du monde médical. Ce premier contact peut se faire avec le médecin du planning, mais il faudra sûrement sensibiliser les pédiatres qui suivent des adolescentes et surtout les médecins généralistes qui devraient être en première ligne.

Si l’adolescente a fait la 1ère démarche, il est aisé pour le médecin d’expliquer la contraception, de la démystifier en remettant un certain nombre de documents concernant l’observance, les dispositions à prendre en cas d’oubli, et les petits trucs permettant une prise régulière et bien sûr de parler du préservatif. M Bozon a montré que l’âge du premier rapport est un bon indicateur d’une série de comportements ultérieurs. Les individus les plus précoces ont ensuite plus de partenaires que les autres.

Leurs pratiques sont plus diversifiées tout au long de la vie et leur attitude générale à l’égard de la sexualité est plus active et plus ouverte à l’expérimentation.

Ce qui va compter chez la jeune fille, c’est le contexte affectif dans lequel l’acte sexuel doit se dérouler beaucoup plus que l’acte sexuel lui-même.

Pour toutes ces raisons, il faudra de plus en plus développer des consultations de gynécologie pour adolescentes faites par un personnel accoutumé à l’abord clinique et psychologique de ces jeunes patientes, en collaboration avec des psychologues et des assistantes sociales, dès que le besoin s’en fera sentir. Il s’agit donc d’une prise en charge multidisciplinaire.

Toutes ces consultations auront également pour but de dépister les adolescentes porteuses de MST et le risque de transmission possible.

De nombreuses études (JM Bohbot de l’institut A. Fournier) montrent la forte prévalence des MST (en dehors du virus du Sida).

La prévalence des infections à chlamydiae trachomatis chez les adolescents est de 9 à 15 % chez les garçons et de 10 à 25 % chez les filles. Par ailleurs, 2 % des adolescentes seraient porteuses de papillomavirus. Le Sida atteint 0,4 % des 15 à 20 ans (Sida déclarés). La période d’incubation étant de 7 à 9 ans en moyenne, on peut estimer que la prévalence de la séropositivité est plus élevée. Malgré l’absence d’études officielles, les extrapolations montrent que 4 à 5000 adolescents seraient séropositifs (15 à 19 ans). Par manque d’informations, ils consultent plus tardivement que les adultes. Il en résulte une propagation importante des infections sexuelles et un risque accru de complications. On a pu calculer que les jeunes filles de 15 ans présentent 10 fois plus de risque de développer un syndrome inflammatoire pelvien après une MST qu’une femme de 24 ans.

Sur le plan clinique, les adolescentes ont la particularité d’être pauci- symptomatiques. Ainsi 70 à 80 % des infections à Chlamydiae Trachomatis sont asymptomatiques : ce qui compromet la précocité thérapeutique et aggrave le risque de complications.

Il faut donc rappeler ici que depuis la loi dite Calmat du 23.1.90, les centres de planification et d’éducation familiale agréés proposent un dépistage gratuit et anonyme des infections chlamydiennes aux mineures et aux non assurés sociaux. Elle élargit ainsi le cadre d’action de ces centres définis par la loi Veil du 4.12.94.

Le bilan de Baromètre Santé Jeune 94 publié par le comité français d’éducation pour la santé montre à l’âge de 15 ans

 17 % des filles et 31 % des garçons ont eu des rapports sexuels

Une étude néo-zélandaise récente montre que l’âge des premiers rapports sexuels est de 16 ans pour les filles et 17 ans pour les garçons.

Ce premier rapport survenant après un viol chez 7 % des filles et 0,2 % des garçons.

54 % des filles estiment qu’elles auraient pu attendre plus longtemps.

Ce regret est exprimé dans : 70 % des cas avant 16 ans et dans 16 % des cas après 16 ans.

28 % des filles ont déclaré une MST après cette première expérience sexuelle contre 13 % des garçons.

