Sujet : DPS

Audition de : Michel Soudais

En qualité de : journaliste à Politis

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 3 février 1999

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Michel Soudais est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Michel Soudais prête serment.

M. Michel SOUDAIS : M. le président, M. le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, en guise de propos liminaire, je souhaiterais me présenter. Je suis les activités du Front National depuis janvier 1988, travail que j’ai accompli pour différents organes de presse, notamment pour Politis - hebdomadaire où je travaille à plein temps depuis le 1er novembre -, et Le Parisien, pour lequel j’ai suivi ces activités durant trois ans, de 1993 à 1996. Par ailleurs, en tant que pigiste, j’ai été amené à collaborer à une multitude de journaux, dont les Dossiers du Canard Enchaîné. J’ai ainsi participé à la rédaction du dossier consacré à M. Jean-Marie Le Pen et au Front National, paru en octobre 1992, ainsi qu’au dernier dossier publié sur ce sujet, en octobre 1998, consacré plus spécifiquement à M. Bruno Mégret.

Au cours de cette période qui m’a amené à suivre les activités de ce parti un peu partout en France, notamment dans ses grandes manifestations, j’ai effectivement côtoyé le DPS, puisque ce service d’ordre est de toutes les manifestations et extrêmement présent à l’accueil du siège de ce parti. Les relations que j’ai pu avoir avec les membres du DPS ont été, tout d’abord, inexistantes ; je me contentais de leur présenter ma carte de presse aux différentes manifestations. Cela étant dit, j’ai été témoin d’un certain nombre d’incidents.

Le premier remonte au congrès que ce parti a tenu à Nice, en mars-avril 1990. Le jour de l’ouverture, l’un de mes collègues de L’Evénement du jeudi, M. Richard Bellet, a été insulté et frappé par un membre du DPS qui lui avait déchiré son polo, au motif qu’il travaillait pour un journal qui ne lui plaisait pas. Cet incident avait donné lieu à quelques articles dans les quotidiens de l’époque, ainsi qu’à un article que j’avais publié dans les Dossiers du Canard sur le service d’ordre du Front National. Jusqu’à ce que la presse s’intéresse un peu plus au DPS, cet article a longtemps été la seule référence sur le sujet. Je suis d’ailleurs disposé à répondre à toutes vos questions pour préciser ce que j’avais pu écrire.

J’ai ensuite constaté que ce service d’ordre chargé, soi-disant, d’assurer la sécurité des meetings, notamment à l’intérieur des manifestations organisées par le Front National, était bien souvent absent quand nous, journalistes, nous nous faisions agresser. Ainsi, à la suite d’un article qui avait déplu à des personnes proches du Front National, paru dans Le Parisien, en septembre 1993, j’ai été violemment agressé à la fête des " Bleu Blanc Rouge " (BBR), le 25 septembre 1993, par quatre jeunes, plutôt proches du Groupe Union Défense (GUD). J’ai eu dix jours d’arrêt de travail. Je n’ai été tiré d’affaire que par deux conseillers régionaux du Front National qui me connaissaient ; à aucun moment le DPS n’est intervenu, alors que quelques-uns de ses membres ne se trouvaient pas très loin de cette agression, qui a eu lieu au beau milieu de la fête. La même mésaventure a failli se reproduire à la fête des BBR en 1997. J’étais avec quatre collègues sur un stand, quand quelques membres du Front National, dont un membre du comité central, nous ont tendu un traquenard et ont cherché à nous provoquer. Aucun membre du DPS n’est intervenu quand les mots ont commencé à fuser et que des crachats sont partis. Cela m’a conduit, à plusieurs reprises, à m’étonner du travail effectif réalisé par le DPS, en tout cas dans sa mission principale de service d’ordre.

A la suite de différents incidents, dont le plus grave a été la noyade du jeune Marocain, Brahim Bouarram, le 1er mai 1995, j’ai écrit un article dans Le Parisien, pour faire le point sur ce qu’était le DPS. A l’époque, sur la foi d’informations que j’avais pu obtenir, j’écrivais que cet organisme était chargé, notamment, de faire du renseignement sur les membres du Front National et sur ses adversaires. Cette affirmation n’a jamais donné lieu à contestation, tout comme l’ensemble de ma production. En effet, bien qu’ayant écrit un livre sur le Front National en novembre 1996 - dans lequel, il est vrai, je ne parlais pas du DPS - et quelques centaines d’articles sur le sujet, je n’ai à ce jour, jamais été contesté en justice, alors que ces personnes sont, en général, assez tatillonnes.

Non seulement ce papier n’a pas été contesté, mais j’ai pu constater par la suite, dans un ouvrage publié en mai 1997 aux éditions Picollec, par un dirigeant important du Front National, M. Roland Gaucher, que ce dernier, qui avait dirigé National Hebdo et qui était, à l’époque de la publication de ce livre, conseiller régional de Franche-Comté, écrivait que le DPS était à la botte de M. Jean-Marie Le Pen. Il précisait même aux pages 191 et 192 : " Le DPS assume une double mission : fonctionner comme un service d’ordre, assurer la protection des réunions, des fêtes et des meetings, et opérer comme un service de renseignement. Cette organisation est directement rattachée au président du Front, elle est indépendante du secrétariat et de la délégation générale. Ses membres adressent leurs messages à Montretout ou s’y rendent pour y faire part de leurs observations. D’une façon générale, on peut dire que si le DPS opère avec dévouement, compétence et courage dans son rôle de service d’ordre, son travail consiste pour l’essentiel à fournir des renseignements sur tel ou tel membre ou responsable du Front au président de cette organisation. Il semble beaucoup moins renseigné sur les membres d’organisations adverses ". M. Roland Gaucher cite alors le MRAP, la LICRA, la Ligue des droits de l’homme, SOS Racisme, Ras l’front, le SCALP, etc. Il ne nie à aucun moment le fait que le DPS est également chargé de faire du renseignement sur ces adversaires.

