Sujet : DPS

Audition de : Bernard Courcelle

En qualité de : ancien responsable du DPS

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 17 mars 1999

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Bernard Courcelle est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Bernard Courcelle prête serment.

M. Bernard COURCELLE : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai été chargé de mission pour la sécurité au Front National jusqu’au 6 mars 1999, date à laquelle j’ai reçu ma lettre de licenciement qui faisait suite à ma mise à pied à titre conservatoire pendant tout le mois de février. Il s’agissait d’un licenciement sec, sans indemnités ni préavis payé.

Par ailleurs, monsieur le président, je voudrais vous faire part d’un article paru dans VSD la semaine dernière, affirmant que j’avais disparu, que la commission d’enquête parlementaire n’arrivait pas à me joindre, que mon téléphone portable ne répondait pas et que même les courriers que vous m’adressiez revenaient à l’Assemblée nationale avec la mention " parti sans laisser d’adresse ". M’inquiétant de cet article, j’ai appelé les journalistes signataires de ce petit confidentiel express, MM. Bombarde et Lecardonnel, qui m’ont répondu que c’était M. Robert Gaïa qui leur avait donné cette information2. Si cela est vrai, sachez que je trouve surprenant qu’un membre de la commission d’enquête se permette d’affirmer à des journalistes que j’ai disparu corps et biens. J’ai bien évidemment demandé au journal VSD de faire un rectificatif, qui paraîtra demain matin, précisant que l’Assemblée nationale avait pu me joindre, que j’avais reçu la convocation et signé le recommandé.

M. le Président : Nous travaillons sous le régime du secret ; par conséquent, nous nous interdisons tout contact avec la presse et ce qu’a pu dire VSD n’a aucun rapport avec la commission d’enquête.

M. Bernard COURCELLE : J’entends bien, monsieur le président. Cela fait partie des choses qui se font pour déstabiliser ou ennuyer une personne.

M. le Président : Pouvez-vous nous préciser dans quelles conditions vous êtes arrivé à la tête du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : J’étais à l’époque chef de division sécurité au musée d’Orsay ; j’avais également contribué à la création du comité de sécurité des musées de France. C’est par l’intermédiaire d’un ami que j’ai reçu, au mois de décembre 1993, un coup de téléphone de l’ancien responsable de la sécurité du Front National, M. Jean-Pierre Fabre - ancien capitaine de gendarmerie en disponibilité - me proposant de reprendre la sécurité du Front National. Pendant mes quatre années de fonction au musée d’Orsay, j’avais réalisé un travail non négligeable, mais qui devenait rébarbatif ; je me suis donc dis " pourquoi pas ? ". J’ai eu plusieurs rendez-vous avec M. Jean-Pierre Fabre et M. Jean-Pierre Reveau, le trésorier national du Front National, puis deux rendez-vous avec Jean-Marie Le Pen. Je me suis mis en disponibilité du ministère de la culture au mois de mai et ai pris mes fonctions au DPS le 1er juin 1994.

M. le Président : Vous avez donc été licencié sec au mois de mars : pouvez-vous nous préciser dans quelles conditions vous quittez vos fonctions et si vous jouez encore un rôle quelconque dans le DPS ou le DPA ?

M. Bernard COURCELLE : Absolument aucun. Je ne joue de rôle ni dans le DPA ni dans le DPS. Certains membres du DPS, et même du DPA d’ailleurs, m’appellent pour me demander quelques conseils, mais j’ai cessé toute activité dans ce domaine et je suis maintenant à la recherche d’un emploi.

Dès le mois d’octobre 1998, j’ai dit à Jean-Marie Le Pen et au bureau politique du Front National que vouloir bouter M. Bruno Mégret en dehors du Front National risquait de provoquer une scission et de casser l’élan donné pour les élections européennes. Ensuite, lorsque la décision a été prise d’exclure M. Bruno Mégret du parti, je leur ai fait part de mon mécontentement, plus encore quand certaines personnes qui étaient sous ma responsabilité - les membres du DPS, qui sont des bénévoles - et qui avaient rejoint M. Bruno Mégret, ont été traitées de traîtres et de félons. Je ne pouvais pas accepter ce genre de propos, alors qu’il s’agissait de personnes qui, depuis dix, quinze ou vingt ans, s’étaient dévouées corps et âme au service d’ordre, sans aucune rémunération et ne récoltant que des ennuis. Je ne supportais pas non plus que l’on dise que les membres du service d’ordre devaient être à la botte du bureau politique du Front National. Ce sont des personnes libres qui font ce que bon leur semble. Elles suivent un mouvement, des idées, et non pas uniquement un homme.

Je disais donc haut et fort ce que je pensais, tout en continuant à assurer la sécurité des meetings du Front National. Lorsque j’ai annoncé que je me rendrais au congrès de Marignane pour information, puisque j’étais en vacances, ils ont prononcé ma mise à pied.

M. le Président : Avez-vous travaillé pour la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD) ? Qu’en était-il au moment où vous dirigiez le DPS ?

M. Bernard COURCELLE : Non, je n’ai pas travaillé à la DPSD. J’ai été officier de sécurité de la division armement chez Luchaire, comme garde du corps de M. Daniel Dewavrin, président du directoire de cette société. Il était menacé d’assassinat par Action directe et était, me semble-t-il, le troisième nom sur la liste des personnalités à assassiner dressée par Action directe, après le général Audran et M. Besse qui avaient déjà été assassinés. Lorsque j’ai quitté l’armée, on m’a proposé d’assurer la sécurité de la division armement chez Luchaire. Etant donné qu’il s’agit d’un établissement classé en régime restrictif, et soumis à des contrôles de la DPSD et de la Direction de la surveillance du territoire (DST) en matière de sécurité industrielle, j’étais en contact avec des officiers de la DPSD qui assuraient la surveillance et le respect du confidentiel défense. Mais je n’ai jamais été rémunéré par la DPSD et n’ai jamais travaillé pour elle.

M. le Président : Etes-vous toujours en contact avec ces personnes ?

M. Bernard COURCELLE : Non, c’était entre 1986 et 1988. Les officiers et les inspecteurs avec qui j’étais en contact ont, depuis, changé d’affectation.

M. le Président : Votre action aux Comores était...

M. Bernard COURCELLE : Je ne suis jamais allé aux Comores.

M. le Président : Vous n’avez aucune relation avec ce qui s’est passé aux Comores ?

M. Bernard COURCELLE : Des camarades, des personnes que je connaissais faisaient en effet partie de la garde présidentielle aux Comores, mais, personnellement, je n’ai jamais participé, de près ou de loin, à une action dans ce pays. Je connaissais certains sergents, que j’ai commandés lorsque j’étais officier parachutiste à Mont-de-Marsan, ainsi qu’une autre personne qui est, par la suite, devenue mon beau-frère. J’ai eu un contact avec Bob Denard qui m’avait appelé à mon domicile, dans les Yvelines, lorsque j’étais chez Luchaire, parce que des bruits couraient disant que je voulais reprendre la garde présidentielle et que j’étais en liaison avec Paul Barril - que je ne connais pas et n’ai vu qu’une fois lorsqu’il avait sa société Secret. Je ne connais pas non plus le commandant Christian Prouteau. Il s’agissait de délires, de fantasmes écrits dans La lettre de l’Océan indien et dans d’autres journaux.

Au total, si je connaissais certaines personnes qui étaient là-bas, je n’ai, pour ma part, jamais mis les pieds aux Comores.

M. le Président : Et pour la Tchétchénie ?

M. Bernard COURCELLE : S’agissant de la Tchétchénie, sachez que j’ai gagné tous mes procès, contre Canal Plus, Le Nouvel observateur et l’Evénement du jeudi. Ils sont condamnés à me payer des dommages et intérêts à hauteur de 69 000 francs, 30 000 francs et 40 000 francs. Ces procès pour diffamation sont maintenant jugés. Certains petits journalistes étaient trop contents de mouiller le Front National avec une histoire complètement rocambolesque.

Je suis en effet allé en Tchétchénie pour effectuer un audit en sécurité pour un possible consortium pétrolier franco-américain. J’avais alors sympathisé avec certains militaires et avec le président Doudaïev. Lorsque j’y suis retourné, il y a trois ans, c’était pour tourner un film sur le massacre du peuple tchétchène. J’accompagnais deux journalistes indépendants étant donné que j’avais des contacts avec la résistance tchétchène, puisque je connaissais le général Doudaïev et l’actuel président, qui était colonel à l’époque. Certes, il y a une mafia tchétchène en Russie, mais en Tchétchénie, vivent des personnes extrêmement courageuses et que j’appréciais.

Les événements du Kosovo, bien que dramatiques, n’ont rien à voir avec ce qu’ont subi les Tchétchènes : des femmes et des enfants étaient enfermés dans des caves dans lesquelles on mettait le feu, et les exécutions sommaires n’étaient pas rares. C’était absolument monstrueux. Ce film est d’ailleurs passé à " Envoyé spécial ".

M. le Rapporteur : Monsieur Courcelle, pourriez-vous nous indiquer avec précision votre parcours dans l’armée, depuis votre engagement jusqu’à votre cessation d’activité ? Dans quelle unités avez-vous servi ?

M. Bernard COURCELLE : Ma carrière militaire a été très courte. J’ai fait mon service militaire à Coëtquidan, pour être officier de réserve. En tant qu’aspirant, j’ai été affecté au 6ème régiment parachutiste d’infanterie de marine et j’étais chef de section au combat. J’ai bénéficié de deux contrats ORSA (Officier de réserve en situation d’activité) - j’ai été sous-lieutenant, puis lieutenant à Mont-de-Marsan - jusqu’en 1981. Puis j’ai obtenu des contrats d’engagement spécial au titre des réserves, en tant qu’instructeur parachutiste en 5ème région militaire, c’est-à-dire dans les CIPM de Nice, Marseille, Perpignan, Bastia et Montpellier, et ce jusqu’en 1985.

J’ai ensuite pris une année sabbatique pendant laquelle je suis allé au Maroc travailler avec un ami qui y possédait une station balnéaire. Puis je suis rentré en France où j’ai été embauché chez Luchaire, de février 1986 jusqu’à octobre 1988. En 1988, quand Luchaire a été rachetée par le GIAT, j’ai été licencié pour motif économique. Je suis resté un an au chômage, puis j’ai été embauché au musée d’Orsay comme chef de la division sécurité. Après le musée d’Orsay, le Front National.

M. le Rapporteur : Vous n’avez donc jamais été aux Comores, mais de nombreux membres du DPS et du Front National y sont allés. Vous ne pouvez donc pas ignorer ce qui s’est passé. Je cite quelques noms : François-Xavier Sidos, Gilles Rochard, Jean-Claude Sanchez. Quelles étaient vos relations avec ces personnes, notamment avec M. Sanchez ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’ai jamais eu de relation particulière avec M. Sanchez, qui était un DPS de base. Et je n’ai appris son déplacement aux Comores qu’après.

M. le Rapporteur : C’est pourtant un ancien parachutiste et un ancien responsable du DPS de Haute-Savoie.

M. Bernard COURCELLE : Quand je l’ai connu, il n’était qu’un DPS de base, avec quelques petites responsabilités de chef d’équipe. En général, j’avais affaire aux responsables régionaux.

M. le Rapporteur : Et de ses relations avec M. Nicoletto, vous ne savez rien ?

M. Bernard COURCELLE : Je ne connais pas Nicoletto.

M. le Rapporteur : Il est pourtant un grand spécialiste dans le domaine du mercenariat et du trafic de stupéfiants. Vous n’avez jamais eu de relation avec lui ?

M. Bernard COURCELLE : Jamais, au grand jamais. Quel intérêt ?

M. le Président : Vous n’avez pas non plus de relations avec les frontistes qui sont allés au Zaïre ?

M. Bernard COURCELLE : Lorsque j’étais responsable de la sécurité au Front National, je ne voulais pas entendre parler de ce genre d’affaires. Si certaines personnes y sont allées, si M. Sidos en savait plus que moi à ce sujet, c’est leur problème. L’affaire de la Tchétchénie avait déjà fait beaucoup de bruit. Canal Plus, Karl Zéro et M. Ravion étaient trop contents de saisir la balle au bond pour ennuyer le Front National et je ne pouvais donc pas me permettre d’être en permanence en liaison avec ces personnes qui cherchent l’aventure. Ce sont des personnes que je connais, naturellement, mais je n’ai jamais voulu m’intéresser à ce genre d’affaires, ni y participer, de près ou de loin.

M. le Rapporteur : Comment se fait-il qu’un officier qui a toujours été à la lisière de tout ce qui concerne le renseignement soit si peu intéressé par le mercenariat, les militants d’extrême-droite et les anciens parachutistes qui sont par ailleurs des mercenaires ? Vous avez un tempérament d’homme d’action et de renseignement : comment se fait-il que vous n’ayez jamais voulu en entendre parler ?

M. Bernard COURCELLE : C’est très simple : dès que je suis entré au Front National, ma famille, mon fils - que j’élève seul - ont subi les pires pressions, au seul motif que j’étais responsable de la sécurité du " diable ", des " fachos ", etc.. Ils ont été menacés, insultés, provoqués ; mon fils a été frappé à deux reprises à la sortie du lycée, uniquement parce qu’il était mon fils - il avait alors 14 ans ! J’imaginais donc bien les proportions que cela pouvait prendre si je m’intéressais à autre chose.

Il n’était déjà pas facile de faire fonctionner le service d’ordre correctement, si en plus je me permettais de me disperser... Par ailleurs, médiatiquement, cela aurait été terrible. Je connaissais certaines personnes, auxquelles j’avais d’ailleurs conseillé de ne pas aller dans ces pays et d’être prudentes. Elles partaient quand même, cela ne me regardait pas.

M. le Rapporteur : Vous êtes donc parti en Tchétchénie pour effectuer un audit à la demande d’un vague consortium. Y a-t-il eu un contrat signé ?

M. Bernard COURCELLE : Nous sommes bien loin du DPS ! Ma vie aventureuse vous intéresse fortement ! Cela n’a rien à voir avec le service d’ordre du Front National, c’était bien avant. Je ne vois pas le rapport !

Un dénommé Fradin m’avait parlé d’industriels français qui se rendaient sur place et qui voulaient investir. Il organisait des voyages pour ces personnes. C’était en 1992-1993.

M. le Président : Vous n’y êtes jamais retourné lorsque vous étiez au DPS ?

M. Bernard COURCELLE : J’ai essayé d’y retourner une fois avec un journaliste d’Arte, à nouveau pour tourner un film, au mois de février 1995. Nous sommes allés jusqu’en Azerbaïdjan, mais nous n’avons pas réussi à passer la frontière.

M. Robert GAIA : Vous n’y êtes jamais allé avec M. Signard ?

M. Bernard COURCELLE : Je ne suis jamais allé en Tchétchénie avec M. Signard.

M. Jacky DARNE : Monsieur Courcelle, vous nous avez dit que vous aviez été licencié. Cela signifie donc que vous étiez salarié : quel était votre employeur, quelle était la nature de votre contrat de travail, quel type de délégation aviez-vous et quelle rémunération perceviez-vous ?

M. Bernard COURCELLE : J’étais salarié de l’association Front National, en tant que chargé de mission de Jean-Marie Le Pen pour la sécurité. Je ne connais pas le contrat de travail par coeur, mais mon salaire brut était légèrement supérieur à 20 000 francs, et mon salaire net était de 16 957 francs. J’ai d’abord eu un contrat à durée déterminée, puis à durée indéterminée.

M. Jacky DARNE : Ce qui était dans le champ de votre contrat, c’était donc la responsabilité du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : Non, j’étais chargé de mission, responsable de la sécurité du Front National.

M. Jacky DARNE : Que représente le DPS pour vous ?

M. Bernard COURCELLE : Le DPS regroupe des bénévoles et des volontaires qui assurent le service d’ordre du Front National lors des meetings. Il s’agit d’une mosaïque de personnes qui viennent de différents corps de métier et ont de 18 à 70 ans. Nous les contactons à chaque fois que l’on a besoin de constituer un service d’ordre. Mais, pour avoir 20 membres à disposition sur un site, il faut en contacter au moins 60, car ils ne sont pas toujours disponibles : ils ont une vie de famille et travaillent. Il faut qu’ils puissent se libérer.

M. Jacky DARNE : A qui rendiez-vous compte de l’exécution de votre contrat de travail ?

M. Bernard COURCELLE : Je rendais compte à Le Pen uniquement. Il n’y avait aucun intermédiaire entre nous, ce qui est somme toute normal quand il s’agit d’organiser un service d’ordre. Il me laissait faire, il avait confiance. Je le voyais néanmoins régulièrement pour lui rendre compte de nos activités et lui faire des comptes rendus de marche - les effectifs, les incidents, les blessés, les plaintes déposées, etc.

M. Jacky DARNE : En tant que responsable du DPS, avez-vous procédé à des recrutements, c’est-à-dire à des négociations de contrats de travail que vous avez préparés et fait signer pour assurer des fonctions liées à la sécurité, au service d’ordre ?

M. Bernard COURCELLE : Il n’y a pas de salariés au service d’ordre. Seuls ma secrétaire et moi étions salariés. Les seuls personnels de " sécurité " salariés sont ceux qui assurent l’accueil du siège, en permanence. Cela représente un effectif de cinq personnes.

M. le Rapporteur : A partir de quel moment et pour quelles raisons avez-vous décidé qu’il ne fallait pas forcément être frontiste encarté pour être membre du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : C’était une question d’argent. Tout d’abord, on demandait aux membres - bénévoles - du service d’ordre d’acheter un costume, voire deux vestes, car lorsque l’on prend des oeufs sur la figure, il convient d’être présentable quand les autorités arrivent ! Cela représentait un investissement d’au moins 1 000 francs. Je ne voulais donc pas leur demander, en plus, d’acheter une carte à 260 francs - ou à 100 francs, s’il s’agissait d’une carte privilégiée. Beaucoup d’entre eux avaient peu de moyens, certains étaient même chômeurs ou Rmistes. Il arrivait également qu’on leur donnât une carte gratuite.

M. le Président : Vous avez tout de même décidé, en janvier 1996, dans une note, que le service d’ordre du Front National pourrait faire appel à des personnes extérieures au Front National, et pas simplement pour les raisons que vous venez de citer.

M. Bernard COURCELLE : Je n’ai pas fait de note dans ce sens-là.

M. le Président : Si, le 5 janvier 1996.

M. Bernard COURCELLE : Pouvez-vous m’en rappeler les termes exacts ? J’ai écrit que l’on pouvait faire appel à des personnes extérieures ?

M. le Président : Oui.

M. Bernard COURCELLE : Vous me surprenez. Je suis curieux de voir cette note, car il n’y avait pas de raison de faire appel à des personnes extérieures. S’il s’agit de personnes qui désirent assurer le service d’ordre en tant que sympathisants, et qui ne sont ni encartés ni militants, pourquoi pas, mais uniquement comme auxiliaires ou observateurs.

M. le Rapporteur : Quelles ont été vos relations avec M. Gérard Le Vert, qui était un responsable du service d’ordre, connu pour ses opinions très extrémistes, au-delà même de la ligne du Front National, puisque c’est un sympathisant de mouvements néonazis, en relation avec un ancien officier SS en Bavière, qui a participé à des cérémonies à la mémoire de miliciens ?

M. Bernard COURCELLE : J’entretiens d’excellentes relations avec Gérard Le Vert. C’est une personne d’aplomb, solide et non pas un excité, comme on aimerait bien le faire croire. C’est tout de même le fils du général Le Vert, bien connu dans la Légion, le cousin du juge Le Vert ; il ne peut donc pas se permettre de faire n’importe quoi. Je ne l’ai jamais vu ni entendu avoir des attitudes ou des paroles laissant penser qu’il cautionne cet extrémisme particulier. Je n’ai jamais eu de relations avec lui dans ce domaine. Il a toujours été une personne très correcte, d’aplomb, sachant diriger ses gens. C’est un type que je trouve très bien.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Tout d’abord, je voudrais savoir comment le musée d’Orsay vous a recruté. Ma deuxième série de questions porte sur le recrutement des membres du DPS : recrutement des membres du service d’ordre ? Les rencontriez-vous ? Comment les membres du DPS sont-ils sélectionnés pour chaque réunion du Front National ? Quels sont les critères que vous prenez en compte pour appeler tel ou tel individu ? Contrôlez-vous leur identité, leur casier judiciaire, par exemple ?

Enfin, on nous a dit - et nous avons vu - que vous aviez des armes : de quels matériels disposez-vous ?

M. Bernard COURCELLE : J’ai trouvé ce travail au musée d’Orsay par les petites annonces du Figaro. J’ai contacté une entreprise de chasseurs de têtes - rue de Pontieux, me semble-t-il, qui m’a convoqué et m’a fait passer un premier entretien, puis deux autres. J’ai passé des tests. J’ai ensuite été présenté au secrétaire général du musée d’Orsay, Mme Villers. Après deux entretiens avec Mme Villers et Mme Besse, la responsable du personnel, j’ai obtenu un rendez-vous avec Mme Françoise Cachin, alors conservateur général du musée d’Orsay - et non avec Mme Anne Pingeot. Après cet entretien, j’ai reçu une lettre m’indiquant que j’avais été choisi pour le poste de chef de division sécurité. Je suis entré dans mes fonctions le 1er mai 1990.

En tant que chef de division sécurité, j’avais la responsabilité des 250 ou 300 agents de surveillance ; c’était du 24 heures sur 24, avec les équipes de nuit et les week-ends. Le lundi était le jour de fermeture au public, mais il fallait tout de même une présence du personnel de surveillance. Je devais également organiser toutes les expositions, mettre en place le système de protection contre les dégradations, surveiller tout le dispositif d’hydrométrie, contrôler les accès et surveiller les oeuvres d’art. Pendant ma période de responsabilité, les dégradations ont d’ailleurs diminué de 70 % et il n’y a pas eu de vol.

