Sujet : DPS
Audition de : Rémy Barroux et Jean-Pierre Barthonnat
En qualité de : Représentants de Ras l’front
Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)
Le : 10 février 1999
Présidence de M. Michel SUCHOD, Vice-Président
MM. Rémy Barroux et Jean-Pierre Barthonnat sont introduits.
M. le Président leur rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête leur ont été communiquées. A l’invitation du Président, MM. Rémy Barroux et Jean-Pierre Barthonnat prêtent serment.
M. Rémy BARROUX : Le mouvement que nous représentons, le mouvement Ras l’front, est un réseau de quelque 170 collectifs en France qui diffuse un mensuel tiré à environ 20 000 exemplaires. L’extension de ce réseau, qui est un réseau de collectifs de terrain existant à l’échelle des villes, des quartiers, voire maintenant des communes rurales, nous met évidemment, depuis de longues années, en contact direct avec le Front National. L’un de nos objectifs en effet, à la création de ce mouvement - il y a de cela, maintenant, neuf ans, c’était en 1990 - était d’observer, sur le terrain, la progression du Front National et de ses idées.
Nous avions, en effet, montré que le Front National ne progressait pas seulement par un mouvement idéologique mais aussi par un travail de terrain conduit par un réseau militant. Nous l’avions analysé dans le livre de Mme Anne Tristan, intitulé " Au front ", qui était le résultat d’une plongée de cette dernière dans les quartiers nord de Marseille, au sein du Front National, où elle a milité pendant six mois. Mme Anne Tristan est la directrice de publication de notre mensuel.
C’est à partir de ce constat du travail réel mené par le Front National auprès de la base et du milieu associatif, que nous avons créé ce mouvement qui est donc directement confronté, dans ses activités quotidiennes et hebdomadaires, au travail militant du Front National.
Qui dit Front National dit un ensemble de structures, à savoir les directions auxquelles nous sommes évidemment moins confrontés, les réseaux, les fédérations, les sections et cette organisation totalement parallèle au Front National qu’est le DPS. Comme vous le savez, si elle " colle " maintenant au Front, elle avait antérieurement son propre organigramme, ses propres responsables départementaux, tous liés à la direction nationale et au Président, M. Jean-Marie Le Pen.
Voilà donc la nature de notre travail de terrain, de notre militantisme. Le fait que, systématiquement ou presque, nos collectifs appellent à des manifestations unitaires, avec l’ensemble des forces disponibles, pour accueillir, qui M. Jean-Marie Le Pen, qui M. Bruno Mégret, explique que nous soyons à la fois en contact avec le quotidien du mouvement Front National et avec ce qui est plus exceptionnel, quand il s’agit de manifestations ou de meetings centraux de campagne tenus par les uns ou les autres.
Ce travail nous amène à porter une appréciation sur le rôle du DPS mais une appréciation que l’on peut dire immergée dans la compréhension globale du Front National. Nous nous intéressons au DPS comme structure de protection et de renseignement, bien évidemment, mais aussi à l’ensemble du Front National et au degré de violence qu’il génère, que ce soit par ses idées et propositions politiques ou par sa structure militante, puisque la violence exercée par ce parti est, pour l’essentiel bien souvent, le fait de militants qui ne sont pas membres du DPS : Ibrahim Ali a été victime de colleurs d’affiches qui n’étaient pas membres du DPS, à Marseille, et Brahim Bouarram de skinheads qui, eux non plus, n’appartenaient pas au DPS, en marge d’une manifestation, le 1er mai 1995, à Paris.
Il s’agit d’une structure qui encadre le parti, ses actions et qui peut être défensive ou offensive si la situation le requiert. C’est ce qui s’est passé notamment à la sortie d’un meeting, Salle Wagram, lorsque certains militants ont gagné l’Arc de Triomphe où ils ont adopté une attitude plus offensive. Cela correspond aussi à la conception globale qu’ils ont de la protection de leurs initiatives puisqu’elle est basée, notamment, sur la connaissance et donc sur le renseignement des " réseaux adverses " comme ils les appellent. Elle repose sur un travail intensif de fichage de l’ensemble des militants et personnes susceptibles, un jour, de leur porter tort par leur action démocratique, tels que des adhérents de Ras l’front, des syndicalistes, des journalistes, des membres de partis politiques ou des élus locaux.
Nous avons une vision assez claire de ce travail des militants du Front National d’après leur presse que nous suivons de près et les textes que nous avons pu nous procurer, ce qui nous permet de dire qu’il s’agit effectivement d’un travail organisé, centralisé au plus haut niveau.
De surcroît, nous avons l’insigne honneur d’avoir fait l’objet d’un livre d’Emmanuel Ratier, diffusé assez largement dans les réseaux du Front National, qui porte le nom de notre mouvement et qui se vante, dans l’ensemble de la presse du Front National, de livrer 2 500 noms de militants et de militantes de Ras l’front. Cela prouve bien que ce travail de fichage et de suivi personnel ou personnalisé est organisé par le mouvement et aussi par le DPS dont l’une des tâches est, précisément, d’organiser la sécurité et le fichage des opposants.
Notre connaissance du Front National et de son service d’ordre DPS est quotidiennement alimentée par la lecture de cette presse ou les informations que nous pouvons obtenir par les contacts sur le terrain.