Il faut donc pour être efficace en matière de prévention de la grossesse chez l’adolescente mettre en route un certain nombre de dispositions.

Sil est déjà envisagé une éducation sexuelle en milieu scolaire, celle-ci bien sûr, doit être encadrée par le personnel enseignant des établissements en collaboration avec le médecin scolaire, l’infirmière ou l’assistante sociale. La contraception et ses implications doivent être envisagées au cours de ces échanges, mais ce n’est pas toujours aisé. Il n’est pas toujours facile de voir s’installer un climat de confiance et il peut être utile de faire appel aux centres de planning.

Notre centre de planning organise en période d’activité scolaire des visites faites par le médecin responsable et les infirmières. Des séances d’information sont faites par petits groupes garçons et filles séparés, ainsi les échanges se font plus facilement. Un rapport de l’INSERM sur l’éducation de la santé à l’école montre qu’en matière de souhaits d’information par l’école des adolescents :

 62 % souhaitent des informations sur le Sida

 50,5 % sur la sexualité

 46,9 % sur le corps et son fonctionnement

 44,3 % sur la grossesse ou la naissance

37,3 % des garçons et 22,4 % des filles ont (eu) des relations sexuelles.

Seul un temps suffisant consacré à l’éducation de la santé avec des interlocuteurs ayant eu la formation requise et associé à un partenariat extérieur à l’établissement comme les centres de planning permettent d’initier la connaissance de la sexualité et de la contraception.

On peut imaginer des professionnels relais entre les établissement scolaires et les partenaires de santé des hôpitaux afin de faciliter l’accès à la contraception sous tous ces aspects et à l’information sur les MST.

Un dialogue plus aisé peut s’installer entre des professionnels extérieurs à l’établissement, sorte de passerelles à l’écoute des jeunes pouvant prodiguer un conseil, une informations rapide et exacte. Etablir un dialogue où les questions seront plus facilement posées. La majorité des jeunes trouvent naturel de parler de sexualité à l’école mais ne trouve pas toujours l’interlocuteur idéal.

Cette relation de confiance peut être établie par un emploi jeune capable de jeter les ponts entre le centre de planning et l’établissement scolaire, car les adolescents consultent peu. Par rapport à une population adulte où 70 % des femmes et 65 % des hommes qui ont eu des partenaires infectés vont consulter ; dans ces mêmes circonstances 20 % seulement des adolescentes et 15 % des adolescents voient un médecin.

Il faut enseigner les premiers symptômes d’une MST, le fonctionnement du cycle menstruel et le mécanisme de la contraception orale, donner l’information sur la contraception d’urgence (ou contraception du lendemain) et l’usage et la place du préservatif.

Tout ceci peut être fait à l’aide de documents adaptés et de questionnaires ludiques, excluant toute diabolisation de la chose amoureuse, en organisant des forum santé thématiques en prenant soin d’informer sans moraliser. Toute attitude moralisatrice ou basée sur la peur sera rejetée par la majorité des adolescents.

En annexe, sont reproduites (p 68,69,70) les fiches standardisées pour la prescription d’une contraception d’urgence, d’une première contraception et la fiche de suivi qui pourrait servir de recueil de données pour alimenter l’observatoire.

Ces fiches sont disponibles au centre de planning et aux urgences.

==== IV- LE COMPORTEMENT PSYCHOLOGIQUE DE L’ADOLESCENTE ENCEINTE ====

Si l’on veut mettre en route des actions de prévention en matière de grossesse, il faut se pencher sur les comportements psychologiques et sexuels de ces adolescentes.