M. Robert GAIA : Vous avez démissionné ?

M. Bernard COURCELLE : Je me suis mis en disponibilité pendant un an. Si ma nouvelle fonction au Front National ne m’avait pas convenu, je serais retourné au musée d’Orsay. Au bout d’un an, un peu sous la pression, je suis resté, alors que je n’en avais pas vraiment envie.

S’agissant du recrutement, nous demandons à toutes les personnes souhaitant faire partie du service d’ordre de nous fournir un extrait de leur casier judiciaire. Si nous ne l’obtenons pas, nous refusons systématiquement la candidature. Etant donné qu’il s’agit d’un service d’ordre de bénévoles et de volontaires, nous avons mis en place une structure au niveau régional et départemental, afin d’entrer facilement en contact avec eux. Par ailleurs, nous les prévenons qu’il ne s’agit pas de quelque chose de facile, qu’il n’y a pas de rémunération et qu’une fois qu’ils sont repérés comme membre du Front National, ils doivent s’attendre à des critiques, des menaces et des harcèlements de la part de nos adversaires politiques qui utilisent tous les moyens possibles, allant même jusqu’à uriner dans nos boîtes aux lettres.

Pour préparer une réunion, une fois que le nombre de personnes nécessaires a été déterminé, le responsable départemental ou régional contacte les personnes nécessaires à la constitution du service d’ordre. S’il ne trouve pas suffisamment de personnes, il fait appel aux membres du DPS de la région voisine. Ce que je souhaitais éviter autant que possible, car cela engendre des frais supplémentaires qui ne leur étaient pas remboursés. On ne leur remboursait que les frais d’essence et le casse-croûte.

M. Jacky DARNE : Avec quel budget cela se faisait-il ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’avais pas de budget. Je me contentais de réunir toutes les factures, de les vérifier, puis de les donner au trésorier du Front National qui les réglait. Je n’ai jamais eu de compte ou de délégation signature - sauf pendant la campagne présidentielle, pour payer les frais et les locations de voitures.

M. Jacky DARNE : Le coût du service d’ordre n’est donc connu que par le trésorier ?

M. Bernard COURCELLE : Oui. Je lui transmettais les factures et ne faisais pas de comptabilité.

M. Jacky DARNE : Vous est-il arrivé de manquer de bénévoles pour assurer le service d’ordre et avez-vous eu recours à des sociétés privées ?

M. Bernard COURCELLE : Faire appel à des sociétés privées coûte cher ; c’était donc hors de question. Je m’y suis toujours opposé. Certains auraient aimé que l’on procède ainsi, parce que c’était des amis à eux, mais je ne l’ai jamais voulu. De toute façon, le trésorier, et même Jean-Marie Le Pen, s’y seraient opposé.

M. le Président : Vous auriez pu faire appel à ces sociétés sans les payer.

M. Bernard COURCELLE : Des personnes peuvent se présenter comme bénévoles à titre individuel.

M. le Président : D’après nos informations, c’est sous la direction de Jean-Pierre Fabre, en septembre 1993, qu’il a été décidé que les membres du DPS pouvaient ne pas être militants du Front National.

M. Bernard COURCELLE : C’est-à-dire ne pas obligatoirement prendre la carte.

M. le Président : Il était donc possible de faire appel à des auxiliaires, ce que vous auriez confirmé dans une note du 5 janvier 1996, par laquelle vous décidiez qu’à partir de cette date, le service d’ordre du Front National pouvait faire appel à des personnes extérieures.

M. Bernard COURCELLE : Ces personnes devaient au moins être des sympathisants et adhérer au programme politique du Front National.

M. le Président : Avez-vous déjà fait appel au Groupe Onze, société de sécurité dirigée par votre frère ?

M. Bernard COURCELLE : Quels fantasmes ! Je n’ai jamais fait appel à la société de mon frère, c’était le meilleur moyen pour le mettre dans l’embarras. D’ailleurs, depuis que je suis au Front National, il a perdu un nombre de contrats considérable, pour le seul fait d’être mon frère.

M. Le Président : Le rapport de police qui vient d’être établi sur les sociétés privées et leurs rapports avec l’extrême-droite indique pourtant clairement que des membres de ces sociétés privées participent au service d’ordre du Front National.

M. Bernard COURCELLE : Mais ils ont le droit d’y participer à titre individuel ! La société de mon frère embauche des personnes pour des missions ponctuelles ; ils ne sont pas salariés titulaires d’un contrat de travail à durée indéterminée du Groupe Onze. Il n’y a quasiment pas de salariés dans ces sociétés, hormis le secrétariat. Et cela se passe de la même façon dans toutes les sociétés de sécurité : les gens sont appelés ponctuellement et souvent rémunérés à la prestation.

M. le Président : Certains de ceux-là ont pu participer au service d’ordre du Front National ?

M. Bernard COURCELLE : Ils ont pu y participer en tant que sympathisants, à titre individuel, mais pas en mission pour une société de sécurité.

M. le Président : En avez-vous eu connaissance ?

M. Bernard COURCELLE : Bien entendu. Je sais que des personnes qui ont travaillé pour mon frère sont venues nous donner un coup de main, notamment pour la manifestation du 1er mai. Ils se sont présentés et ont été acceptés comme auxiliaires. Ce qui n’a rien à voir avec une société qui travaille pour le Front National. Le Groupe Onze n’a jamais travaillé pour le Front National.

M. Noël MAMERE : Vous dites que vous n’avez pas de relations particulières avec des sociétés de sécurité et que les membres des sociétés de sécurité qui viennent travailler pour le DPS sont bénévoles, mais il semblerait que le Front National ait des relations particulièrement privilégiées avec deux sociétés de sécurité - trois avec celle que dirige votre frère - qui ne vous sont pas inconnues : d’une part, la société ACDS et M. Régis de La Croix Vaubois. Ce monsieur n’a aucune relation avec le Front National ?

M. Bernard COURCELLE : Si, il est conseiller régional.

M. Noël MAMERE : D’autre part, la société Ambassy, dirigée par M. Gilles Soulas, l’homme qui assure le réservoir des membres du DPS d’Ile-de-France ; vous ne connaissez pas ?

M. Bernard COURCELLE : M. Gilles Soulas ne faisait pas partie du service d’ordre. Il a ses propres activités et je ne lui ai jamais demandé de me procurer des effectifs pour la sécurité.

M. Noël MAMERE : Quelle est son activité ?

M. Bernard COURCELLE : Il a une librairie.

M. Noël MAMERE : Qui s’appelle comment ?

M. Bernard COURCELLE : Je vous en prie, monsieur Mamère !

M. Noël MAMERE : Il a une librairie qui s’appelle L’Aencre et qui diffuse des livres nazis.

M. Bernard COURCELLE : Et alors ? Cela ne concerne pas le DPS ! Je me fiche de la librairie de M. Soulas !

M. Noël MAMERE : C’est un ancien responsable du DPS Ile-de-France.

M. Bernard COURCELLE : Bien avant mon arrivée au DPS.

M. Noël MAMERE : Il a donc un rapport avec le DPS.

M. Bernard COURCELLE : Bien avant que je ne sois là.

M. Noël MAMERE : Quant à la société de votre frère, il semblerait que le Groupe Onze ait joué un rôle relativement important, quoique occulte, dans ce qui s’est passé entre vous et les Tchétchènes.

M. Bernard COURCELLE : Nous entrons à nouveau dans des fantasmes et des délires !

M. Noël MAMERE : La mort de M. Doudaïev ne s’est pas passée dans n’importe quelle circonstance...

M. Bernard COURCELLE : Soyez prudent, monsieur Mamère, il ne faut pas dire n’importe quoi !

M. Noël MAMERE : Et vous, essayez de répondre correctement à une commission d’enquête parlementaire qui représente la nation et ne vous comportez pas comme s’il s’agissait d’une balade !

M. Bernard COURCELLE : Ah, mais certainement ! Je suis d’ailleurs ravi qu’elle ait été créée, afin d’éclaircir certains points.

M. Noël MAMERE : Pouvez-vous répondre à la question concernant la société Groupe Onze et son rôle dans l’opération que vous avez menée en Tchétchénie ?

M. Bernard COURCELLE : Quelle opération ? Vous me parlez de la mort du général Doudaïev, vous me parlez du Groupe Onze : qu’essayez-vous de me dire, monsieur Mamère ?

M. Noël MAMERE : J’essaie de comprendre les choses. J’essaie de comprendre pourquoi on a trouvé 120 kilos de tolite chez M. Frédéric Jamet qui était membre du FN police et qui avait des relations avec vous. J’essaie de savoir à quoi servaient ces 120 kilos de tolite et quelles relations vous aviez avec lui.

M. Bernard COURCELLE : Monsieur Mamère, monsieur le président, ce n’est pas parce que M. Jamet est venu dans les locaux du Front National, que je le connaissais et que je travaillais avec lui. Ce qu’a fait M. Jamet le concerne et ne concerne pas le DPS et moi encore moins ! Je n’ai jamais voulu avoir de rapport avec le FN police. Jamais ! Que les choses soient bien claires et bien distinctes ! J’avais assez de travail avec le service d’ordre à faire en sorte que les membres soient disciplinés et fassent leur travail correctement, pour ne pas me mêler de ces histoires. Je n’ai jamais voulu entrer dans ces affaires et dans ces jeux. Et je n’ai jamais eu de rapport particulier ou privilégié avec M. Jamet.

Par ailleurs, mon frère s’est rendu en Tchétchénie, en 1992-1993, avec sa société, pour accompagner des industriels qui faisaient de la prospection. Tout le monde pensait, en effet, que, si ce pays devenait autonome, il y avait de nombreuses choses à faire.

M. Noël MAMERE : Dans quel type de sécurité, la société de votre frère est-elle spécialisée ?

M. Bernard COURCELLE : Gardiennage, sécurité rapprochée, etc.

M. Noël MAMERE : Y compris radios, satellites, etc. ?

M. Bernard COURCELLE : Mais non, monsieur Mamère. Il n’y a que deux maisons en France qui construisent des téléphones satellites ! Et c’est l’Etat qui les construit.

M. le Président : Il est étonnant que vous soyez en relation avec tout ce monde et que vous ne soyez jamais concerné par ce qu’ils font.

M. Bernard COURCELLE : Vous connaissez beaucoup de monde à l’Assemblée nationale alors que vous n’êtes pas forcément en relation avec tout ce qui s’y passe !

M. le Président : Certes. Mais vous avez décidé d’ouvrir le DPS à des personnes non membres du Front National ; vous avez des relations évidentes avec toute une série de sociétés de gardiennage ; vous reconnaissez que des membres de ces sociétés peuvent participer au service d’ordre...

M. Bernard COURCELLE : Monsieur le président, il ne faut pas faire d’amalgame qui ne correspond pas à la réalité. Si des individus, à titre personnel, se portent volontaires pour assurer le service d’ordre d’une manifestation, si leur casier judiciaire est vierge et s’ils sont sympathisants du programme politique du Front National, je ne vais pas chercher plus loin. Je ne leur demande pas qui ils connaissent ni pour qui ils travaillent.

