Que l’on nous comprenne bien. Nous sommes des amis de la FIDH avec laquelle nous poursuivons un combat commun pour la justice et les droits humains. Mais c’est précisément parce que ce sont nos amis et nos alliées qu’il nous faut être intransigeant et rappeler, quand c’est nécessaire, quelques vérités. Des vérités, il est vrai, que tout, absolument tout, pousse à jeter aux " oubliettes de l’histoire ".

La complicité française dans le troisième génocide du siècle est douloureuse. Elle est impunie, honteuse, dissimulée, oubliée... Bref, l’évoquer est source de complication. C’est l’aveu insupportable d’une injustice gravissime vis à vis d’un million d’innocent. C’est aussi l’obligation de reconnaître l’impunité intolérable de nos chefs politiques et militaires. Pourtant, alors que le génocide faisait rage au Rwanda, les représentants de ce carnage sans nom étaient reçus à l’Élysée et à Matignon le 27 avril. Ils serraient les mains d’Alain Juppé et d’Édouard Balladur. Et que l’on ne nous dise pas qu’ils n’étaient pas au courant ! En 1998, lors qu’il fut question de reparler du Rwanda, Jacques Isnard, spécialiste des questions militaires au Monde nous a expliqué qu’il s’agissait d’une " crise gérée en directe par une cellule de l’Élysée " (titre de l’article du 21 avril 1998) : " Sur quoi s’est alors fondé l’Élysée ? (...) Essentiellement sur des renseignements centralisés par l’état-major particulier de la présidence de la République où, au fil des mois, deux officiers, le général Christian Quesnot et le colonel, puis général Jean-Pierre Huchon vont jouer un rôle de premier plan dans les prises de décision de François Mitterrand ". Militaires et politiques français savaient donc parfaitement la nature du crime qui s’accomplissait, en directe et sous leur couverture, au Rwanda : le général Huchon recevait dans son bureau de la Coopération un représentant des forces génocidaire, présent en France du 9 au 13 mai 1994. Le Rwanda n’était pas un " point aveugle ", une zone d’ombre. Depuis 1990, leurs hommes étaient sur place. Jacques Isnard le dit : " Équipés de matériel pour le combat de nuit et de puissant moyen de transmission à longue distance, les hommes du 1er RPIMa (...) ont pour mission d’établir des contacts permanents avec les plus hautes autorités politiques et militaires à Paris qui gère les crises en Afrique. (...) Ce fut le cas au Rwanda, grâce à un fil crypté direct entre le régiment et l’Élysée, via l’état-major des armées et l’état-major particulier de l’Élysée, ou une cellule de crise, comprenant le général Quesnot et son adjoint, le colonel Jean-Pierre Huchon, lui-même ancien patron du 1er RPIMa, gérait l’ensemble de la manœuvre " (Le Monde du 21 mai 1998).

La réalité, c’est qu’il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre...