Sujet : DPS

Audition de : Gérard Le Vert

En qualité de : responsable du service d’ordre du Mouvement National

Par : Commission d’enquête parlementaire sur le DPS, Assemblée nationale (France)

Le : 24 mars 1999

Présidence de M. Guy HERMIER, Président

M. Gérard Le Vert est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Gérard Le Vert prête serment.

M. Gérard LE VERT : J’ai été l’un des responsables du DPS et je suis actuellement le responsable de la structure de sécurité de M. Bruno Mégret.

M. le Président : Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter le DPS pour M. Bruno Mégret ?

M. Gérard LE VERT : J’ai été poussé dehors par M. Jean-Marie Le Pen au moment de la scission qui s’est produite à la fin de l’année dernière. Je voulais continuer à assurer la sécurité aussi bien de M. Bruno Mégret que de M. Jean-Marie Le Pen et des différentes réunions, mais on m’a dit que ce n’était pas possible et qu’il fallait que je fasse un choix. Par conséquent, j’ai fait un choix !

M. le Président : Quelles responsabilités aviez-vous au DPS ?

M. Gérard LE VERT : J’étais chargé de mission, aux côtés de M. Bernard Courcelle.

M. le Président : Comment avez-vous accédé aux responsabilités qui sont les vôtres au sein du DPA ?

M. Gérard LE VERT : Tout simplement à la demande de M. Bruno Mégret.

M. Jacky DARNE : M. Bernard Courcelle nous a indiqué qu’il était également chargé de mission et rémunéré en tant que tel. J’aimerais donc savoir quel était votre statut : étiez-vous rémunéré, salarié - si tel est le cas, pourriez-vous nous dire si vous avez été licencié ? -, quelles étaient vos fonctions exactes, quels étaient vos supérieurs hiérarchiques, de qui receviez-vous vos ordres et quel était votre champ de compétences ?

M. Gérard LE VERT : J’étais complètement bénévole : je n’ai jamais été payé. A ma connaissance, il n’y avait que deux salariés au DPS, ainsi que M. Bernard Courcelle a dû vous le dire : M. Bernard Courcelle lui-même et sa secrétaire. M. Bernard Courcelle était mon responsable et je n’avais donc affaire directement qu’à lui pour préparer les manifestations importantes. En conséquence, j’étais à Paris occasionnellement et ponctuellement, en fonction de sa demande pour lui donner un coup de main lors de la préparation des manifestations.

M. le Président : Puisque vous étiez chargé de mission quelles étaient les missions qui vous incombaient ?

M. Gérard LE VERT : La préparation de la fête des " Bleu Blanc Rouge ", de la fête de Jeanne d’Arc ou des meetings nationaux. Il s’agissait d’organiser la sécurité, de rencontrer les autorités de police ou les autorités préfectorales, bref, de prendre toutes les mesures et les renseignements pour que tout se passe le mieux possible.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : J’aimerais savoir très exactement comment les choses se passaient lorsque vous aviez une mission à accomplir : de combien de personnes disposiez-vous, comment était organisé le service d’ordre ? Par ailleurs, est-ce que, dans vos nouvelles fonctions, l’organisation est similaire et, si ce n’est pas le cas, quelles sont les différences ?

M. Gérard LE VERT : Je ne m’exprimerai que sur le DPS qui, je crois, est l’objet de votre commission. Le DPA étant embryonnaire et venant juste de se monter, je ne peux pas encore en parler : c’est beaucoup trop tôt.

Le DPS était une structure de bénévoles. On ne pouvait jamais savoir à l’avance de combien de personnes on disposerait. Si la manifestation était importante, on essayait d’avoir le maximum de garçons avec nous, mais ce n’était pas toujours évident : on ne savait jamais combien on allait se retrouver pour une manifestation comme le défilé de Jeanne d’Arc, le 1er mai, qui est une manifestation de rue, difficile. Il était impossible de savoir si nous devions compter sur 80, 100 ou 300 personnes.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Comment les trouviez-vous ? Devaient-elles faire acte de candidature ?

M. Gérard LE VERT : C’était des bénévoles que nous avions dans tous les départements et dans toutes les régions. Nous demandions aux différents responsables régionaux ou départementaux quel était l’effectif qu’ils pouvaient nous envoyer pour nous donner un coup de main lors de ces manifestations.

M. le Rapporteur : J’aimerais savoir ce qui vous a conduit - votre formation ou vos sentiments politiques - à être partie prenante dans le service d’ordre du Front National et quels sont vos sentiments à l’égard de mouvements néo-nazis, d’anciens Waffen SS, d’anciens miliciens ou de mouvements païens. M. Bernard Courcelle nous a déclaré à ce sujet qu’il avait horreur de tout ce qui était néo-nazi et racisme primaire.

M. Gérard LE VERT : Je suis entré au Front National très tôt, dès 1973, et j’ai d’abord été militant avant de m’occuper de la sécurité des manifestations. Ce faisant, j’ai abandonné tout militantisme politique pour ne plus m’occuper depuis plusieurs années que de sécurité avec M. Bernard Courcelle.

Pour ce qui est des mouvements néo-nazis de France, nous avons toujours eu

 je dis bien toujours - des problèmes avec eux : dans toutes les manifestations, nous les avons eus systématiquement " dans les pattes " et cela s’est toujours mal passé, que ce soit lors des défilés de Jeanne d’Arc ou lors des BBR, avec ceux qu’on appelle les skinheads et les autres. Ce n’est pas récent, cela a toujours été le cas !

M. le Président : Pourtant, vous avez organisé des rencontres de militants néo-nazis dans votre propriété de Saint-Léger-sous-Beuvrais.

M. Gérard LE VERT : Je ne crois pas, monsieur. Je ne pense pas !

M. le Président : On le dit...

M. Gérard LE VERT : On le dit, oui mais on dit beaucoup de choses ... Non, je fais tous les ans les feux de la Saint-Jean, qui sont une pratique courante dans notre région au moment du solstice d’été. On appelle cela chez nous, dans tous nos villages, les feux du solstice, les feux celtiques ou les feux de la Saint-Jean : c’est une tradition populaire ancestrale.

M. le Président : Vous n’avez aucune relation avec le parti nationaliste français ?

M. Gérard LE VERT : Non, aucune !

M. le Président : Et le cercle Charlemagne ?

M. Gérard LE VERT : Aucune non plus !

M. le Président : Vous êtes comme M. Bernard Courcelle, absolument en dehors de tout...

M. Gérard LE VERT : Je suis Front National.

M. le Président : Vous êtes devant une commission d’enquête où vous avez juré de dire toute la vérité...

M. Gérard LE VERT : Oui, monsieur.

M. le Rapporteur : On dit, mais on ne prête qu’aux riches, que vous avez eu des relations avec d’anciens mouvements Waffen SS autrichiens et que vous avez été présent à certaines réunions.