M. le Rapporteur : Monsieur Courcelle, je me réjouis de votre prudence à la tête de ce service d’ordre : pas d’armes, casier judiciaire vierge. Mais quelles étaient vos relations avec des mouvements de droite radicale, des mouvements néonazis ?

M. Bernard COURCELLE : Très mauvaises.

M. le Rapporteur : Pourtant, M. Gérard Le Vert, à qui vous trouvez beaucoup de qualités, avait des relations avec des mouvements néonazis - peut-être avant votre arrivée -, clairement identifiées par les services français et allemands qui nous ont souligné ses fréquentes venues chez des anciens officiers SS ou chez d’anciens combattants de la Waffen-SS autrichiens.

M. Bernard COURCELLE : Tout le monde savait, dans mon entourage, qu’il ne fallait pas me parler de ces choses-là. Ma première tâche, lorsque je suis arrivé au DPS, a été d’exclure tous les néonazis, ces skinheads imbéciles, ces petites frappes ridicules qui pensaient trouver un écho chez nous, que je n’acceptais pas et que même Jean-Marie Le Pen n’acceptait pas. Je lui en ai d’ailleurs fait part dès nos premiers entretiens. Je me suis fait un plaisir de mettre dehors tous ces petits racistes primaires, ce qui m’a valu des déconvenues, car certains me tendaient des embuscades.

M. le Rapporteur : Etes-vous plus un spécialiste du service d’ordre, de par votre métier et votre vocation, ou un militant frontiste ?

M. Bernard COURCELLE : Je suis plus un spécialiste du service d’ordre qu’un militant frontiste.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Considérez-vous que le Front National est un parti comme les autres ?

M. Bernard COURCELLE : Oui, il s’agit d’un parti légal.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Vous avez dit que les membres du DPS devaient être disciplinés. Qu’entendez-vous par là ?

M. Bernard COURCELLE : Il s’agit, lorsqu’on assure une mission de sécurité, d’écouter le responsable du secteur ; que l’on soit chargé de la sécurité incendie, de l’évacuation, du contrôle d’accès ou du parking, il convient d’exécuter les ordres donnés.

Par exemple, les personnes chargées du contrôle d’accès ne doivent pas faire rentrer tous leurs copains et copines, mais simplement les personnes munies d’un ticket. Celles qui sont près d’une bouche incendie ne doivent pas quitter leur poste si on leur donne l’ordre de rester là pendant une heure. Il s’agit d’avoir une discipline pendant la réunion. C’est la même chose pour les personnes chargées du secourisme.

M. le Président : Y avait-il des sanctions ?

M. Bernard COURCELLE : Les personnes qui abandonnaient leur poste n’étaient jamais rappelées, bien entendu. Cela est beaucoup trop grave. Car, si le rôle des membres du DPS était, d’une part, de faire de l’ordre parmi ses propres militants ; il s’agissait également dans l’hypothèse d’une agression - un service d’ordre aurait d’ailleurs bien servi à certains, au cours d’une campagne -, de protéger les militants et les personnalités ou les élus, sans pour cela se substituer aux forces de l’ordre.

Leur rôle principal est donc d’assurer la sécurité sur un site, avec un secteur bien déterminé. D’ailleurs, avant chaque réunion, un président de séance est nommé, il se met en rapport avec la préfecture ou les services de police compétents pour déterminer les tâches à accomplir.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Existe-t-il un système de formation ? Vous dites en effet que vous recrutiez des chômeurs ou des Rmistes, qui venaient bénévolement : les formiez-vous donc au secourisme, ou encore au maniement des armes, aux techniques de combat, etc. ?

M. Bernard COURCELLE : Tout d’abord, je voudrais dire que ce n’est pas parce qu’un individu est au chômage ou au RMI que c’est un abruti !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Je n’ai pas dit cela !

M. Bernard COURCELLE : Les seules formations qui ont eu lieu étaient relatives à la réglementation des établissements recevant du public. Elles étaient assurées par un ingénieur en sécurité civile, M. Marcel Peuch. En outre, par l’envoi régulier des comptes rendus du Journal Officiel, je tenais les responsables au courant de la réglementation et de la législation concernant les services d’ordre, les matériels à utiliser et à ne pas utiliser, etc..

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il n’y a pas de formation au combat, au tir, etc. Cela n’existe pas. Je n’en ai jamais ordonné et je les ai toujours déconseillées, sachant que cela serait mal interprété. En outre, nous n’avions pas les moyens. Il était déjà très difficile d’organiser des réunions d’information pour les cadres.

C’est la raison pour laquelle, parmi les nouveaux volontaires, nous choisissions les personnes qui avaient leur diplôme de secourisme (IGH1, IGH2, ERP1, ERP2). La sécurité des militants sur les sites et dans les réunions était, à mes yeux, essentielle. Au total donc, le service d’ordre assurait, d’une part, l’ordre parmi nos propres militants et, d’autre part, leur sécurité sur les sites des réunions - sécurité incendie, contrôle d’accès, surveillance, évacuation.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Fouille à corps ?

M. Bernard COURCELLE : Forcément. Sur le site, la fouille à corps est autorisée, alors qu’elle ne l’est pas sur la voie publique. Nous utilisions donc des gants, des portiques, des détecteurs de métaux et les gens ouvraient eux-mêmes leur sac. Il est hors de question que les gens entrent avec quoi que ce soit ; vous savez qu’il y a aussi des provocateurs qui peuvent lancer une bombe lacrymogène dans la salle.

M. le Président : Et concernant Montceau-les-Mines et les images que nous avons vues à la télévision - une UMI (unité mobile d’intervention), je suppose -, il s’agissait d’un rassemblement spontané de membres du service d’ordre, qui n’ont jamais eu de formation ? Le groupe que nous avons vu à la télévision faisait du maintien de l’ordre à la place de la police, comme cela, spontanément ? Ils n’ont jamais eu de formation ?

M. Bernard COURCELLE : Il n’y a jamais eu de poursuites judiciaires contre les membres du service d’ordre.

M. le Président : Je ne vous parle pas des poursuites judiciaires. Vous nous dites qu’il s’agit d’un service d’ordre bon enfant de militants qui sont responsables des problèmes de sécurité... Ce que nous avons vu à la télévision, à Montceau-les-Mines, c’était tout de même bien organisé ? Il y avait bien là un groupe d’hommes qui, manifestement, maîtrisaient les questions de service d’ordre !

M. Bernard COURCELLE : A douze contre trois cents !

M. le Président : A douze ?

M. Bernard COURCELLE : Douze ou vingt, oui. Contre deux cents ou trois cents personnes qui jetaient des cailloux et qui ont cassé un mur de la municipalité pour jeter des parpaings ! Nous avons même eu une personne dans le coma, et un autre blessé par arme à feu, monsieur le président.

M. le Président : Monsieur Courcelle, répondez aux questions. Il y avait douze, vingt - ou un peu plus - personnes casquées, avec le même uniforme et qui, manifestement, avaient une maîtrise du service d’ordre. C’était spontané ? Il n’y avait aucune formation ?

M. Bernard COURCELLE : Les personnes qui étaient sur place avaient une trentaine d’années, elles savaient donc rester calmes ; ce n’était pas de jeunes excités.

Par ailleurs, monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, sachez que les personnes de la région de Montceau-les-Mines connaissent les adversaires politiques et les jeunes qui viennent en général hurler devant nos réunions. Et il est fréquent, particulièrement à Montceau-les-Mines, que l’on nous jette des pierres ou des billes d’acier tirées avec des frondes. C’est la raison pour laquelle le responsable de la manifestation, qui savait ce qui pouvait se passer, a conseillé aux membres du DPS qui avaient des casques de les mettre dans leur coffre de voiture et de prendre des boucliers pour protéger, au cas où ce serait l’Intifada, la personnalité présente - en l’occurrence M. Bruno Gollnisch - lorsqu’elle sortirait et entrerait dans son véhicule. Les précautions étaient prises, car nous connaissions les individus qui allaient être sur place.

Et cela n’a pas raté. Les journalistes qui ont filmé se sont protégés derrière le service d’ordre, qui s’est défendu. La police n’est pas intervenue, parce que le préfet avait donné l’ordre au commissaire de ne pas bouger, ce qui est totalement scandaleux et anormal. Un des nôtres est tombé dans le coma parce qu’il a pris une bille ou un caillou dans la tête. C’est à ce moment-là qu’ils ont appelé les pompiers. Les pompiers se sont fait attaquer et n’ont pas pu arriver sur place. Il a fallu que le personnel du service d’ordre fasse une simili-charge pour dégager les pompiers. Et quand les pompiers sont repartis avec le blessé, ils ont été de nouveau attaqués. C’est à ce moment-là que le responsable des pompiers a téléphoné au commissariat et a hurlé ; les voitures de police sont alors arrivées. Mais ils avaient l’ordre de ne pas bouger. Les gens étaient véritablement en train de se faire lyncher ; il a donc bien fallu mettre un casque et prendre un bouclier pour se défendre.

M. le Président : Ce n’est pas la question que je vous posais. Je ne vous posais pas de question sur le déroulement des événements de Montceau-les-Mines, sur lesquels nous pourrons revenir tout à l’heure.

Manifestement, lorsque nous regardons les images, on voit bien qu’il y avait un groupe d’hommes qui, par leur tenue et par leur expérience, maîtrisaient les questions de service d’ordre. Je répète ma question : il n’y a pas d’entraînement ?

M. Bernard COURCELLE : Non, il n’y a pas d’entraînement. Mais les personnes sont aguerries puisque nous sommes toujours attaqués lors des manifestations. Il n’y a pas une réunion sans actes de violence contre nous. C’est sans arrêt : on nous jette des pierres, des cailloux, des oeufs congelés. Ceux qui sont à l’extérieur et qui surveillent les parkings sont souvent agressés. Les forces de l’ordre font en général très bien leur travail et arrivent à séparer les belligérants.

Lorsque nous avons des blessés graves, on n’en parle jamais. D’ailleurs, à Montceau-les-Mines, M. Gérard Le Vert a été blessé à la main par arme à feu ; on n’en a pas parlé. Il a porté plainte, des mains courantes ont été faites... Le commissaire a insisté pour faire des mains courantes et il n’a jamais pu déposer une plainte ; il aurait dû insister.

M. Robert GAIA : Nous avons bien compris que vous n’aviez aucun contact avec le Groupe Onze, si ce n’est des contacts familiaux.

