A l’intention de la commission, Mme Nyssens four-nit, dans un premier temps, deux propositions de définition d’une secte. A ses yeux, sur le plan sociologique, un groupe sectaire est un groupe qui suit un chef, lequel prétend avoir la vérité et le salut. L’ensemble agit dans l’intérêt du chef et de ses assesseurs et il n’y a pas de recours externe.

Sous l’angle juridique, il s’agit d’un groupe qui, au nom d’une loi fondamentale, d’une liberté, viole toutes les autres lois (lois de la Belgique fédérale, droits de l’homme, droits de l’enfant, conventions internationales, ...).

L’intervenante attire aussi l’attention sur le fait qu’aux Etats-Unis, les mots " secte " et " culte " ont une signification différente qu’en Europe.

Elle évoque ensuite la notion de " changement forcé d’opinion " (brainwashing), qui se fait en trois phases :

10) le plan physique : l’individu adulte ou mineur d’âge est coupé de son environnement, de son habitat, de ses coutumes, ainsi que de sa famille et de ses amis. Ces pratiques visent la déstabilisation de l’individu ;

11) la phase affective : l’adepte est coupé de son milieu familial, de son travail et de ses amis. Les liens le rattachant à son passé sont brisés. Toutefois, de l’affection et de la gentillesse lui sont donnés au sein du groupe ;

12) la phase intellectuelle : par un endoctrinement, il faut faire oublier à l’adepte toutes les théories précédentes et lui inculquer les théories du mar-ché.

Dans pareil état, l’individu en arrive à perdre son autonomie, voire sa capacité juridique. Il s’en suit alors parfois des emprunts, des mariages, des divorces, des adoptions et des ventes forcés.

A titre d’exemple, Mme Nyssens renvoie aux juge-ments intervenus dans l’affaire Melchior (Bruxelles, Mons et Paris), ainsi que dans l’affaire Ecoovie. Elle évoque aussi des précédents concernant l’Ange Al-bert, Ecoovie, le Patriarche, l’affaire Yarden, Bhag-wan Shree Rajneesh ou encore Moon.

A cette occasion, plusieurs problèmes ont été abordés :

13) le droit de garde et de visite des enfants ;

14) la définition de la notion de " tiers intéressé " au regard de la loi de 1921 (une A.S.B.L. ne pouvant actuellement pas demander la dissolution d’une autre) ;

15) le renversement de la charge de la preuve dans des dossiers pénaux ou fiscaux ;

16) la captation d’héritages doleux ;

17) l’octroi de certains prêts par les banques ;

18) la reconnaissance des diplômes, surtout dans le domaine médical ;

19) le problème du vice de consentiment dans certains actes.

Pour ce qui concerne le changement forcé d’opinion, l’oratrice renvoie à la législation américaine et plus précisément à la Guardianship Bill. Aux termes de celle-ci, si l’entourage d’une personne entrée dans un groupe constate la dépersonalisation de celle-ci, il a le droit de saisir le tribunal, qui peut décider d’une prise de distance avec le groupe ou d’un recours à des spécialistes ou à une famille d’accueil.

A cet égard, Mme Nyssens estime qu’il ne faut pas légiférer à l’égard des groupes sectaires mais surtout faire disposer les individus et les familles d’un arsenal de moyens juridiques d’aide à différents niveaux.

Elle juge utile que les personnes concernées interpellent à la fois les parlementaires et les conseils communaux et provinciaux.

L’intervenante fournit ensuite une liste de critères pouvant mener à l’dentification d’un phénomène sectaire. Elle a été établie pour un congrès tenu à Barcelone en 1987 : - non-déclaration de l’identité du groupe ;

20) recours intensif à la psychologie individuelle et/ou de groupe ;

21) manipulation de textes sacrés ou autres ;

22) prédominance du politique et de l’économique ;

23) prédominance de l’émotionnel sur le rationnel ;

24) acculturation ou " inculturation " ;

25) instauration systématique du manichéisme, du synchrétisme, de la gnose, du fondamentalisme et de l’intégrisme ;

26) structure totalitaire à vocation internationale ;

27) utilisation du changement forcé d’opinion ;

28) impossibilité morale et intellectuelle de quitter le groupe ;

29) critique non objective de la réalité sociale ;

30) utilisation du pouvoir " charismatique " du leader ou de son équipe à son profit sur ses adeptes ;

31) compromission des autorités civiles et/ou religieuses en vue d’une crédibilité populaire.

Mme Nyssens propose que soit formé un bureau d’études scientifiques sur le phénomène. Il serait basé sur les principes de la dignité de l’homme et du progrès de l’humanité, principes que ces groupements font reculer et rétrograder (base : loi d’octo-bre 1919).

En réponse à une question en ce sens, Mme Nyssens indique que l’ADIF a été fondé en 1976 à la demande de personnes, après le procès Melchior. Il s’agit d’une A.S.B.L. qui ne reçoit pas de subventions (qu’elle ne demande d’ailleurs pas) et qui fonctionne avec de petites cotisations des membres.

Dans ses statuts, il est stipulé qu’elle a pour objectif de défendre la dignité de l’homme. L’association est en contact informel avec toutes les associations homologues de l’Union européenne et aussi avec les Etats-Unis. Elle ne fait pas partie de la FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme) pour des raisons de logistique juridique.

A titre personnel, Mme Nyssens se défend d’être antisectes ou de les défendre. Au contraire, elle déclare défendre la liberté de culte, de conscience, d’association et d’enseignement. Cependant, ce n’est pas au nom d’une telle tolérance que l’on peut accepter des violations de la loi. Toutefois, elle est hostile à la " déprogrammation ", visant à instaurer une normalisation après un passage dans ces sectes.

Pour le reste, l’intervenant déclare pouvoir trouver des témoins pouvant attester de la dangerosité de Shri Mataji, (Sahaya Yoga), de Moon, de Sûkyô Ma-hikari, de la Sokka Gakkai et de l’Eglise de Scientologie. Cependant, il faut pouvoir convaincre les gens de venir témoigner, ce qui n’est pas aisé.

Par ailleurs, Mme Nyssens confirme avoir pris contact avec la direction d’un hôtel où devait se tenir une réunion en présence de Shri Mataji. Les gens pensent parfois, en effet, qu’une conférence est valable par le seul fait qu’elle se tient dans un grand hôtel. Après ce contact, l’hôtel a renoncé à ce que la conférence se tienne. Cette démarche a d’ailleurs été entamée à la demande de parents concernés.

Enfin, l’oratrice indique ne pas avoir fait l’objet de plaintes en diffamation mais d’en avoir été menacée par plusieurs groupements.


Source : Chambre des Représentants de Belgique http://www.lachambre.be