Il existe semble-t’il 3 types de comportements qui peuvent conduire l’adolescente à débuter une grossesse :

1- tout d’abord celui de la très jeune femme mariée ou vivant en couple. Il s’agit pour la quasi-totalité des cas de femmes étrangères chez qui le mariage précoce est culturel. Il s’agit d’un jeune couple "installé" qui a le désir légitime d’enfant, c’est un projet de couple au sein d’une structure familiale. La grossesse est intégrée dans un schéma précis, il s’agit d’un projet de grossesse conçu autour d’un désir d’enfant identique à celui que l’on va retrouver plus tard chez les couples plus âgés. Dans ces cas, le suivi de la grossesse est normal, l’enfant est attendu et accueilli de façon rigoureusement identique à celle des autres couples. Le nouveau né est pris en charge et souvent allaité. Le comportement de la jeune mère est comparable à celui des autres mères.

2- Ailleurs, il s’agit d’une jeune adolescente scolarisée ou étudiante, vivant chez ses parents et chez qui survient une grossesse accidentelle.

Dans ce cas de figure, la grossesse survient par naïveté ou par ignorance, parfois par inaptitude à utiliser des moyens contraceptifs. Parfois, le projet est d’échapper à une scolarité peu valorisante, parfois à un milieu familial perturbé. Dans ces cas, l’adolescente est souvent prise en charge par la famille, sans être rejetée et la décision de poursuite de la grossesse est prise en concertation avec les parents. Cette grossesse peut évoluer vers une I.V.G. du fait de problèmes financiers (chômage, pauvreté) ou de problèmes de comportements psychologiques (l’adolescente ayant parfois un comportement irresponsable lié à une débilité légère). Parfois le diagnostic de grossesse est tardif, il s’agit en quelque sorte d’un ratage d’I.V.G. et la grossesse va évoluer jusqu’à terme avec un suivi souvent tardif et chaotique. Le compagnon est souvent absent ou en fuite. Le nouveau né est souvent accueilli au foyer des parents, pas forcément bien intégré car il va venir aggraver la précarité familiale.

3- Enfin, et de loin, la situation la plus préoccupante est celle de l’adolescente en grande difficulté, en échec scolaire et professionnel, en rupture avec la famille. La grossesse correspond à un coup de "gueule" comme un raccourci à une problématique psychologique, sociale et sanitaire.

La grossesse est parfois vécue comme un projet permettant d’obtenir une fonction sociale, de réussir, de se valoriser, de bénéficier d’un support familial et social accru et de prestations d’aide sociale.

La grossesse donne un statut social et procure un revenu mensuel de parent isolé qui s’élève à 3900 Frs par mois avant la naissance. A la naissance du bébé et jusqu’à ce que celui-ci ait 3 ans ce revenu est de 4900 Frs par mois.

Il s’agit souvent d’adolescentes en manque d’affection et qui ont un projet d’enfant dans le but de fonder la famille qu’elles n’ont jamais eue, d’avoir un parent proche qui les aimera. Elles gardent le bébé pour créer "quelque chose" : cette grossesse constitue une stratégie réactionnelle. Il s’agit de trouver une place et un rôle, un objectif et une raison d’être : le suicide ou la grossesse.

Ce sont les grossesses souvent non suivies, parfois découvertes au dernier moment, aboutissant parfois à des accouchements dans des lieux tout à fait insolites (toilettes des collèges, squats ou alors à domicile). Tout au long de la grossesse, les adolescentes vont avoir des comportements à risque, fumant en excès, se droguant, utilisant des somnifères. Il s’agit d’une sorte auto pénalisation, d’un souhait d’autodestruction dans un contexte de déni d’enfant.

Ces adolescentes sont souvent totalement isolées après la naissance, elles sont souvent incapables d’élever leur enfant, car trop immature pour cette fonction : les maltraitances sont beaucoup plus fréquentes, les morts subites du nourrisson et les morts dans la petite enfance par infections sont multipliées par cinq chez ces enfants d’adolescentes.

On peut résumer la situation de la façon suivante : la venue au monde d’un bébé issu d’une mère encore enfant bouscule les repères habituels, elle est le reflet d’une absence ou d’une perte des identifications, c’est la perte de la référence au groupe d’âge.