Quelles sont les raisons pour lesquelles, selon moi, le DPS n’est pas un service d’ordre comme ceux des autres partis ? La raison principale est qu’il s’agit d’un service d’ordre constitué en permanence en tant qu’organisation - même s’il n’est pas déclaré en tant que telle -, et non pas uniquement pour encadrer des manifestations ponctuelles, puisqu’il s’agit d’un dispositif mobilisable 24 heures sur 24. Par ailleurs, il remplit des missions non seulement de maintien de l’ordre, mais également de police interne et externe, à travers la recherche de renseignements.

Du fait de son caractère permanent, un certain nombre de membres du DPS sont rémunérés à plein temps, quoi que le Front National en dise. Il est, en effet, difficile d’imaginer que des militants " bénévoles " - puisqu’ils sont présentés ainsi - puissent être en permanence au siège du parti, dont ils assurent notamment la garde, et partir sur des missions en province. En effet, j’ai pu constater, notamment au meeting tenu par M. Jean-Marie Le Pen à Metz, le 11 décembre 1998, au cours duquel il s’est comparé à César, que les membres du service d’ordre étaient des Parisiens. Ils étaient dans la salle et tournaient autour des tables prêts à faire rasseoir la personne qui aurait eu la velléité de critiquer ou d’élever la voix.

M. le Président : Vous nous avez expliqué qu’au début de votre travail, les relations avec les responsables du DPS et du Front National étaient inexistantes. Avez-vous eu, depuis, des contacts plus précis ?

M. Michel SOUDAIS : Je n’ai pas eu de contact avec le premier dirigeant du DPS, M. Jean Fort, dont j’avais rappelé, dans les Dossiers du Canard, le parcours politique un peu particulier - qui n’est pas rare au sein du Front National -, puisqu’il avait été notamment inquiété pour ses activités au temps de l’OAS. Il n’avait pas souhaité donner suite à mes demandes de rencontre pour la rédaction de ce papier.

En revanche, j’ai eu l’occasion de rencontrer son successeur, M. Jean-Pierre Fabre, qui a assuré la direction du DPS pendant quelques mois, en 1993. A ce moment-là, je travaillais sur un autre Dossier du Canard Enchaîné. Ce monsieur s’était montré très sensible au fait et très gêné que ce journal ait cité son nom à deux reprises comme nouveau dirigeant du DPS. Il avait alors souhaité rencontrer la journaliste chargée des questions de défense, puisqu’il s’agissait d’un capitaine de gendarmerie en disponibilité. Comme je venais d’être agressé quelques jours auparavant à la fête des BBR, cette journaliste, avec qui je travaillais sur ce numéro des Dossiers du Canard, m’a demandé de venir avec elle pour lui dire ce que je pensais de l’organisation de son service. L’entrevue a eu lieu le 21 décembre 1993. A l’occasion de cette rencontre, M. Jean-Pierre Fabre a affirmé avoir quitté la charge de la direction du DPS, parce qu’il n’avait pas été entendu par M. Jean-Marie Le Pen. D’après ses dires, il lui aurait remis un livre blanc sur la sécurité au sein du Front National, lui demandant qu’une véritable formation soit donnée aux membres du DPS, et que ceux-ci soient recrutés " avec des casiers judiciaires vierges ". M. Jean-Marie Le Pen ne lui ayant pas donné gain de cause, il avait quitté sa fonction.

M. Jean-Pierre Fabre était très gêné que l’on cite son nom, car il était capitaine de gendarmerie en disponibilité depuis mars 1993. Auparavant, il était responsable du centre de documentation pédagogique de l’école de gendarmerie de Maisons-Alfort. Lorsqu’il avait demandé sa disponibilité, son projet n’était pas de diriger le DPS ; il écrivait des ouvrages, du genre policier, mettant en valeur la gendarmerie - quelques-uns ont d’ailleurs dû être publiés. Il avait, sur cette base, conçu le projet, appuyé par le Service d’Information et de Relations Publiques des Armées (SIRPA) gendarmerie, de susciter une série télévisée qui valoriserait, non pas les membres de la police nationale, mais ceux de la gendarmerie dans la France rurale. Lorsqu’il était à la direction du DPS, et afin de garder l’anonymat, il avait pris un pseudonyme, tout comme son prédécesseur qui se faisait appeler colonel Janbart, alors qu’il s’appelait Jean Fort.

Ensuite, j’ai eu de nombreux contacts avec M. Bernard Courcelle, notamment à la suite du meurtre de Brahim Bouarram, le 1er mai 1995, et en 1997, lorsque le DPS faisait l’actualité, lors du congrès de Strasbourg et dans les semaines qui ont suivi. Les relations que l’on peut avoir avec cet homme ne sont pas mauvaises. A partir du congrès de Strasbourg, en 1997, au moment où le DPS a commencé à être mis sur la sellette, et où il a été question de créer une Commission d’enquête sur ce service d’ordre, j’ai senti que M. Bernard Courcelle était excessivement sur ses gardes. J’ai pu me faire confirmer que les membres du service d’ordre faisaient attention à leurs agissements, évitant, par exemple, de sortir avec des armes de poing, alors qu’ils le faisaient avant.

M. le Président : Avez-vous vu personnellement des membres du DPS avec des armes de poing ?

M. Michel SOUDAIS : Je n’ai jamais vu d’armes de poing. En revanche, j’ai pu voir un autre type de matériel. Le 11 février 1998, M. Jean-Marie Le Pen a effectué une tournée en Ile-de-France pour les élections régionales. Lorsque nous sommes arrivés à Sarcelles, les membres du DPS étaient très excités, peut-être à cause de la réputation de cette ville, alors que nous étions dans le vieux village et que M. Jean-Marie Le Pen venait faire un discours devant la mairie. Ils ont alors sorti du coffre de leur véhicule des bonbonnes lacrymogènes - de la taille d’un extincteur de voiture - qu’ils ont ensuite cachées sous leur blouson. D’après les témoignages qui m’ont été rapportés, ils en font régulièrement usage, comme, par exemple, sur le marché de la place des Fêtes à Paris ; les journalistes d’une télévision locale, Télé Bocal, que je connais bien et qui étaient présents, m’ont d’ailleurs contacté et envoyé des photos pour voir si je n’identifiais pas l’un de leurs agresseurs. Or, l’un de ces agresseurs est un membre du DPS très connu que l’on voit régulièrement au siège du Front National, mais dont je ne connais pas le nom. Les journalistes de cette télévision locale pourraient, mieux que moi, vous parler du type de matériel employé.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous nous avez expliqué que le DPS n’était pas un service d’ordre comme ceux des autres partis politiques, ses membres étant disponibles en permanence et donc rémunérés à plein temps.

M. Michel SOUDAIS : Non, les membres du DPS ne sont pas tous rémunérés. Seuls quelques-uns, plus que ne le reconnaît en tout cas le Front National, le sont.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Pouvez-vous nous apporter des informations complémentaires à ce sujet ? D’où vient l’argent avec lequel ils sont rémunérés ? Deuxièmement, vous nous avez expliqué les raisons pour lesquelles M. Jean-Pierre Fabre avait quitté ses fonctions de responsable du DPS, M. Jean-Marie Le Pen ayant refusé de prendre en compte son livre blanc. Avez-vous eu connaissance de ce livre blanc ? D’autre part, dans ce livre blanc, M. Jean-Pierre Fabre proposait de recruter des personnes ayant un casier judiciaire vierge. Est-ce à dire que le recrutement se faisait - et se fait peut-être toujours - auprès de personnes ayant eu des démêlés avec la justice ? Enfin, le château de Neuvy-sur-Barangeon, propriété privée, abrite, de temps en temps, des hôtes du Front National et du DPS. Avez-vous eu l’occasion d’assister aux activités qui se dérouleraient à l’intérieur de cette propriété, d’entraînement notamment, qui laisseraient penser que le DPS est entraîné comme une milice parallèle ?

M. Michel SOUDAIS : D’où vient l’argent ? Je dois avouer qu’il s’agit d’une question que les journalistes se posent régulièrement, et à laquelle il n’est pas facile de répondre ; je crois que, comme moi, aucun de mes collègues n’a les moyens de le savoir. Ce que nous pouvons constater, c’est que le budget du Front National, tel qu’il est présenté à la commission ad hoc et publié au Journal officiel, est un budget important. Il comprend notamment 41 430 000 francs de subventions publiques, auxquelles s’ajoutent des dons, des cotisations d’adhérents, des reversements d’élus, etc.

S’agissant des membres du DPS dont je suppose qu’ils sont rémunérés à plein temps, je ne fais que constater qu’une dizaine d’entre eux sont régulièrement au siège de ce parti. Si ces personnes sont en permanence au siège, je vois mal de quoi ils peuvent vivre. Pour certains membres du DPS que nous voyons dans toutes les manifestations, il s’agit de fonctionnaires connus ; l’un d’entre eux est à la direction du Front National RATP, et ses horaires peuvent lui permettre d’être très présent. Tel n’est pas le cas de ceux que l’on voit en permanence, et qui n’ont aucune autre occupation connue que d’être des gardes au siège du parti. J’ai évoqué cette question, parce que l’on entend souvent dire que le DPS ne compte que deux ou trois permanents. Il y en a plus. Je tenais à en informer la Commission. Cela étant dit, la grande majorité des membres du DPS sont des militants qui ont des occupations très variées. J’ai pu constater que l’un d’entre eux, dirigeant important en Bourgogne, était conseiller régional et médecin de profession. Un dirigeant lyonnais du DPS est ingénieur climatologue au CNRS. Beaucoup sont restaurateurs ; certains sont hôteliers et ferment leur hôtel quand il s’agit de donner un coup de main. D’autres encore sont d’anciens policiers, comme M. Philippe Caplain, responsable du DPS dans les Hauts-de-Seine, qui est passé par tous les groupuscules extrémistes de l’extrême-droite, de la F.A.N.E. (Fédération d’Action Nationale et Européenne) à l’OEuvre française, au P.F.N (Parti des Forces Nouvelles) pour atterrir au Front National. Moyennant quoi, il a fini par être radié de la police et a travaillé un moment à la RATP, après être passé par des sociétés de sécurité.

En ce qui concerne le livre blanc de M. Jean-Pierre Fabre, je ne l’ai jamais eu, ce dernier n’ayant pas voulu me le communiquer. Je le citais, car si la Commission venait à l’entendre, elle pourrait peut-être avoir l’idée de lui en parler.

