Sujet : DPS
Audition de : Alain Callès et Mouloud Aounit
En qualité de : président et secrétaire général du Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP)
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 3 février 1999
Présidence de M. Guy HERMIER, Président
MM. Alain Callès et Mouloud Aounit sont introduits.
M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, MM. Alain Callès et Mouloud Aounit prêtent serment.
M. Mouloud AOUNIT : Je voudrais dire, en préalable, au nom du MRAP et aussi des associations qui se mobilisent depuis plusieurs années pour que la lumière soit faite sur l’activité du DPS, combien nous accueillons favorablement l’existence de votre Commission et combien est grande notre attente de voir éclater la véritable nature du DPS.
Par ailleurs, nous estimons que votre Commission est saine pour la République car l’actualité met en relief le fait qu’il est difficile de trouver une cohabitation entre la République et une milice armée qu’elle abrite en son sein et qui, de surcroît, risque d’être un danger, non seulement pour les individus, mais aussi pour une certaine idée de le République. Ainsi que certains faits viennent de le confirmer, il s’agit plus que d’une milice, d’un organe dont l’activité dépasse le strict cadre du service d’ordre.
En outre, nous nous réjouissons de l’existence de votre Commission car nous en attendons un effet préventif. Nous ne vous cachons pas que nous craignions, eu égard à ce que l’actualité nous a renvoyé sur l’activité du DPS, qu’une bavure puisse se produire. Nous nous félicitons qu’il n’y ait pas eu de catastrophe irréparable et nous formons l’espoir que l’activité et les conclusions de votre Commission puissent l’éviter.
Pour ce qui concerne le MRAP, je dirai que sa position de fond, à partir des faits que nous savons et qui vont vous être relatés, consiste à plaider " simplement " pour la dissolution du DPS. C’est son objectif et, à cet effet, il a mobilisé un collectif d’avocats qui travaillent à la rédaction d’une note - que nous vous ferons parvenir - tendant à mettre en relief le fait que les activités du DPS ne sont pas conformes à la loi du 10 janvier 1936 relative aux groupes de combat et aux milices privées, ni aux dispositions du nouveau code pénal sur la constitution d’un groupe de combat.
La question de la dissolution est éminemment politique puisqu’elle relèvera, en dernier ressort et au-delà de votre avis, du président de la République. Nous estimons néanmoins que les activités du DPS sont indissociables des services qu’il rend au parti qu’est le Front National. Selon nous, le DPS agit pour le compte du Front National et, tant la personnalité de son président que les activités du DPS établissent une corrélation étroite entre les deux organisations. Le Front National et le DPS révèlent leur vraie nature, ils ne peuvent pas être considérés comme un parti et un service d’ordre comme n’importe quels autres. Il s’agit d’un parti et d’un service d’ordre violents, racistes et dangereux.
M. le Président : Il est toujours possible de nous transmettre la note à laquelle vous avez fait allusion : c’est une question, je ne vous le cache pas, qui donne lieu à débat puisque la jurisprudence, de ce point de vue, impose des critères cumulatifs pour appliquer la loi de janvier 1936. Par conséquent, c’est un problème de droit très important qu’il nous faudra aborder et, si le collectif d’avocats que vous avez fait travailler peut nous donner son sentiment sur cette question, nous le recevrons bien volontiers.
Mais, puisque vous avez également parlé de faits et que nous devons travailler aussi, au-delà de la position, de l’orientation ou de la vision objective des uns ou des autres, à partir des réalités et donc des faits qui témoignent des agissements du DPS, nous sommes curieux de vous entendre sur cette question qui nous préoccupe beaucoup.
M. Alain CALLÈS : Je ne sais pas trop par quoi commencer car la presse a relaté pas mal de faits concernant des actes de violence, d’usurpation de fonctions de police, de renseignements ou de fichage.
M. le Président : Je peux peut-être vous aider : nous avons déjà recensé un certain nombre de faits connus que nous allons sans doute étudier de manière un peu plus approfondie. Si vous avez sur ces faits connus des informations qui peuvent nous être utiles, il serait intéressant que vous nous les communiquiez. Mais nous sommes aussi intéressés à connaître des faits qui, moins montés en épingle dans les médias, nous permettraient de mieux appréhender ce qui se passe sur le terrain.
