M. Abgrall a commencé à s’intéresser au phénomène sectaire il y a environ dix ans, lorqu’il fut désigné par un juge d’instruction pour procéder à des expertises relatives à l’Eglise de Scientologie. En 1990, ces investigations ont donné lieu au dépôt d’un rapport.

Dès le début de son travail en qualité d’expert, M. Abgrall a fait l’objet à la fois de pressions, d’offres de transactions, de menaces et de tentatives de déstabilisation afin de l’empêcher de remettre à la justi-ce un rapport qui risquait de servir de base à d’éventuelles décisions judiciaires. Il s’est notamment rendu compte qu’on lui volait du courrier, dont des listings de chèques reprenant le nom de ses patients. Un membre de la " Commission des citoyens pour les droits de l’homme " (directement liée à l’Eglise de Scientologie) a fait courir le bruit qu’il s’adonnait à des attouchements sur des mineurs et qu’il touchait des pots-de-vin. Le témoin a également été obligé de faire protéger sa fille. Son véhicule a été saboté à deux reprises. Il a finalement porté plainte, notamment pour tentative de subornation de témoin, pour vol de correspondance, vol de documents, violences verbales, violences aggravées, etc. Après de nom-breux incidents de procédure, plusieurs scientologues ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Toulon en septembre 1996.

Le témoin indique qu’au départ, personne ne le prenait au sérieux lorsqu’il portait plainte. Un juge d’instruction a néanmoins découvert la confession d’un adepte dans un local de l’Eglise de Scientologie. Il avouait avoir volé du courrier de M. Abgrall, avoir enquêté auprès de ses voisins et l’avoir harcelé au téléphone. Il disait avoir fait cela avec Rémi Petit, sur les ordres de Patricia Forestier, membre de l’ " Office of Special Affairs " (réseau de renseignements de l’Eglise de Scientologie). Avant de pouvoir être confronté avec Patricia Forestier, Rémi Petit est décédé d’une cause inconnue.

Selon M. Abgrall, il est bien rare que les procédures menées contre des structures sectaires aboutissent devant les tribunaux français. On ne peut en effet que déférer des individus. Or, dès qu’une per-sonne membre de l’Eglise de Scientologie est identifiée, elle disparaît dans la nature, est insolvable ou est retrouvée morte, comme ce fut le cas dans la procédure en cours devant le tribunal de Toulon.

Des problèmes analogues, même si moins graves, se sont posés lors d’expertises concernant La Fa-mille, les Raëliens, l’Ordre des Chevaliers du Lotus d’or (Mandarom), les Témoins de Jéhovah, ainsi que de petites structures comme Omega, Johanna, etc.

Le témoin est persuadé qu’il existe des interrelations entre les différents groupes sectaires. Ainsi, dans le cadre d’une procédure menée contre le témoin par l’Eglise de scientologie, figuraient parmi les témoins à charge des personnes appartenant au Patriarche et au mouvement raëlien.

Il y a quelques années, les sectes se sont unies au sein de la FIREPHIM, la Fédération internationale des religions et philosophies minoritaires, sorte de contrat d’assistance mutuelle entre les sectes lorsque l’une d’elles est mise en accusation ou menacée. Com-me la PHIREPHIM a rapidement été débusquée, les sectes ont créé une structure parallèle, le CESNUR, Centre d’études sur les nouvelles religions, dont le directeur est Massimo Introvigne, professeur à l’athénée pontifical " Regina Apostolorum ", relevant du Vatican.

Cet athénée a été fondé par les Légionnaires du Christ, mouvement très proche de l’extrême droite européenne, en fait une extrême droite catholique intégriste. C’est actuellement par ce relais que toutes les sectes européennes essaient d’obtenir une sorte de caution morale, publique et politique.

Ce même Introvigne est, par ailleurs, responsable d’une structure dénommée Alliancia Catholica, l’équivalent romain de Tradition Famille Propriété, qui est une secte d’extrême droite.

Les membres du CESNUR défendent des sectes aussi différentes que Moon, La Famille, la Worldwide Church, la religion aumiste (Mandarom), la Soka Gakkai, les Raëliens, le groupe Tradition Famille Propriété, ...

Il existe également des connexions au niveau des sites Internet. Les sectes recourent à des moyens techniques sophistiqués. Ainsi, l’Eglise de Scientologie dispose du système " minute man ", qui est une pyramide de répartition des informations utilisant à la fois le téléphone, le minitel, avec des serveurs et des systèmes de codage, etc.

