Sujet : Contraception, IVG

Allocution de : Chantal Blayo

En qualité de : Professeur à l’Université Montesquieu - Bordeaux IV, Directrice de l’Institut d’études démographiques de l’Université Montesquieu - Bordeaux IV

Colloque : Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (France)

Le : 30 mai 2000

I - LE CONSTAT DUNE INSUFFISANCE DU SERVICE PUBLIC EN MATIÈRE D’AVORTEMENTS

Le recours des femmes à l’avortement est très différent selon les départements. Ce qu’on pouvait considérer comme des différences de comportement entre femmes s’avère, après vérification, relever d’enregistrements variables des avortements. Que l’avortement ne soit pas aussi bien enregistré dans certains départements que dans d’autres pourrait sembler un fait d’importance secondaire. Or, cet enregistrement est le témoin absolu et direct de l’insuffisance de l’accueil dans le secteur public. Il existe clairement un lien entre le nombre d’avortements déclarés et l’offre dans le secteur public qui enregistre à peu près bien les avortements pratiqués. Mais, quand l’offre est insuffisante, les femmes se tournent vers le secteur privé, qui, pour sa part, ne déclare pas aussi bien les avortements, en particulier quand il décide de le faire sous une cotation autre que celle d’IVG.

Cette insuffisance constatée dans le secteur public s’explique par le fait qu’il existe dans ce secteur, sauf dans les petits hôpitaux, un contingentement. Ce contingentement existe même dans les hôpitaux où se pratiquent beaucoup d’avortements, car les moyens sont insuffisants : manque de lits, de praticiens, d’anesthésistes. L’insuffisance du nombre de praticiens est due au fait que l’IVG est aujourd’hui un acte dévalorisé. Les médecins qui n’ont pas connu les dégâts considérables de l’avortement clandestin ne sont plus intéressés par cet acte. Par ailleurs, sur le plan statutaire, les vacataires auxquels il est fait appel ne bénéficient pas d’un statut et de rémunérations attractives leur donnant envie de continuer.

J’ai bien entendu le Professeur Israël Nisand proposer de pratiquer l’IVG en ambulatoire. Je ne discuterai pas ici d’une telle proposition, mais elle pose la question de trouver les moyens de quantifier les avortements quand ils ne donnent pas lieu à enregistrement.

II - LES PROBLÈMES SPÉCIFIQUES LIÉS AU CONTIN-GENTEMENT

Le contingentement pratiqué est quelquefois arbitraire : on sélectionne les femmes qui vont avorter. Les femmes ayant déjà connu plusieurs avortements ou ne résidant pas dans la même commune que l’établissement, sont parfois écartées d’office.

Ce contingentement pose encore plus de problèmes durant le mois d’août, mois durant lequel l’absence d’un vacataire suffit pour créer des problèmes. Depuis vingt ans, le nombre d’avortements observés au mois d’août est moindre. Dans une douzaine de départements totalisant environ un tiers des avortements, nous avons mené une enquête durant l’été avec la participation de 69 établissements publics. Dans une trentaine d’entre eux, la réponse à une demande de rendez-vous était immédiate dans tous les cas nécessaires, et différé dans le cas des femmes dont la durée de gestation était faible. Toutefois, dans 25 établissements, tout rendez-vous pour les femmes à durée de gestation trop élevée était refusé. Une quinzaine d’établissements ont répondu être soit saturés, soit complets. Dans certains d’entre eux, les femmes étaient bien orientées, y compris vers le Mouvement Français pour le Planning Familial. Remarquons qu’il est tout de même paradoxal qu’un mouvement associatif soit nécessaire pour régler un problème de santé publique. Dans seulement trois ou quatre établissements, la femme n’a pas été orientée vers une autre structure et a dû se débrouiller seule.

Quelle que soit la législation qui prévale, les femmes arrivent toujours à se débrouiller. Mais, comme toujours, ce sont les femmes les plus défavorisées qui rencontrent le plus de difficultés. Parmi celles-là, on compte les femmes qui étaient déjà à durée de gestation élevée, celles qui ne pouvaient pas payer l’avance que demandent généralement les cliniques privées. Ces problèmes pourraient être résolus plus facilement s’il y avait une permanence téléphonique, ou un système de centralisation de l’offre et de la demande, en particulier dans les grandes villes. Or, c’est précisément dans ces dernières que l’on rencontre le plus de problèmes.