Nous avons, évidemment, moult exemples de la façon dont travaille le DPS du fait que nous organisons des manifestations contre le Front National, ce qui nous permet de bien comprendre comment le système se met en place. On voit comment le DPS est officiellement chargé par le mouvement de prendre contact avec les autorités locales, ce qui en soi peut tout à fait se comprendre pour un service d’ordre quel qu’il soit, si ce n’est que cette prise de contact s’accompagne bien souvent de complicités, de travail sur le terrain, voire de répartition des tâches. Les membres du DPS sont pour beaucoup des professionnels passés par la gendarmerie, la police, les services de sécurité avec qui ils conservent des contacts. J’imagine que les journalistes que vous avez auditionnés vous ont fourni des informations sur ce point.
Nous sommes chargés aussi de suivre ces éléments-là qui, ne serait-ce que par la publication du livre auquel je faisais référence - les écrits de M. Ratier - ou d’autres publications du même ordre, nous mettent évidemment directement sous la menace, non pas nécessairement du DPS mais d’éléments du Front National, militants ou sympathisants...
Ces menaces se traduisent parfois dans les faits par des pressions, des coups de téléphone, voire des violences physiques contre nos militants, le mot étant entendu au sens large, c’est-à-dire des personnes qui, sur le terrain, prennent le risque, à visage découvert, de dire qu’elles sont contre le Front National.
La situation de Vitrolles est à cet égard exemplaire, puisque cette ville dirigée par le Front National a pu y installer le système d’une façon plus cohérente pour lui, notamment sous l’impulsion de M. Bunel, en charge du service de sécurité et du service d’ordre sur place. Nos camarades sont régulièrement menacés par téléphone, ont leurs pneus de voiture constamment crevés ; vous aurez tout loisir, si vous le souhaitez, d’interroger l’un ou l’une d’entre eux ; il pourrait vous raconter le quotidien dans cette ville, avec l’interaction du DPS, des militants du Front National et de la police municipale qui est placée sous les ordres de la mairie.
M. le Président : Vous nous avez parlé de 2 500 militants ou sympathisants de Ras l’front qu’on se vante d’avoir fichés. Vous-même, pensez-vous l’être, ou pouvez-vous aller jusqu’à dire que vous en avez la preuve ?
Avez-vous, par ailleurs, subi des menaces, des manoeuvres d’intimidation verbale ou écrite de la part de membres du DPS, à l’encontre des personnes membres de votre organisation ; je n’entends pas par là les injures qui auraient pu être proférées au cours d’une manifestation qui met les gens face à face, mais les menaces ultérieures ?
M. Rémy BARROUX : Je suis cité, personnellement, un grand nombre de fois dans ce livre, y compris sous des pseudonymes que je n’utilise pas. J’apparais au moins une dizaine de fois sous des appellations diverses mais également sous mon vrai nom, Rémy Barroux ; nous avons pour principe en effet, dans notre mouvement, d’assumer notre engagement et donc d’apparaître sous notre vrai nom et publiquement, notamment dans la presse, quand il le faut et évidemment à l’échelle d’une ville.
Donc cette présence de noms sans publication de l’adresse - mais cette dernière est facile à se procurer, le fait de s’engager contre le Front National ne supposant pas une paranoïa totale qui conduit à disparaître ou à se mettre sur liste rouge - les gens ont des responsabilités familiales et professionnelles - permet à n’importe qui de la retrouver par minitel !
Ces 2 500 noms ne correspondent pas tous à des adhérents de Ras l’front. Comme le Front National a une conception très large de ses opposants, ils peuvent tout aussi bien désigner des syndicalistes que des gens du manifeste de M. Cambadélis. Cette publication s’est en effet accompagnée de menaces, de pressions, de coups de téléphone aux uns et aux autres. Le fait que ce livre soit très largement diffusé dans leurs réseaux - il est présenté et mis en vente à chaque meeting - fait qu’au-delà du cercle assez restreint qui entoure M. Ratier et du cercle qui assure la sécurité du Front, n’importe quel militant, y compris le plus fou, peut se procurer l’ouvrage et en tirer les conclusions qu’il voudra !
Donc, oui, il y a eu des menaces ! Personnellement j’ai reçu souvent, et antérieurement à la publication du livre qui n’a pas provoqué une accélération particulière, des coups de téléphone, soit à mon domicile, soit plus fréquemment sur mon portable dont le numéro n’est pas communiqué. Ceci me laisse à penser, puisque des gens se vantaient de m’appeler du Siège de St-Cloud, que mon numéro est bien enregistré quelque part sur une liste dont je n’ai, évidemment, pas eu connaissance, sans quoi j’aurais immédiatement porté plainte auprès de la CNIL...
Cela dit, je porte à votre connaissance une circulaire du Front National à usage exclusivement interne, adressée seulement aux secrétaires nationaux de fédération - c’est donc une note assez intime - qui date de mars 1997, où il est dit que le Front National travaille sur la riposte aux attaques dont il est l’objet : Ras l’front est cité assez largement et il est donné deux conseils aux secrétaires départementaux : " face aux contre-manifestants, précautions à prendre :
" 2) vous munir d’un appareil photo pour photographier les meneurs en cas d’incidents " - quand on fait des photos c’est pour les ranger ensuite quelque part...
" 3) repérer les véhicules des contre-manifestants, avant ou après les incidents et en noter les numéros de plaque minéralogique ". J’imagine que si l’on note des numéros de plaque minéralogique, ce n’est pas pour les jeter juste après, mais évidemment pour les archiver et, éventuellement, se livrer à un travail d’identification.