M. Gérard LE VERT : Il est exact que j’ai été présent à une manifestation. Il faut savoir que je suis fils d’officier de Légion, que j’ai donc connu plusieurs sous-officiers de la Légion qui ont fait vingt ans de Légion étrangère, la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, qui sont décorés, qui se sont battus pour notre pays, dont en particulier un ancien adjudant-chef allemand, aujourd’hui décédé. C’était un sous-officier de mon père, je l’ai connu tout jeune et je lui ai rendu visite en Allemagne et en Autriche. A cette occasion, il m’a effectivement amené à des réunions d’anciens soldats allemands.

M. le Rapporteur : Soldats allemands... Les Waffen SS n’étaient pas tout à fait la même chose que l’armée allemande.

M. Gérard LE VERT : J’y allais avec un ancien légionnaire.

M. le Rapporteur : Là encore on ne prête qu’aux riches, mais j’aimerais savoir si vous avez assisté à des manifestations à la mémoire de miliciens ou d’anciens miliciens " tombés au combat ".

M. Gérard LE VERT : Non !

M. le Président : Quelles étaient vos relations avec M. Bernard Courcelle ?

M. Gérard LE VERT : Très bonnes, amicales.

M. le Président : Avec M. Sidos ?

M. Gérard LE VERT : Lequel ?

M. le Président : M. François-Xavier Sidos.

M. Gérard LE VERT : Je le connais aussi. J’ai travaillé avec lui.

M. le Président : Avec M. Philippe Marie ? ... Vous ne le connaissez pas ?

M. Gérard LE VERT : Non !

M. Arthur PAECHT : Sur le sujet précédent, j’aimerais que M. Le Vert m’apporte une précision : vous accompagniez, dites-vous, cet ancien légionnaire dans des réunions en Autriche et en Allemagne...

M. Gérard LE VERT : Je suis allé me promener en Bavière et en Autriche - ce sont deux pays que j’aime beaucoup, où je vais faire du tourisme - et effectivement, je pouvais être logé chez cet ancien légionnaire.

M. Arthur PAECHT : L’ancien légionnaire, c’est une chose...

M. Gérard LE VERT : Oui, mais pour moi c’est important, c’était le but de ma visite.

M. Arthur PAECHT : J’entends bien, mais il vous est tout de même arrivé de l’accompagner ?

M. Gérard LE VERT : Oui, parce que c’était un ancien de l’armée allemande, entré par la suite dans la Légion.

M. Arthur PAECHT : Mais qu’est-ce qui se passait dans ces manifestations ?

M. Gérard LE VERT : Il y avait beaucoup de discours auxquels je ne comprenais rien puisque je ne parle pas allemand et une messe - je vous parle de la manifestation en Autriche à laquelle j’ai assisté et où j’ai d’ailleurs rencontré M. Jörg Haïder qui est le leader nationaliste autrichien. Voilà. C’est aussi simple que cela !

M. Arthur PAECHT : Vous connaissez personnellement M. Jörg Haïder ?

M. Gérard LE VERT : Non, je ne l’ai rencontré qu’une fois, tout à fait par hasard, au cours de cette manifestation. Il s’agissait d’une rencontre fortuite.

M. Arthur PAECHT : Ce qui m’intéresse, c’est le contenu de ces manifestations auxquelles vous avez assisté.

M. Gérard LE VERT : Je ne vois pas très bien ce que cela a à voir avec le DPS. Il s’agit de déplacements touristiques, d’ordre privé, qui n’ont strictement rien à voir avec mon engagement au Front National : il s’agissait d’une visite touristique chez un sous-officier de mon père que j’ai connu tout jeune, qui me rendait aussi visite régulièrement en France et dont la femme m’avait gardé lorsque j’étais gamin. Je ne peux pas vous en dire plus.

M. Arthur PAECHT : Que les choses soient très claires ! Les enquêtes de personnalité dans les commissions d’enquête n’ont rien de choquant ! Je m’intéresse à votre formation et, lorsque vous vous rendez chez l’un de vos amis - ce qui est parfaitement votre droit -, je voudrais savoir ce qui s’est passé là où vous reconnaissez vous-même l’avoir accompagné. Cela a un rapport très direct avec l’objet de notre Commission.

M. Gérard LE VERT : C’est très simple : le matin, une messe, suivie de discours et d’un déjeuner. Voilà !

M. Arthur PAECHT : Ces discours avaient des thèmes ?

M. Gérard LE VERT : Il m’est difficile de répondre, puisque, je le répète, je ne parle pas allemand...

M. Arthur PAECHT : Et vous n’avez pas demandé qu’on vous les traduise ?

M. Gérard LE VERT : Non !

M. Arthur PAECHT : Vous n’êtes pas curieux...

M. Gérard LE VERT : Non pas très !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Pour ce qui me concerne, je voudrais revenir sur le recrutement du DPS. Vous nous disiez que vous vous efforciez de faire venir le maximum de bénévoles. Comment les receviez-vous, en groupe ou individuellement ? Comment organisiez-vous le service d’ordre ? Quelles étaient les missions que vous leur confiiez, les conseils que vous leur donniez ? Aviez-vous des recommandations écrites ?

M. Gérard LE VERT : Les bénévoles venaient généralement en voiture individuelle, mais si possible groupés pour limiter les frais, ou avec les bus des fédérations qui montaient sur Paris ou sur Lyon lors des manifestations. Ils avaient bien sûr des consignes. Nous nommions des responsables, des chefs de groupe, comme le font toutes les organisations, notamment syndicales. Il fallait impérativement que nous sécurisions nos manifestations qui sont régulièrement attaquées. Il s’agissait donc d’une sécurité tout à fait normale au vu de ce qui se passait et de qui se passe encore dans les manifestations.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous n’avez pas répondu à ma question qui est de savoir si vous les rencontriez avant les manifestations et si vous leur fixiez vous-même un certain nombre de règles.

M. Gérard LE VERT : Nous rencontrions les responsables régionaux - on ne peut pas voir tout le monde - et on leur donnait des consignes d’abord de tenue et de sécurité sur la manifestation.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Qu’entendez-vous par tenue ?

M. Gérard LE VERT : On exigeait une tenue vestimentaire correcte dans la mesure du possible, ce qui n’était pas toujours évident, et on donnait des consignes de tenue sur le terrain.

M. le Président : Par exemple à Montceau-les-Mines - puisque vous y étiez -, c’est vous qui avez donné la consigne d’avoir la tenue n° 2 ?

M. Gérard LE VERT : J’étais effectivement responsable à Montceau-les-Mines et les membres du DPS portaient une tenue de nuit. Nous savions à Montceau-les-Mines que nous allions avoir des problèmes parce que des mots d’ordre avaient été lancés dans les lycées et les bars de la ville pour aller contre-manifester à l’occasion de la venue de M. Bruno Gollnisch dans la ville. Nous nous attendions donc à rencontrer des difficultés.