M. Bernard COURCELLE : Oui, monsieur le député.

M. Robert GAIA : Et avec le Groupe Onze International, vous avez des contacts ?

M. Bernard COURCELLE : C’est la même chose, c’est mon frère. C’est une filiale du Groupe Onze.

M. Robert GAIA : Oui, mais c’est M. Thierry Rouffaud qui la dirige.

M. Bernard COURCELLE : Peut-être oui ; je ne sais pas qui est l’adjoint de mon frère.

M. Robert GAIA : Pour revenir au Zaïre ou aux voyages exotiques, il n’y a eu aucun contact avec cette personne ?

M. Bernard COURCELLE : Cela n’a rien avoir avec le DPS, ni avec moi.

M. Robert GAIA : Connaissez-vous Mme Diane Roazen ?

M. Bernard COURCELLE : Oui.

M. Robert GAIA : Vous aviez des relations avec cette personne ?

M. Bernard COURCELLE : Je l’ai vue en Tchétchénie et au salon du Bourget.

M. Robert GAIA : Avec M. Fradin ?

M. Bernard COURCELLE : Avec M. Fradin, oui. C’est eux qui organisaient le salon.

M. Robert GAIA : Connaissez-vous la société Joy Slovakia ?

M. Bernard COURCELLE : Ah ça, c’est celle de Marty Cappiau, je connais de nom.

M. Robert GAIA : Vous n’avez jamais travaillé pour elle ?

M. Bernard COURCELLE : Non.

M. Robert GAIA : Même à l’époque de Luchaire ?

M. Bernard COURCELLE : Même à l’époque de Luchaire. A cette époque, j’étais le garde du corps de Daniel Dewavrin, j’avais pas mal de souci, car Action directe voulait le tuer. J’assurais donc une protection armée. Cela faisait des journées assez tendues, auxquelles s’ajoutait la sécurité de la division armement.

M. Robert GAIA : Je prends acte de votre efficacité, car lorsque vous protégez quelqu’un, il ne meurt pas !

En revanche, M. Jean-Pierre Poulet-Dachary est mort. Avez-vous mené une enquête interne au niveau du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : J’ai essayé, en effet, d’obtenir quelques informations, mais cela n’a pas donné grand-chose.

M. Robert GAIA : Etes-vous au courant d’une seconde enquête qui aurait été menée pour le Front National par M. Gilbert Lecavelier ?

M. Bernard COURCELLE : Non, je ne suis pas au courant. Je suis ravi de l’apprendre.

M. Robert GAIA : Vous devez le savoir... Enfin, vous nous avez dit que vous ne vouliez en aucun cas vous substituer aux forces de l’ordre. Mais, à Montceau-les-Mines, vous étiez en uniforme et vous avez agi comme les forces de l’ordre. Et vous venez de dire que le préfet avait reçu l’ordre du ministre de ne pas intervenir.

M. Bernard COURCELLE : Non, je n’ai pas dit cela, monsieur le député. J’ai dit que le préfet aurait donné l’ordre aux policiers de ne pas intervenir.

M. le Rapporteur : Quelle est votre déclaration définitive, monsieur Courcelle : " le préfet a donné l’ordre aux policiers de ne pas intervenir " ou " le préfet aurait donné l’ordre aux policiers de ne pas intervenir " ?

M. Bernard COURCELLE : On m’a dit que le préfet aurait donné l’ordre aux policiers de ne pas intervenir. Je ne peux pas en être certain, je n’étais pas dans le bureau du préfet.

M. Robert GAIA : Monsieur Courcelle, vous nous avez bien décrit le rôle de tout service d’ordre classique. Vous prenez contact chaque fois qu’il y a une manifestation.

M. Bernard COURCELLE : Moi ou mes responsables.

M. Robert GAIA : Vous faites donc une déclaration préalable, puis vous avez un contact au niveau de la préfecture ou des services de police, avec un référant chez vous. Ce qui veut dire, si l’on revient aux événements de Montceau-les-Mines, qu’à un moment donné votre référant a fait appel...

M. Bernard COURCELLE : Tout à fait.

M. Robert GAIA : J’en viens maintenant aux événements de Strasbourg, où des contrôles d’identité ont été effectués à l’extérieur d’un site que vous aviez à protéger.

M. Bernard COURCELLE : Cela n’a rien à voir avec le service d’ordre. Cela a été effectué à titre individuel et ne nous concerne pas. Ils ont commis la grosse erreur de ne pas attendre les gendarmes, que j’ai appelés moi-même. Ces personnes m’ont appelé de l’hôtel Hilton, où il y avait d’ailleurs une alerte à la bombe, pour me dire que des individus traînaient. Je dois vous informer que, la veille, des véhicules avaient été cassés. Des personnes étaient venues se renseigner pour savoir dans quel hôtel étaient hébergés les membres du Front National et avaient crevé les pneus et cassé les pare-brise des véhicules. Tout cela est très fréquent...

Lorsque les deux membres du DPS qui assuraient la sécurité - et ce, pour la première ou deuxième fois - ont aperçu ces personnes, ils m’ont demandé ce qu’il fallait faire. Je leur ai dit d’appeler les gendarmes et de ne pas se mêler de ce que ces rôdeurs faisaient. Ils sont ensuite allés voir les personnes qui se présentaient et qui étaient passées par-dessus la grille. Ils auraient dû les bloquer et attendre les gendarmes mais n’auraient pas dû aller fouiller la voiture, etc.. Une fois qu’ils avaient effectué la fouille, ils sont rentrés à l’hôtel et les gendarmes sont arrivés après. Les articles 122 du code pénal et 73 du code de procédure pénale sont très explicites : ils auraient dû attendre les gendarmes. Ils ne les ont pas attendus, tant pis pour eux. Ces deux membres étaient en dehors de la mission de sécurité. Je suis responsable de ce qui se passe dans le service d’ordre pendant la réunion, et si des individus commettent des actes délictueux en dehors, c’est de leur responsabilité propre.

M. Robert GAIA : Pouvez-vous nous parler des liaisons entre la police et votre responsable à Montceau-les-Mines ?

M. Bernard COURCELLE : Vous aurez tout le loisir d’interroger le responsable qui était présent à Montceau-les-Mines la semaine prochaine, puisqu’il s’agit de M. Gérard Le Vert

 lui et M. Christian Launay m’ont affirmé que le commissariat les avait assurés que les effectifs seraient présents. Lorsque les jeunes ont commencé à jeter des cailloux et à se regrouper, le commissariat a été appelé par le responsable politique local et par M. Bruno Gollnisch lui-même. Rien à faire : les policiers ne se déplaçaient pas. Il a fallu que les pompiers viennent pour l’un des nôtres qui avait reçu un caillou ou une bille dans la tête et était dans le coma pour que les policiers se déplacent.

M. Robert GAIA : C’est à ce moment-là que vous avez acheté les uniformes ?

M. Bernard COURCELLE : Il n’y a jamais eu d’achat d’uniformes.

M. le Président : Il y a bien une tenue n° 2 ?

M. Bernard COURCELLE : La tenue n° 2 se compose d’un blouson, que je préfère bleu marine - je déteste les " bombers " noirs -, de jeans et de baskets. La tenue n° 2 est portée par les personnes qui sont en surveillance extérieure - parking, jardins publics, etc.

M. le Président : A Montceau-les-Mines, les membres du DPS avaient quelle tenue ?

M. Bernard COURCELLE : Les membres qui accompagnaient les personnalités, qui étaient en contact avec le public, étaient en tenue n° 1.

M. le Président : Et ceux que nous avons vu à la télévision, quelle tenue avaient-ils ?

M. Bernard COURCELLE : La tenue n° 2, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas en costume.

M. le Président : Tenue n° 2, cela signifie : pas de costume, casque bouclier, matraque ?

M. Bernard COURCELLE : La tenue n° 2 ne veut pas dire casque et bouclier obligatoires ! Je suis devant une assemblée qui est totalement opposée au Front National, et risque donc d’être juge et partie ! Mais quand je vous dis certaines choses, ayez la grâce au moins de...

M. Robert GAIA : Monsieur Courcelle, on vous entend suffisamment dans la presse...

M. Bernard COURCELLE : Moins que vous !

M. Robert GAIA : On vous entend souvent ! Je suis surpris que vous ne nous disiez pas : " A Montceau-les-Mines, il y a eu une bavure ". Vous dites toujours le contraire ! Vous aviez des membres casqués, en uniforme, avec des matraques, qui s’identifient aux forces de l’ordre, et vous me dites que ce n’est pas la tenue n° 2 !

M. Bernard COURCELLE : C’est la tenue n° 2. Ils étaient dans cette tenue, et quand il a commencé à pleuvoir des cailloux, ils ont mis leur casque et pris leur bouclier.

M. le Rapporteur : Combien étiez-vous en réalité : 20 contre 300, comme vous le prétendez, ou 40 contre 60, comme l’estiment les services de police ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’étais pas sur place, c’est ce que l’on m’a rapporté.

Je tiens à préciser qu’il n’y a pas d’uniforme. La nuit, avec un blouson bleu marine et des jeans, tout le monde se ressemble. Une erreur avait d’ailleurs était commise par FR3, qui prétendait, à Strasbourg, que les membres du DPS avaient le même uniforme que les forces de police. Pour appuyer ces propos, le journaliste de FR3 du journal du soir avait fait un arrêt sur image, sur laquelle un personnage était encerclé - un policier -, puis un autre - un membre du DPS. Or, il y avait très peu de différence, et pour cause puisqu’il s’agissait de deux policiers, le deuxième étant un membre de la brigade canine de Strasbourg qui était venue faire le déminage ! Evidemment, le service juridique du Front National n’a pas porté plainte contre FR3, ni fait de démenti...

M. Robert GAIA : Et en ce qui concerne M. Jean-Pierre Poulet-Dachary ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’ai jamais pu savoir ce qui s’était exactement passé. Mais je ne pense pas que ce soit les membres du DPS qui aient fait une chose pareille.

Mme Odile SAUGUES : Vous venez de dire que vous êtes devant une assemblée hostile au Front National et que nous risquerions d’être juge et partie. Je voudrais tout de même vous rappeler qu’il y a des faits avérés et que nous devons les examiner. Je crois donc que vous êtes en train de retourner la situation ; il faudrait cesser ce jeu !

M. Bernard COURCELLE : Loin de moi cette pensée.

Mme Odile SAUGUES : Par ailleurs, vous aurez du mal à me persuader de votre mode de recrutement ; vous nous dites que les membres du DPS ne sont pas payés, ni forcément encartés, ni militants, qu’ils reçoivent des coups, qu’ils sont brimés, que leur famille peut en subir les conséquences, etc.. Que viennent-ils donc chercher chez vous ? Quel est le lien qui les unit ? Tout cela me paraît difficile à croire !

M. Bernard COURCELLE : Tout cela est pourtant la vérité, madame la députée. Les membres du DPS ne sont pas payés et je souhaite à tous les partis politiques d’avoir autant de bénévoles.

Mme Odile SAUGUES : Ils paient même leur costume !

M. Bernard COURCELLE : Absolument, ils achètent même leur costume. Vous pouvez interroger tous les DPS de France, vous aurez la même réponse ! Ils suivent le Front National ; il s’agit pour eux d’une façon de militer. S’ils font partie du service d’ordre, c’est qu’ils sont militants ; vous ne pouvez pas dire le contraire. Pour ceux qui ne sont pas encartés, ce seul geste de bénévolat est un acte de militantisme.