La maternité constitue un passage au cours duquel la fille devient mère. Ce passage se fait plus ou moins bien, ou ne se fait pas du tout.

Désirer un enfant signifie devenir parent (mère comme sa mère) et parfois triompher de sa propre mère. Ce désir d’enfant peut être différent du désir de grossesse.

La grossesse peut être une finalité en soi et conduire alors à une demande d’I.V.G..

La grossesse mettra souvent l’adolescente à l’abri de toute approche sexuelle : il s’agit d’être mère pour ne pas être femme.

Il est possible à la lumière d’une expérience de tout un groupe travaillant depuis de nombreuses années au contact des adolescentes enceintes de dégager un certain nombre de points communs à toutes ces situations qui en font toute la gravité, de cette spirale infernale dont il est difficile de sortir.

La grossesse chez l’adolescente aboutit presque inéluctablement à :

 UNE MARGINALISATION : il y a rupture de l’ordre initiatique : ce n’est pas le moment dans la tête et le corps.

 UNE DESCOLARISATION : il y a éviction scolaire de l’adolescente enceinte : le projet scolaire (s’il existait) est interrompu mettant souvent fin à tout projet professionnel lui même assez précaire.

 UN REJET de la famille. Cette grossesse aboutit à une exclusion, car c’est une étape qui a été brûlée, un passage qui est cassé.

C’est parfois vécu comme un DESIR D’EMANCIPATION, une entrée fracassante dans le monde des adultes pour ne rien faire comme les autres.

C’est parfois souhaité comme un PASSAGE INITIATIQUE, un rituel avec ses côtés barbares, pour être admise dans LE CLAN.

Ce peut être vécu comme un RATAGE, un mauvais départ : ce n’est pas le PERE IDEAL, que l’on souhaitait pour son enfant.

Enfin, ce peut être LE CYCLE INFERNAL de la REPETITION de la grossesse de la mère, qui était, elle aussi très jeune, de la maltraitance subie dans sa propre enfance ; c’est "l’inconscient calculateur" qui revient à la date anniversaire.

La CONTRACEPTION permet de vivre de façon plus adaptée l’étape de l’adolescence, elle permet de laisser le temps au temps.

LA GROSSESSE DE L’ADOLESCENTE ABOUTIT SOUVENT A UNE ADOLESCENCE AVORTEE.

Il serait regrettable de gâcher "la plus délicate des transitions, l’adolescence, ce commencement d’une femme dans la fin d’un enfant". V. HUGO

==== V- CONCLUSIONS ET PROPOSITIONS ====

Pour plus de clarté, nous avons adopté pour la rédaction de chacun des points de ce dernier chapitre :

 L’énoncé de la problématique telle quelle fut identifiée, non seulement à partir des données disponibles à Jean Verdier, mais également à partir des réactions des participants aux tables rondes, témoignant de leur propre expérience.

 Un principe de proposition (en italique)

 Une (ou un ensemble de) proposition(s) (en encadré)

POINT N°1

Les interruptions volontaires de grossesse et les grossesses menées à terme chez les adolescentes constituent un phénomène numériquement important : leur survenue dans un contexte de violences sexuelles semble en augmentation :

 A l’hôpital Jean Verdier, près de 2% des grossesses et plus de 5% des interruptions volontaires de grossesse concernent des mineures.

 Les chiffres nationaux actuellement disponibles sont pour ces deux événements respectivement de 2 et 3%.

 C’est donc près de 10000 adolescentes qui sont concernées chaque année par ce problème.

 Leur survenue dans un contexte de violences sexuelles semble augmenter. Si l’on ne dispose pas des chiffres (locaux ou nationaux) de grossesses faisant suite à des violences sexuelles, on peut procéder par analogie. Le nombre de viols sur mineurs a doublé en 6 ans ; cette constatation des Urgences Médico-Judiciaires de l’hôpital Jean Verdier repose sur deux chiffres : 273 viols de mineures en 1995 contre 135 en 1990.