Cette circulaire du mouvement qui décline ainsi dix points est tout à fait officielle : il ne s’agit pas de la circulaire de deux individus paranoïaques !
Donc, nous avons, par le biais du livre, de cette circulaire et des pratiques du Front National - des militants nous ont prévenus que nous étions connus et photographiés - la preuve que ce travail de fichage est opéré. A qui doit-il servir ?
L’une des missions officielles du DPS est précisément de surveiller et de renseigner sur les réseaux opposés au Front National et de contrôler le fonctionnement interne du mouvement, mais cet aspect nous importe moins. On se doute bien qu’un fichier existe. Nous avons eu par divers journalistes ou indiscrétions, sinon la preuve, car il ne s’agit pas de preuve, du moins la confirmation de son existence et du fait que certains de nos noms, dont le mien, y figureraient en bonne place.
Pour ce qui est des menaces, il faut savoir que bien évidemment ces gens-là ne signent pas leurs lettres de menace. Nous en recevons quotidiennement à travers notre boîte postale ce qui est, j’imagine, le lot de tout journal public, surtout lorsqu’il travaille contre le Front National. Dans les villes, en outre, nous avons enregistré des pressions, voire des agressions contre des militants, que ce soit à Vitrolles, dans le Poitou, par exemple, ou à Saint-Etienne.
Maintenant, - et c’est là j’imagine toute la complexité de votre travail - dire si les auteurs de tels actes sont ou non-membres au DPS, nous n’en avons évidemment pas la preuve patente : ce sont des gens qui se revendiquent du Front National et qui sont donc, de près ou de loin, liés aux structures du mouvement.
On pourrait même dire en exagérant que si, probablement, au sein du DPS, une partie de la formation consiste à réguler, à former à la violence - tout service d’ordre se forme d’ailleurs collectivement sur ces questions-là -, il arrive que les menaces émanent de personnalités extérieures à une structure collective : j’ai évoqué l’exemple des colleurs d’affiches.
Nous avons conscience, depuis le début de notre combat, c’est-à-dire depuis 1990, que le Front National est un parti violent par ses traditions, par ce qu’il propose et par la composition de ses militants. Je crois que le Front National est le seul mouvement à avoir précisé dans un guide interne destiné à ses militants qu’il était nécessaire de laisser ses armes à la maison pour aller coller ; le RPR, le PS, le PC ont peut-être des guides du militant, et c’est une bonne chose que d’avoir ce matériel de formation, mais le Front National lui, explicitement, informe ses militants qu’il est préférable de laisser ses armes à la maison faute de quoi, si l’on se fait " piquer ", on s’expose à des problèmes juridiques et on encourt des peines. Celles-ci sont d’ailleurs détaillées dans les deux pages suivantes qui font référence à des textes de loi : cela indique de façon évidente que le profil des militants de ce mouvement les incite à croire qu’ils pourraient être tentés de venir avec leurs armes et leur attirail personnel.
M. le Rapporteur : Merci pour ces informations !
J’aurai deux questions, outre celle que je pose à tout le monde : avez-vous eu connaissance du fameux rapport des renseignements généraux sur le DPS dont M. Jean-Louis Debré a confirmé l’existence avant de la mettre en doute puis de la nier, et dont les fonctionnaires de police que nous rencontrons déclarent ne rien savoir ?
Deuxièmement, en ce qui concerne le fichage, avez-vous le sentiment ou la preuve d’être l’objet d’écoutes téléphoniques, de détournement ou de retard de courrier, ou encore de filatures de la part de membres du DPS ou du Front National ?
Troisièmement, quelles sont les relations officielles ou officieuses entretenues entre les services de police, d’une part, et le DPS, d’autre part, ou - pourquoi pas, puisque l’un de vos prédécesseurs a parlé d’une " connivence amicale ou affectueuse " ? - des policiers membres du DPS ?
M. Rémy BARROUX : Sur le rapport, je ne pourrai pas faire mieux que M. Chevènement. Il se trouve qu’il nous a été certifié par diverses sources que ce rapport existait, que nous l’aurions d’ailleurs un jour et que nous pourrions travailler plus tranquillement parce qu’il y aurait une sorte de mise sous surveillance par ce biais. Voilà ! Ne l’ayant pas eu personnellement entre les mains, je ne saurais dire exactement comment il se présente, ni combien il a de pages.
Néanmoins, il y a eu un autre rapport sur les officines de sécurité dont certaines sont évidemment assez proches du Front National, soit par le biais de militants qui en font partie professionnellement - je pense à Thibault de la Tocquenay, par exemple et son entreprise de sécurité en Ile-de-France - soit par le biais du frère de M. Bernard Courcelle, M. Nicolas Courcelle. Ce rapport doit exister puisque la presse - il me semble qu’il s’agissait de L’événement du jeudi - en a reproduit des extraits en fac-similé, ce qui indique que l’original doit bien exister même s’il ne portait pas tant sur le DPS que sur les services de sécurité extérieurs.