S’agissant des casiers judiciaires, comme pour l’argent, il est difficile d’obtenir ce genre d’informations. Tant que je n’ai pas pu les vérifier, je ne les écris pas. Néanmoins, un certain nombre d’informations de bonnes sources, qui demanderaient à être recoupées, font état du lourd passé de certaines personnes. Prenons le cas du nouveau directeur national du DPS, M. Marc Bellier qui a remplacé M. Bernard Courcelle. Lorsque j’avais rédigé les Dossiers du Canard en octobre 1992, M. Marc Bellier était déjà quelqu’un de connu, puisqu’il s’occupait du Sud de la France pour le DPS. Il avait chapeauté la campagne des régionales de M. Jean-Marie Le Pen dans le Sud, et son nom avait été avancé pour remplacer M. Jean Fort qui était donné sur le départ. A la suite de ces informations, une lettre confidentielle, La lettre de Nationalisme et République, rédigée par un certain Michel Schneider - qui n’aimait pas M. Jean-Marie Le Pen à l’époque et qui s’en était séparé en faisant un certain nombre de révélations -, aujourd’hui adjoint de M. Jean-Jacques Susini dans les Bouches-du-Rhône, écrivait : " Marc Bellier, responsable DPS pour la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), succéderait bientôt à Jean Janbart, malade, à la tête de la DPS nationale ; c’est la police qui va être contente ! ". J’ai cherché à savoir ce qu’il pouvait y avoir derrière cette remarque, et effectivement, la police connaissait bien M. Marc Bellier non seulement pour des faits remontant aux années soixante-dix, notamment pour des histoires de moeurs, d’escroqueries, de chèques volés, mais également parce qu’il avait été responsable du service d’action civique dans le Sud.

Cela étant dit, je tiens à mettre en garde la Commission : je n’ai pas pu vérifier personnellement un certain nombre d’informations qui m’avaient été communiquées à cette époque, n’ayant pas la possibilité d’aller vérifier aux greffes des tribunaux si les condamnations étaient bien réelles - avec toujours la crainte qu’elles soient amnistiées. Il m’a toujours semblé qu’il n’était pas mauvais de m’informer sur les personnes que j’avais en face de moi, compte tenu du fait que nous, journalistes, sommes, sinon espionnés - on a parfois des doutes, il y a des phénomènes troublants qui peuvent se produire dans notre boîte aux lettres -, du moins surveillés, notamment lorsqu’on nous photographie en conférence de presse.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Que se passe-t-il concernant votre boîte aux lettres ?

M. Michel SOUDAIS : Je peux en parler, mais je ne pourrais pas affirmer qu’il s’agit d’actes commis par des membres du DPS, même si je suis certain qu’ils émanent de personnes d’extrême-droite. A la fin de l’été 1997, j’ai pu constater de visu, alors que j’avais déjà remarqué que le courrier arrivait avec quelques jours de retard, que le courrier tombait deux fois dans ma boîte aux lettres, à une demi-heure d’intervalle. J’ai interrogé la factrice qui m’a assuré qu’elle n’était pas passée une demi-heure auparavant. Il s’agit d’une vieille technique : on prend le courrier, on l’inspecte et on le remet dans la boîte au moment où le facteur passe. Ces incidents se sont déroulés à un moment où j’avais déménagé, changé de situation de famille, et où j’étais pigiste ; je travaillais donc pour différents journaux. J’étais également très sollicité à la suite de la publication de mon livre pour donner des conférences, notamment par des associations antiracistes et par des partis politiques (PS, RPR, ...) en manque d’information sur le Front National.

En ce qui concerne le château de Neuvy-sur-Barangeon, je m’y suis rendu uniquement pour les universités d’été du Front National de la jeunesse. J’ai décrit ce qui s’y passait dans mon livre, qui n’a pas été contesté : levée des couleurs, garde-à-vous, avec tout un cérémonial le matin. Beaucoup de sports se pratiquaient dans la nature, tels que le volley et le foot, mais je n’ai pas pu tout voir, ce château étant une grande propriété.

M. Gérard LINDEPERG : Vous avez notamment fait mention de deux membres du DPS qui seraient, l’un gendarme en disponibilité, l’autre ancien policier. Au-delà de ces personnes qui sont en recul par rapport aux institutions, pensez-vous qu’il puisse y avoir certaines connivences avec, par exemple, les unités de maintien de l’ordre de la police ? Par ailleurs, existe-t-il, à votre avis, une articulation entre le Cercle des combattants, dont M. Roger Holeindre est le responsable, et le DPS ? Enfin, avez-vous des informations consécutives à l’éclatement du Front National, et donc du DPS ?