Il semble également qu’existent ou aient existé certains liens entre l’Ordre du Temple Solaire et le Mandarom.

Les sectes essaient généralement de se donner une certaine légitimité en se dissimulant sous un masque religieux, leur principe de défense étant que les attaquer constitue un refus de la liberté de conscience, de religion, d’expression, etc.

Pour accéder à ce statut de nouveaux mouvements religieux, elles s’attachent les services de personnes qui jouissent d’une certaine crédibilité dans le monde universitaire et qui, soit par conviction, soit parce qu’elles se sont fait piéger, tentent de faire progresser cette idée.

Selon M. Abgrall, la structure sectaire est une structure fermée qui se met en marge de la société et au sein de laquelle les règles de fonctionnement habituellement admises ne sont plus pratiquées de la même façon.

L’orateur se refuse à assimiler les activités d’une secte à un comportement purement religieux. Selon lui, un mouvement sectaire se caractérise en effet par des objectifs et des moyens essentiellement délictueux ou criminels, même s’il n’y a pas toujours un délit commis à l’extérieur de la secte.

Un ordre contemplatif ne pratique aucune forme de recrutement. Le père abbé n’exerce pas de contrainte, ni ne séquestre la personne désireuse de rencontrer ses proches. Au pire, celui qui transgresse la règle de l’ordre, en est exclu. Dans une secte, en revanche, les adeptes souhaitant rencontrer leur famille sont séquestrés. Des privations alimentaires sont imposées par la contrainte.

Quel est l’objectif religieux d’une secte comme la " Nouvelle Acropole " , qui prône l’aryanisme ? Quel est le modèle religieux de " l’Eglise universelle de Dieu " ? Le seul but poursuivi par le Parti humaniste, émanation du " Mouvement ", est la prise de pou-voir politique.

Quant à l’Eglise de Scientologie, elle structure la population en deux groupes : les " clears " et les " wogs ". Alors que toutes les religions enseignent la capacité de sauver les crétins, l’Eglise de Scientologie décrète qu’ils doivent dégager la planète parce qu’il faut la clarifier etc.

Dernièrement, la Ligue des droits de l’homme a insisté sur le fait que la " Commission des citoyens pour les droits de l’homme " n’avait rien à voir avec la Ligue et a dénoncé le recours à une telle ambiguïté sémantique. La question se pose d’ailleurs de savoir s’il s’agit bien d’une organisation non gouvernementale reconnue par l’ONU ou plutôt d’une simple association non gouvernementale comme n’importe quel-le autre société civile privée.

L’Eglise de Scientologie semble être très forte dans l’emploi des ambiguïtés sémantiques ou dialectiques du langage. Ainsi, elle recrute à travers des structures comme l’" Ecole de l’éveil " destinée aux enfants en difficulté, ou encore l’" Ecole du rythme ", qui prône l’enseignement de la musique. Il existe aussi une commission des scientologues contre la discrimination.

Selon M. Abgrall, un seul critère doit être retenu : la liberté de choix des adeptes et leur capacité de libre arbitre. Lorque la secte ne répond pas à ce critère, il s’agit d’un mouvement criminel. C’est le cas de l’Eglise de Scientologie, de Moon, ainsi que des autres mouvements sur lesquels a porté son travail d’expertise.

Au cours de ses travaux, le témoin a pu constater que diverses sectes ont commis des actes criminels ou délictueux :

6) Eglise de Scientologie : violence, exercice illégal de la médecine, séquestration, escroquerie, vol, etc. M. Abgrall cite le cas concret d’un jeune schizophrène qui a interrompu des traitements psychiatriques pour y substituer les techniques de la dianétique ; il est décédé. Cette affaire a été classée faute de preuves permettant d’établir le lien de causalité en-tre la mort du jeune homme et l’arrêt de son traitement ;

7) La Famille, (ex-Enfants de Dieu) : attentats à la pudeur et attouchements sur mineurs. Des cassettes vidéo saisies à Paris prouvent que la secte continue à s’adonner à des pratiques pédophiles. La pratique du " flirty fishing " existe toujours ;

8) Chevaliers du Lotus d’Or (Mandarom) : des procédures pour viol sont en cours contre le leader du groupe ; la doctrine et la structure du Mandarom est centrée autour du yoga tantrique, c’est-à-dire un yoga d’énergie sexuelle, et du rapport sexuel " initiatique " ;

9) les Raëliens : des jeunes enfants ont été victi-mes d’outrages à la pudeur ou de viols, dans le cadre de ce que les Raëliens appellent la " méditation sensuelle ". M. Abgrall renvoie au livre de Raël : " La Géniocratie " (1977) qui prévoit la création de " centres d’épanouissement " pour l’éducation sexuelle des enfants. Un des principes de base de l’ouvrage est de ne donner le droit de vote et d’éligibilité qu’aux gens dont l’intelligence est supérieure à la moyenne. On y prône également le châtiment corporel comme modèle d’éducation.