A votre deuxième question, je répondrai par l’affirmative : oui, nous avons des preuves de menaces ; des lettres arrivent à la boîte postale, adressées soit à moi personnellement, soit au mouvement en général, et qui, quand elles annoncent " On va vous faire la peau ! " sont des choses presque naturelles ! Il y a eu, en revanche, des menaces plus précises, qui sont apparues d’ailleurs au lendemain de la publication du livre de M. Ratier. Elles touchaient notamment des personnes de la commission syndicale, donc des gens qui travaillent en direction du secteur syndical et qui ont reçu des lettres personnalisées de menaces de mort. Chaque fois que nous recevons des lettres de ce type, nous essayons, évidemment, autant que faire se peut, de porter plainte, même si leur origine est tout à fait incertaine puisqu’elles ne comportent bien sûr ni adresse, ni numéro de téléphone.
M. le Rapporteur : Je parlais plutôt de filatures !
M. Rémy BARROUX : De par notre activité publique, puisque l’un des buts du réseau est de diffuser notre journal, - ce qui se fait uniquement sur les marchés, le week-end notamment, et aussi bien sur Paris que sur l’ensemble du pays - il arrive souvent que des militants identifiés comme appartenant à Ras l’front soient raccompagnés discrètement jusque chez eux, ce qui pourrait aller plus loin si nous n’y prenions pas garde.
Il est donc vrai aussi que nous mettons en place un minimum de sécurité autour de notre activité, par lucidité et réalisme, et que nous évitons de trop faciliter ce travail-là : il m’est arrivé d’avoir, en bas de chez moi, des gens que je pouvais identifier comme étant du Front National pour surveiller mes allées et venues ; ces individus ne sont pas nécessairement identifiables en tant que DPS, car s’ils sont facilement repérables en uniforme, puisqu’ils ont l’insigne honneur d’en porter un, rien, lorsqu’ils sont " en civil ", ne les distingue d’un militant classique du Front National.
Par ailleurs, il y a une tradition dans l’extrême-droite, issue notamment des mouvements étudiants des années 70 selon laquelle la répartition du travail du service d’ordre des mouvements qui s’en réclamaient - je pense aussi bien au PFN qu’aux organisations étudiantes comme le GUD - se faisait globalement de la façon suivante : les tâches sérieuses et militaires étaient déléguées aux hommes, alors que le travail d’observation et de renseignement était généralement confié aux femmes réputées plus discrètes et donc moins identifiables. J’ignore si cette organisation perdure au sein du DPS et du Front National, néanmoins le DPS compte des militantes qui ont notamment pour tâche de pratiquer les fouilles féminines à l’entrée des meetings.
M. André VAUCHEZ : Vous avez évoqué les deux crimes les plus tristement connus, à Marseille et à Paris, comme n’étant pas le fait de membres du DPS. Nous avons, par ailleurs, entendu dire également que M. Bernard Courcelle avait fait des rapports intéressants, en particulier à propos du crime perpétré contre M. Bouarram.
Vous avez précisé, en outre, qu’effectivement le Front National, parti politique, et le DPS étaient des structures parallèles. Cependant, notre enquête porte effectivement sur les différentes méthodes appliquées par le DPS. Ne pensez-vous pas que ce dernier serait, ainsi que vous l’avez évoqué dans votre propos liminaire, un organisme de formation à la défense, à la riposte et à l’attaque peut-être ? Tous ces gens qui sont " à la limite " du droit s’exonèrent de la sanction, puisque les rares actions menées dans ce sens ont échoué, et que ce sont des " groupuscules obscurs ", pour reprendre la formule de plusieurs autres intervenants, qui accomplissent la mauvaise besogne ?
Concernant la circulaire du FN qui rappelait les méthodes de fichage à suivre lors des manifestations, vous avez dit qu’elle était " officielle " : avez-vous pu vous la procurer, peut-elle nous être communiquée et est-elle signée ?
Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Je voudrais passer une commande à Ras l’front. D’abord, si nous pouvions, pour les besoins de l’enquête, avoir cette circulaire, cela serait fort utile. Ensuite, il serait également intéressant de pouvoir étudier ce guide interne auquel vous avez fait allusion.
Cela dit, je voudrais revenir sur une question posée par M. le Rapporteur à laquelle vous avez omis de répondre. Il s’agit de cette espèce de complicité que vous avez soulignée entre les forces de l’ordre et le DPS. Quand on entend les responsables des forces de l’ordre, on a tendance à imaginer que, finalement, ils font ce qu’on leur demande de faire à partir de ce qu’ils voient ou de ce dont ils ont connaissance. En conséquence, on ne parvient pas à suivre réellement la logique de ce qui se passe au fil du temps lors des manifestations importantes. Pourriez-vous nous apporter des informations sur cette complicité que vous avez constatée entre les forces de police et le DPS ? On nous dit très souvent qu’il existe une complicité mais pas de faits particulièrement marquants susceptibles de la prouver... Je pense donc que vos militants et vous-même êtes en mesure de nous expliquer comment, à travers votre réseau, vous avez pu le constater.
Pour ma part, je crois beaucoup aux actions de réseaux tels que les vôtres, et je ne doute pas que vos 170 collectifs à travers la France peuvent apporter des informations extrêmement précises. Vous avez évoqué votre action, que je connais, en Poitou-Charentes dont je suis originaire. Il serait bon de nous faire parvenir des documents écrits ou des photos, récupérés par vos militants à l’occasion de manifestations, illustrant nettement le caractère belliqueux et la démarche d’un certain nombre de membres du DPS : voici donc encore une commande.