M. Alain CALLÈS : Dans le cadre de mon activité au MRAP, je me suis très longuement occupé des relations extérieures avec les associations partenaires, et j’ai organisé, soit au nom du MRAP, soit au nom de collectifs, soit encore conjointement ou en soutien avec eux, une centaine de manifestations.
A travers cette expérience, et sans avoir eu à m’occuper directement du fonctionnement d’un service d’ordre, j’ai une certaine pratique de ce qui se met en place au sein d’un collectif. J’ai donc l’expérience de ce qu’est un service d’ordre et de ce que signifie travailler avec un service d’ordre d’organisations politiques, syndicales, associatives diverses et variées. Je n’ai jamais rencontré un service d’ordre qui présente les critères cumulés que sont le port d’uniforme, les violences, la hiérarchisation des hommes, l’usurpation de fonctions de police, l’existence d’unités mobiles d’intervention, qui interviennent en tant que formation de combat, qui reçoivent une formation offensive de combat assurée le plus souvent au sein même de l’organisation - les services d’ordre recrutent certes aussi des " gros bras ", mais ils ont acquis une expérience en dehors de leur organisation. L’accumulation de ces critères me semble assez bien dénoter ce que peut être le DPS.
Il s’agit quand même d’une milice de plus de 2 000 personnes, et je ne connais aucun service d’ordre d’organisation - y compris les plus importantes - qui soit en mesure d’aligner un tel effectif : quand on arrive à réunir une centaine de personnes, c’est un grand maximum pour une immense manifestation nationale regroupant plusieurs dizaines d’associations. Les pratiques sont aussi étonnantes. Je pense, par exemple, à ce que j’ai vu lors de la manifestation de soutien à M. Jean-Marie Le Pen, au moment de son procès à Versailles, où le DPS qui encadrait le rassemblement disposait, sur une ligne complètement droite, tous les cinq à dix mètres, un homme alternativement de face et de dos de part et d’autre. Je n’avais jamais vu employer une telle technique par un autre service d’ordre, à l’exception de la gendarmerie turque, ce qui ne me paraît pas particulièrement rassurant ! Cela dépeint une atmosphère générale qui me paraît extrêmement importante, car un point isolé peut ne pas sembler très grave alors que, les effets cumulés, sont, selon nous, effectivement significatifs d’une pratique de milice.
Pour ce qui est des actions de renseignements, j’ai quelques faits, non exhaustifs, à vous communiquer. Dans le cadre des élections municipales de Vitrolles, durant toute la durée de la campagne, quelqu’un a photographié systématiquement toute personne qui serrait la main du candidat socialiste, M. Anglade. Il s’agit bien d’une opération de fichage systématique ! Je pense que vous connaissez aussi les événements de Strasbourg où des membres du DPS, dont l’un était conseiller régional d’Auvergne, ont usurpé des fonctions de police pour contrôler des manifestants anti Front National.
J’appartiens au Comité national de vigilance contre l’extrême-droite qui regroupe trente à quarante organisations politiques, syndicales, associatives. Ce comité s’est longtemps réuni au siège du parti des radicaux de gauche (PRG) rue Duroc - il fallait bien trouver un lieu. Nous nous sommes rendus compte que l’une des personnes présentes aux réunions était un membre infiltré qui avait accès à tout le fichier du comité national de vigilance. C’est une démonstration assez claire de l’existence d’une activité de renseignement et de fichage, donc d’usurpation de fonctions de police.
A l’époque le coordinateur du comité national de vigilance était M. Jean-Marc Sabaté, qui a quitté ses fonctions au sein du PRG pour faire carrière dans la préfectorale. Il serait en mesure de vous fournir plus de renseignements sur l’individu qui, pendant longtemps, a mené cette activité de renseignement et sur son pedigree puisqu’il s’agissait de quelqu’un connu des services de police.
M. le Président : Il travaillait au PRG ?
M. Alain CALLÈS : Plus exactement, il a réussi à travailler au PRG pour pouvoir s’occuper de cette question et mettre la main sur tous les fichiers !