 Si l’on considère le chiffre des sévices sur mineures (qui n’inclut pas les viols), on observe un phénomène encore plus marqué puisque le nombre de plaintes enregistrées à Jean Verdier a été multiplié par 8 sur la même période passant de 42 à 350.

Rappelons enfin que les chiffres qui viennent d’être cités correspondent aux violences ayant donné lieu à une plainte. En particulier en ce qui concerne les sévices, il est probable que ce nombre soit sous évalué (pour certains, ce chiffre ne traduirait que 10% de la réalité).

* Si l’on souhaite intervenir de façon cohérante et localement adaptée, il paraît nécessaire de disposer de chiffres plus proches de la réalité établis annuellement et par zones (département, région ?)

Il serait utile d’établir un registre national de viols, sévices et grossesses sur mineures, obtenu à partir de déclarations (obligatoires ?) et selon des critères qu’il reste à déterminer (âge minimum, circonstances de survenue, etc...).

Ces chiffres devraient chaque année être analysés par un observatoire épidémiologique qui pourrait être une des Unités INSERM se préoccupant actuellement des problèmes de santé des mères et des enfants.

Les chiffres fournis par cet observatoire feraient l’objet chaque année d’un commentaire et d’une publication par une commission Ad hoc existante ou à créer.

L’observatoire épidémiologique aurait également pour mission d’analyser l’impact des mesures proposées et adoptées.

POINT N°2

Ces grossesses pour la plupart non désirées (et aboutissant à des I.V.G. sur lesquelles nous reviendrons), témoignent d’une grande méconnaissance de la contraception et des circuits d’accès à cette contraception, en particulier en cas de nécessité d’une contraception urgente post-coïtale.

 A l’hôpital Jean Verdier, si l’on considère la période 1994-1998, 260 grossesses chez des adolescentes ont été observées : 158 ont abouti à une demande et à la réalisation d’une Interruption volontaire de grossesse (70%) et 102 se sont poursuivies.

 Il faut toutefois noter que la proportion d’I.V.G. varie selon l’âge, passant de 86% à 12 ans à 50% à 17 ans.

La méconnaissance de la contraception peut s’exprimer par quelques chiffres : 60% des premiers rapports ont lieu en France sans contraception préalable, 72% des adolescentes venues consulter pour I.V.G. à Jean Verdier, n’avaient jamais utilisé de contraception, 22% en utilisait une de façon épisodique et aléatoire, et seulement 6% des I.V.G. correspondaient à des échecs de contraception .

 Signalons que si la campagne pour l’utilisation des préservatifs a abouti à un relatif succès pour le message "préservatifs-sida", le message "contraception" n’a pas été identifié par les adolescents. Il paraît important à l’avenir, tout en maintenant l’information concernant l’importance du préservatif en matière de prévention du Sida, d’y adjoindre le notion de contraception efficace, en particulier en cas d’oubli ou d’échec du préservatif. (contraception d’urgence).

 Notons qu’aux Pays Bas, une campagne auprès des jeunes insistant sur l’importance de l’association Préservatif + Pilule a abouti au chiffre mondial le plus bas de grossesses chez les adolescentes, combiné à un chiffre très élevé d’utilisation du préservatif pour la prévention du Sida et des maladies sexuellement transmissibles en général.

Il faut mettre en place une campagne d’informations concernant la contraception, non seulement au plan national (Radio (Ado FM) Télévision (M6), tam-tam, minitel etc...), mais en multipliant localement les sources et les modalités d’accès à l’information, en particulier pour ce qui concerne la contraception urgente. Toutes les modalités de diffusion de cette information (affiches dans les établissements scolaires, les centres d’information, les maisons des jeunes, et de façon générale tous les lieux fréquentés par les adolescentes) doivent être mise en jeu.