Enfin, avez-vous connaissance de l’existence d’exercices d’entraînement des membres du DPS ? Savez-vous ce qui se passe au château de Neuvy-sur-Barangeon et avez-vous eu l’occasion, non seulement d’en entendre parler, mais encore de le constater ? Disposez-vous de documents à ce sujet et, si oui, pourriez-vous également nous les faire parvenir afin de nous instruire sur ce problème que nous n’avons pas encore pu résoudre ?
M. Rémy BARROUX : Je vous prie de m’excuser d’avoir, non pas éludé, mais omis la question sur la complicité. Le problème est évident : nous ne pouvons pas, aujourd’hui, dire que nous avons la preuve de la collusion entre la police et le DPS. Nos constatations sont de nature subjective et relèvent de l’observation qui, contrairement à ce qui se passe au Front National, n’est pas assortie chez nous d’une paranoïa totale justifiant des milliers de photographies et des kilomètres de bandes vidéo sur ce parti.
Néanmoins, lorsque nous voyons le DPS en activité, c’est-à-dire, non pas dans ses formations internes que nous ne suivons pas, mais lors de ses apparitions extérieures d’accompagnement d’initiatives du mouvement comme des meetings, des manifestations ou des initiatives plus privées telles que des congrès ou des assemblées générales fédérales, il est évident qu’il y a contact entre les forces de l’ordre et les responsables du DPS. Je dirai même que c’est encouragé puisque l’une des tâches assignées aux responsables fédéraux, tant du FN que du DPS, est de prendre contact en permanence avec les responsables des forces de sécurité.
Ensuite, nos camarades nous racontent souvent qu’en telle ou telle occasion le contact se double d’une connivence visible : il reste permanent, alors qu’un responsable de service d’ordre prend éventuellement contact une fois avec les forces de l’ordre - c’est en tout cas ainsi que nous procédons, nous, pour nos manifestations, - pour que chacun explique son dispositif, à la suite de quoi, sauf cas d’impérieuse nécessité, le contact s’arrête !
Or, il s’avère que durant le meeting de Grenoble, il y a deux ans et demi, et dans le Val-d’Oise, notamment, on nous a signalé l’existence, entre certains militants du DPS et les forces de l’ordre, de contacts plus qu’amicaux, voire de répartitions physiques sur le terrain puisqu’à certains endroits le DPS était présent là où la police ne l’était pas. Cela peut d’ailleurs donner lieu à ce que l’on a vécu à Strasbourg où le DPS a justifié ses opérations de contrôles d’identité par le fait que des adhérents de Ras l’front traînaient sur le parking de l’hôtel, qu’ils étaient donc en charge d’assurer le travail que la police n’assurait pas !
A ce propos, je tiens d’ailleurs à dire que la conception du Front en matière de sécurité est de se substituer partiellement aux forces de l’ordre, aux forces républicaines. Cette violence est revendiquée par le président du FN lui-même quand il dit : " quand la police ne fait pas son travail, nous serons en charge de le faire à sa place ", ce qui a notamment justifié, il y a six ou sept ans, une attaque d’une contre-manifestation par le Front National dont certains membres de la direction ont chargé. Cet acte qui avait fait des blessés, dont un très gravement, parmi les manifestants antifascistes avait été légitimé par le président Le Pen lui-même, au motif que le mouvement devait se substituer à la police qui n’aurait pas fait son travail...
Ce mouvement et son DPS sont donc dans un jeu permanent de chien et chat avec les forces de l’ordre : il y a eu tantôt une répartition des rôles et une complémentarité ; tantôt reprochant à la police de ne pas faire son travail, le DPS s’arroge de ce fait, le droit de l’accomplir à sa place. Il existe tout un processus de " mythification " au sein du mouvement du DPS qui est vécu, non pas comme un service d’ordre, mais comme un corps militaire qui aurait ses victoires et le moins possible de défaites.
Nous pouvons inviter nos collectifs à faire remonter le maximum d’informations concernant le fonctionnement de ce mouvement et de son service d’ordre DPS au cours des dernières années.
Sur les stages de formation, bien évidemment, nous n’y sommes pas invités. Mais, au travers de ce qui se lit dans la presse du Front National, à laquelle vous avez accès, qu’il s’agisse de National-hebo, Français d’abord ou Rivarol où M. Bernard Courcelle s’exprime, cette semaine, notamment sur la Tchétchénie et sur " l’affaire Pingeot ", on s’aperçoit qu’une formation existe. Il y a des circulaires, des convocations à des assemblées de formation où l’on traite aussi bien du recrutement, de l’étude des casiers des uns et des autres, car les responsables prennent conscience qu’il n’est pas prudent d’embaucher des gens au casier trop lourd s’ils doivent être interpellés par la suite, que des achats de matériels ou des tenues que chacun doit d’ailleurs payer etc..
Y a-t-il des stages en tant que tels ? Je ne saurais le dire ici. Je crois qu’il y a " une fraternité d’armes " qui fait que souvent, ils s’entraînent dans les mêmes stands de tir. En revanche, pour ce qui est du château de Neuvy, il reçoit plutôt des mouvements de jeunes comme les Cadets du CNC ou le FNJ pour y suivre certains stages - mais pas tous, d’autres ont lieu en province - qui comportent aussi un élément physique important comme de longues marches, des courses d’orientation, du rafting et nombre d’autres exercices. Cette formation globale du mouvement intègre aussi bien les questions physiques que théoriques ; les formes de communication occupent également une place importante.