M. Michel SOUDAIS : En ce qui concerne d’éventuelles connexions avec des services de police, je vous citerai un exemple bien précis, que la Commission peut parfaitement vérifier. Le 11 novembre 1995, le Front National décide de manifester à Carpentras. Il investit une grande partie de la ville dès le matin, alors qu’en périphérie se tient une contre-manifestation. En fin de matinée, juste avant l’arrivée de M. Jean-Marie Le Pen qui doit tenir une conférence de presse à la permanence du Front National de Carpentras, ville dans laquelle le leader du Front National est M. Marc Bellier, plusieurs militants sont déjà dans la rue et l’investissent complètement, traitant la voie publique comme une annexe de la permanence du Front National. Lorsque je suis arrivé avec des collègues, dont M. Serge Faubert, nous avons pu constater que les membres du DPS avaient interpellé, sur la voie publique, un jeune punk, au motif qu’il se trouvait dans la rue et qu’il n’avait rien à y faire. Ils l’avaient isolé dans un local en face de la permanence, fouillé - ils avaient trouvé un couteau dans sa poche, ce qui prouvait ses mauvaises intentions ! -, menotté, et lui avaient confisqué ses papiers d’identité. Ce jeune garçon a ensuite été remis à la police nationale, en ma présence. Les membres du DPS lui ont enlevé les menottes à la sortie du local, pour le remettre libre à la police. J’ai ensuite constaté qu’un membre supplétif du DPS, recruté dans les milieux proches du GUD et des skinheads - un de mes agresseurs de 1993, et qui a eu des ennuis, notamment à Vitrolles lors de l’agression du barrage des routiers -, a remis les papiers d’identité du jeune punk à un membre du DPS plus âgé, plus présentable, qui les a remis à la police nationale. Dans ce cas précis, cette dernière savait très bien que le jeune avait été interpellé par le DPS et qu’il avait été fouillé, puisque ses papiers d’identité lui avaient été remis à part. Voilà un exemple à partir duquel je m’interroge sur les pratiques autorisées au sein d’un service d’ordre, qui n’est que le service d’ordre d’un parti politique !

M. le Président : Vous disposez certainement d’autres exemples précis à ce sujet. Nous sommes en effet soucieux de disposer d’éléments très précis. Cependant, notre temps étant compté, peut-être pourriez-vous les communiquer par écrit à la Commission ?

M. Michel SOUDAIS : Je vais vous citer un autre exemple, tout en rappelant au préalable, qu’à cette période-là, le plan Vigipirate était déclenché. Lors de l’université d’été du Front National à Toulon, fin août 1995, mes collègues et moi-même avons été très surpris de constater que, malgré les détecteurs de métaux, les membres du DPS pratiquaient une fouille systématique sur toutes les personnes qui rentraient, y compris sur les journalistes. Et certaines femmes, membres du DPS, s’acharnaient longuement sur le sac de mes consoeurs, regardant notamment à l’intérieur de leur carnet d’adresses. Voilà une pratique qui, en termes juridiques, me paraît à la limite de la légalité.

Je peux vous faire part d’un autre événement auquel j’ai personnellement assisté, dont j’ai fait état dans Le Parisien du 23 octobre 1996 et qui m’a convaincu que de nombreux membres du DPS étaient capables de commettre des actes illégaux sur ordre. Le 21 octobre 1996, se déroulait salle Wagram un meeting pour protester contre les atteintes aux libertés. Il était alors question d’un renforcement de la loi contre le racisme, décidé par M. Jacques Toubon. A l’issue de ce meeting, M. Bruno Gollnisch a demandé aux participants de se rendre à la place de l’Etoile - il était 22 heures 30 - sans que cet acte soit annoncé aux différentes autorités concernées. Lorsque tous les militants sont arrivés sous l’Arc de Triomphe, le seul policier présent qui gardait la flamme a, bien entendu, tenté de s’interposer pour éviter le dépôt clandestin d’une gerbe. Mal lui en a pris, car sur l’ordre de M. Bruno Gollnisch, qui s’est adressé à son garde du corps, qui a ensuite transmis cet ordre aux membres du service d’ordre, deux membres du DPS ont pris le policier, l’ont bousculé sans ménagement et éloigné de la flamme. Ce geste n’a pas eu l’air de déranger le moins du monde les membres du DPS qui, par ailleurs, avaient l’air de bons pères de famille.

M. Robert GAÏA : Aucune demande n’avait été déposée auprès de la préfecture ?

M. Michel SOUDAIS : Aucune ! Vous n’êtes pas sans savoir que depuis que Le Canard Enchaîné a rendu compte de la manière dont avait été espionné un comité directeur du parti socialiste, le ministre de l’Intérieur a décidé que les renseignements généraux ne suivraient plus l’activité des partis politiques. De ce jour, je ne vois plus aucun policier des renseignements généraux suivre les activités du Front National. Cela a permis au Front National, à deux ou trois reprises, de mener ce genre d’opération surprise qui, auparavant, aurait été ébruitée, ce qui aurait permis à la police de prendre les devants. Le Front National a ainsi pu, par exemple, occuper illégalement la Cour des comptes.

M. Michel MEYLAN : Avez-vous été témoin, lors de manifestations, d’une complaisance des forces de police à l’égard du DPS ? Par ailleurs, avez-vous des informations sur l’organigramme du DPS en province ?

M. Michel SOUDAIS : Je répondrai positivement à votre première question, dans la mesure où un dialogue s’instaure régulièrement entre les forces de l’ordre et le DPS ; le dispositif est beaucoup plus lâche pour les manifestations du Front National que pour des manifestations de gauche. Si l’on peut qualifier de " complaisance " des personnes qui sympathisent, oui, il y a complaisance : l’on peut assister régulièrement à des scènes de sympathie, de fraternité entre des membres du DPS et des forces de l’ordre.

S’agissant de l’organigramme du DPS en province, je dois dire qu’il est assez difficile à connaître. Cependant, avec l’éclatement du Front National et la guerre des communiqués à laquelle on a pu assister, on a découvert un certain nombre de responsables du DPS en province, car ils ont envoyé des communiqués pour dire vers qui allait leur préférence. Je pourrais, effectivement, vous mettre par écrit un embryon d’organigramme avec quelques noms de grands responsables.