J’avais vu le commissaire Bollote à Montceau-les-Mines qui m’avait dit, une semaine auparavant, qu’a priori, il n’y aurait pas de problèmes, mais plus nous avancions dans le temps et plus nous savions que les choses allaient mal se passer. Nous avions vu juste puisque nous avons été agressés tout de suite, alors que les forces de police ne sont intervenues qu’en fin de soirée, quand nous avons eu des blessés.

M. le Président : A Montceau-les-Mines, ce n’est pas sans aucune préparation qu’une quinzaine ou une vingtaine de membres du DPS troquent leur tenue habituelle pour une tenue dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle ressemblait pour le moins à une tenue paramilitaire. Les choses ne se sont pas faites par hasard et je suppose que tout cela était préparé.

Les responsables de la police, notamment le commissaire que nous avons reçu tout à l’heure, nous ont indiqué que la manière dont ce service d’ordre a fonctionné

 puisqu’il est resté sans forces de police face à des contre-manifestants pendant une heure et demie, deux heures -, prouvait qu’il s’agissait d’un ensemble qui, manifestement, maîtrisait les problèmes de maintien de l’ordre. Il y a donc bien eu une préparation, une formation, cette capacité n’est pas venue du Saint-Esprit ?

M. Gérard LE VERT : Il n’y a pas du tout d’entraînement. Il n’y a jamais eu d’entraînement sur le terrain.

Concernant la tenue, c’est très simple : sur les quinze membres du DPS présents, il y en avait une partie qui se trouvait à l’intérieur revêtus de la tenue traditionnelle - blazer, chemise et cravate - et l’autre partie se trouvait à l’extérieur en jeans et blouson.

M. Jacky DARNE : Et casques...

M. Gérard LE VERT : Le casque est une arme défensive et non pas offensive. D’ailleurs, heureusement que nous en avions, car ceux de nos camarades qui n’en portaient pas ont tous été blessés.

M. le Président : Et les boucliers ?

M. Gérard LE VERT : On sait très bien ce qui se passe, nous commençons à avoir l’habitude de ce genre de manifestations : nous sommes régulièrement " caillassés ". J’ai moi-même été blessé à plusieurs reprises et, à Montceau-les-Mines, j’ai été blessé au ventre et à la main avec une arme de poing. On essaie de se protéger comme on peut - ce n’est pas facile quand on attend la police et qu’elle ne vient pas. On savait dès le matin qu’il y aurait des problèmes le soir, on le savait...

J’ignore ce qui s’est passé entre M. Denis Prieur, préfet de Saône-et-Loire, et M. Collinot qui était le responsable politique du Front National. J’ignore d’où vient leur animosité et cela ne me regarde pas, mais nous savions que nous allions avoir des problèmes.

M. le Président : Ce n’était pas la nature de ma question. C’est la première fois qu’est apparu un ensemble de personnes d’un service d’ordre portant casque et bouclier, donc dans une tenue comparable à celle des forces de l’ordre, et qui ont fonctionné sur le site, d’après les responsables de la police....

M. Gérard LE VERT : Je ne les ai pas vus sur le site !

M. le Président : ... avec une certaine maîtrise des problèmes de maintien de l’ordre. Donc la question que je vous pose très précisément est la suivante : est-ce le fait du hasard ou, comme on peut inévitablement le penser, le fruit d’une organisation préalable ?

M. Gérard LE VERT : Je crois que cela s’explique par la confiance des gardes dans leurs responsables. Ils savent écouter. Cela s’est bien passé, mais quand même avec plusieurs blessés et de nombreuses voitures fracassées à l’extérieur. Cela n’a pas été évident, Montceau-les-Mines, c’était un beau guet-apens ! Heureusement que nous avions un minimum de matériel défensif, sans quoi il ne restait plus une seule voiture sur le parking, plus une seule baie vitrée de la piscine, plus rien. Tout ce qui n’a pas été protégé par ces quelques DPS à l’extérieur du dispositif a été saccagé.

M. Arthur PAECHT : Vous venez de nous dire : " nous savions que les choses allaient mal se passer ". Je ne vous cache pas que d’autres personnes auditionnées nous ont dit que la réaction a été relativement spontanée et qu’il n’y avait pas eu d’alerte en termes de contre-manifestation. Puisque vous saviez que les choses pouvaient mal tourner, est-ce que vous avez pris préalablement contact avec les renseignements généraux ou les forces de l’ordre pour leur communiquer vos informations ? Avez-vous passé vos informations à la police ?

Je voudrais en outre que vous nous apportiez une précision sur l’effectif. Il nous a été indiqué qu’il y avait quarante personnes appartenant au DPS sur le parking, et une quinzaine qui, dans un second temps, s’est habillée.

J’aimerais aussi que vous nous indiquiez si, au moment où vos militants se sont rendus sur le parking, vous avez demandé à la police, de venir protéger le site, dans la mesure où vous aviez déployé vos forces, où vous aviez des informations et où vous étiez inquiet. Dans ces conditions, il me semble qu’il eût été normal de faire appel à la police, d’autant qu’il y avait une piscine ouverte avec des gens qui n’avaient rien à voir là-dedans...

M. Gérard LE VERT : Oui, le Club de plongée de Montceau-les-Mines. Nous savions depuis deux ou trois jours que nous aurions des problèmes parce que l’information remontait par les jeunes que nous avons dans les lycées de Montceau-les-Mines. Les contre-manifestants allaient venir munis d’oeufs, de tomates et de pierres. Nous savions donc qu’une manifestation se préparait, non pas pour " brailler " mais pour faire du mal puisque du matériel était prévu. Nous avons prévenu le commissariat. Nous avons téléphoné une dernière fois au commissariat, avec M. Bruno Gollnisch, aux alentours de dix-neuf heures trente ou vingt heures - je ne sais plus exactement. Les manifestants étaient déjà là puisque je les avais vus en sortant chercher M. Bruno Gollnisch à Montceau-les-Mines. J’ai oublié quel responsable de la police M. Bruno Gollnisch a eu au bout du fil, mais à ce moment-là nous avons su que, de toute façon, la police ne bougerait pas.

M. Arthur PAECHT : Mais, auparavant, vous aviez passé vos informations à la police ?

M. Gérard LE VERT : Oui, bien sûr, mais les renseignements généraux sont bien mieux informés que nous...

M. Arthur PAECHT : En l’occurrence, apparemment non !

M. Gérard LE VERT : Je connais bien M. Bernaudet : il fait très bien son travail !

M. Arthur PAECHT : C’est pourquoi je tiens à ce que vous nous confirmiez que vous aviez retransmis vos informations aux services de police.

M. Gérard LE VERT : Absolument ! Il y a eu un dernier coup de téléphone aux alentours de dix-neuf heures trente, vingt heures.

