Mgr Augustin MISAGO, évêque de Gikongoro est sous les verrous depuis le 14 avril 1999. Il est accusé de participation au génocide. Le Vatican a qualifié cette arrestation de persécution contre l’Église. l’Observatore Romano, son organe de presse, a même prétendu qu’il y a eu un double génocide au Rwanda (voir Liaison-Rwanda n°25). Tant d’autres écrits animés par des hommes d’Église ou appuyés par elle, comme la revue Dialogue, nient le rôle de Mgr MISAGO dans le génocide. Des documents, circulant à l’intérieur de l’Église diffusent à leur tour des mensonges pour occulter le rôle de ce prélat dans les massacres. Ils sanctifient Mgr MISAGO et concluent à son héroïsme au mépris total d’abondants témoignages attestant de sa culpabilité. Pour l’Église catholique, le procès de Mgr MISAGO serait une affaire politique destinée à rendre l’Église responsable des événements de 1994.

L’Église accuse le Rwanda et fait appel à l’opinion internationale. En réalité ce discours confirme une attitude caractéristique de l’Église depuis 1994 qui consiste à protéger ses hommes accusés de crimes de génocide1. Or ce procès n’est pas celui de l’Église. La justice rwandaise veut faire la vérité sur les actes d’un homme d’Église pendant le déroulement du génocide.

Mgr MISAGO est poursuivi pour des faits précis et concrets extrêmement graves portés par les survivants des différents lieux de massacres de son diocèse. Il aurait ramassé des enfants Tutsi survivants et blessés de Kigeme et Kibeho, ces enfants auraient été alors conduit à Gasaka où ils ont été tués à une barrière. MISAGO se rendait aux réunions des organisateurs du génocide (notamment Jean Kambanda) : " partout où Monseigneur MISAGO avait tenu des réunions, à peine avait-il quitté les lieux, les massacres commençaient " disent les témoins cités par la presse rwandaise. Mais en méprisant leurs témoignages, L’Église catholique offense ces survivants du génocide et humilie la justice rwandaise.

Mgr MISAGO n’est pas au-dessus de la loi. Il doit répondre de ses actes comme n’importe quel citoyen rwandais. Voir en son arrestation une persécution de l’Église revient à confondre un homme avec l’institution. C’est non seulement aberrant, mais insultant pour tous les hommes d’Église qui ont refusé la logique des massacres et ont été eux-mêmes exécutés. Mgr MISAGO bénéficie des garanties nécessaires pour sa défense et d’un régime de faveur pour un prisonnier : il dispose d’une chambre individuelle en prison et est suivi par des médecins de son choix. Il est nourri par l’archevêché de Kigali. Aucun autre détenu ne bénéficie d’une telle faveur !2 La propagande que déverse actuellement l’Église émane d’une institution qui veut cacher la dérive de ses ouvriers. Peu importe qu’il soit coupable d’un génocide. (J.D.B.)

1 Il est vrai que cette attitude conduit légitimement à s’interroger sur les liens existant entre elle et les organisateurs du génocide. Elle ne fait que rappeler sa protection de prêtres soupçonnés d’actes criminels, leur permettant d’échapper à la justice. Le rôle de l’Église avant, pendant et après le génocide a déjà fait l’objet d’un débat qui est loin d’être terminé (voir l’Honneur perdu de l’Église, publié chez Golias).

2 Nous pensons bien sûr aux victimes massacrées en 1994, qui n’ont eu droit, elles, à aucune pitié. Nous pensons aussi aux prêtres Tutsi emprisonnés par un État éthno-raciste en 1990 et qui ont été soumis à des conditions de déshumanisation que ne connaîtra jamais Mgr MISAGO. Nous pensons enfin à la mort atroce du curé de Cyanika en 1994, l’Abbé Joseph NIYOMUGABO. Un prêtre Tutsi auquel Mgr MISAGO aurait même refusé une sépulture décente