M. le Président : Il y a des partis qui ont besoin d’un service d’ordre...
M. Alain CALLÈS : Je peux vous citer un autre exemple assez éclairant sur ce qui se passe lorsqu’un membre quitte le Front National. Une ancienne secrétaire de M. Jean-Marie le Chevallier a été renvoyée par M. Poulet-Dachary. A compter de la date de son limogeage, elle a été harcelée, épiée, tous ses contacts de voisinage ont été surveillés et elle a véritablement connu une vie d’enfer, ce qui montre bien comment cette police agit, dès que des gens veulent quitter le Front National.
M. Mouloud AOUNIT : Il faut aussi parler de l’affaire survenue le 1er mai 1995 quand des jeunes, sortis du cortège du Front National, ont jeté M. Brahim Bouarram dans la Seine à Paris. Le MRAP s’était porté partie civile dans le cadre de ce procès où il a été procédé à l’audition de M. Bernard Courcelle. Un des jeunes qui était sur le banc des accusés a affirmé qu’on lui avait ordonné de faire disparaître toute trace de son appartenance au Front National et au DPS. Le passage à l’acte qui s’est produit ce jour-là, illustre de façon dramatique, une forme de prolongement de la violence des idées prônées et des slogans proférés, ainsi que le lien étroit entre le Front National et le DPS.
M. Alain CALLÈS : Le MRAP a établi une liste des exactions du DPS que nous vous ferons parvenir. Elle fait état d’événements moins connus tels que des agressions du service d’ordre de M. Jean-Marie Le Pen, notamment à Dieppe en 1987, ou la participation à une fusillade avec fusil à pompe lors d’un meeting à Orléans, le 6 mars 1993. Le 27 février 1995, un membre du DPS a été condamné par la cour d’appel d’Orléans à six mois de prison avec sursis pour coups et violences volontaires avec arme. Le 14 décembre 1995, cinq membres du DPS sont gardés à vue à Toulon, dans le cadre d’une affaire criminelle. Le 16 septembre 1996, deux membres du DPS agressent à coups de couteau un policier d’origine antillaise lors d’un contrôle routier à Nanterre. A Vitrolles, outre ce que je vous ai relaté précédemment, des personnes proches du couple Mégret ont effectué des " cassages de gueule " de camionneurs grévistes - il s’agit de faits vérifiés et patentés. A Vitrolles encore, des membre du DPS s’en prennent concrètement et physiquement à des militants des droits de l’homme, le 23 mai 1997. A l’occasion des dernières élections législatives, on a vu également un certain nombre de lieux d’expression tels que les marchés où, jusqu’à présent, les partis démocratiques parvenaient à s’exprimer d’une manière plurielle, être complètement investis et nettoyés par des membres du DPS arrivant en camionnette pour chasser tout le monde : je pense à ce qui s’est passé place des Fêtes à Paris et dans un certain nombre d’autres marchés, notamment parisiens. Enfin, il faut mentionner le nom de M. Fréderic Jamet, ancien responsable du syndicat Front National de la Police, qui a été mis en examen en février 1998 pour association de malfaiteurs.
Tel est le bilan que l’on peut dresser de ces exactions, mais il y en a certainement eu beaucoup d’autres.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous avez mentionné un certain nombre de critères cumulatifs qui permettraient de sanctionner une organisation comme le DPS. L’identification du DPS en tant que groupement organisé est claire si je suis vos propos. Il nous faut aussi disposer d’informations sur la discipline stricte au sein de cette organisation, sur les entraînements de ses membres - notamment au château de Neuvy-sur-Barangeon - et sur leur caractère belliqueux, dont je pense que nous avons compris, à travers vos propos, qu’il était pour vous, comme pour d’autres d’ailleurs, avéré.
J’aurais aussi souhaité savoir si vous estimez que, dans les affaires mettant en cause des membres du DPS dont vous nous avez parlé, la justice a été défaillante. A Orléans par exemple, la condamnation d’un membre du DPS à six mois de prison avec sursis seulement pour des actes de violences avec arme peut sembler trop légère.
