M. Nefontaine précise que la notion de " secte " est difficile à définir.

Les quatre indices de nuisance mentionnés par le ministre de la Justice (Doc. n o 313/5-95/96, p. 6) ne lui paraissent pas bien choisis, parce qu’ils peuvent s’appliquer à d’autres communautés liées à une des religions traditionnelles.

L’intervenant ne croit pas qu’il faille élaborer une législation spécifique pour les sectes.

L’établissement d’un répertoire des mouvements sectaires (cf. le Commission d’enquête française) lui paraît dangereux, parce que cela donnerait également une mauvaise image d’organisations tout à fait honorables (par exemple l’Ecole de la Rose-Croix d’or, l’antoinisme, les Hommes d’affaires du plein évangile). Par ailleurs, le fait que des gens tout à fait normaux réfléchissent et agissent au sein de groupes minoritaires suscite en effet souvent la réprobation ou pour le moins la méfiance.

L’établissement d’une telle liste de sectes comporte aussi un risque de confusion entre les vraies sectes et les fausses sectes. Ainsi, il y a, par exemple, toute une série d’associations qui utilisent le terme " Rose-Croix " dans leur dénomination. Le fait que le nom d’une de ces associations figure, à juste titre ou non, sur une liste de sectes peut toutes les rendre suspectes. La même chose pourrait se produire pour " la Grande Loge souveraine internationale magique et théurgique de rite égyptien - Cagliostro ", qui peut facilement être confondue par le grand public avec le rite de Memphis Misraïm.

Enfin, les sectes changent aussi souvent de dénomination, ce qui rend l’établissement d’une telle liste inutile.

L’intervenant met aussi en doute les propos que M. Gest a tenus devant la commission :

" Le président Gest attire également l’attention sur le danger des manipulations qui peuvent se manifester. Il relate ainsi que peu avant le débat à l’Assemblée nationale sur le Commission d’enquête, des articles émanant de chercheurs du CNRS et de scientifiques ont paru dans les plus grands journaux. L’analyse a montré que les auteurs de ces articles avaient des liens assez profonds avec les sectes les plus importantes. " (Doc. Chambre n° 315/5-95/96, pp. 23-24).

Cette affirmation sans aucun fondement (qui jette la suspicion sur toute étude scientifique concernant l’une ou l’autre secte) s’inscrit, selon l’orateur, dans une véritable psychose antisecte. Le rapport Gest-Guyard présente également ce travers.

Selon lui, l’établissement d’une liste de " sectes " aurait un effet pervers : il isolerait des groupes inoffensifs, ce qui ne ferait que renforcer la tendance sectaire.

Les médias (et, en particulier, la télévision) devraient, eux aussi, donner une image plus nuancée des sectes qu’elles ne le font actuellement. Les témoignages d’anciens adeptes, si précieux soient-ils, doivent être traités avec circonspection.

M. Nefontaine estime que si la première partie du rapport Gest-Guyard peut prêter le flanc à la critique, les deuxième et troisième parties dudit rapport (notamment en ce qui concerne les critères permettant de reconnaître les sectes dangereuses) sont toutefois très pertinentes.

Certains sociologues français estiment que d’importantes associations qui luttent contre les sectes (en particulier l’ADFI et le " Centre Roger Ikor ") présentent des tendances sectaires.

Selon une étude récente de MM. Baffoy, Delestre et Sauzet, il existe également, au sein du catholicisme, des sectes dont certaines sont considérées com-me dangereuses.

Dans une publication parue en 1993, M. Nefontaine constate (sur la base de témoignages de parents, dont les enfants ont adhéré à cette organisation, certains avant leur majorité) que l’Opus Dei (une association qui poursuit incontestablement un but religieux) présente également des caractères propres à une secte dans son fonctionnement quotidien, et notamment :

1) la manipulation des consciences,

2) la vénération excessive du fondateur, José María Escriva de Balaguer,

3) le détournement de fonds et la captation d’héritages,

4) les numéraires versent une bonne part de leurs revenus au mouvement,

5) l’exploitation de la main d’oeuvre formée par l’Opus Dei ; il semble exister certaines infractions à la législation sociale.

L’intervenant estime que cette institution, reconnue par le Vatican, est l’exemple typique du catholicisme intégral.

Elle ne compte cependant que peu de membres en Belgique (250 à 300) et n’y exerce aucune influence sur la vie politique et économique. L’ Opus Dei recru-te avant tout les élites d’un pays, qui sont ensuite chargées de toucher les autres secteurs de la société. Le témoin estime qu’il n’est pas anormal qu’elle veuille s’intégrer totalement à l’église catholique, mais former cependant ses propres prêtres.

En tant qu’organisation, l’Opus Dei n’a pas de doctrine sociale, ce qui n’empêche que ses membres s’occupent de problèmes sociaux. Il est loisible aux membres de quitter l’organisation. Toutefois, les numéraires, qui vivent dans une communauté de l’Opus, risquent de se trouver démunis et d’éprouver des problèmes socio-affectifs, dans la mesure où ils ont coupé tous les liens avec leurs anciennes connaissances.

Au sein du judaïsme, il y a aussi, selon l’intervenant, certaines déviances sectaires.

De manière plus générale, M. Nefontaine ne croit pas qu’une secte ait déjà infiltré les institutions publiques en Belgique. Ce qui lui parait plus dangereux, c’est, par exemple, que chez les Témoins de Jéhovah, les membres soient isolés de leur famille.

Il ne partage pas le point de vue d’Anne Morelli selon lequel il n’y aurait aucune différence entre l’Eglise et les sectes. L’Eglise est en effet publiquement présente (bien qu’on ne puisse parler de transparence absolue) dans la société.

Contrairement à l’Opus Dei, la secte Moon et les Témoins de Jéhovah sont, à ses yeux, des organisations bien plus dangereuses.

Il ne tient pas à se prononcer sur l’antoinisme, faute de données. Il a cependant entendu personnellement des témoignages positifs sur cette secte, notamment de personnes qui auraient été guéries tout à fait gratuitement. Peut-être la presse se fait-elle trop souvent l’écho des témoignages négatifs concernant cette organisation.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be