Pour ce qui est des mouvements jeunes, nous avons donc l’intime conviction et la preuve, parce qu’ils s’en vantent, de l’existence de stages de formation. Je doute qu’il y en ait au niveau du DPS, dont les membres ont, pour beaucoup, une formation individuelle, qui peut être liée à leur carrière passée - anciens policiers, anciens gendarmes, anciens militaires - et qui fait partie de leur bagage personnel. Nous n’avons pas trace de stages collectifs où l’on ferait du maintien de l’ordre ou de l’apprentissage de maintien de l’ordre...
S’agissant de la photocopie de la circulaire, nous n’avons évidemment pas été demander à M. Jean-Marie Le Pen de l’authentifier. Il s’agit d’une circulaire qui s’appelle Fédé-infos, datée de mars 1997, qui porte le numéro huit, qui est un supplément au bulletin cadre " Directives nationales " et dont nous avons photocopié les quatre pages ayant trait à la protection du mouvement, donc à la conception offensive de la protection du mouvement : pour nous, évidemment, le fait d’établir un fichier de photos et de plaques d’immatriculation avec les noms afférents constitue une agression par rapport à la sécurité de ceux qui s’engagent dans le combat contre le Front National. En effet, comme on le voit à l’occasion du déchirement de ce parti, l’avenir de ces fichiers demeure tout de même assez incertain puisqu’ils peuvent tomber à peu près entre toutes les mains.
Le guide du militant est, en effet, interne puisqu’il n’est pas en vente dans les librairies, y compris celles du Front National. Il n’y a aucun problème à vous communiquer une photocopie, notamment du passage qui précise bien que pour les actions type collage, il est souhaitable de n’être pas pris avec ses armes dans un contrôle d’identité.
Je vous informe, par ailleurs, de l’existence de neuf guides édités à destination des cadres du mouvement et non pas des militants, qui incluent à peu près tout ce qu’un bon cadre du Front National doit savoir depuis l’animation, l’organisation jusqu’aux comptes ; ils ne concernent pas spécifiquement le DPS mais l’activité du FN.
Ils sont cependant intéressants pour vous, même si leur lecture est fastidieuse parce qu’ils sont nombreux et épais : toute la partie organisation et animation du mouvement qui s’étend sur deux ou trois volumes, fait apparaître clairement la place du DPS dans le fonctionnement du mouvement. Les responsables DPS sont conviés à la préparation des initiatives, sont associés à leur encadrement et l’on a bien affaire à une sorte de structure extérieure vers laquelle le mouvement se tourne pour organiser les choses : en cas de préparation de meeting ou de manifestation, il est demandé que fassent partie de la structure le secrétaire fédéral du Front et le secrétaire fédéral du DPS. Une sorte de complémentarité des deux structures s’établit donc, même si ces gens-là n’étant pas si nombreux, il s’avère aussi que des militants sont, en effet, chargés de responsabilités dans le mouvement, comme dans le DPS. Les membres du DPS ne sont pas tous forcément extérieurs et d’ailleurs sur beaucoup de listes municipales, des gens apparaissent publiquement dans la ville comme appartenant au DPS tout en ayant des mandats politiques. Il n’y a pas une séparation tranchée du politique et du militaire. Ils n’ont probablement pas assez de militants pour cela...
M. Jean-Pierre BLAZY : Je voudrais justement, malgré la réponse que vous venez d’apporter aux questions ou aux remarques de Mme Perrin-Gaillard, aller dans le même sens car nous devons, dans le cadre de notre commission d’enquête, produire des faits objectifs, des preuves. Si nous partageons avec vous très certainement le souci de prouver que le DPS est une organisation dangereuse, il nous faut absolument les moyens d’en faire la démonstration.
Par conséquent, il est indispensable que vos collectifs répartis sur le territoire, puissent nous apporter très précisément des faits objectifs.
Par exemple, vous nous avez parlé tout à l’heure du Val-d’Oise dont je suis député et - si j’ai bien compris vos propos - de la collusion entre des fonctionnaires de police et des gens du DPS : il faut pouvoir la prouver !
Je vais vous poser des questions très précises auxquelles vous ne pourrez sans doute pas répondre maintenant, mais auxquelles vos collectifs pourront, peut-être, apporter des réponses objectives.
Vous nous avez dit que vos militants ont été menacés : y a-t-il des témoignages qui pourraient être produits sur des agressions physiques ?
Vous avez mentionné les rapports entre les sociétés de gardiennage et les stands de tir : est-ce que, sur ce sujet, on peut apporter des informations objectives ?
Vous avez, il y a un instant, fait allusion à d’anciens fonctionnaires de police, à d’anciens gendarmes qui seraient membres du DPS : pouvez-vous, encore une fois, nous citer des fait précis car nous avons vraiment besoin de faits objectifs et je me permets d’insister sur cet aspect essentiel des choses !
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Je voudrais, pour ma part, revenir sur la question des fichiers. Sur quoi fondez-vous votre conviction que certaines personnes de Ras l’front seraient fichées ?
Vous avez parlé des tenues, qui ressemblent à celles de la police nationale. Est-ce que vous auriez des idées sur la façon et les lieux où elles sont fabriquées ?
Enfin, étant de Toulouse, je connais bien votre mouvement ; j’y ai vu vos militants encadrer les manifestations contre le Front National de manière assez homogène et efficace, mais il me donne l’impression d’être, par rapport au Front National, dans la situation de David face à Goliath. Dans l’encadrement des manifestations, la lutte me semble inégale entre les militants de vos rangs et des gens puissamment armés. Quel est votre sentiment sur ce point ?
