Un roman d’espionnage avec tous les ingrédients habituels à ce genre de littérature : le sexe, plutôt tendance machiste et les traditionnels clichés exotiques, agrémenté de grandes marques d’alcool constamment et laborieusement mentionnées à toutes les occasions. Ajoutons une curieuse publicité pour une grande marque de montre et de briquet, dont les mentions, apparaissent à chaque page avec une insistance proche de la fixation hallucinatoire. Apparemment, ce genre de livre est rentabilisé par ses contrats publicitaires.

Pourquoi parler alors de celui-ci ? Parce qu’il est curieusement, paradoxalement, extrêmement bien renseigné sur ce qui entoure cet attentat. Attentat qui déclencha le génocide et qui reste toujours une sérieuse épine dans le pied des responsables français. Pas question, dans ce roman, d’accuser ces derniers, sauf par une petite phrase au début mais dont la seule fonction est alors de " blanchir " les militaires français (page 11) : " L’opération Turquoise, destinée en principe à sauver les tutsi survivants de cette zone. Cela avait surtout permis aux génocidaires hutu de s’enfuir au Congo avec leur armement lourd, grâce à la protection de l’armée française piégée par ses autorités politiques d’alors ". Basé sur l’incrimination du FPR et de Paul Kagame dans l’attentat, selon les révélations du journaliste rwandais Jean-Pierre Mugabe, ce livre donne les clés de cet événement.

Le véritable instigateur de l’attentat apparaît même sous les traits d’un Jacques Foccart, " Un homme âgé, aux épaules voûtées, quelques rares cheveux sur la tête, avec un curieux visage ovale qui semblait sculpté dans la gélatine, d’où ressortaient deux yeux d’un bleu cobalt.... ", identifiable aussi par ses habitudes. Mais un Jacques Foccart qui serait américain et ex-membre de la CIA ! La liquidation du président est faite en réalité " pour éviter le génocide ", donc en tout bien tout honneur, même s’il s’est avéré produire l’effet contraire ! En revanche, l’implication de deux semi-privés blancs pour épauler les soldats de l’APR, invités par les extrémistes hutu à réaliser l’opération, est plus vraie que nature... sauf, là aussi, que ces soldats sont américains et non des membres du DAMI Panda revenu spécialement au Rwanda en février 1994, comme l’a très bien élucidé Colette Braeckman (Rwanda histoire d’un Génocide Fayard et l’Afrique à Biarritz, Karthala).

En inversant les nationalités, on a là une explication très cohérente qui rend compte de presque tous les éléments connus. Cet attentat est un coup tordu concocté par les services secrets (ici américain) : " Faire liquider son ennemi par un autre ennemi, c’est le rêve absolu de tout manipulateur ". Même l’aspect foireux du coup tordu est expliqué, puisque les deux soldats de l’APR " invités " se méfient et disparaissant dans la nature après l’attentat. Ils ne seront pas tués par la garde présidentielle comme prévu. De ce fait, impossible de prouver la responsabilité du FPR sans se mettre à découvert également. La connaissance des lieux est remarquable...

C’est comme si Paul Barril lui-même avait briefé l’auteur de ce roman ! (JPG)

(" SAS,Enquête sur un génocide ", Gérard de Villiers, n°140 Malko production)