De Nouvelle Zélande aux Iles Tonga, de Pékin à Abidjan, des fêtards des Champs Elysées à ceux des camps de réfugiés hutus de Tanzanie, au fil des fuseaux horaires, les médias français ont rivalisé de prouesses technologiques pour faire vivre à leurs lecteurs, auditeurs et téléspectateurs les festivités d’un événement symbole : la fin et le début d’une année, d’un siècle, d’un millénaire.

Et même si on y a festoyé et dansé autant qu’ailleurs, aucun de nos médias n’a jugé utile de s’arrêter au Rwanda, pays qui a pourtant le triste privilège d’avoir offert au monde le dernier génocide de ce siècle. Mais s’arrêter au Rwanda dans la nuit cathodique du 31 décembre au 1er janvier aurait peut-être gâché pour certains une fête qu’on voulait gaie, placée sous le signe de l’amnésie. Il fallait à tout prix oublier le Rwanda et son génocide, le Kosovo et son épuration ethnique, la Tchétchénie et son tapis de bombes russes comme cadeau de Noël. Le 20ème siècle est mort vive le 21ème siècle.

Journaliste au Soir de Bruxelles, Colette Braeckman a raison de hurler que ce siècle s’achève dans la honte. Commencer dans l’extermination des Arméniens, il s’achève avec celle des Tutsi , c’était il y a 6 ans, c’était hier, c’était au Rwanda. A l’heure du bilan de cette fin de siècle, il faut oser regarder la réalité en face, admettre que le drame rwandais est aussi le notre, le votre.

De retour du Rwanda, il y a quelques mois, Véronique Tadjo, écrivain ivoirienne me confiait : " Je ne pouvais plus garder le Rwanda enfoui en moi. Il fallait crever l’abcès, dénuder la plaie et essayer de la panser. Je ne suis pas docteur, ajoutait-elle, mais j’ai décidé de m’administrer les premiers soins. "

Comme elle , ils sont plusieurs dizaines à ne pas vouloir oublier, à se sentir une absolue obligation de témoignage et de solidarité. Aux côtés des rwandais qui, loin des sunlights et des clameurs des médias, sont acharnés à la reconstruction de leur pays, d’innombrables projets fleurissent, en France, en Belgique, en Suisse, au Canada et ailleurs, pour les aider à se relever, à dépasser le génocide (et non l’oublier), à construire une société nouvelle.

En ce début de siècle et de millénaire, nous n’avons pas le droit de ne pas être à leur côté. BONNE ANNEE A TOUS (T.K)