Cette information doit être pratique, renvoyant éventuellement les jeunes sur les centres de planning.

* Il faut également augmenter le nombre et la diversité des acteurs participant à l’information sur la contraception.

Doivent participer tous ceux qui sont en contact avec les jeunes : infirmières scolaires, assistantes sociales, médecins généralistes, pédiatres (!), et les enseignants eux-mêmes : à ce titre, il serait utile que la formation des futurs enseignants comporte une partie concernant la contraception.

* L’information scolaire sur l’éducation sexuelle et sur la contraception doit être organisée, structurée sous forme d’un programme obligatoire minimal au cours du cursus scolaire.

Sur un programme et une durée minima obligatoire, une approche de l’éducation sexuelle aurait lieu en 6ème et 5ème, et une information sur la contraception en 4ème et 3ème. Notons que la plupart des enseignants consultés au cours de ces tables rondes recommandaient une séparation des filles et des garçons pour cet enseignement et des intervenants qui ne soient pas les enseignants habituels.

* Organiser complémentarités et circulation des informations de façon formalisée, voire contractuelle au sein d’un réseau.

Créer de véritables réseaux d’informations et d’aide (à la première) contraception autour des Centres de Planning qui semblent être la Structure de centralisation la plus adéquate.

* Faciliter le fonctionnement de ces réseaux, en faisant appel à de nouveaux acteurs capables d’assurer une meilleure communication entre professionnels et jeunes et réaliser ainsi un véritable maillage entre prestataires de services et adolescents là où ils se trouvent (maisons des jeunes, établissement scolaires, piscines, etc..)

Créer des emplois jeunes destinés à constituer les maillages de ces réseaux information-jeunes-contraception-prévention MST, Sida et drogues.

* Faciliter l’accès aux contraceptions urgentes, voire aux premières contraceptions dans des structures d’accès facile et ouvertes de façon permanente.

Les urgences de gynécologie-obstétrique et les services d’accueil des urgences (SAU) doivent être habilités (approvisionnés) à délivrer des contraceptions urgentes (prêtes à l’emploi et gratuites) pour les adolescents et contrôler leur efficacité à distance. Cf. proposition de fiche contraception d’urgence.

Ces centres d’urgences doivent délivrer une première information sur la contraception. Des ordonnances gratuites (pour le plus long terme) devraient pouvoir être délivrées par les centres de planning comme c’est déjà le cas dans au moins 2 départements (93 et 78)

voir annexe

POINT N°3

Lorsque la grossesse survenue malgré tout est non désirée, la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse pose encore de nombreux problèmes.

En particulier, la législation actuelle imposant l’accord parental pour les mineurs, et surtout la signature d’un des parents pour l’obtention de cet accord pose des problèmes difficiles à résoudre.

 La mineure peut souhaiter garder sa grossesse secrète

 Les parents peuvent ne pas être joints, ou être à l’étranger

 L’information de la grossesse aux parents de la mineure peut constituer un véritable danger en particulier dans certaines circonstances culturelles.

 L’autorité parentale peut avoir été retirée par un juge, (dans ces cas, le juge des enfants pourrait lui même donner l’autorisation, mais celle-ci est parfois difficile à obtenir). Ces difficultés aboutissent parfois à un dépassement des délais légaux d’interruption volontaire de grossesse faisant alors entrer l’adolescente dans le cadre d’une interruption médicale de grossesse.

 Enfin, il peut sembler illogique de demander une autorisation parentale dans la mesure où il s’agit du parent lui-même ou d’un proche qui est l’auteur de la grossesse, éventuellement dans un contexte de violences sexuelles.

* Si certains résolvent cette question en demandant simplement à l’adolescente de rapporter une autorisation signée des parents (ce qui aboutit dans la majorité des cas au fait que l’adolescente signe elle même cette autorisation !), il serait logique de prévoir des solutions institutionnelles.