M. Jacky DARNE : Vous nous avez expliqué que vous étiez intervenu pour éliminer une population " à risque " du service d’ordre. A l’inverse, les meilleurs éléments ne sont-ils pas, quant à eux, recensés pour constituer un deuxième niveau dans l’organisation du service d’ordre ? Car nous savons tous qu’il existe un premier service d’ordre

 l’encadrement de manifestations publiques qui ne posent pas de problème -, et, par ailleurs, un niveau supérieur qui nécessite des personnes plus aguerries, plus entraînées et plus équipées, susceptibles d’intervenir dans des cas plus difficiles.

M. Bernard COURCELLE : Où nous sommes particulièrement agressés.

M. Jacky DARNE : Plusieurs personnes que nous avons auditionnées ont utilisé un certain nombre de qualificatifs pour ce second niveau d’organisation, notamment les " unités mobiles d’intervention ". Comment êtes-vous structurés lors des missions les plus difficiles ? Quelles sont-elles ? Comment recensez-vous les membres du service d’ordre les plus aptes à assurer ces missions ?

M. Bernard COURCELLE : Les missions les plus difficiles sont celles où nous sommes agressés. Nous devons protéger les militants. Les bons éléments ressortent d’eux-mêmes ; ce sont ceux qui gardent la tête froide, qui restent calmes, savent protéger les militants et parer aux plus mauvais coups.

Par ailleurs, il n’y avait pas d’UMI, je n’ai jamais monté de groupe UMI lorsque j’étais au DPS. Avant mon arrivée, il y a eu des gens qui s’appelaient les UMI parmi les membres du service d’ordre ; il s’agissait des personnes les plus aguerries et qui intervenaient lors des violentes agressions.

Comme je vous l’ai expliqué, les membres du DPS sont disposés pour assurer la sécurité de tous les militants - incendie, contrôle d’accès, surveillance, etc. Les personnes les plus calmes, les plus aguerries ou qui possèdent une certaine expérience professionnelle - qu’elles soient pompiers, anciens policiers, anciens salariés d’une société de sécurité ou même sportifs - sont positionnées dans les zones les plus difficiles. Cela se passe ainsi dans les services d’ordre, notamment à la C.G.T., qui dispose d’un très beau service d’ordre.

C’est à cet effet que j’ai écrit différentes notes pour interdire les armes. Je ne voulais pas entendre parler d’armes, ni d’objets pouvant être considérés comme armes par destination.

M. le Président : Vous craigniez donc l’utilisation d’armes ?

M. Bernard COURCELLE : Tous les responsables de services d’ordre craignent ce genre de chose. J’en ai parlé avec des collègues d’autres services d’ordre de partis politiques. Et il est normal qu’il appartienne aux responsables de veiller à ce que ce genre de choses n’arrive pas. D’ailleurs, si l’un d’entre eux est arrêté avec une arme sur lui, il est hors de question que nous le défendions ou le protégions.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Si des membres du service d’ordre étaient pris avec des armes, les renvoyiez-vous ?

M. Bernard COURCELLE : Absolument, que ce soit en cas de détention d’armes, d’ébriété, d’abandon de poste, de non-respect des consignes ou de langage non conforme.

M. Robert GAIA : Vous avez fait des circulaires ?

M. Bernard COURCELLE : Bien entendu, pour interdire les armes, pour exiger de la correction dans la tenue, l’attitude et le langage, l’obéissance au chef de secteur, pour que les membres du service d’ordre ne se substituent pas aux forces de l’ordre, qu’ils ne dépassent pas leur périmètre, etc.. C’est en cela que les personnes qui ont effectué un contrôle d’identité à Strasbourg ont eu tort de ne pas attendre l’arrivée de la police, conformément aux articles 122 du code pénal et 73 du code de procédure pénale. Ils ont été défendus, mais pas félicités, loin de là.

M. Robert GAIA : Pourriez-vous nous communiquer ces circulaires ?

M. Bernard COURCELLE : Je ne suis plus à mon bureau, mais je vais demander à ma secrétaire et vous les faire parvenir.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Pourriez-vous nous dire où les membres du DPS se fournissent en matraques électriques ?

M. Bernard COURCELLE : Très peu de membres utilisent des matraques électriques. Je n’en ai jamais acheté, je n’en ai jamais fait acheter. De telles matraques s’achètent dans toutes les armureries.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Avez-vous une idée du nombre d’anciens militaires, notamment anciens gendarmes, qui pouvaient vous apporter leurs compétences ?

Par ailleurs, avez-vous été amené à faire du renseignement, aussi bien en interne qu’en externe ?

M. Bernard COURCELLE : Faire du renseignement demande toujours beaucoup de moyens...

S’agissant de la compétence du personnel de sécurité, on constate que les militaires sont davantage présents dans le Sud de la France, le Sud-Ouest - la région bordelaise - et, parfois, en Alsace-Lorraine. Il est vrai que, par leur formation, les anciens militaires, les anciens gendarmes sont habitués à garder un certain sang-froid et savent régler le conflit de bonne façon. Plus il y avait d’anciens militaires et d’anciens gendarmes, plus j’étais satisfait. Ce sont des personnes sur lesquelles on peut compter et qui connaissent la législation, notamment les gendarmes.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Les acceptiez-vous, s’ils étaient en activité, au sein du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : Je déconseillais aux militaires en activité de faire partie du DPS, car cela risquait de leur poser des problèmes de carrière. Je ne souhaitais pas non plus recruter des policiers en activité. Des gendarmes en activité, il n’y en avait pas.

M. Robert GAIA : Et des gendarmes de réserve ?

M. Bernard COURCELLE : Oui, peut-être.

M. le Président : Il y avait également des agents de société de sécurité...

M. Bernard COURCELLE : Oui.

M. le Président : ...qui étaient des responsables départementaux du DPS : au 1er décembre 1998, il y en avait neuf.

M. Bernard COURCELLE : Cela est tout à fait possible ; je n’ai pas de détails aussi précis en mémoire.

S’agissant des activités de renseignement, pour qui et envers qui ? Lorsqu’on avait l’intention de nommer un responsable départemental ou régional, nous essayions d’avoir des renseignements, par ses amis notamment, nous menions ce que les gendarmes appellent une enquête d’environnement afin de savoir s’il s’agissait d’une personne calme et responsable. Nous demandions également à la personne de nous faire un curriculum vitae. Mais nous ne faisions pas d’enquêtes approfondies ; nous ne sommes pas une administration et n’avions pas les moyens de faire du renseignement au deuxième ou troisième échelon.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Avez-vous été amené à surveiller des personnes ?

M. Bernard COURCELLE : Non. " Surveiller ", c’est-à-dire mettre en place un dispositif pour les suivre... ?

M. le Président : Certaines personnes que nous avons auditionnées nous ont dit que les membres du DPS prenaient régulièrement des photos.

M. Bernard COURCELLE : Les photos sont prises lors des manifestations, sur la voie publique. C’est autorisé.

M. le Président : Ma question ne porte pas sur le fait de savoir si cela est autorisé, mais de déterminer si un système a été mis en place avec prises de photos.

M. Bernard COURCELLE : Ce n’est pas véritablement un système. J’aurais aimé offrir un appareil photo à chaque responsable départemental, ou un caméscope pour filmer leur manifestation, puis faire un debriefing.

Ponctuellement, oui, des photos sont prises dans des manifestations, mais pas dans le but précis d’espionner. D’identifier, oui, dans certains cas. Et cela nous a été utile, l’année dernière, d’identifier les personnes du Bétar qui nous ont agressés au cours de la manifestation du 1er mai. Nous avons pu donner pas mal de photos à la police.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Le Front National se livre-t-il, lui, à des actions de surveillance ?

M. Bernard COURCELLE : Pas avec moi. Je n’ai jamais autorisé ce genre de pratiques. Nous ne sommes pas officiers de police judiciaire, nous n’avons pas à faire ce genre d’activités répréhensibles.

M. le Président : Une journaliste, qui s’occupe du Front National, nous a dit avoir eu des problèmes avec son courrier, son téléphone et que des pressions étaient exercées sur ses parents. Cela a cessé lorsqu’elle est intervenue auprès d’une dirigeante du Front National. Tout cela est indépendant du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : Si l’on m’avait demandé de faire une chose pareille, j’aurais refusé tout net. Ce n’est pas dans mes principes. Si certains prennent la liberté de faire ce genre de choses, sachez que je n’apprécie pas. J’ai d’ailleurs eu quelques mots avec certaines personnes, même au sein de l’établissement.

M. André VAUCHEZ : Il faut reconnaître, monsieur Courcelle, que le service d’ordre du Front National est particulier.

M. Bernard COURCELLE : Pas autant que le Béthar.

M. André VAUCHEZ : Vous avez déclaré que sa première mission était de protéger ses militants. Cela veut-il dire que vous ne faites pas confiance à la police républicaine ?

Quant à l’autre mission dévolue à un service d’ordre, qui consiste à éviter les débordements lors de manifestations, c’est le problème de tous les partis politiques : on évite que nos militants, emportés par leur élan, ne se livrent à des débordements. Or, il semble que vous la mettiez en deuxième position.

S’agissant des costumes, vous faites apparemment tout pour maintenir une certaine confusion : pourquoi ne pas éviter cela en trouvant une tenue qui convient à ce type de manifestation, par exemple, une tenue fluo ?

Apparemment, l’interdiction des armes est pour vous un leitmotiv. Pourquoi insistez-vous particulièrement sur ce point ? Est-ce parce que vous employez un grand nombre de personnes issues des sociétés de gardiennage qui pourraient détenir des armes ? N’est-ce pas davantage lié au sentiment, très répandu au sein du Front National et du DPS, que vous êtes agressés en permanence et que le danger vient de l’extérieur ? Vous disposez en effet de matériels dits de défense, notamment de matraques électriques. Que pouvez-vous dire sur ce sujet ? Cette paranoïa de l’agression permanente n’est-elle pas porteuse de danger, notamment en cas de débordement, comme à Strasbourg ?

Enfin, on entend parler, au Front National et au DPS, de " barbouzes " : y a-t-il des personnes, autour du DPS, qui peuvent être appelées ainsi ?

M. Bernard COURCELLE : Les événements de Strasbourg étaient vraiment très bénins.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, j’ai dit que le premier rôle du service d’ordre était d’assurer l’ordre au sein de nos propres militants. Il s’agit d’un service d’ordre interne qui n’a pas vocation à faire de la sécurité extérieure, ni à s’occuper de qui que ce soit sur la voie publique. Il contrôle ses propres militants pour éviter ses propres débordements. Il est fréquent que les services d’ordre de FO, de la CGT ou du parti communiste contrôlent leurs propres militants. Dans tous les partis politiques, il y a des brebis galeuses que l’on se doit de contrôler ; c’est la moindre des choses de la part de personnes responsables de la sécurité d’une manifestation en liaison avec les forces de l’ordre.