M. Arthur PAECHT : Et pour ce qui est du nombre de membres du DPS présents ?

M. Gérard LE VERT : Il y avait une quinzaine de garçons sur le site. Après, comme dans toute manifestation, des curieux sont venus se greffer là-dessus, y compris des gens de la piscine, des adhérents du club de plongée qui ne parvenaient pas à sortir...

M. Arthur PAECHT : Je parle du prépositionnement du DPS.

M. Gérard LE VERT : Il n’y avait certainement pas quarante personnes car il s’agissait pour nous d’une petite manifestation. D’ailleurs, il n’est pas toujours évident de réunir tous ces garçons qui sont des bénévoles, qui travaillent et ne peuvent donc pas toujours se libérer facilement. Il n’y a pas eu quarante personnes, absolument pas !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous avez parlé d’une " tenue de nuit ", mais je n’ai pas l’impression qu’à Montceau-les-Mines, il s’agissait véritablement d’une tenue de nuit au sens où on l’entend généralement, dans la mesure où elle comprenait des casques et des boucliers. Alors, si j’ai bien compris, il y a des tenues de jour, des tenues de nuit, des tenues n° 1, n° 2, y en a-t-il encore d’autres parce que c’est un peu surprenant ?

Par ailleurs, vous nous avez dit qu’à Montceau-les-Mines, vous saviez depuis deux jours que, selon votre propre expression, ce serait un " guet-apens ". Dans ces conditions, je trouve tout de même étonnant que personne n’ait eu, à un moment donné, l’idée de reporter ou d’annuler la manifestation. Pour toute personne normalement constituée, me semble-t-il, quand on sait qu’il va y avoir des affrontements ou des risques de cette nature, la raison l’emporte et impose de faire remonter les informations aux responsables politiques - en l’occurrence M. Bruno Gollnisch - pour les prévenir que leur présence ne s’avère pas forcément nécessaire. L’avez-vous fait ? Si oui, quelle a été la réponse obtenue et pourquoi avez-vous maintenu cette manifestation sachant que vous risquiez d’avoir des problèmes sur le terrain avec les conséquences que l’on sait ?

M. Gérard LE VERT : Mais, madame, nous ne ferions plus une seule manifestation s’il n’y avait pas de service de sécurité ! Nous savons que nos manifestations sont systématiquement attaquées et le cas de Montceau-les-Mines n’échappait pas à la règle. En revanche, ce qui nous a étonnés à Montceau-les-Mines c’est l’absence des forces de police, mais cela, il faut le voir avec M. Denis Prieur. On sait pertinemment, et les membres du commissariat ou de la gendarmerie qui étaient présents nous l’ont confirmé, que c’est M. Denis Prieur qui a donné la consigne : c’est le préfet qui donne les ordres !

Il y avait des forces de police suffisantes mais les renforts sur place ne sont pas intervenus parce qu’ils n’avaient pas reçu les ordres. Après, que pouvions-nous faire ? Nous savions effectivement que ce serait difficile, mais nous ignorions que la police n’interviendrait pas. Nous ne l’avons appris qu’au dernier moment.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Je voudrais revenir sur la question de la tenue. Avez-vous des fournisseurs particuliers et comment vous les procurez-vous ? En outre, j’aimerais savoir si la sécurité nécessite chez vous un entraînement particulier et lequel. Enfin, s’agissant des frais, pouvez-vous nous dire s’ils font l’objet d’un remboursement ou si les bénévoles doivent les supporter en totalité ?

M. Gérard LE VERT : Concernant la tenue, il y a une tenue d’honneur, que vous connaissez probablement pour l’avoir vue sur de nombreuses photos, qui est une tenue correcte composée d’une chemise, d’une cravate et si possible, d’un blazer, et d’un pantalon foncé. Pour le reste, il n’existe aucune " tenue de nuit ". Reprenez les photos et les films et vous verrez des garçons en jeans et blouson : il n’y a pas de tenue spéciale. Quand je parle d’une " tenue de nuit ", je veux simplement dire qu’en raison du froid, - c’était à la fin de l’automne et il ne faisait pas bien chaud -, nous étions couverts. C’est une tenue qui n’a rien de choquant, d’autant que lorsqu’ils commencent à prendre des oeufs et des pierres, les garçons enfilent leur blouson...

Pour ce qui est du matériel, nous n’avons pas de fournisseurs. Les casques

 nous en avions très peu du reste : quatre ou cinq, je crois - avaient été achetés dans ce qu’on appelle les stocks américains qui vendent, il me semble, les surplus de la gendarmerie belge qui sont en vente libre. Quant aux boucliers, nous les fabriquons nous-mêmes ou ce sont des couvercles de poubelle arrangés. Pourquoi prenons-nous des casques et des boucliers ? Parce qu’on est très souvent la cible de " caillassages " - l’état de nos voitures le prouve - et que, quand on a été blessé à plusieurs reprises, on est amené à faire attention et à se montrer plus prudent.

Sur l’entraînement, je suis formel, nous avons suivi des stages de formation pour les établissements recevant du public (ERP) et des stages juridiques concernant la garde à vue simplement, afin qu’en cas d’arrestation les membres du DPS connaissent leurs droits et puissent prévenir un avocat. C’est aussi simple que cela. Il n’y a jamais eu d’entraînement militaire sur le terrain, jamais !

Quant aux frais, ils étaient remboursés moyennant fiches de frais. Mais nous ne remboursions que les frais de péage et d’essence, sur justificatif, et cela n’a pas toujours été les cas.

M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES : Indépendamment de l’aspect sécurité et maintien de l’ordre dans l’activité du DPS, puisque vous avez laissé entendre que, pour préparer un dispositif de sécurité, vous étiez tenu informé d’un certain nombre de choses, je voudrais savoir quel était le rôle d’information joué par le DPS ? Est-ce que le président du Front National vous confiait, en liaison avec une manifestation ou pour des raisons qui lui appartenaient, des missions d’investigation ou d’information, pour savoir si telle fédération était dans tel état d’esprit sur tel ou tel sujet ou pour " prendre le pouls et le baromètre " de la situation ? Est-ce que cette mission relevait du DPS et si non, à qui incombait-elle ?

M. Gérard LE VERT : Je n’ai jamais fait du renseignement pour le Président, je ne faisais que de la sécurité. Cela étant, je ne prétends pas que cela ne se faisait pas et il est vrai que, dans les fédérations, quand se posait un problème, on pouvait faire remonter les éventuelles difficultés. Mais c’était un domaine qui ne me concernait pas : après avoir abandonné la politique militante, je me limitais à la sécurité.

M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES : Cela dépendait donc de M. Bernard Courcelle ou d’un membre du cabinet de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Gérard LE VERT : Je n’ai jamais connu un responsable pour le renseignement. Je crois que cela se faisait ponctuellement, peut-être avec certains responsables qui connaissaient certainement mieux Jean-Marie Le Pen que moi. En tout cas, il ne me m’a jamais demandé de faire du renseignement et je n’en ai jamais fait pour lui. Je n’ai jamais eu de rapports particuliers avec M. Jean-Marie Le Pen : la preuve en est que j’ai été " dégagé "... rapidement.