M. le Rapporteur : A propos de M. Jean-Pierre Fabre, savez-vous quel était son passé, avant sa mise en disponibilité, et ce qu’il est devenu, après ses relations avec le SIRPA gendarmerie pour la création d’émissions de télévision ?

En vous écoutant, nous avons le sentiment qu’il y a une sorte de poupée gigogne : un DPS relativement honorable, composé d’hommes d’une cinquantaine ou d’une soixantaine d’années, anciens militaires, anciens d’Algérie ; une deuxième vague de personnes plus jeunes, plus " sportives " et plus " dynamiques " ; et, enfin, une troisième bande qui est un ramassis de personnes issues des milieux de l’extrême-droite la plus raciste et rétrograde. Pouvez-vous nous renseigner à ce sujet ?

S’agissant de M. Caplain, avez-vous connaissance de sa date de radiation ?

En ce qui concerne les événements de Carpentras, les policiers qui avaient récupéré le jeune punk étaient-ils des policiers en tenue ou en civil ? Cette rue était-elle investie par des forces de police, en tenue ou en civil ? Par ailleurs, pouvez-vous nous faire parvenir des photos ou des articles de presse sur cet incident qui me paraît très intéressant ?

Enfin, s’agissant de l’incident qui a eu lieu après la réunion salle Wagram, on peut admettre que les renseignements généraux obéissent aux ordres du ministre et ne suivent plus les manifestations politiques, mais n’y avait-il pas, à Wagram, des unités de la préfecture de Paris ? En général, pour de telles réunions ou manifestations, il y a un certain nombre de cars de police.

M. Michel SOUDAIS : Je ne sais pas ce qu’est devenu M. Jean-Pierre Fabre. J’avais appris à l’époque qu’il avait déjà été responsable du service d’ordre d’une grande manifestation des anti-89, organisée le 15 août 1989 dans Paris. Je ne sais pas si, à ce moment-là, il était en activité ou en vacances !

S’agissant du DPS et de ses poupées gigognes, il y a eu, au début, une tentative d’organisation sur le papier. Je peux communiquer à la Commission un vieux document qui prétendait, au début, fixer une organisation extrêmement rigide et militarisée, avec des ordres, un certain nombre de grades, une codification des insignes. Cette organisation a cependant partiellement cédé devant les faits et n’a pu empêcher l’apparition d’un certain amateurisme. Ainsi, bien souvent, le DPS fait appel à ce que j’appelle des supplétifs, à savoir des personnes qui sont peu recommandables - connues comme telles d’ailleurs -, pour des manifestations ponctuelles. Ceci ne signifie pas que tous les casiers judiciaires des membres permanents du DPS sont vierges. Je vous ai cité des exemples tout à l’heure, et il y aurait d’autres cas, notamment celui d’un responsable parisien à qui étaient confiés les " groupes-chocs ", M. Eric Staelens - que je citais dans les Dossiers du Canard sous son pseudonyme, M. Robert. Ce personnage a eu des démêlés avec la justice pour diverses escroqueries, dont je n’ai jamais jugé utile de faire état.

En revanche, quels sont les supplétifs ? M. Serge Ayoub a été régulièrement présent, notamment à la fête des " Bleu Blanc Rouge " de septembre 1993, dans l’enceinte de laquelle il se déplaçait avec un talkie-walkie fourni par le DPS. Je l’ai également remarqué dans plusieurs meetings parisiens, en plus du meeting de Saint-Ouen-l’Aumône, dont je faisais mention dans les Dossiers du Canard. Autre cas très intéressant, celui de M. Régis Kerhuel. Leader des skinheads du Havre, il était régulièrement appelé lors des fêtes des BBR pour servir de physionomiste. Il était chargé de repérer les skinheads, qu’il connaissait très bien, pour les neutraliser. M. Régis Kerhuel, soupçonné de meurtres , a été emprisonné en juin dernier, et était donc absent à la fête des BBR de septembre 1998 qui a donné lieu à une gigantesque bagarre entre skinheads et membres du DPS.

S’agissant de Carpentras, je vous confirme qu’il s’agissait de policiers en tenue qui se déplaçaient dans une voiture de police. Je ne suis pas certain qu’il y ait eu des articles de presse relatant cet incident, mais il doit exister une scène filmée pour la télévision - soit l’arrestation, soit la livraison du jeune à la police. Par ailleurs, la rue était investie par les membres du Front National, et il n’y avait pas de policiers dans cette rue.

Enfin, à Wagram, il n’y avait ni gardes mobiles ni CRS sur les lieux. Je m’en souviens d’autant plus, qu’au dernier meeting de M. Jean-Marie Le Pen, dans cette même salle Wagram - sûrement en souvenir de ce qui s’était passé en 1996 -, il y avait plusieurs cars qui s’étaient positionnés entre la salle Wagram et la place de l’Etoile.

M. Robert GAÏA : Vous nous avez dit que M. Bernard Courcelle était inquiet de savoir qu’une Commission d’enquête sur le DPS allait sans doute être mise en place. A votre avis, pourquoi était-il inquiet et que craignait-il ? Deuxièmement, connaissez-vous des sociétés de sécurité qui sont liées avec le Front National ? Troisièmement, vous avez parlé des fouilles qui ont eu lieu à Toulon à l’entrée d’une manifestation. Pensez-vous que la police était au courant, et est-ce qu’il existe des liens entre le DPS et la police ? Enfin, avez-vous eu connaissance d’un rapport des services de renseignements généraux sur le DPS ?