Enfin, concernant les finances du DPS, êtes-vous en mesure de nous apporter des éléments d’information précis sur ses différentes sources de financement ?
M. Michel MEYLAN : Est-ce que tous les témoignages que vous nous apportez sont parus dans la presse ou bien ont été vécus et rapportés par vos adhérents ?
M. Alain CALLÈS : Il y a un peu de tout, mais tous les éléments que je vous ai livrés ont été vérifiés et croisés. Dans la mesure où nous avons rédigé un argumentaire dans lequel ces éléments figurent, nous avons fait en sorte qu’il soit inattaquable. Nous disposons aussi de la liste des condamnations d’un certain nombre de membres du Front National mais, malheureusement, la loi nous oblige à retirer un certain nombre de noms. Lorsqu’une personne a été condamnée depuis plus de deux ans pour une période inférieure à six mois, on ne peut plus la citer. Comme les membres du DPS ont généralement bénéficié de condamnations peu importantes, j’ai dû élaguer de ma liste plus de noms qu’il n’en est resté !
M. le Président : Mais vous pourriez nous les communiquer par écrit puisque nous travaillons sous le régime du secret.
M. Alain CALLÈS : Oui mais je ne les ai plus, car j’avais sorti ces noms du disque dur de mon ordinateur pour éviter une erreur de manipulation. Si quelqu’un avait pu les publier, cela aurait fait encourir au MRAP des condamnations pénales. Cela étant, je dois quand même pouvoir les retrouver.
Sur l’entraînement des membres du DPS, il est vrai que nous ne disposons pas de beaucoup d’informations directes. Nous avons eu connaissance, épisodiquement, de l’existence de lieux de formation, notamment dans l’Essonne, au nord d’Etampes. Des comités ont pu en repérer localement. A travers nos contacts avec la gendarmerie - toujours sur le plan local -, nous avons toutefois cru comprendre qu’une non-intervention permettait de fixer et d’identifier les gens, ce qui peut aussi se défendre. C’est d’ailleurs la réponse que nous avait apportée le commandant de la légion de gendarmerie de l’Essonne, il y a trois ou quatre ans, lorsque des personnes d’extrême-droite exerçaient des pressions sur une famille turque.
Je me souviens, néanmoins, que dans le cadre de recrutements d’employés municipaux, notamment à Toulon, il avait été fait très expressément mention de la nécessité pour les candidats d’avoir la carte du Front National puis de suivre une formation pour devenir gardien de cimetière : vous mesurez l’intérêt de recevoir un formation de combat pour exercer une telle fonction...
Je tiens à souligner qu’au niveau de l’organigramme fourni par le Front National, le DPS est directement rattaché au président du Front National, donc la relation est claire !
Pour ce qui a trait au financement, je n’en sais pas grand-chose mais je pense que vous voulez peut-être me faire parler des ventes d’armes à la Tchétchénie et de l’implication de M. Bernard Courcelle. Nous savons effectivement ce qu’en a relaté la presse, ainsi que d’autres points que je vous livrerai à titre indicatif. A l’occasion d’une rencontre dans les locaux de Radio courtoisie M. Bernard Courcelle aurait proposé à Mme Marie Bennigsen, présidente de SOS Tchétchénie, des armes contre monnaie sonnante et trébuchante. Cette personne, qui est très remontée puisqu’elle n’a pas obtenu les armes, pourrait indiquer à votre Commission comment se sont déroulées des transactions financières non négligeables relatives à un trafic d’armes.
M. Mouloud AOUNIT : Sur le plan juridique, je tiens à vous rappeler les dispositions du nouveau code pénal qui sont très précises. L’article 431-13 définit un groupe de combat dans les termes suivants : " un groupement de personnes détenant ou ayant accès à des armes, doté d’une organisation hiérarchisée et susceptible de troubler l’ordre public. " L’article 431-14 punit de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 F d’amende le fait de participer à un groupe de combat. En outre, il est prévu des peines d’interdiction des droits civiques. Il convient d’ajouter que le Front National peut être pénalement condamné, en tant que personne morale, en raison des infractions commises en son nom par le DPS. Enfin, est notamment prévue par l’article 431-21 la confiscation des biens mobiliers et immobiliers appartenant à ou utilisés par le groupe de combat. Or, je ne connais aucune condamnation du DPS sur ces bases du code pénal.