Le mouvement raëlien a également mis en place une association très lucrative : l’AMIF, l’Association médicale des implants frontaux, en vue de prélever sur les cadavres un morceau d’os frontal et de le conserver dans des banques pour que, lors d’un éventuel retour des elohims sur terre, ils puissent retrouver les leurs.

Les sectes démarchent généralement auprès de populations fragiles, et ce à tous les niveaux de la société. Ainsi, les Témoins de Jéhovah font du démarchage par courrier à partir des avis de décès. Les scientologues recrutent dans les hôpitaux psychiatriques et vont jusqu’à monter des pseudo-commissions (" Commission des citoyens pour les droits de l’homme ", par exemple) pour amener ces personnes à porter plainte contre les psychiatres et surtout à interrompre leur traitement et à devenir membre de leur association.

La pression exercée en termes financiers est souvent énorme. Pour les adeptes de l’Eglise de Scientologie, les sommes peuvent facilement atteindre 1 à 1,5 million de francs français. Les personnes qui n’ont pas d’argent, doivent travailler pour la structure dans des centres appelés " missions ".

Il est également question de travail forcé dans la secte de la Fraternité blanche universelle. On peut aussi être amené à faire du prosélytisme. Les sectes sont en fait des systèmes totalitaires, exploitant leurs membres, ce qui ne cadre pas du tout avec la notion religieuse évoquée plus haut. Nous nous trouvons face à un phénomène d’esclavage moderne, où les gens, mis sous dépendance, doivent payer de leur poche et/ou de leur personne s’ils veulent avoir la chance de progresser dans la structure sectaire.

Différentes sectes ont également des services se-crets bien organisés. C’est notamment le cas de l’Eglise de Scientologie qui, comme indiqué ci-dessus, a un bureau spécial de renseignements, l’OSA (" Offi-ce of Special Affairs ").

En réponse à la question de savoir en quoi consiste son travail d’expertise, M. Abgrall répond que ses missions sont très variables. En ce qui concerne l’Eglise de Scientologie, il s’agissait d’établir s’il y avait un lien entre les techniques de formation de la secte (comme moyen de réalisation personnelle) et le suicide d’un adepte. Tout le travail consiste en fait à savoir en quoi consiste la technique utilisée, de savoir quel est son degré de dangerosité, comment elle est appliquée et quels sont ses risques de divergence et ses effets parasites.

Dans ce cadre, la commission d’enquête française s’est trouvée confrontée à la difficulté de définir la manipulation mentale. Introduire cette notion dans le droit est extrêmement difficile car elle est omni-présente (cf. la publicité, la vie politique, etc.). Il faut donc tenter de déterminer dans quelles limites la manipulation mentale est tolérable et à quel moment elle devient un instrument de soumission totalitaire.

Le deuxième obstacle rencontré par la commission française fut la définition de la notion de secte : il est en effet difficile de ne pas tomber dans le piège qui consiste à vouloir définir une structure criminogène à partir de données qui appartiennent à la sociologie religieuse.

Contrairement à ce qu’il croyait à l’époque, M. Abgrall considère néanmoins aujourd’hui qu’il faut faire entrer la notion de secte et celle de manipulation mentale dans le droit positif en les mettant en relation avec des infractions. Il appartiendra ensuite à la jurisprudence d’affiner cette notion au coup par coup, par analogie. Une procédure identique a été suivie pour la notion d’association de malfaiteurs.

C’est un domaine où on travaille sur la notion de discernement, de responsabilité, de capacité pénale et civile des victimes, sur l’impact psychologique et physiologique des techniques appliquées, ainsi que sur le système culturel mis en place. Ainsi, le tantrisme peut être pratiqué de manière consentante par deux adultes dans le cadre d’une recherche initiatique personnelle. Cela ne sous-entend pas nécessairement qu’il y ait dépendance.