M. André VAUCHEZ : Connaissez-vous des personnes travaillant dans des sociétés de sécurité qui seraient membres du DPS ? Vous avez parlé de la Bourgogne : connaissez-vous M. Jaboulet-Verchère ? Enfin, avez-vous connaissance d’un document périodique qui pourrait être, sous couvert du DPS, adressé aux gendarmes et, en particulier, aux gendarmes retraités ?

M. Noël MAMÈRE : Avez-vous confirmation que MM. Marc Bellier et M. Jean-Pierre Fabre étaient auparavant membres du RPR ? A propos des sociétés de sécurité qui pourraient être en connexion avec le Front National, avez-vous des informations sur la société de sécurité ACDS, dont le propriétaire a fermé boutique et est aujourd’hui soupçonné d’escroquerie à l’assurance ? Par ailleurs, connaissez-vous la société de sécurité Ambassy, dirigée par M. Soulas, celui-là même qui a organisé les manifestations de policiers contre M. Badinter, qui est, paraît-il, un bon réservoir de membres du DPS et est aujourd’hui avec M. Mégret, après avoir été un responsable du DPS très actif en Ile-de-France ? Avez-vous assisté aux manifestations du Front National à Nîmes, lors des élections régionales de 1992 ? Il semblerait que trois compagnies de CRS n’ont pas bougé pendant que le Front National prenait possession de la rue. Ne pensez-vous pas qu’il serait utile, étant donné les porosités qui semblent se produire entre certains représentants de la police et le Front National, d’auditionner des représentants départementaux de la sécurité publique, en particulier ceux du Gard et des Bouches-du-Rhône ?

M. Odile SAUGUES : Je souhaiterais savoir si vous avez des informations complémentaires concernant d’anciens membres du SAC et leur collaboration avec le DPS. Vous avez, en effet, cité M. Marc Bellier.

M. Michel SOUDAIS : Je ne saurais pas vous dire précisément pourquoi M. Courcelle était inquiet à l’idée de l’ouverture d’une Commission d’enquête sur le DPS. Je le suppose simplement. En effet, le DPS n’est pas une organisation très transparente et il faut bien se rappeler ce qu’en disait M. Roland Gaucher, à la suite de journalistes jusqu’alors contestés ; il pouvait donc avoir des inquiétudes. Je souligne également que le DPS filme régulièrement des contre-manifestants et que l’on peut voir des personnes dont on sait qu’elles sont proches du DPS dans d’autres manifestations. Ainsi, je me suis étonné de voir que le photographe du Front National, photographe professionnel, certes, mais qui arbore un badge DPS dans les manifestations du Front National, prît des photos lors de la manifestation contre les lois Debré ! D’ailleurs, lors de cette dernière manifestation, il s’est sauvé dès que je me suis approché de lui !

M. le Rapporteur : Quel est le nom de ce photographe ?

M. Michel SOUDAIS : M. Franck Landouch. Il a été blessé lors de la dernière fête des BBR, dans la bagarre entre skinheads et membres du DPS, les skinheads l’ayant pris pour un DPS !

S’agissant des sociétés de sécurité, j’ai pu constater, notamment en 1988, que le DPS entretenait des rapports avec la société Normandy, dirigée alors par un certain M. Lousteau, décédé depuis, et dont le fils est candidat du Front National depuis quelques années dans les Hauts-de-Seine. Lors de la tournée de février 1998 de M. Jean-Marie Le Pen dans les départements d’Ile-de-France, il a fait une station dans un dépôt de l’ACDS de l’Essonne, pour illustrer le problème de l’insécurité. A cette occasion, nous avons pu constater que M. Régis de la Croix Vaubois, conseiller régional de la Nièvre, était directeur du personnel de l’ACDS ; il avait organisé cette visite en accord avec son patron, qui était également présent. J’ai entendu parler de la société Ambassy, mais je ne la connais pas particulièrement. En revanche, je puis vous citer le Groupe Onze, dirigé par le frère de M. Bernard Courcelle ; je n’ai pas pu constater qu’il y avait des passages de l’un à l’autre, hormis le fait qu’on les retrouve sur quelques dossiers, notamment quand il est question d’envoyer des mercenaires au Zaïre en 1997. En effet, un certain nombre de personnes d’extrême-droite - GUD, DPS - ont été envoyées comme mercenaires, probablement par l’entremise de personnes qu’elles connaissaient dans les milieux qu’elles fréquentaient. On peut citer, à cet égard, le nom de M. François-Xavier Sidos, qui était au cabinet de M. Jean-Marie Le Pen et est apparu plusieurs fois avec un badge du DPS ; il était le lieutenant " F. X. " de M. Bob Denard dans le dernier coup d’Etat aux Comores.

S’agissant des relations qui peuvent exister à Toulon entre le DPS et la police, je n’ai pas grand-chose à vous dire. Je n’ai pas le souvenir d’avoir vu des choses de ce genre ; mais il est vrai que, passé le sas d’entrée, étant donné la multiplicité des contrôles qui nous étaient imposés, nous n’avions pas très envie de ressortir.

M. le Président : Je voudrais pour ma part, compléter la question relative à l’existence d’un rapport établi par les renseignements généraux sur le DPS. L’Evénement du jeudi de mai 1997 cite le Canard Enchaîné en disant qu’il avait révélé " qu’un inspecteur des renseignements généraux avait puisé dans les archives de son service pour alimenter le fichier du DPS ".