Lorsque je parle de protéger nos militants, cela veut dire leur assurer une sécurité réelle, que ce soit en matière d’évacuation ou d’incendie. Vous savez très bien que dans les meetings, il y a toujours des incidents : des femmes enceintes qui s’évanouissent, des enfants qui se coupent, et parfois des choses plus graves. La première chose est donc de veiller au confort et à la sécurité des personnes qui assistent à ces réunions.

Il nous est demandé d’être en liaison avec les forces de l’ordre pour coordonner ce qui doit être fait, surtout s’il s’agit d’une manifestation sur la voie publique, par exemple d’un défilé.

En cas d’agression, si les effectifs des forces de l’ordre ne sont pas suffisants

 du fait de la mauvaise volonté d’un préfet, d’un directeur départemental de la police ou d’un directeur départemental de la sécurité publique -, et que les contre-manifestants arrivent à s’en prendre physiquement à nous, notre devoir est de protéger nos propres militants. Vous savez notamment qu’il y a de nombreuses personnes âgées au Front National. Ceci ne relève pas d’une paranoïa d’agressions permanentes ; ce sont des faits réels. Il y a quand même eu plus de onze tués parmi les militants du Front National, parfois de façon abjecte et répugnante - à coups de pied dans la tête jusqu’à ce que mort s’ensuive ou à coups de fusils, par exemple.

Tels étaient mes soucis permanents. Tout le reste, les délires d’enquête sur les journalistes, etc., c’est complètement loufoque ; je n’avais pas de temps à perdre avec ce genre d’activité. Je n’ai pris que très peu de vacances durant ces cinq dernières années, parfois pas même 15 jours de vacances par an. Il y avait toujours une action politique du Front National quelque part en France : sans être physiquement présent, je devais être joignable en permanence et répéter sans cesse les consignes relatives à la réglementation.

M. André VAUCHEZ : Si vous insistiez sur le fait que les armes étaient interdites, c’est bien parce que vous pensiez que les membres du DPS étaient fragiles ?

M. Bernard COURCELLE : Demandez aux responsables des autres services d’ordre, que ce soit celui du parti communiste, du parti socialiste ou du RPR : ils craignent tous qu’un individu vienne avec une arme.

M. Arthur PAECHT : Monsieur Courcelle, je voudrais revenir sur le recrutement de vos bénévoles. Vous nous avez dit que vous refusiez les individus type skinhead. Ma question est simple : pourquoi ? Est-ce parce que vous estimiez qu’ils n’étaient pas capables d’assumer cette tâche ou parce qu’ils étaient porteurs de signes qui faisaient référence à l’idéologie nazie, au racisme, à l’antisémitisme et que vous réprouvez ces thèses ?

Si vous condamnez ces thèses, je voudrais que vous m’expliquiez comment certains faits peuvent se produire. Il s’agit d’une aventure qui m’est arrivée personnellement. Je me suis présenté en " tenue n° 2 " à la fête du livre organisée par le Front National à Toulon, place de la Liberté, quand une personne du DPS, en tenue n° 1, a montré une photo à son collègue et est venu me trouver pour me dire " tu n’entres pas là, tu n’as rien à faire ici ! ", en ajoutant quelques qualificatifs faisant allusion à mes origines étrangères. Je suis reparti et j’ai envoyé mon épouse, qui est corse, elle, et qui, manifestement, n’avait pas été photographiée, afin d’entrer voir ce que l’on vendait. On y vendait " Mein Kampf ", " Le Juif Süss " et autres ouvrages de la même veine.

Si vous réprouvez les thèses nazies, comment se fait-il que le DPS protège ce type de manifestation ? N’y a-t-il pas là une contradiction entre l’image que vous voulez nous donner aujourd’hui, rassurante par certains côtés et la réalité, déplaisante, telle que l’ai vécue ?

M. Bernard COURCELLE : S’agissant des jeunes de type skinhead qui se présentaient

 sachant que beaucoup de jeunes ont aujourd’hui le crâne rasé - il n’y a qu’à voir certains sportifs ...

M. Arthur PAECHT : Il y a néanmoins des variantes : avec ou sans croix gammée !

M. Bernard COURCELLE : Oui, si vous voulez, on peut pousser le détail jusque là...

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Parce qu’il s’agit d’un détail pour vous ?

M. Bernard COURCELLE : Je vous en prie, madame... Je pense que cette Assemblée est de plus haute volée.

S’agissant donc de votre première question, certains skinheads sont des jeunes qui sont peu ou pas contrôlables ; de ce fait, ils ne sont pas les bienvenus dans un service d’ordre. En effet, nous ne voulons pas de jeunes qui ne respectent pas les consignes et qui ne cherchent qu’à se battre avec les contre-manifestants. Pour ce qui concerne leurs motivations et les raisons de leur agressivité à l’égard de certaines franges de la population, c’est un autre domaine. Pour ma part, je ne les accepte pas parce qu’ils ne sont pas contrôlables.

D’autres peuvent avoir une apparence assez proche de celle des skinheads tout en ayant une once de réflexion ; ceux-là, s’ils ne sont pas des excités qui tendent le bras dès qu’ils ont bu trois bières, nous les acceptons. En parlant de bras tendu, il convient de savoir que des provocateurs, issus des partis de gauche, s’introduisent dans nos manifestations et se font photographier le bras tendu en se faisant passer pour des membres du service d’ordre ou des militants du Front National. Une enquête l’a prouvé.

S’agissant de l’idéologie, sachez que je ne suis ni nazi ni raciste, que je suis né au Cameroun et que j’ai de nombreux amis africains. Je n’ai pas d’amis nazis, mon père est décoré de la légion d’honneur et de la fourragère de la croix de guerre et s’est battu contre les Allemands. J’ai été élevé de bonne façon, dans les traditions républicaines et ce genre d’attitudes nazillonnes ne m’intéresse pas.

Les thèses du Front National ne sont pas des thèses de nazis, sinon le parti n’existerait pas. Le Front National est un parti autorisé, légal. J’adhère au programme politique de ce parti, mais je ne suis pas en accord avec les individus qui se réfèrent aux nazis et à l’Allemagne ; le Front National n’a d’ailleurs rien à voir avec le parti nazi allemand.

M. Arthur PAECHT : Expliquez-moi alors pourquoi le DPS protège une manifestation où sont exposés des ouvrages prônant le nazisme ?

M. Bernard COURCELLE : Lorsqu’un responsable politique du Front National - et notamment le maire de la ville - organise une manifestation, on sollicite des personnels de sécurité pour protéger à la fois les militants et le site. Mais, tous les DPS de base n’adhèrent pas forcément à ce qui se passe. Les membres du service d’ordre sont là pour assurer une sécurité physique des lieux et non pas une police politique.

M. Arthur PAECHT : Et en quoi étais-je dangereux ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’en sais rien !

M. le Président : Puisque M. Paecht a été pris en photo, c’est qu’il y a bien du renseignement extérieur qui est effectué.

M. Bernard COURCELLE : Je ne suis pas du tout au courant de ce genre de pratique. Je n’ai jamais autorisé ce genre d’attitude, je n’ai jamais ordonné de prendre des photos de qui que ce soit. Maintenant, si un responsable politique donne une photo à une personne qu’il connaît en lui donnant l’ordre d’empêcher l’individu en question de rentrer... Ce n’est pas du ressort du DPS. Et je le regrette, car si j’avais été au courant de cette affaire, je n’aurais certainement pas abondé dans ce sens.

M. Noël MAMERE : En conclusion, d’après les différentes réponses que vous avez apportées à des questions très précises, il semble que vous n’aviez finalement pas beaucoup de pouvoir sur les hommes que vous dirigiez ; chaque fois qu’ils agissaient en dehors du règlement, vous exprimez votre incapacité à les contrôler. Et ce que vient de dire M. Paecht en est un exemple.

Vous vous êtes attaché à démontrer que le DPS respectait les lois. J’aimerais savoir si vous étiez à la manifestation du Front National de Carpentras, le 11 novembre 1995, et si vous confirmez qu’au cours de cette manifestation, le DPS a arrêté un jeune homme, lui a demandé ses papiers d’identité, l’a fouillé, menotté et livré à la police ?

En outre, étiez-vous à la salle Wagram le 22 octobre 1996, lorsque M. Bruno Gollnisch a demandé à ses troupes de se rendre à la place de l’Etoile, alors que, ce n’était pas prévu et que les autorités de police n’étaient pas prévenues ?

Couvrez-vous ces deux manifestations qui ont provoqué des incidents totalement en dehors de la légalité républicaine ?

M. Bernard COURCELLE : J’étais à Carpentras, mais pas à la salle Wagram.

M. Noël MAMERE : Enfin, je souhaiterais savoir quel est le sens que le Front National donne au mot " supplétif ", si vous connaissez M. Dantès, qui serait le responsable des groupes chocs, et que sont ces groupes chocs, enfin si vous confirmez ce qui a été dit dans la presse par M. Charles Pellegrini, à savoir qu’il a joué un rôle d’intermédiaire dans votre arrivée au DPS ?

Je ne vous pose pas de question sur la société Normandy qui, paraît-il, travaille avec le Front National.

M. Bernard COURCELLE : Je n’ai jamais travaillé avec cette société.

M. Noël MAMERE : M. Loustau, vous ne connaissez pas ?

M. Bernard COURCELLE : De nom, oui.

M. Noël MAMERE : Vous vous croisiez de temps en temps ?

M. Bernard COURCELLE : Non.

M. Noël MAMERE : Comme M. Le Pen croisait les personnes de la société ACDS quand il leur rendait régulièrement visite...

M. Bernard COURCELLE : M. de La Croix Vaubois y était directeur du personnel, je crois.

M. Noël MAMERE : Il était donc normal que M. Le Pen s’y rende ! Il s’agissait en quelque sorte d’une visite de courtoisie.

M. Bernard COURCELLE : Pourquoi pas ?

Monsieur le Président, j’étais effectivement à Carpentras le 11 novembre 1995. Une personne a bien été interpellée et menottée, non pas par les membres du DPS, mais par les policiers des services des voyages officiels qui accompagnaient M. Le Pen.

M. Noël MAMERE : Ce n’est pas ce qui disent les personnes que nous avons auditionnées.

M. Bernard COURCELLE : Je me souviens d’une personne interpellée dans une rue perpendiculaire à la place par les policiers des services des voyages officiels.

M. Noël MAMERE : Ce n’est pas ce qui a été dit par la presse et par les témoins que nous avons auditionnés.

M. Bernard COURCELLE : La presse... En ce qui concerne la réunion qui s’est tenue à la salle Wagram, où je n’étais pas, j’ai été entendu par la 4ème DPJ. Je crois qu’une instruction judiciaire est en cours et je me demande si la commission a le droit d’en parler.

S’agissant des groupes chocs, sachez qu’ils n’existent pas. Il ne s’agit que des délires de ce fameux Dominique publiés par Libération.

M. Noël MAMERE : Vous ne connaissez pas M. Dantès ?

M. Bernard COURCELLE : Je ne le connais pas.

M. Noël MAMERE : Et les supplétifs ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’ai jamais employé ce terme. J’avais un service d’ordre composé de volontaires et de quelques auxiliaires.