Enfin, est-ce que Ras l’front compte se scinder pour faire face à deux DPS, l’un de M. Bruno Mégret, l’autre de M. Jean-Marie Le Pen ? C’est une boutade quoique...
M. le Président : Avant que vous ne répondiez, je tiens à dire que la comparaison avec David et Goliath est extrêmement rassurante puisque c’est David qui l’a emporté, naturellement.
M. Rémy BARROUX : S’agissant de la scission, M. Bruno Mégret vient d’annoncer la création du DPA qui fera donc pièce au DPS, - le S étant remplacé par le A qui signifie Accueil ; l’appellation Département Protection Accueil, rendra, j’imagine, les choses beaucoup plus conviviales. Il est apparu que les secrétaires départementaux du DPS qui, comme je le disais, travaillent en relation permanente avec les secrétaires départementaux du Front National, ont comme vivier militant une partie des militants du Front National et ont suivi peu ou prou la tendance politique de leur fédération, ont rallié, pour une bonne part d’entre eux, le mouvement de M. Bruno Mégret, M. Bernard Courcelle en tête.
Cela va être suivi par Ras l’front et pas simplement sous l’angle DPS-DPA mais aussi sous l’angle de la partition politique, pour savoir comment ces deux mouvements vont réagir dans les mois qui viennent.
La seule chose que l’on peut dire, et là ce n’est pas une boutade, c’est que la naissance de ces deux mouvements ou plus exactement la concurrence que ces deux mouvements vont devoir développer sur le terrain pour regagner leurs militants, leurs sympathisants et leurs électeurs, va évidemment causer - et nous sommes en train de le constater - un regain de militantisme des uns et des autres pour ceux qui ne sont pas écoeurés et qui n’ont pas abandonné le combat. Cela va représenter une menace plus importante - il y aura plus de collage pour gagner " la bataille des murs " - qui se traduira par une agitation militante plus forte nous mettant naturellement plus à découvert.
Il existe d’autre part, un risque non négligeable que les mouvements de jeunesse notamment développent une attitude plus radicale. En tout cas c’est ce qui ressort de la lecture de leur presse dès aujourd’hui, avec la naissance annoncée à la Mutualité, jeudi dernier au meeting du GUD, d’un mouvement de la jeunesse nationaliste, une sorte de confédération, regroupant les mouvements de jeunesse et essayant de regagner sur le terrain - ce que le FNJ de M. Maréchal n’avait pas fait - une légitimité militante, voire militaire.
C’est quelque chose d’important pour nous et pour l’ensemble de la société évidemment.
Concernant les tenues, nous n’avons idée, ni du couturier qui en a dessiné le patron, ni du lieu où elles sont fabriquées. La seule chose sûre est que, non seulement elles font partie du fantasme - ils ont un bras armé, une sorte de police officielle qui en a les aspects - mais que tout militant FN peut se les procurer : le DPS a une boutique qui vend la casquette, le sac de sport, l’écusson etc. Il suffit pour cela d’écrire à l’adresse qui figure dans leur presse, le tout étant en vente libre, par correspondance, et permettant d’entretenir le fantasme de ce corps d’élite que serait ou qu’aurait été le DPS.
Je ne récuse pas la comparaison avec David et Goliath. Je voudrais juste préciser que, par volonté politique, le 1er mai 1995, Ras’l front a décidé de montrer la vulnérabilité du Front : quand M. Jean-Marie Le Pen allait, devant ses militants, non seulement prendre la tête de la Fête de Jeanne d’Arc, mais également donner la consigne de vote pour le deuxième tour des élections présidentielles, il avait semblé opportun à notre mouvement de mener une opération spectaculaire qui consistait à dérouler deux banderoles sur la place de l’Opéra portant l’inscription " non au fascisme, non au racisme " dans le but de démontrer que, même devant tous les militants du DPS réunis, - ils étaient à peu près un millier à entourer la place de l’Opéra - il était toujours possible, de manière organisée, de mettre en évidence leur vulnérabilité et de prouver que l’idée que l’on ne pourrait pas les empêcher de progresser était erronée et devait être abandonnée.
Donc, je pense que ce geste technique - lorsqu’on pose une banderole, il s’agit essentiellement d’un geste technique - les a mis fort en colère, notamment au sein du DPS : cette prétendue structure d’élite s’était fait prendre en défaut par des militants de Ras l’front qui avaient pu, du haut du toit de l’Opéra, déployer leurs banderoles. Cet élément, par la suite, a joué un rôle dans leur perception de notre mouvement, si j’en crois ce qu’on a pu lire dans la presse qu’ils diffusent, dans leurs circulaires où ils ciblent essentiellement Ras l’front, ou plus récemment dans Minute où M. Le Gallou répondant à une question sur les problèmes de M. Cohn-Bendit à la Hague, a écrit : " il est drôle de voir un agitateur d’extrême-gauche subir dans le Cotentin ce que les dirigeants et les élus du Front National sont habitués à subir partout : nous avons Ras l’front ; M. Cohn-Bendit a les ouvriers du nucléaire et les chasseurs du Cotentin. J’ai plus de sympathie pour eux que pour Ras l’front ! "
Ce constat de M. Le Gallou est à l’image de ce que nous essayons de faire, à savoir harceler démocratiquement le Front National et faire en sorte qu’il ne puisse pas apparaître sans qu’il y ait des contreparties associatives, syndicales et politiques.
