" En évinçant ses " conseillers " étrangers en juillet, il (Kabila) espérait sans doute gagner le cœur de ses concitoyens, tout comme Mobutu avait tiré une belle popularité de la disgrâce de son entourage tutsi au début des années soixante-dix. Et de ce fait, s’il n’est pas parvenu pour autant à convaincre de sa compétence et de son honnêteté, Kabila a au moins réussi à désigner l’Ennemi : le Tutsi, suppot de l’agression extérieures, même si celui-ci est souvent un " ennemi de l’intérieur "... Se retrouve posée la question aiguë de la citoyenneté des populations tutsi et hutu d’origine rwandaise, burundaise et ougandaise, vivant sur le sol congolais depuis plusieurs siècles ou depuis l’époque coloniale. (...) Cette problématique de l’autochtonie qui, d’une certaine manière, nourrit le nationalisme dans sa dimension la plus hideuse, nous rappelle que la conscience ethnique n’est pas le contraire de la conscience nationale : elle en est un ingrédient et elle est d’ailleurs souvent engendrée par les politiques publiques de l’Etat lui-même. Le danger réside donc dans le développement d’ethnonationalismes racialisants au service de pouvoirs forts et militarisés, voire totalitaires, dont la région des grands lacs a abrité la genèse depuis plusieurs décennies et dont les régimes rwandais présidés successivement par Juvenal Habyarimana et Paul Kagame ont fourni des illustrations sinistres, comme les deux faces d’une même pièce (...) "

Jean-François Bayart in Les Temps Modernes

Jean-François Bayart lâche cette petite phrase assassine à la fin de sa longue et pertinente analyse, comme ça, sans crier gare. Alors qu’on admirait ce brillant exposé clair et érudit, le chevalier Bayart pourfend le régime " Tutsi " de Paul kagame (qui n’est " que " vice-président d’ailleurs, et où le président et le premier ministre sont Hutu) reprenant à son compte, en douce, la thèse du double génocide. Du coup, on y croit plus. Et son brillant article devient de l’eau de boudin. Quand on est spécialiste, il faut être rigoureux et justifier chaque hypothèse. Celle-là ne l’est pas. Il faut dire aussi, que, quand on est grand spécialiste, c’est qu’on en vit et, des petites phrases de ce genre, peuvent faire plaisir à ceux qui détiennent les cordons de la bourse. (T.L.)