M. Noël MAMERE : M. Carl Lang, par exemple, n’a aucune relation avec ces supplétifs ?

M. Bernard COURCELLE : Posez-lui la question ! Personnellement, je n’ai jamais employé ce terme. M. Carl Lang ne s’occupait pas du service d’ordre, ou alors bien avant mon arrivée.

Quant à M. Charles Pellegrini, il connaissait M. Jean-Pierre Fabre professionnellement : le premier était commissaire à la brigade de répression du banditisme et le second était capitaine de gendarmerie. Ils avaient en outre le même éditeur. Effectivement, c’est lui qui a donné mon nom à Jean-Pierre Fabre. Il est vrai que, comme l’a dit M. Charles Pellegrini à la télévision, je m’ennuyais alors au musée d’Orsay. C’était d’ailleurs au moment où vous disiez que j’étais garde du corps de Mme Anne Pingeot, ce qui est totalement faux.

M. Noël MAMERE : Dans quelles conditions avez-vous été amené à protéger Mme Veil en 1989 et Mme Anne Pingeot en 1994 ?

M. Bernard COURCELLE : Je n’ai jamais protégé Mme Anne Pingeot, monsieur le Président. Mme Pingeot était l’un des sept conservateurs du musée d’Orsay et s’occupait des sculptures.

M. Noël MAMERE : Alors pourquoi avez-vous dit que vous avez été appelé à le faire à différentes reprises et que vous avez même eu l’occasion d’apercevoir l’ancien président de la République ? C’est ce que disent et vous font dire dans leur livre MM. Romain Rosso et Michaël Darmon. Vous ne leur avez pourtant pas fait de procès ?

M. Bernard COURCELLE : J’ai répondu sur ce point au journal de 20 heures de LCI.

J’avais été averti par un officier de sécurité de l’Elysée que Mme Anne Pingeot, conservateur au musée d’Orsay, avait une fille de François Mitterrand. J’en ai gardé le secret absolu. On m’avait simplement demandé, dans l’hypothèse ou sa fille viendrait, de faire particulièrement attention. Il est vrai que, sa mère travaillant souvent très tard, après les heures de fermeture, je lui facilitais l’accès du musée.

Par ailleurs, lorsque j’ai aperçu le président François Mitterrand au musée d’Orsay, c’était non pas pour des visites privées avec Mme Anne Pingeot, mais pour des visites tout à fait officielles. Je n’ai jamais eu de relations privilégiées avec l’Elysée.

M. Noël MAMERE : Avez-vous protégé Mme Veil ?

M. Bernard COURCELLE : J’ai en effet participé, en tant que garde du corps, à sa campagne européenne de 1989.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Monsieur Courcelle, avez-vous eu l’occasion de vous rendre au château de Neuvy-sur-Barangeon, et dans quelles circonstances ? D’autre part, pourquoi, quand l’un de mes collègues a parlé de M. Gilbert Lecavelier, avez-vous levé les yeux ? Enfin, quelles sont, à votre avis, les perspectives d’évolution du DPS ?

M. Bernard COURCELLE : Je peux vous répondre, mais cette question ne m’intéresse absolument plus ! Je pense que la scission va s’accroître et que la force vive du militantisme, les " bosseurs " sont partis en majorité chez M. Bruno Mégret. Comme disait ce dernier " M. Le Pen est comme une diva qui rate sa sortie ". Ils vont mener leur campagne européenne et obtenir environ 6 ou 7 % chacun.

Vu la manière dont se termine mon passage au Front National en tant que responsable de la sécurité, alors que j’ai tout fait pour qu’il y ait un service d’ordre qui tienne la route et respecte la législation, alors que j’y ai sacrifié beaucoup de mes loisirs, beaucoup de temps, beaucoup d’argent - un certain nombre de choses ne m’ayant jamais été remboursées -, alors que cela a provoqué des tensions importantes au sein de ma famille - mes frères, mes soeurs, ma mère, malade, et mon fils que j’élève seul, ont été touchés - je dois vous dire que ce qui se passe au DPS m’est un peu égal !

M. le Président : Si je comprends bien, vous vous êtes efforcé de faire en sorte que le DPS fonctionne comme un service d’ordre parfait, même si toute une série de questions se sont posées, mais manifestement en dehors de votre responsabilité. Ne craignez-vous pas qu’après votre départ, ce qui s’est produit à Montceau-les-Mines, à Strasbourg se reproduise et que ce que vous avez " réussi à empêcher " ne flambe d’un coup ?

M. Bernard COURCELLE : Je pense avoir empêché beaucoup de choses.

Il y a deux réponses possibles. Premièrement, certaines personnes, me sachant parti, ainsi que d’autres responsables qui savaient tenir leurs groupes, pourront se sentir autorisées à commettre quelques excès. Mais je ne le pense pas ; quelques responsables raisonnables devraient les en empêcher, sachant qu’il y a toujours des conséquences médiatiques et parfois judiciaires qui nuisent à l’image de marque du parti. Il est vrai que certains n’en ont rien à faire...

Deuxièmement, je ne vois pas ce que peut faire le DPS avec ce qui lui reste comme effectifs. Je ne sais pas qui ils vont recruter.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous êtes au chômage. Savez-vous ce que vous allez faire ? Vous avez beaucoup d’amis au Front National...

M. Bernard COURCELLE : J’en ai même au RPR, au parti socialiste et au parti communiste. Mais pas chez les Verts !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Ne craignez-vous pas que votre fonction d’ancien dirigeant du DPS ne vous pose des problèmes pour retrouver du travail ?

M. Bernard COURCELLE : Certainement. Un passage au Front National n’est pas forcément un atout dans un curriculum vitae ! Mais, en tant que responsable de sécurité, je ne pense pas être mal perçu.

M. le Président : Vous avez des relations et une expérience !

M. Bernard COURCELLE : Bien entendu, je me fais un peu de souci, mais il existe des grandes entreprises qui pourraient avoir besoin de mes services.

M. Gilbert Lecavelier est une personne que je n’apprécie pas beaucoup. Il a un parcours et un passé pour le moins controversés, un peu louches. Il est considéré comme indicateur, ancien barbouze, etc. Il aime bien jeter l’opprobre sur toutes les personnes qui lui font un peu d’ombre au niveau de ses sociétés de sécurité. Je n’ai pas voulu avoir de contact avec lui et je ne veux pas entendre parler de ce monsieur qui a essayé de me mettre des bâtons dans les roues.

Quant au château de Neuvy-sur-Barangeon, possédé par l’association Saint-Louis, c’est un endroit où se déroulent diverses réunions pendant l’été, telles que la fête du FNJ (Front National de la jeunesse), la fête du CNC (cercle national des combattants), ainsi que des formations. J’essayais d’organiser deux ou trois formations par an pour les cadres et les responsables en matière de sécurité incendie et de réglementation. M. Marcel Peuch en était le responsable. Je les réunissais également lorsqu’il y avait de grosses manifestations à organiser, telles que le 1er mai ou la fête des BBR qui demandent un effectif de 500 personnes pour la sécurité et beaucoup de préparation. M. Peuch se déplaçait également pour assurer des formations à la sécurité incendie sur place pendant les week-ends.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Monsieur Courcelle, la journaliste dont nous vous parlions tout à l’heure, nous a raconté qu’à l’occasion d’un déplacement en province avec le Front National, elle s’était arrêtée dans le même hôtel que M. Le Pen. Elle avait eu la surprise de constater que l’aubergiste s’était transformé en membre du DPS pour la réunion. Cela me paraît tout de même extraordinaire !

Deuxièmement, étiez-vous présent lors du grave incident concernant Mme Annette Peulvast-Bergeal ?

Troisièmement, comment s’organisent les contacts avec les préfectures pour organiser les meetings ?

Enfin, vous avez employé le terme " DPS de base " ; il y aurait donc des DPS d’élite ? Qu’entendez-vous par " bosseurs " ? Et puisque vous qualifiez certaines personnes de " racistes primaires ", c’est donc qu’il y en a des secondaires ?

M. Bernard COURCELLE : Je vais faire le professeur de français... Les " racistes primaires " sont les racistes acharnés, bêtes, sans réflexion aucune. Les " bosseurs " sont des personnes qui travaillent, qui se lancent dans le militantisme bénévole. " DPS de base " n’est pas un terme méprisant. Il qualifie les membres qui n’ont pas de responsabilité particulière. Le DPS de base a une mission ponctuelle - garder une porte - le contraire du chef d’équipe et des responsables. C’est très mesquin, vos petites questions !

J’étais effectivement présent à Mantes-la-Jolie. Je ne peux pas en parler, car l’affaire est encore devant la justice. Il en va de même, monsieur le président, pour l’affaire tchétchène ; j’ai gagné en justice pour diffamation publique contre tous les journaux et les télévisions.

Pour chaque réunion - la dernière à laquelle j’ai participé a eu lieu le 17 février 1999, à Versailles - nous prenions contact avec le chef de cabinet de la préfecture, ainsi qu’avec le commissaire de police ou le directeur départemental de sécurité publique, pour déterminer le parcours, les moyens mis en place, le nombre supposé de militants participant à la manifestation. Je donnais également le nombre de personnels de sécurité présents sur place et les noms de responsables qui étaient directement en liaison avec la police. Nos relations étaient très courtoises, car nous parlions non pas de politique, mais de technique. A Strasbourg, étant donné qu’une importante contre-manifestation était prévue, j’ai pris contact avec le directeur de cabinet du préfet et le préfet lui-même. Tout s’est très bien passé autour du Palais des congrès.

M. le Rapporteur : Monsieur Courcelle, je serais presque tenté de vous féliciter pour la qualité technique de votre intervention, même si je ne suis pas totalement dupe : quand on est dans l’action, on doit connaître le passé de ceux qui vous accompagnent dans ladite action. Votre absence de curiosité à l’égard d’anciens membres du PFNE, de l’OEuvre française, qui sont des mouvements néonazis, ou de mouvements alsaciens néonazis dissous, me laisse quelque peu perplexe.

M. Bernard COURCELLE : Monsieur le rapporteur, sachez que le fait de m’occuper de la sécurité des militants du Front National sans adhérer à tout ce que vous venez de citer, m’a causé quelques petits ennuis.

M. le Rapporteur : Je vous le concède et je serais presque tenté de vous poser la question suivante : " faut-il dissoudre le DPS " ?...

M. Bernard COURCELLE : Il n’existe plus !

M. le Rapporteur : Vous avez fait partie du 6ème régiment parachutiste d’infanterie de marine (RPIMA). N’avez-vous jamais été détaché au 1er Hussard parachutiste, dans les Dragons ou au 1er RPIMA ?

M. Bernard COURCELLE : Non, monsieur le rapporteur.

M. le Rapporteur : Je souhaitais enfin préciser que s’agissant de l’incident survenu après la réunion salle Wagram, le 21 octobre 1996, c’est une enquête administrative, et non judiciaire qui a été diligentée.

M. le Président : Monsieur Courcelle, je vous remercie.