M. Jacky DARNE : Il nous a été expliqué que, dans certaines circonstances, les membres du DPS étaient munis de matraques électriques. Pouvez-vous m’en préciser les caractéristiques et me dire dans quelles circonstances vous les conseilliez et où elles étaient achetées ?

M. Gérard LE VERT : Nous avons toujours demandé de ne pas amener ce type de matériel qui est en vente libre dans tous les stocks américains. Il s’agit de poignées électriques dont je peux vous dire, puisque je suis de la campagne, qu’elles sont fréquemment employées pour mener les bêtes. On les trouve partout ! Comme tout le matériel de défense et même d’attaque, on peut se les procurer dans n’importe quelle armurerie ou stock américain.

Pour ce qui nous concerne, nous avons toujours demandé d’éviter ce genre de matériel parce qu’il est dangereux. Le matériel de défense ne pose pas de problèmes et nous a d’ailleurs sauvés plusieurs fois, mais nous n’avons jamais de matériel d’attaque. Maintenant, que quelques éléments incontrôlés ou isolés aient pris sur eux d’en avoir, c’est possible. Vous comprenez bien que nous n’allons pas fouiller individuellement chacun de nos bénévoles : c’est un risque que nous courons évidemment !

M. Jacky DARNE : Lorsque vous trouviez un militant avec une arme ou un outil pouvant en tenir lieu, que vous déconseilliez, quelle était la procédure interne de sanction ?

M. Gérard LE VERT : Ils étaient dégagés.

M. Jacky DARNE : Cela se traduisait comment ?

M. Gérard LE VERT : On ne faisait plus appel à eux. Ils étaient rayés de l’effectif du DPS et il y avait même une note de service pour les responsables politiques qui étaient susceptibles d’avoir recours à eux en ignorant ce qui s’était passé. L’information parvenait donc également au niveau des responsables politiques.

M. Jacky DARNE : Vous-même, lorsque vous demandiez aux responsables départementaux de fournir certains contingents pour telle ou telle manifestation, est-ce que vous analysiez le rassemblement de façon anticipée de manière à demander la présence de militants plus ou moins expérimentés ? On nous a laissé entendre en effet qu’il y avait plusieurs niveaux de compétences au sein du DPS. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

M. Gérard LE VERT : Je crois que cela passait surtout par la camaraderie. J’avais des garçons avec qui je m’entendais bien, avec qui je me retrouvais souvent sur le terrain et il est évident que je les privilégiais par rapport à d’autres en fonction, non pas de leur poids ou leur activité dans le civil mais du fait qu’ils étaient originaires de ma région et que nous étions camarades.

M. Jacky DARNE : Vous aviez donc un réseau de personnes que vous considériez plus fiables que d’autres ?

M. Gérard LE VERT : C’est un peu normal : on s’entoure d’abord de gens en qui l’on a confiance et que l’on connaît. Je suis bourguignon et j’aimais bien travailler avec mes camarades bourguignons : les bretons, je les connaissais beaucoup moins !

M. Jacky DARNE : Vous nous avez dit que vous aviez abandonné l’action politique pour la sécurité, mais il y a de l’action politique dans l’organisation d’un service d’ordre ?

M. Gérard LE VERT : C’est vrai, mais disons que je ne faisais plus de tractage, de boitage ou d’affichage. J’étais totalement en dehors de ces activités.

M. Jacky DARNE : Pouvez-vous m’expliquer comment de simple militant politique, vous êtes devenu un des responsables du service d’ordre. Quels ont été les critères qui ont été décisifs, par quels processus avez-vous accédé aux responsabilités qui ont été les vôtres, quelles étaient vos activités, quelles sont-elles aujourd’hui, de quoi vivez-vous ?

M. Gérard LE VERT : J’ai connu le DPS depuis son origine. Au départ, j’étais responsable politique du Front National de Saône-et-Loire, très exactement secrétaire départemental et membre du comité central...

M. le Président : Rémunéré ?

M. Gérard LE VERT : Absolument pas, monsieur ! Jamais : ni en tant que responsable politique, ni au DPS.

En 1986, en désaccord avec certains responsables, j’ai abandonné toutes mes fonctions politiques pour glisser tout doucement vers le DPS parce que j’y avais des amis. C’est là que j’ai abandonné l’action politique sur le terrain. Effectivement, j’en faisais encore dans la mesure où je protégeais les manifestations, ce qui peut également s’appeler de l’action politique.

M. Jacky DARNE : Vous avez dit que vous comptiez des amis au sein du DPS, mais vous avez été recruté comment ? Par M. Bernard Courcelle que vous connaissiez antérieurement, par d’autres personnes ?

M. Gérard LE VERT : Non, j’étais au DPS avant M. Bernard Courcelle. J’ai connu Bernard Courcelle quand il est arrivé au DPS à la demande de Jean-Marie Le Pen. Je ne le connaissais pas auparavant.

M. le Président : Quelle est votre activité professionnelle aujourd’hui ?

M. Gérard LE VERT : Je suis au chômage.

M. le Président : Mais vous n’êtes pas au chômage depuis 1986 ?

M. Gérard LE VERT : Non, j’ai travaillé : j’ai été chef d’entreprise puis salarié et je suis maintenant au chômage.

M. le Président : Chef d’entreprise ?

M. Gérard LE VERT : J’ai eu un restaurant.

M. le Président : Puisqu’on parlait des armes, on a trouvé hier dans la voiture du garde du corps de M. Jean-Marie Le Pen toute une série de matériels qui ne sont pas forcément défensifs : était-ce l’habitude de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Gérard LE VERT : Je préfère ne pas parler de M. Jean-Marie Le Pen. Je suis en désaccord avec lui : ce n’est pas nouveau puisque j’ai été mis dehors. Je ne peux pas parler de ses méthodes. Je les ai effectivement connues mais, n’étant plus avec lui, il ne serait pas très élégant d’en parler même si, lui, ne l’est pas toujours.

M. le Président : Mais était-ce une pratique que vous avez pu constater ?

M. Gérard LE VERT : Je ne sais pas. Je n’ai jamais fouillé dans son coffre !

M. le Président : Et par rapport à d’autres dirigeants du Front National ?

M. Gérard LE VERT : Non, nous demandions à nos garçons de venir sans matériel.

M. Jacky DARNE : Vous-même, étiez-vous présent sur les manifestations ?

M. Gérard LE VERT : Oui.

M. Jacky DARNE : Avec quel équipement ? Vous aviez des moyens de transmission ?

M. Gérard LE VERT : Les transmissions étaient difficiles parce qu’en ville et dans les grosses manifestations le contact passe très mal. Comme tout le monde, nous avons des portables mais les communications sont très chères. Comme nous n’avons jamais eu les moyens d’acheter des équipements, nous les louions, notamment des talkies-walkie.