Mais lorsque ce tantrisme est doublé de privation alimentaire, de privation de sommeil, etc., on entre dans un phénomène d’assuétude, de dépendance et de soumission de l’individu.

Pour les sectes, la parution du Commission d’enquête française a été une nouvelle fois l’occasion de constater que les magistrats sont dans l’impossibilité de qualifier faute d’éléments légaux.

On ne peut attaquer une secte en justice car elle n’existe pas en tant que personne morale. On est donc obligé d’inculper des personnes, généralement des adeptes de la base qui ne représentent rien dans le système et ont simplement servi de prête-nom. Les sectes utilisent notamment cette astuce en matière de délits financiers. C’est ainsi que des gens qui sont titulaires du RMI servent à faire transiter des millions de francs pour le compte d’un gourou (cf. l’OTS, par exemple). Ces personnes n’ont pas de véritable capacité pénale.

Quand une instruction est menée à l’encontre d’une personne déterminée, elle ne peut viser que cette personne, qui sera aussitôt remplacée dans la structure de la secte. Par contre, si on inculpe une personne dont on peut prouver qu’elle est membre d’une secte, on peut alors faire des investigations concernant tous les membres de la secte. On peut même obliger le groupe visé à communiquer le nom de tous ses adhérents pour en savoir davantage sur le système.

C’est pourquoi il est nécessaire de faire entrer la notion de secte dans le droit positif, quitte à ce qu’elle soit ensuite peaufinée par la jurisprudence. Il en va de même pour la notion de manipulation mentale, même si celle-ci est très difficile à prouver. A cette fin, il serait peut-être plus facile de parler de contrainte mentale.

Selon M. Abgrall, on ne peut définir la manipulation mentale car elle consiste en une convergence de techniques. Il n’y a en effet pas de techniques fiables à 100 % pour manipuler les gens. Par contre, on peut mettre en évidence la manipulation mentale au coup par coup si on arrive à prouver qu’un faisceau convergent de techniques physiques, psychiques, chimiques, physiologiques, culturelles, comportementales, etc. permettent de faire disparaître tout le bagage culturel et intellectuel d’un individu pour le rempla-cer par un nouveau bagage qui est le langage de la secte ou de la structure conditionnante.

" Contrainte " est à cet égard un terme beaucoup plus précis. Ainsi, la publicité équivaut à de la manipulation mentale, pas à de la contrainte mentale. La politique peut être de la manipulation d’opinion, pas de la contrainte d’opinion. Par contre, la contrainte mentale supprime le libre-arbitre de l’individu.

La notion de contrainte et celle de personne particulièrement vulnérable, de mineur (dépendant), sont des notions qui existent en droit. Tout le problème se situe au niveau de la mise sous protection du majeur : savoir à quel moment ses facultés de discernement s’éteignent, à quel moment sa capacité civile disparaît et donc à quel moment il devient l’équivalent d’un mineur. Cette frontière est difficile à déterminer. La difficulté a cependant été résolue en droit civil. Il n’est donc pas impossible de déterminer cette notion de contrainte mentale de manière expertale (notamment par analyse psychologique ou psychiatrique) dans le droit.

Selon le témoin, actuellement, l’Europe est principalement confrontée à deux dangers : l’extrême droite et les mouvements totalitaires sectaires. Le discours qui se tient dans les milieux sectaires est très proche du discours tenu dans " 1984 " de G. Orwell et " Brave New World " d’A. Huxley : il s’agit d’une structure élitiste qui réduit des gens en esclavage. Le seul moyen d’y arriver est la contrainte mentale par la contrainte physique. Si l’on ne fait pas entrer ces éléments dans le droit positif ou la jurisprudence, nous prendrons deux longueurs de retard par rap-port aux sectes.

Concernant l’Ordre du temple Solaire, l’orateur estime qu’au départ, il s’agissait d’un ordre initiatique, une association ésotérique présentant uniquement des thèmes quelque peu divergents par rapport à la normalité sociale. Les personnes recrutées sont persuadées qu’il existe une vie dans l’au-delà. Elles sont en demande d’un nouveau type de pensée, d’une nouvelle stratégie de vie, basée en particulier sur l’alimentation naturelle et une vie d’ascèse.

A un moment donné, il y a émergence de plusieurs personnes, qui ne sont à ce jour probablement pas encore apparues à la surface, décidées à manipuler le système parce qu’il est rentable financièrement.