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : On parle de groupes armés possédant des armes. Avez-vous, dans les faits que vous rapportez, vu des membres du DPS en possession d’armes et, si oui, lesquelles ? S’agit-il d’armes à feu, de couteaux ou de bombes lacrymogènes ? Avez-vous eu l’occasion, au cours de manifestations, de voir des personnes portant des armes ?
M. Alain CALLÈS : Nous n’en avons pas vu directement mais il est vrai que nous ne sommes pas les mieux placés pour cela : pour ce qui me concerne, j’évite le plus souvent de m’exposer.
M. André VAUCHEZ : Vous avez fait état de deux procès en regrettant - et je pense que nous sommes beaucoup à le faire - que la sanction n’ait pas été à la hauteur de ce que l’on pouvait espérer. S’agissant du meurtre de Brahim Bouarram, les personnes condamnées l’ont-elles été en prenant en compte le fait qu’elles appartenaient au DPS ? Ne peut-on pas faire reconnaître que c’est le DPS qui est responsable de l’accident survenu sur la Seine ? De même, pour le procès de 1995 sur les événements d’Orléans, a-t-on condamné un homme, une fois de plus, sans mettre en cause le DPS ?
M. Mouloud AOUNIT : Concernant le procès de Brahim Bouarram, les auteurs de l’assassinat n’ont pas été condamnés parce qu’ils appartenaient au Front National ou au DPS. Même s’il ne nous appartient pas d’en juger, les condamnations pour un crime que j’appelle une ratonnade délibérée, volontaire et organisée, n’ont été que de cinq et sept ans de prison, ce qui permettra à leurs auteurs, compte tenu des remises de peine, d’être libérés d’ici deux ans.
M. le Rapporteur : C’est une décision de la cour d’assises et on ne peut pas accuser les magistrats !
M. Mouloud AOUNIT : Je vous donne le point de vue de notre organisation sur ce verdict de cinq et sept ans qui a sanctionné ce crime raciste que l’on peut véritablement qualifier de " ratonnade ".
M. André VAUCHEZ : Le DPS n’a pas été mis en cause ?
M. Mouloud AOUNIT : Non, et comme c’est trop souvent le cas, même le commanditaire du crime, le Front National, n’a pas été mis en cause dans ce procès. On peut me rétorquer que l’on ne juge pas le Front National, mais des personnes sur des faits : les auteurs de ce crime n’ont pas été poursuivis parce qu’ils appartenaient au DPS. Il faut toutefois souligner qu’un certain nombre des jeunes inculpés appartenaient au service d’ordre du Front National ou adhéraient au Front National. Il n’est pas inutile de montrer l’imbrication des choses qui ont conduit à cette tragédie qui n’est pas un fait divers.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Dans les affaires jugées par la justice, vous disiez que les personnes incriminées étaient jugées sur des faits réels, non sur leur appartenance au Front National ou au DPS. Or, lorsque je suis appelée à témoigner à un procès contre le Front National, il est fait mention de mon appartenance politique en tant que députée. Il faut s’interroger sur cette différence de traitement.
M. Mouloud AOUNIT : Il faut toutefois préciser que M. Bernard Courcelle a été entendu par le juge en tant que responsable du DPS dans le cadre du procès.
M. Alain CALLÈS : Et dans les actes du procès figure ce propos : " Tu ne fais pas mention de ton appartenance au DPS ! " Ce n’est pas un motif de condamnation mais ce sont des déclarations qui sont versées au dossier.