M. Jacky DARNE : On arrive ainsi à être sur les mêmes lignes que la police ?

M. Gérard LE VERT : Non. Je sais qu’il existe des scanners, mais je n’en ai jamais eu.

M. le Président : Vous n’avez jamais eu de scanner ?

M. Gérard LE VERT : Moi, je n’en ai pas, monsieur. Je n’ai jamais eu les moyens de m’en payer.

M. le Président : Et le DPS ?

M. Gérard LE VERT : On trouve des scanners partout, mais ce n’était pas du matériel officiel DPS : il n’y avait pas de scanners au DPS ! Il pouvait y en avoir à titre individuel, mais comment voulez-vous fouiller chaque voiture ? Imaginez un peu une manifestation comme le défilé de Jeanne d’Arc, pour lequel 250 ou 300 membres du DPS arrivent à bord d’une soixantaine de véhicules : nous ne pouvons pas nous permettre de tout fouiller et nous ne l’avons jamais fait.

M. André VAUCHEZ : Vous nous avez expliqué que la sécurité du Front National était quand même assez musclée par rapport à d’autres organisations politiques, ou syndicales. Je crois que l’on ne peut pas faire de comparaisons ...

M. Gérard LE VERT : La CGT ne se défend pas mal !

M. André VAUCHEZ : On ne peut pas faire de comparaisons ! Est-ce parce que vous n’avez pas confiance dans la police républicaine que vous faites tout pour qu’elle ne puisse pas véritablement exercer ses missions ? En effet, on peut se poser des questions sur la tenue de nuit dont nous venons d’apprendre l’existence...

M. Gérard LE VERT : Non, je n’ai jamais dit cela, monsieur !

M. André VAUCHEZ : Enfin, c’était la nuit et il y a un habit de combat en fait...

M. Gérard LE VERT : Non, non, pas du tout, je n’ai jamais dit cela et je ne peux pas le laisser dire !

M. André VAUCHEZ : Vous ne l’avez pas dit mais je prétends, moi, que c’est un habit qui y ressemble et on nous l’a dit...

M. Gérard LE VERT : Je veux voir des photos ! Je ne peux pas accepter qu’on dise qu’il y a une tenue de combat.

M. André VAUCHEZ : Laissez-moi poser ma question, vous y répondrez ensuite, si vous le voulez bien...

M. Gérard LE VERT : Oui, mais il y a des choses qui sont difficiles à accepter.

M. André VAUCHEZ : Je dis que cette tenue peut s’apparenter à une tenue de combat dès lors qu’on nous a expliqué qu’entre cette tenue et celle des policiers, il y avait confusion possible. Je vous pose donc cette question : pourquoi avoir gardé cette tenue depuis des années alors qu’elle crée une confusion avec les forces de police, pourquoi ne pas en adopter une différente, par exemple un habit type fluo ?

M. Gérard LE VERT : Pour mieux servir de cible ? ...

M. André VAUCHEZ : ... qui montre effectivement qu’on n’a pas cette volonté d’apparaître, qu’on le veuille ou non, un peu provocateur ?

Vous dites qu’il n’y a pas d’entraînements, mais tout ce qui a été vu ou filmé prouve que vos troupes manoeuvrent très bien. Est-ce que les entraînements se font ailleurs, par exemple, dans des sociétés de gardiennage voire éventuellement dans la police puisque ses membres ont le droit d’adhérer au parti de leur choix - ou cela tient-il au fait que ces troupes sont composées d’anciens militaires ou gendarmes qui possèdent parfaitement bien la maîtrise de leurs actions ?

Enfin, il est un mot qui est souvent prononcé dans l’entourage du DPS : le mot " barbouze ". Vous ne le connaissez pas et jamais il ne circule au sein du DPS ?

M. Gérard LE VERT : Non !

Sur la tenue, il faut que vous me disiez quelle est notre tenue de nuit ou de combat. Je voudrais la connaître ! Nous n’avons pas de tenues de nuit. Je m’inscris là complètement en faux ! Regardez des photos et vous verrez des garçons en jeans, en baskets et en blousons foncés. Vous me parlez de fluo mais, comme je le disais tout à l’heure, lorsque vous avez en face de vous des adversaires qui vous bombardent de cailloux, une tenue fluo n’est peut-être pas idéale... C’est évident ! Du reste, nos adversaires politiques sur le terrain sont très rarement en fluo. Je les vois quotidiennement, donc je sais ce qui se passe...

Par ailleurs, vous parlez de notre ressemblance avec les forces de police et je vois à quoi vous faites allusion : des photos sont parues dans un journal, suite au congrès de Strasbourg il y a deux ans.

Effectivement, on voit un maître-chien et, en parallèle, un policier. Or, il se trouve que ce maître-chien était de la police : c’est moi qui l’avait reçu et lui avais fait faire la visite du site. C’était un policier envoyé par la préfecture pour le déminage de la salle.

M. André VAUCHEZ : Et le recrutement ?

M. Gérard LE VERT : Je vous répète qu’il se faisait par amitié dans les fédérations.

M. André VAUCHEZ : Où, principalement ?

M. Gérard LE VERT : C’est très variable.

M. André VAUCHEZ : Ce ne sont pas des bergers de la montagne ?

M. Gérard LE VERT : Non, c’est très variable ! On avait aussi bien des garçons de vingt ans que des hommes de soixante. Il y avait de tout ! Quand vous parlez de retraités militaires, il est vrai qu’il y en a un certain nombre au DPS, mais il n’y pas que cela, loin s’en faut ! Le recrutement est très varié.

M. André VAUCHEZ : Il n’y a pas de policiers qui travaillent pour vous pendant leurs congés annuels ?

M. Gérard LE VERT : Non !

M. le Président : Lors de la récente visite de M. Bruno Mégret au salon de l’agriculture, les membres du DPA qui l’accompagnaient, maintenant sous votre responsabilité, ont, selon la presse, procédé au contrôle d’identité d’un homme qui avait insulté M. Bruno Mégret. A Carpentras, en 1995, le DPS a interpellé une personne avant de la remettre à la police ; à Strasbourg, tout le monde a parlé des interpellations et des contrôles d’identité effectués par des membres du DPS avec usurpation de fonctions. Cela fait quand même beaucoup d’événements successifs : est-ce qu’ils s’inscrivent dans vos méthodes ?

M. Gérard LE VERT : Je ne vais pas mélanger DPA et DPS, mais je vais vous répondre. Pour ce qui est du salon de l’agriculture, j’y étais et nous n’avons strictement interpellé personne : c’est la sécurité interne de la manifestation agricole qui est intervenue ! Cette sécurité interne est très importante et se compose de salariés présents pour toute la durée du salon. Nous n’avons rien à y voir et ce n’est pas nous qui avons procédé à des interpellations, c’est clair !