Certains présentent un côté explosif : Jo Di Mambro et Luc Jouret, d’autres un côté manipulateur : Michel Tabachnik.

Pour rendre rentable un système sectaire, il suffit de s’attribuer des pouvoirs réels ou occultes. C’est ce que vont faire J. Di Mambro et L. Jouret en se présentant comme de grands initiés. C’est ainsi que va se former le groupe sectaire de l’OTS, qui s’extrait alors de la sphère de recrutement qu’étaient les groupes Archédia et Amenta, avec une structure beaucoup plus fermée où commence à émerger la notion d’élite, souvent caractéristique de l’amorce d’un mouvement sectaire.

Au niveau de l’élite, ceux qui occupent les positions supérieures en profitent, les autres " paient ". A ce niveau, M. Abgrall partage en grande partie l’analyse de Roger Facon, même s’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour l’étayer. A un moment donné la structure va devenir instable et mettre ses chefs en accusation. Il va y avoir convergence à la fois des intérêts d’un groupe manipulateur, d’un déséquilibre interne de la structure et de la doctrine dans laquelle s’est enfermé J. Di Mambro avec sa notion de transit vers Sirius qui conduit à un délire paranoïaque au sein du groupe interne (phénomène initiatique). Cet-te convergence va conduire aux premiers massacres à Cheiry, Granges-sur-Salvan et Morin Heights.

Un an plus tard, le groupe a continué à diverger après avoir perdu ses références : seize personnes se suicident ou se font suicider dans le Vercors pour rejoindre leurs maîtres. Aujourd’hui, il y a encore quelque 500 survivants. Même si certains commencent à prendre conscience du phénomène, le discours de l’OTS n’a cependant pas disparu. La doctrine continue à s’autoalimenter, sans n’être plus maîtrisée par personne. Le pire c’est que le germe de la pensée OTS se retrouve chez les enfants des survivants. Ainsi, des psychologues qui n’avaient aucune notion du phénomène sectaire, ont découvert des éléments ininterprétables dans la logique culturelle sociale classique. A partir du moment où on savait qu’il fallait tenir compte d’un enseignement OTS, c’était facile à décrypter. On s’apercevait qu’on avait inculqué à des enfants, à travers un enseignement nor-mal, des idées parasitaires qu’eux-mêmes ne maîtrisaient pas complètement. Certains parents n’avaient même pas conscience de cet état de choses. Ainsi, des sectes font passer des idées dans le système social et culturel, qui finissent par être assimilées et deviennent des vérités premières.

M. Abgrall est convaincu que certaines sectes ont réussi à s’infiltrer à de hauts niveaux de la société. Il en veut pour preuve que des investigations ne peuvent pas être menées dans certains dossiers suite à un blocage socio-politique.

L’Eglise de Scientologie est en mesure de présenter des masses de documents signés par des juristes et des scientifiques éminents qui ne sont ni plus ni moins que des plaidoyers en faveur de cette organisation. Certaines signatures sont authentiques. La justice a entendu des membres éminents de l’intelligentsia française qui ont confirmé leur position sur le caractère religieux de ces mouvements sectaires. D’autres signatures, en revanche, ont été données avec légèreté sans que ces personnes se soient informées de quoi il s’agissait exactement.

Enfin, à la question de savoir quel est le déclic qui permet à un adepte de rompre avec la secte, M. Abgrall répond que c’est le moment où la victime se rend compte que le discours mis en place n’est pas conforme aux actes réels au sein du système. Il cite l’exemple d’enfants victimes de la secte " Les Enfants de Dieu ", à qui on avait enseigné que le fait d’ingérer des crevettes entraînait une mort immédiate car il s’agissait de créatures des ténèbres. Une jeune fille de 17-18 ans, placée dans un foyer d’accueil après avoir été extraite de la secte, en mangea sans le savoir et fut très étonnée de ne pas être morte après avoir appris ce qu’elle avait ingéré. Cet événement fut suffisant pour qu’elle s’interroge sur l’enseignement reçu depuis sa naissance dans la secte.

Un tel processus ne peut avoir lieu que si l’on maintient un minimum de contacts avec l’extérieur : c’est en effet à travers l’information provenant de l’extérieur que l’on dispose d’une capacité de jugement sur sa propre fonction. Il faut donc oeuvrer pour que les parents obtiennent le droit absolu de rencontrer les gens de leur famille adeptes d’une secte.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be