M. Alain CALLÈS : Si vous le permettez, j’aurais deux suggestions à faire à votre Commission.
Je vous recommanderais de vous rapprocher de Mme Anne Kerloc’h, journaliste à Charlie Hebdo, qui a travaillé avec quelqu’un dont le nom n’est pas apparu : il s’agit d’une personne qui s’est fait embaucher pour travailler au DPS. Elle pourrait vous parler du recrutement, des achats de surplus d’armée et, éventuellement, des armes et des uniformes. Pour ne pas diffuser son nom dans la presse, les articles étaient rédigés en commun et signés seulement par Mme Anne Kerloc’h. Par ailleurs, je voudrais évoquer le cercle des gens d’armes. On y trouve des gradés qui ont été cadres du Front National : je pense notamment au colonel Gérardin ou au capitaine Fabre qui a été mis en disponibilité.
Je voudrais terminer mon propos en vous faisant part d’une déception : je trouve dommage qu’on nous dise que le rapport des renseignements généraux sur le DPS ne contiendrait rien de plus que la liste des dirigeants départementaux du DPS, alors que ledit rapport est réactualisé tous les deux mois. Je vois mal comment il est possible de réactualiser un rapport vide sur la base d’informations vides depuis que M. Jean-Louis Debré l’a commandé.
Cela me fait penser à une expérience départementale : lors d’une réunion de la cellule départementale contre le racisme à laquelle je participais, le directeur départemental des renseignements généraux ne faisait état dans son rapport que d’un cas d’acte raciste, alors que le directeur départemental de la sécurité publique avait relevé lui treize cas, soit un de plus que le MRAP !
Pour ce qui me concerne, je ne parviens pas à croire qu’il y ait un rapport vide des renseignements généraux alors que d’autres personnes peuvent avoir accès à plus d’informations. En clair, il existe un rapport officiel destiné à l’extérieur qui ne contient rien et un autre document à usage interne. Il y a également un rapport parisien rédigé en décembre 1998 sur l’évolution du Front National consécutive à sa scission.
Sur ce point, je m’interroge beaucoup et, pour être tout à fait franc, je trouve qu’il y a vraiment une carence contre laquelle votre Commission peut faire beaucoup.
M. le Président : Si vous avez des informations supplémentaires sur ce rapport, nous les accueillerons très volontiers car, depuis le début de nos travaux, nous essayons vainement de le traquer. Quoi qu’il en soit, la presse affirme qu’il existe mais, jusqu’à présent, personne ne l’a vu !
M. Alain CALLÈS : Je connais des gens qui l’ont vu !
M. le Président : Si c’est le cas, dites-nous qui...
M. Mouloud AOUNIT : Vous avez interrogé ce matin quelqu’un qui l’a vu !
M. le Président : Ses réponses n’étaient pas aussi catégoriques !
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Il a dit qu’il voulait protéger ses sources.
M. Alain CALLÈS : Donc, il vous faut pousser les rédacteurs du rapport.
M. le Président : Il va de soi que, s’il y a rétention d’informations - puisque c’est bien de cela dont il s’agit -, nous avons pouvoir pour faire les observations qui s’imposeraient, mais encore faudrait-il que nous ayons des éléments qui nous permettent de contredire de manière assez catégorique l’affirmation qui nous a été faite depuis le début de nos travaux selon laquelle ce rapport n’existait pas. Nous sommes très désireux, non seulement de connaître ce rapport, mais encore et surtout de savoir pourquoi on nous empêche d’y avoir accès.
Si vous disposez, sur les points qui sont venus en discussion, soit par l’intermédiaire par vos militants, soit par suite d’expériences que vous pouvez avoir dans telle ou telle région, d’informations supplémentaires touchant à des faits qui nous permettraient de mieux cerner la réalité de l’activité du DPS, nous vous en saurions gré car notre Commission doit travailler sur la base de faits vérifiables, quitte à pousser pour cela ses investigations sur le terrain.
M. Alain CALLÈS : A ce propos, je crois que vous pourriez vous rapprocher du directeur de campagne de M. Anglade à Vitrolles, qui, je pense, peut posséder un certain nombre de documents. Il faut en effet savoir que le DPS a été hébergé à la mairie de Vitrolles après les élections. Toujours à Vitrolles à l’occasion de la campagne électorale, les gens du DPS qui sont sortis d’une voiture après une course poursuite avec une moto étaient armés. Il y avait plusieurs témoins.
M. le Président : Messieurs, nous vous remercions.
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