Ensuite, pour ce qui est de Carpentras, je ne me souviens pas du tout, pourtant j’y étais. Quant à Strasbourg, les faits se sont produits de nuit sur un parking d’hôtel et sont imputables à des garçons qui n’étaient pas formés. S’ils l’avaient été, les choses ne se seraient pas passées de la sorte : ils auraient attendu l’arrivée des membres de la gendarmerie, leur auraient remis les personnes en question et il n’y aurait pas eu de problèmes.

M. le Président : Vous nous déclarez n’avoir jamais fait de renseignement tout en reconnaissant qu’il s’en est certainement fait au DPS. Tout le monde nous dit que le DPS

 je ne sais pas comment procède le DPA - photographie beaucoup. Il existe donc bien un fichier de photographies : qui l’a récupéré, le DPA ou le DPS ?

M. Gérard LE VERT : J’ai chez moi, depuis des années, un très bel appareil photo qui n’a jamais servi. Cela étant, le Front National avait un photographe officiel, salarié par M. Jean-Marie Le Pen je crois, et qui, lui prenait souvent des photos dans les manifestations, en particulier de M. Jean-Marie Le Pen qui aime bien être photographié. Mais il n’y a jamais eu de fichier photographique au DPS. Je vous l’affirme, jamais !

M. le Président : M. Arthur Paecht a expliqué à M. Bernard Courcelle, qu’à Toulon, à l’occasion de la fête du livre qu’il comptait visiter, alors qu’il se trouvait dans la file d’attente, deux membres du DPS brandissant une photo lui en ont interdit l’entrée. Cela prouve que des membres du DPS disposaient de photos...

M. Gérard LE VERT : Rien ne dit que ce n’est pas la mairie de Toulon. Moi, je n’étais pas responsable de ce qui se passait à Toulon et je n’ai jamais accrédité le DPS dans le Midi. Ce qui s’y passait ne me concernait pas, je ne voulais pas y aller. Je n’ai eu aucune responsabilité dans les actions menées dans le Midi car je n’aimais ni les responsables, ni les garçons de cette région où je n’ai jamais travaillé.

M. Renaud DONNEDIEU DE VABRES : Le conflit de 1986 dans votre département, et ceux que vous avez eus avec les responsables politiques du Front National ou du DPS du sud de la France étaient de quelle nature ?

M. Gérard LE VERT : Vous savez, je suis bénévole, donc je pouvais dire oui ou non, et quand cela me déplaisait, je disais non ! Pour ce qui est de la Saône-et-Loire, je n’avais pas plus à l’époque, d’atomes crochus avec M. Collinot, que je n’en ai aujourd’hui avec M. Jaboulet-Verchère. Comme je suis toujours bénévole, je peux me permettre de dire non.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous nous avez dit qu’il n’y avait pas, selon vous, d’activité de renseignement au DPS, mais qu’il se pouvait que le Front National en ait. Nous avons recueilli des témoignages de personnes qui, sans pouvoir être sûres de l’identité des responsables, ont été " embêtées " en particulier à la suite de leur participation à des reportages sur le DPS. Vous ignorez complètement tout cela ?

M. Gérard LE VERT : Les menaces n’ont jamais été mon truc...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Par ailleurs - cette question appelle peut-être une réponse plus personnelle de votre part -, vous nous avez indiqué que vous n’étiez pas d’accord avec M. Jean-Marie Le Pen, que vous ne cautionniez pas ce qui se passe dans le Midi et que vous n’aviez donc plus d’activité militante eu sein du Front National en dehors de la sécurité. Comment, si vous étiez véritablement en désaccord avec un certain nombre de points, pouviez-vous assumer la sécurité de l’organisation politique à laquelle vous apparteniez mais dont les responsables et les actions vous déplaisaient ?

M. Gérard LE VERT : Madame, premièrement, je me bats pour des idées et non pour des hommes et deuxièmement, je n’assurais pas la protection de M. Jean-Marie Le Pen mais celle des personnes présentes dans les manifestations, qui sont souvent nombreuses en salle et dans la rue. C’est surtout à elles que je pensais, car ce sont toujours elles qui prennent des coups sur le terrain - et pas M. Jean-Marie Le Pen, qui a ce qu’il faut !

M. le Président : Mais le DPS dépendait directement du Président ?

M. Gérard LE VERT : Oui, tout à fait ! Du reste on disait " disponible pour le président seul " ou quelque chose d’approchant, mais c’est Le Pen qui disait cela...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : En plus, le Président donnait lui-même des coups...

M. Gérard LE VERT : ... Oui, j’étais présent à Mantes-la-Jolie...

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Et cela ne vous a jamais interrogé ?

M. Gérard LE VERT : Je n’ai pas à commenter la personnalité de M. Jean-Marie Le Pen : ce serait trop long et il y a peut-être trop de choses à dire. Si j’ai été conduit plusieurs fois à exprimer mon désaccord ou à partir, c’est qu’il y a des raisons, mais ce sont des raisons personnelles qui tiennent à l’homme et non pas aux idées.

M. Jacky DARNE : Vous nous avez dit ne pas avoir voulu " accréditer le DPS dans le Midi " et vous nous avez expliqué par ailleurs que, lorsque vous avez animé le DPS, vous n’avez plus exercé d’activité politique au sein du parti Front National. Le DPS est-il donc, selon vous, une organisation relativement autonome, à laquelle on peut participer sans être forcément adhérent au Front National ?

M. Gérard LE VERT : Nous demandions en général aux garçons qui faisaient parti du DPS d’être adhérents du mouvement, pour savoir un peu qui ils étaient car on peut aussi avoir affaire à des provocateurs ou à des gens dangereux. Nous nous montrions donc assez prudents sur le recrutement - ce qui ne nous a d’ailleurs pas empêchés d’avoir des problèmes. Mais le militantisme politique, c’est autre chose...

M. Jacky DARNE : Vous leur demandiez donc d’atténuer leur militantisme politique ?

M. Gérard LE VERT : Non parce que, dans les fédérations, il s’agissait bien souvent de militants.

M. Jacky DARNE : Mais pas forcément ?

M. Gérard LE VERT : Ce n’était pas une obligation.

M. Jacky DARNE : Donc, on peut être au DPS sans être au Front National ?

M. Gérard LE VERT : Ce sont des gens qui votent mais qui ne militent pas forcément au sein d’une fédération et ne participent pas au bureau départemental, au collage, au tractage, ...

M. Jacky DARNE : On peut donc dire que le DPS est au sein du Front National mais qu’il en est distinct ?

M. Gérard LE VERT : Il en fait partie entièrement, c’est-à-dire que les responsables départementaux du DPS pouvaient, et devaient même en général, assister aux réunions départementales à titre consultatif.

