Sujet : Contraception, IVG

Allocution de : Joëlle Brunerie Kauffmann

En qualité de : Gynécologue, responsable du centre IVG de l’hôpital Antoine Béclère à Clamart

Colloque : Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (France)

Le : 30 mai 2000

Il m’a été demandé une analyse sur le fonctionnement des structures d’accueil. Celles-ci connaissent en effet une très grande disparité.

I - TYPOLOGIE DES STRUCTURES D’ACCUEIL

A. Les centres dits autonomes

Ce sont des centres mis en place en application de la loi du 17 janvier 1975, souvent parce que des chefs de service refusaient de pratiquer l’IVG dans leur service. Ces centres ont perduré. On n’y pratique que l’IVG et la contraception, avec un personnel spécialisé (conseillères, infirmières, médecins).

B. Les centres intégrés dans un service de maternité

Le centre Antoine Béclère à Clamart, où je travaille, est un centre intégré. Ces centres comportent un secteur échographie, un secteur maternité, un secteur fécondation in vitro et un secteur IVG. Cette compartimentation est assez spécifique. Le personnel peut faire autre chose au sein du service et ne se consacre pas spécifiquement à l’accueil des femmes en IVG. Ces centres possèdent toutefois un personnel davantage formé à l’IVG.

C. Les structures d’accueil en milieu hospitalier

Les structures d’accueil intégralement assurées par un service au sein d’un hôpital régional ou d’un hôpital universitaire permettent un accueil de l’IVG équivalent à celui pratiqué pour les accouchements.

Il est difficile de comparer entre eux les niveaux de qualité de ces différents centres. En effet, si le responsable du service est disposé à accueillir les femmes pour l’IVG, il mettra en place la structure nécessaire pour les accueillir. On se rend toutefois compte que, dans les centres autonomes, le personnel est spécialisé, formé, venu volontairement travailler dans ce domaine. Souvent, l’accueil des femmes y est meilleur. Dans les centres intégrés, des difficultés existent car le reste du service tend à être prédominant et l’IVG peut devenir un parent pauvre en matière de disponibilité des moyens. Dans ces centres, tout dépend de la volonté du responsable, qui décide d’affecter des moyens pour l’IVG ou non.

II - TECHNIQUES ET MÉTHODES - STATUT DES PER-SONNELS

On peut également remarquer une très grande disparité dans les techniques utilisées. Dans certains centres, on ne pratique que l’anesthésie générale et dans d’autres, l’anesthésie locale. Dans d’autres encore, l’avortement médicamenteux n’est pas utilisé. Tout ceci n’est pas admissible, mais cela se passe ainsi dans la réalité : selon le centre, la femme sera plus ou moins bien accueillie et aura droit à telle ou telle solution. Tout dépend également des personnes travaillant dans les centres. Je pense que le rôle des conseillères conjugales est primordial, au moins dans certains centres, pour accueillir les femmes, les orienter et les épauler. Dans d’autres centres, ce rôle est tenu par les infirmières et dans d’autres par les médecins.

Le statut de ces derniers est très hétérogène. Certains médecins sont vacataires, comme c’est souvent le cas dans les centres autonomes ou universitaires. Ils ont été formés à la contraception et à l’IVG. Cependant, ils sont de moins en moins nombreux en raison de la faible rémunération. Il y a également des médecins généralistes, qui se sont portés volontaires, ou des internes. Il arrive que ces derniers, dans les grands centres hospitaliers, refusent de pratiquer une anesthésie locale parce qu’ils n’en ont pas appris la technique ni la pratique. Les statuts sont extrêmement variables aussi bien pour les médecins que pour les conseillères conjugales.

Au niveau de l’anesthésie générale, des problèmes importants existent. Les normes de sécurité exigent maintenant que les femmes soient envoyées, dans les grands centres, au bloc central, pour une anesthésie générale. Après avoir été traités de " bouchers " parce que nous pratiquions l’IVG sous anesthésie locale, nous devrions, désormais, la pratiquer uniquement sous anesthésie locale. En raison du manque d’anesthésistes, il faut justifier de raisons bien particulières pour recourir à une anesthésie générale et consigner ces motifs dans le dossier de la patiente.

Il existe également des disparités entre centres quant à l’agrément de la DDASS pour la contraception. Par exemple, les centres parisiens obtiennent l’agrément de la DDASS pour faire de la contraception. En revanche, et toujours pour illustrer mon propos, le centre Antoine Béclère, dans les Hauts-de-Seine, ne possède pas cette autorisation.

Je pense qu’il faut, comme l’a dit le Professeur Israël Nisand précédemment, assouplir les techniques d’IVG. Jusqu’à 6 à 7 semaines d’aménorrhée, l’IVG peut être pratiquée en structures légères, en structures ambulatoires, dans les centres de planification familiale possédant l’agrément de la DDASS et dans les dispensaires. Il faut sortir les IVG précoces de l’hôpital pour les pratiquer dans des structures légères.

III - LE COÛT DE L’IVG

Je voudrais aussi souligner qu’en France, l’IVG est le seul acte médical pour lequel il faut payer à l’avance. Quand on se casse un bras ou que l’on entre à l’hôpital pour traiter n’importe quelle affection, il suffit de présenter sa carte d’assuré. Le règlement des frais n’intervient qu’après. Or pour l’IVG, le règlement s’effectue avant la réalisation de l’acte. Ainsi, certains actes sont souvent reportés à la semaine suivante parce que la patiente ne possède pas l’argent nécessaire. Il arrive souvent qu’un membre de l’équipe médicale doive avancer la somme pour que l’acte puisse être réalisé. L’argent avancé est d’ailleurs toujours remboursé par les bénéficiaires.