M. Michel SOUDAIS : Selon toute hypothèse, et étant donné les fonctions qu’il occupait à l’époque, il peut s’agir de M. Frédéric Jamet qui était secrétaire général du Front National police. Il a été, à une époque, à la direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris, chargé de faire des notes de synthèse. M. Frédéric Jamet était un militant d’extrême-droite avant d’être mis à ce poste, et s’est révélé ensuite membre du Front National. Je crois qu’il est actuellement en prison pour des braquages. S’agissant du fameux rapport, j’en ai, bien sûr, entendu parler, mais je ne l’ai jamais eu en main. Les journalistes qui suivent régulièrement les activités du Front National ont effectivement entendu parler d’un rapport que M. Jean-Louis Debré disait avoir demandé, avant de nier avoir fait cette demande. Malgré le contrordre, on a appris qu’il était demandé à certains fonctionnaires de l’établir malgré tout, ce rapport devenant ainsi encore plus secret qu’il ne l’était. Il est donc difficile d’y avoir accès. Sachez tout de même que les renseignements généraux, s’ils ne s’occupent plus des partis politiques, s’occupent en revanche de la violence politique ; or celle-ci peut les amener à s’intéresser à tout ce qui concerne le service d’ordre et les personnes violentes qui tournent autour du Front National.

M. le Rapporteur : Croyez-vous sérieusement que, malgré les ordres, les renseignements généraux ne s’occupent plus des partis politiques ?

M. Michel SOUDAIS : Ce que je peux vous dire, c’est qu’avant cette décision, un fonctionnaire des RG assistait à l’ensemble des conférences de presse et des réunions publiques sur la région parisienne, accompagné régulièrement d’un adjoint, qui pouvait changer. J’ai côtoyé cette personne de 1988 à 1994, puis il a arrêté et nous n’avons jamais vu personne d’autre. Néanmoins, un fonctionnaire des renseignements généraux s’est présenté au congrès de Marignane et a demandé à y assister, avec un badge de presse, ce qui lui a été refusé.

S’agissant des événements de Nîmes, je n’ai rien à vous dire, puisque je n’y étais pas. Quant à la Bourgogne, je puis vous dire que les deux grands responsables du DPS ont choisi un camp différent : M. Christian Launay est resté fidèle à M. Jean-Marie Le Pen, tandis que M. Gérard Le Vert dirige maintenant le DPS de M. Bruno Mégret. Je dois d’ailleurs vous préciser que, lors de sa dernière conférence de presse, vendredi dernier, M. Bruno Mégret a annoncé son intention de changer le nom du DPS. Je lui ai demandé si c’était pour ne pas avoir à supporter l’héritage qu’allait bientôt dévoiler la Commission d’enquête parlementaire ; il a répondu par une pirouette ! Manifestement, il s’agit là d’une des motivations de ce changement.

En ce qui concerne un journal qui serait envoyé aux gendarmes à la retraite, en liaison avec le DPS, je suppose que vous voulez parler du Glaive, le bulletin du Cercle national des gens d’armes. Ce journal n’a plus de relation avec le Front National depuis déjà plusieurs années, depuis que ses dirigeants, MM. Jean-Jacques Gérardin et Bernard Lefèvre, ont pris leur distance avec le Front National, en 1995, à la suite de l’élection de Toulon, car ils n’appréciaient pas le choix de M. Jean-Marie Le Chevallier.

Je ne sais pas si M. Jean-Pierre Fabre vient du RPR, mais je sais qu’il y en a d’autres, tels que le responsable du DPS dans le Val-d’Oise, un cadre de banque. Il fait partie des membres du DPS que l’on veut nous présenter comme des bons pères de famille. Il était conseiller municipal à Villiers-le-Bel et se présente toujours là-bas.

Enfin, j’avais parlé du SAC dans les Dossiers du Canard d’octobre 1992, non pas de ma propre initiative, mais parce qu’un ancien cadre important du Front National, qui a travaillé auprès de M. Jean-Pierre Stirbois et qui était là dans la période charnière de l’organisation, de 1983 à 1986, M. Jean-François Touzé, avait lui-même expliqué que, au départ, le DPS avait été formé avec l’appui d’anciens membres du SAC, mais que ceux-ci n’étaient pas restés longtemps. A l’époque, M. Daniel Volan avait tout de même été entendu par une commission similaire sur le SAC et sa déposition figurait dans le rapport. M. Daniel Volan était passé au Front National à la fin des années quatre-vingts.

M. Thierry MARIANI : Je souhaite simplement vous dire que M. Marc Bellier était membre du RPR, puisque j’ai milité avec lui il y a 20 ans dans le Vaucluse !

M. le Président : La télévision Télé Bocal, dont vous avez parlé tout à l’heure, vous a-t-elle présenté des photos ou un document audiovisuel ?

M. Michel SOUDAIS : Les journalistes de Télé Bocal m’ont envoyé une photo par fax. L’agression du DPS sur le marché de la place des Fêtes a eu lieu le 15 février 1998, et je suis persuadé que vous pouvez leur demander des documents.

M. le Président : M. Soudais, nous vous remercions pour votre collaboration. Je vous rappelle que, si vous avez d’autres informations qui pourraient nous intéresser, notamment sur l’organigramme du DPS en province et sur des faits précis qui pourraient nous être utiles pour la suite de nos investigations, vous pouvez nous les faire parvenir par écrit.