Église du Rwanda : Grandeur et décadence

L’originalité de cet ouvrage est de traiter d’un thème qui, jusqu’ici avait été très peu développé. Au Rwanda, l’Eglise a joué un rôle énorme dans la mise en place d’un système ethniste qui s’est soldé par le génocide. Christian Terras et Mehdi Ba démontrent la responsabilité de leaders d’une République exclusivement raciste.

Au coeur du génocide, l’Église a maintenu la même mansuétude. A près ce crime, l’Église s’oppose à la justice. Pire, elle exfiltre vers le Vatican les prêtres et religieuses impliquées dans le génocide et les laissent exercer leur sacerdoce au mépris de la plus élémentaire justice. Plusieurs noms de ces prêtres sont cités, détails à l’appui sur les actes incriminés. Certains sont mêmes interrogés, bien sûr pour nier parfois le génocide et écarter leur responsabilité. Sans hésiter, ils réclament même que les morts viennent les inculper, comme l’avait demandé le sinistre colonel T . Bagosora en septembre 1994.

L’Abbé Martin Kabalera, réfugié à Luchon dans l’archidiocèse de Toulouse, déclare : " Je suis content que les gens qui m’accusent soient en vie. J’en suis fier. " Ce prêtre feint d’oublier qu’on l’accuse de complicité dans l’assassinat de femmes, d’enfants et de militaires Tutsi dont il avait la charge. Qui d’autres peut témoigner contre lui si ce n’est les survivants ?

Lorsque l’on parcours ce livre, on est justement scandalisé de voir comment une institution qui a mission de prêcher l’amour, a plutôt dévié de sa vocation, pour s’enraciner dans un système de haine et de racisme. C’est horrifiant ! Un sage avait dit que l’habit ne fait pas le moine. Les révélations faites dans cet ouvrage lui donnent parfaitement raison. Mais l’Église a aussi connu ses héros. Les auteurs ne l’ont pas oublié, et c’est ça l’honnêteté de leur travail. Quelques erreurs de faible importance leur ont cependant échappé, notamment l’orthographe des noms rwandais qui peut prêter à confusion (Abbé Sindanye au lieu de Sindambiwe) ce qui n’enlève rien au contenu. (J.D.B.)