Sujet : Contraception, IVG

Allocution de : André Ulmann

En qualité de : Directeur Général du laboratoire de recherche HRA-Pharma

Colloque : Délégation aux droits des femmes de l’Assemblée nationale (France)

Le : 30 mai 2000

Je voudrais vous faire très rapidement une présentation technique sur la contraception d’urgence et essayer de dissiper un certain nombre de malentendus qui ont accompagné l’introduction de ces nouvelles méthodes.

I - QU’EST-CE QUE LA CONTRACEPTION D’URGENCE ?

C’est une méthode qui permet d’empêcher une grossesse après un rapport sexuel non protégé. Je voudrais insister sur le fait que c’est un procédé très anciennement connu, puisque M. Yuzpé, un gynécologue canadien, a décrit cette méthode, il y a plus de trente ans. Des Américains ont même considéré que la contraception d’urgence était " le secret le mieux gardé de la nation ".

Il importe de savoir que la contraception d’urgence est une méthode de secours, qui consiste à administrer de fortes doses de progestatifs ou d’_strogènes, substances constitutives des pilules contraceptives classiques.

Il est également important de rappeler que la contraception d’urgence n’est pas un avortement. En effet, les progestatifs et les _strogènes qui rentrent dans la composition de la contraception d’urgence ne permettent pas une interruption de grossesse, si celle-ci est déjà commencée.

II - LES PRINCIPES DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE

Le premier point est souvent totalement ignoré par le corps médical et a fortiori par les utilisatrices : la fécondation n’est possible qu’avant l’ovulation. Quand cette dernière s’est produite, il n’y a plus de possibilité de contraception. Après le jour zéro, le jour de l’ovulation, il ne peut y avoir fécondation lorsque l’_uf a été expulsé. On comprend bien, de cette façon, que les méthodes de contraception d’urgence, qui bloquent l’ovulation, sont des méthodes contraceptives.

Second point, l’accès le plus rapide possible à la contraception d’urgence est un facteur de succès. Autrement dit, plus vite on a accès à une contraception d’urgence (zéro à douze heures), plus elle est efficace. Si la femme attend jusqu’à 72 heures, la méthode reste certes efficace, mais à un moindre degré.

En France, il existe, depuis plus d’un an, deux produits disponibles pour la contraception d’urgence. L’un est une association _stro-progestative qui répond au nom de Tétragynon. Comme il contient des _strogènes, il présente des contre-indications et ne peut être utilisé que sur prescription. Le second est le Norlévo, qui ne contient que des progestatifs et qui, de ce fait, n’a pas de contre-indications. Il a donc été autorisé à la vente sans prescription préalable.

III - QUAND DOIT-ON UTILISER UNE CONTRACEPTION D’URGENCE ?

La réponse est très simple : après tout rapport sexuel non protégé. Le message à faire passer - qui est souvent ignoré des utilisatrices - est le suivant : tout rapport sexuel non protégé est à risque de grossesse, quelle que soit sa date dans le cycle. Les circonstances sont bien connues : rupture d’un préservatif, oubli de plusieurs pilules, rapport sexuel imprévu ou rapport sexuel sans contraception efficace et enfin viol (qui est une cause fréquente de l’utilisation de la contraception d’urgence).

IV - LES AVANTAGES DE LA CONTRACEPTION D’URGENCE

La contraception d’urgence permet d’éviter sept à neuf grossesses sur dix, après un rapport sexuel non protégé. On peut donc imaginer qu’une plus large distribution de la contraception d’urgence serait un moyen supplémentaire pour éviter le recours à l’IVG.

Il est important de mentionner - ce qui n’a pas été encore tout à fait perçu en France, mais qui l’est à l’étranger - qu’au cours de la dernière année, la France a adopté des mesures révolutionnaires en matière de contraception d’urgence. En effet, d’une part, elle a accepté la mise à disposition de la contraception d’urgence sans prescription médicale préalable et, d’autre part, elle a permis sa délivrance dans les lycées et collèges, en cas de détresse majeure.

V - RISQUES THÉORIQUES

Il est intéressant de chercher à évaluer les bénéfices et les risques potentiels de ces mesures gouvernementales.

Les bénéfices évidents sont liés à la connaissance de la contraception d’urgence, relativement méconnue ces dernières années, même si des associations se sont battues pour essayer de la promouvoir. Le fait qu’elle soit connue permet un accès plus rapide et une meilleure efficacité.

Quels sont les risques théoriques ? On peut dire aujourd’hui qu’il n’existe aucun risque au niveau médical, car on sait parfaitement que l’utilisation à large échelle de progestatifs n’a pas de contre-indications médicales.

Un risque toutefois mis en avant par les détracteurs de l’utilisation sans prescription, renvoie à ce vieux sentiment lié au manque de confiance accordé aux femmes. " Si on met à la disposition des femmes la contraception d’urgence, elles l’utiliseront moins que la contraception régulière ". Cela renvoie au préjugé de l’irresponsabilité des femmes. Des études démontrent le contraire. Madame Elisabeth Aubény en parlera dans un instant.

Un autre risque conduirait à un relâchement de la prophylaxie contre le sida. Or, d’une part, il n’y a pas de relations évidentes entre les messages sur la contraception et ceux sur le sida ; d’autre part, l’information des jeunes sur le sida est bien meilleure qu’elle ne l’est sur la contraception.

Le rôle du médecin, enfin, risquerait de diminuer. Des études faites jusqu’à maintenant ont montré que la diffusion de la connaissance de la contraception d’urgence auprès des utilisatrices n’est certainement pas le fait des médecins, loin de là. Il est permis de penser que la diffusion de la contraception d’urgence conduira les utilisatrices à voir un médecin pour mettre en route une contraception régulière.

VI - CONCLUSION

Je dirais que les avantages de la mise à disposition de la contraception d’urgence sans prescription médicale dans les lycées et les collèges, et d’une manière générale à toute la population, sont largement supérieurs aux risques théoriques de cette mesure et devraient contribuer à la diminution du nombre de grossesses non désirées et d’IVG. Elle devrait permettre une meilleure connaissance de l’utilisation des autres moyens contraceptifs et de la prévention des MST.