Avant 15 ans, l’autorisation parentale devrait logiquement être maintenue telle qu’elle. Dans les situations où le comportement de l’adolescente fait craindre un contexte d’abus sexuel ou de prostitution, le juge pour enfants devra être saisi et donner l’autorisation d’interruption de grossesse.

Si l’autorité parentale a été retirée par un Juge, le Juge des Enfants doit rapidement (il pourrait s’agir d’une recommandation du Garde des Sceaux), être en mesure de donner l’autorisation d’interruption de grossesse.

Au delà de 15 ans, la situation pourrait être considérée comme totalement différente et impliquer plus largement le libre arbitre de l’adolescente.

La notion de majorité sanitaire à 16 ans (plus précoce que la majorité légale) doit faire l’objet d’une étude de pertinence.

* Lorsqu’il s’agit d’une grossesse survenue après viol (qu’elle soit ou non au delà du délai de 12 semaines) la notion d’interruption médicale de grossesse (pour des raisons évidentes de détresse psychologique) est souvent retenue. Elle est parfois difficile à obtenir car seul un psychiatre (lui même expert) est habilité à donner l’autorisation d’interruption médicale de grossesse.

Un assouplissement des règles d’obtention d’un accord d’Expert (qui pourrait être psychiatre ou non), permettrait de réaliser plus rapidement et plus simplement les interruptions médicales de grossesse après viol.

Un Expert des Urgences Médico-Judiciaire (même s’il n’est pas psychiatre) pourrait donner une telle autorisation.

POINT N°4

Les grossesses observées chez les adolescentes ont souvent un assez bon pronostic médical, mais elles sont génératrices de très graves problèmes à court, moyen et long terme, tant sur le plan de la relation mère-enfant, que sur le plan d’une véritable désinsertion sociale créée (ou aggravée) par la survenue de cette grossesse.

 Les grossesses sont souvent peu ou mal suivies, aboutissant dans quelques cas à des situations d’urgence qui auraient pu être évitées. Le mauvais suivi de ces grossesses est essentiellement lié à l’ignorance par ces adolescentes de la possibilité d’un suivi gratuit, voire d’une aide financière spécifique à la grossesse.

 Des cas d’infanticides continuent à être observés chez les adolescentes témoignant d’une véritable peur-panique et d’un rejet de l’enfant qui vient de naître.

 La mortalité infantile précoce par maltraitance et par infection est multipliée par 5 chez les adolescents.

 Une augmentation de la mort subite du nourrisson lorsque les mères sont des adolescentes a été décrite.

* Il est donc essentiel, toujours grâce aux réseaux que l’on développerait, d’identifier rapidement ces adolescentes enceintes et de les confier chaque fois que possible à des structures pluridisciplinaires d’aide à la gestion de leur grossesse, à l’accouchement et à la période postnatale. Ces structures pluridisciplinaires impliqueraient des équipes de terrain, des réseaux associatifs, les services de PMI, les services hospitaliers et les services socio-éducatifs.

Les réseaux (renforcés d’emplois jeunes) dont on a suggéré la création pour la diffusion de l’information sur la contraception pourraient également être mis à profit pour identifier et aider sur le terrain ces jeunes mères.

Il faut impérativement éviter l’isolement pendant la grossesse et la période postnatale.

Les maisons maternelles sont actuellement en nombre insuffisant, il n’en existe qu’une par Département et elles sont souvent dépassées par les demandes.

Pour rompre l’isolement de ces adolescentes enceintes, des places doivent leur être réservées dans les maisons maternelles en plus grand nombre, éventuellement sous la forme d’un quota minimum. Il faut mettre en œuvre tous les moyens permettant d’éviter la déscolarisation avant et après l’accouchement, de faciliter le retour précoce à l’école et la reprise d’un projet professionnel. Une véritable politique de priorité pour l’accueil en crèche des enfants de mère-adolescente doit permettre là aussi d’éviter un isolement, une marginalisation, et une déscolarisation.

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