(Synthèse de la partie publique de l’audition)

M. de Vroom précise d’entrée que durant ces trois dernières années, la police judiciaire a mené 38 interventions en matière de sectes. Ces interventions se font de manière réactive, la PJ étant un service essentiellement réactif. Cependant, le phénomène n’a pas été attaqué dans son ensemble. Plus généralement, l’utilisation de techniques spéciales en ce qui concerne les sectes est pratiquement impossible. D’une part, parce que les " infiltrants " courent de trop grands dangers et, d’autre part, parce qu’on n’est pas certain qu’ils soient à l’abri d’une contrainte morale. A l’instar de ce qu’on fait pour les bandes organisées, il y aurait peut-être une possibilité d’appliquer l’analyse criminelle aux groupements sectaires. Toutefois, la prudence est de mise, dans la mesure où l’on risque de toucher à la liberté individuelle.

L’intervenant est d’avis que l’observation est la manière la plus douce d’aborder une secte et d’éviter des problèmes. Il est également possible d’utiliser l’information latente, provenant des services de poli-ce de première ligne. La difficulté essentielle réside dans le fait que l’appartenance à une secte ne constitue pas une infraction en soi. La police ne s’en occupe donc que lorsqu’il y a infraction ou lorsqu’il y a un doute sur le sort de personnes, notamment de mineurs d’âge.

Pourtant, dans les enceintes internationales, il est peu question de la problématique sectaire. Pour avoir fait partie de groupes " TREVI " pendant douze ans, l’orateur déclare n’en avoir jamais entendu parler.

Selon M. de Vroom, les trois sectes les plus importantes dans notre pays sont :

8) la secte Sahaya Yoga, à ses yeux la plus dangereuse, puisqu’elle préconise la séparation entre la mère et l’enfant ;

9) l’Eglise de Scientologie, dont le recrutement s’opère même au sein des services de police ;

10) Sûkyô Mahikari.

A titre d’exemple, l’intervenant cite aussi, parmi les sectes présentes en Belgique, l’association " Nouvel âge ", la Fraternité blanche universelle, la secte de l’abbé Motmans et l’Ordre du Temple Solaire.

En fait, pour aborder une enquête à ce sujet, les membres de la PJ se posent sept questions :

* La liberté des membres est-elle garantie ?

* Y a-t-il une demande d’allégeance inconditionnelle ?

* Les membres peuvent-ils recevoir des soins et conservent-ils leur libre arbitre dans le domaine médical ?

* Les membres sont-ils obligés de verser une cotisation qui ne sert pas à la vocation proclamée du groupe mais à l’enrichissement des dirigeants ?

* Les mineurs reçoivent-ils une protection suffisante dans le cadre de la législation sur le travail, la scolarité et les soins médicaux ?

* Prône-t-on une philosophie fanatique, allant dans le sens d’une déstabilisation de l’Etat ou de troubles graves de l’ordre public ?

M. de Vroom ajoute que la crédulité des adhérents est au départ frappante. Par la suite, ceux-ci perdent leur libre arbitre. La promesse d’un monde meilleur est omniprésente. A ce moment, des mécanismes d’escroquerie sont mis en oeuvre à travers la promesse d’un profit intellectuel, psychologique et même émotionnel. On en arrive alors à l’asservissement psychique et physique.

Dans ce processus, la dominance du meneur est essentielle. Les sectes sont d’ailleurs le domaine d’un certain type d’intellectuels, nourris souvent de théories orientales et d’une recherche d’un autre monde. On y rencontre ainsi de nombreuses professions médicales et paramédicales, particulièrement dans le domaine de la psychologie.

Cependant, il faut bien constater que les personnes qui se trouvent encore à l’intérieur d’une secte ne déposent jamais plainte. Même lorsqu’elles en sortent, les informations sont difficiles à recueillir, ce qui complique encore le travail de la police.

Pour le reste, les infractions rencontrées le plus souvent sont :

1) l’escroquerie ;

2) l’exercice illégal de la médecine ;

3) la fraude fiscale ;

4) le blanchiment d’argent ;

5) un mauvais usage de la législation sur les A.S.B.L.

M. de Vroom est d’avis que la législation belge permet, pour l’essentiel, de santionner les délits com-mis dans le cadre d’une organisation sectaire. Cepen-dant, certaines lois doivent être renforcées ou mieux ciblées. L’orateur songe plus particulièrement à la loi de 1965 sur la protection de la jeunesse, qui est à ses yeux obsolète. On pourrait ainsi en arriver à la définition de la notion de " non-assistance à personne en danger moral ", qui est plus difficile à cerner. Il y a aussi lieu de revoir, à certains égards, la législation sur les A.S.B.L.

M. de Vroom renvoie aussi aux 11 caractéristiques que reprend Wilson, dans son ouvrage " Le leader charismatique ", pour définir les sectes :

 on peut adhérer à la secte librement et non par la naissance ;

6) on est autorisé à se faire membre sur la base d’une connaissance reconnue et visible par le dirigeant de la secte, d’une expérience du vécu ou appri-se d’un membre plus ancien ;

7) les caractéristiques de cette connaissance sont exclusives et confidentielles. Qui ne s’en tient pas aux règles est exclu ;

8) la secte se considère comme l’émanation d’une élite, a une vision particulière des choses et se considère investie d’une mission spécifique ;

9) on y tend vers une perfection personnelle ;

10) il n’existe pas de différence principielle entre prêtres et non-prêtres ;

11) l’occasion est donnée de manifester spontanément son appartenance personnelle à la secte ;

12) la secte est hostile ou indifférente à toute vie sociale et vis-à-vis de l’Etat ;

13) l’appartenance à la secte est plus exclusive et plus fermée que l’appartenance à une religion ; - il est question d’une idéologie propre, reconnaissable et identifiable ;

14) ceux qui ne respectent pas les règles sont considérés comme traîtres et sont punis ou exclus pour leurs fautes.

Le commissaire général souligne qu’en dehors de quelques points qui relèvent d’une forme de spiritualisme, ces règles se rapprochent fort de celles définies pour la criminalité organisée.

Les procureurs généraux ont d’ailleurs donné de cette criminalité une définition en huit points. Au moins trois de ceux-ci se retrouvent dans les sectes : hiérarchie, punition et infiltration de divers milieux, qu’ils soient de la politique, de la presse, etc.

Cependant, si les services de police s’adaptent pe-tit à petit à différentes formes de criminalité, l’adaptation au phénomène sectaire est plus difficile, puisqu’un spécialiste devrait être à la fois spécialisé dans les domaines de la finance, de la protection de la jeunesse, des mécanismes propres à l’escroquerie, ...

En réponse à une question en ce sens, M. de Vroom confirme qu’il y a peu de contacts à ce sujet avec ses collègues des services de police étrangers.

En réponse à une autre question, l’orateur ajoute que la PJ n’a pas les moyens de s’intéresser, de manière systématique, aux sectes, notamment parce que les effectifs sont déjà notoirement insuffisants pour faire face à la criminalité organisée. Etant donné le nombre d’heures que les groupes d’observation et que les infiltrants doivent prester pour la délinquance habituelle, la problématique des sectes est un problème secondaire pour les services de police.

Enfin, M. de Vroom ajoute que dans les enquêtes qu’il a menées, il n’a jamais pu constater que les sectes étaient liées à des personnes ayant des pouvoirs de décision importants, dans le monde politique, économique, etc.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be