Sur les tenues nous n’en savons donc pas plus !
S’agissant du fichier, nous sommes intimement convaincus qu’ils ont des renseignements sur nous, que nos militants sont fichés. Je ne peux pas vous dire si le fichier est à Saint-Cloud ou s’il existe au niveau des fédérations ou des sections de ville. Le livre de M. Ratier le prouve, même si je redis qu’il ne contient pas de renseignements privés, tels que l’adresse, et qu’il n’a reproduit que des renseignements disponibles en préfecture.
En effet, puisque tous nos collectifs sont des associations loi 1901 - nous avons à coeur que ce soit des associations structurées juridiquement - nous sommes tenus de déposer deux, voire trois noms. Il lui a donc été facile de se procurer ces listes auxquelles il a éventuellement ajouté des noms paraissant dans la presse régulièrement, au niveau local ou national, pour établir une sorte d’immense fichier de 2 500 noms. Donc, ce fichier existe, au moins au niveau de M. Ratier.
Par ailleurs, la circulaire dont je vous ai lu une partie indique à l’évidence qu’ils prennent des renseignements systématiques sur les militants qui manifestent contre eux, que ce soit par le biais des plaques d’immatriculation ou des photos : j’ai en mémoire une lettre officielle du Front National qui nous est arrivée, il y a quelques années de cela, dans le XVIIIème arrondissement de Paris, nous incitant à arrêter de le montrer du doigt sur les marchés de l’arrondissement. Dans cette lettre que nous avions d’ailleurs transmise, en son temps, à la CNIL qui ne nous a jamais répondu, il nous était précisé : " Nous avons photographié vos militants, nous saurons nous en servir, le cas échéant ! " Cette lettre était signée Front National et frappée du sigle Front National. Cela montre bien, même si cela remonte à quelques années, - je crois qu’elle doit avoir six ans - la manière de travailler du Front National à l’encontre des milieux qui lui sont hostiles.
Pour ce qui est de la collusion, - j’insiste sur les mots parce qu’ils sont importants - je parle, pour ma part, d’apparente complicité, et non pas de collusion, entre les forces de l’ordre et le Front National puisque les choses ne sont pas avérées. Dans les moments où nous nous trouvons face au Front National, c’est-à-dire à proximité physique et géographique, la plupart du temps, nous avons pu constater que les forces de l’ordre, contrairement à ce qu’elles devraient faire, c’est-à-dire avoir un homme sur deux alternativement, le dos tourné en direction des deux mouvements pour empêcher toute confrontation que nous ne souhaitons d’ailleurs pas, font généralement face aux contre-manifestants antifascistes, le dos appuyé sur le service d’ordre du Front National comme si, de fait, le danger ne saurait ou ne pourrait venir de cet élément-là !
Nous le constatons physiquement dans à peu près toutes les manifestations. Par ailleurs, il y a eu, en effet - et nous aurons à coeur de faire remonter ces informations pour vous - des moments où les discussions entre responsables de forces de l’ordre et responsables des services d’ordre du Front National nous semblaient aller au-delà de la modération et de la retenue qu’un contact entre une structure politique et le service d’ordre républicain de la police se doit d’observer.
Enfin, ainsi que je le disais, sur Vitrolles qui est une ville test pour nous et pour le Front National, il apparaît que les éléments de collusion entre DPS et police municipale sont assez patents, en termes d’échange de services et de répartition des rôles, lors d’initiatives publiques de la mairie Front National.
M. le Président. Monsieur Barroux, je vous remercie de votre prestation. Nous serions très intéressés si vous pouviez nous communiquer la copie de la circulaire ainsi que les éléments issus des neuf manuels du Front National.
Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Monsieur le Président, si vous me le permettez, j’aurai une dernière question. M. Barroux vient de préciser que les forces de l’ordre font face aux militants de Ras l’front et tournent le dos aux forces de sécurité du DPS... Cela me choque parce que cela revient à dire que le danger viendrait des contre-manifestants !
M. le Rapporteur : Je crois pouvoir intervenir ! Je ne veux pas dire qu’il n’y a pas connivence mais lorsqu’il y a manifestation autorisée, car il s’agit de manifestations autorisées, la contre-manifestation ne l’est pas et il peut y avoir un élément technique qui veut que l’on protège la manifestation, même si elle est ignoble comme celle du Front National, de la contre-manifestation ; c’est un peu le principe de la police et, par conséquent, il faut voir s’il y a seulement adossement ou adossement amical comme vous le dites, mais on ne peut pas reprocher à la police de surveiller les contre-manifestants.
M. le Président : Sinon, il y aurait affrontement et dégénérescence...
M. Jean-Pierre BLAZY : Pour ma part, j’insiste pour que vous nous transmettiez des dossiers comportant éventuellement des témoignages et des documents photographiques et toutes les preuves concrètes existant sur des faits précis, c’est absolument indispensable pour la Commission.
M. le Rapporteur : Oui, ce serait intéressant que nous disposions de photographies de manifestations car il nous faut des documents et des preuves palpables...
M. Rémy BARROUX : Si nous n’en avons pas, nous pourrons toujours vous fournir les lieux et les dates des manifestations afin que vous puissiez interroger les journalistes locaux : ils sont d’ailleurs nos principaux fournisseurs car la presse locale couvre abondamment ce genre d’événements !
M. le Président : Messieurs, nous vous remercions.
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