M. Jacky DARNE : En cas d’exclusion du DPS par exemple, est-ce que cela nécessitait l’accord de l’appareil politique ?

M. Gérard LE VERT : Non, nous décidions seuls.

M. Jacky DARNE : Les procédures de recrutement comme d’exclusion ressortaient de la seule hiérarchie du DPS ?

M. Gérard LE VERT : Pour le recrutement, c’était très souvent les cadres politiques qui nous envoyaient des militants. Ce sont eux qui gèrent le fichier des sympathisants.

M. le Président : MM. Fabre et Courcelle ont, à une époque, décidé d’ouvrir le recrutement du DPS à des personnes extérieures au DPS...

M. Gérard LE VERT : Tout à fait ! Je recommandais, moi, l’adhésion au mouvement, mais ce n’était pas systématique.

M. Jacky DARNE : Je sais que nous travaillons sur le DPS, mais je voudrais savoir quels enseignements positifs ou négatifs vous en avez tirés pour le DPA.

M. Gérard LE VERT : La personnalité de M. Bruno Mégret est déjà totalement différente, donc ce sera différent, mais il est trop tôt pour en parler.

M. Jacky DARNE : Quels aspects négatifs du DPS souhaitez-vous éviter de reproduire au DPA ?

M. Gérard LE VERT : Il y a beaucoup de choses. Pendant des années, j’en ai vu sur les manifestations, au niveau de l’organisation, du remboursement des frais, ... J’ai vu des garçons abandonnés dans un commissariat, sans soutien : ce n’était pas toujours facile !

M. Jacky DARNE : Comment étaient remboursés vos propres frais de déplacement ?

M. Gérard LE VERT : Sur justificatifs...

M. Jacky DARNE : Visés par qui ?

M. Gérard LE VERT : Par M. Bernard Courcelle.

M. Jacky DARNE : Payés par qui ?

M. Gérard LE VERT : C’était le trésorier national qui me payait les frais, et uniquement ceux d’essence et de péage.

M. Jacky DARNE : Et les déplacements des autres ?

M. Gérard LE VERT : Egalement sur justificatifs.

M. Jacky DARNE : Visés par qui ?

M. Gérard LE VERT : Toujours M. Bernard Courcelle.

M. Jacky DARNE : Avez-vous constaté, au cours de certaines manifestations, une insuffisance des militants DPS susceptible de justifier le recours à des société privées de surveillance ?

M. Gérard LE VERT : Jamais, nous n’en avons pas les moyens ! Si cela est arrivé, en tout cas, je ne suis pas au courant. Moi, je ne l’ai jamais demandé : nous n’avions pas les moyens de payer des sociétés privées qui sont affreusement chères !

M. le Président : Des membres de telles sociétés pouvaient-ils intervenir à titre individuel ?

M. Gérard LE VERT : A titre individuel, c’est très possible. Bien sûr !

M. le Président : C’est très possible ou cela s’est fait ?

M. Gérard LE VERT : Cela ne s’est pas fait officiellement. Quand des maîtres-chiens viennent garder un site comme les BBR, la nuit, ils le font à titre individuel et ne sont jamais payés...

M. le Président : Cela se fait donc ?

M. Gérard LE VERT : Oui, oui, bien sûr !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Contrairement à ce qui se passe dans les autres partis politiques, vous donnez l’impression, tout comme M. Bernard Courcelle d’ailleurs, de n’être au DPS que pour assumer la sécurité et que vous dissociez votre militantisme de vos responsabilités au sein du service d’ordre. Vous avez même l’air de vous étonner des agressions dont vous pouvez être l’objet durant les manifestations...

M. Gérard LE VERT : M. Bernard Courcelle était lui un technicien de la sécurité, alors que j’ai commencé par être un militant.

Cela étant, madame, si vous étudiez le cadre de nos manifestations, vous constaterez qu’il diffère de celui de tous les autres mouvements politiques : nous sommes systématiquement attaqués, il faut bien le reconnaître. Que l’on ne soit pas d’accord avec mes idées ne me gêne pas, mais que l’on vienne régulièrement au cours de chacune de nos manifestations nous bombarder de pierres, d’oeufs, de crachats et d’insultes ... Que voulez-vous que nous fassions ? Que nous ne manifestions plus, que nous n’existions plus ? C’est pour cela que le DPS existe.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Puisque vous êtes adhérent au mouvement, il faut que vous ayez conscience que, pour ceux qui vous attaquent, vous appartenez à un parti qui prône l’inégalité des races, notamment par les jeux de mots de M. Jean-Marie Le Pen qui, quelles que soient les relations que vous entretenez avec lui, reste quand même votre référence. Vous ne pouvez donc pas vous étonner que des militants hostiles à vos idées, notamment les jeunes, manifestent contre vous...

M. Gérard LE VERT : Les jeunes, madame, sont l’objet de manipulations : je l’ai vu à Montceau-les-Mines.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Je ne parviens pas à comprendre comment vous pouvez ainsi dissocier vos idées et votre appartenance au service d’ordre du Front National, qui diffère de celui des autres partis politiques...

M. Gérard LE VERT : Ce sont vos idées contre les miennes, et je comprends parfaitement que mes idées ne vous plaisent pas. Mais il se trouve que nous faisons partie de mouvements différents ! Il n’en reste pas moins que je vois les choses de l’intérieur et je regrette ce qui se passe lors des manifestations. Je trouve cela très dommage parce que, que vous le vouliez ou non, les violences ne sont pas de notre fait : moi, je me bats en permanence contre cela et le racisme, il s’exerce contre moi, je le vis au quotidien. Ce que je reçois et entends, dans la rue, à l’occasion d’appels anonymes ou de manifestation, ce sont des attaques permanentes. Vous ne le comprenez pas mais moi je les vis. De tous les côtés, il se trouve des gens intéressants et pas intéressants ... Il ne faut pas être manichéen, tout n’est jamais tout bon ou tout mauvais.

M. le Président : Vous avez reçu une formation militaire, naturellement ?

M. Gérard LE VERT : Oh, très courte. J’ai fait mon service militaire comme deuxième classe.

M. le Président : Pas de carrière militaire ?

M. Gérard LE VERT : Absolument pas !

M. le Président : Vous êtes très lié à M. Bernard Courcelle ?

M. Gérard LE VERT : Oui, tout à fait.

M. le Président : On a parlé de sociétés de gardiennage. Et les rapports avec ceux qui sont dans les réseaux mercenaires... ?

M. Gérard LE VERT : Cela ne nous concerne absolument pas !

M. le Président : L’affaire tchétchène... ?

M. Gérard LE VERT : Désolé : je n’ai pas vu un dollar ! Je le regrette...

M. le Président : Je ne vous parle pas de dollars...

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Etiez-vous présent lors des événements de Mantes-la-Jolie ?

M. Gérard LE VERT : Oui !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Comment avez-vous ressenti la situation ? Comment en est-on arrivé là ?

M. Gérard LE VERT : A titre personnel, j’estime que M. Jean-Marie Le Pen a fait une erreur. Lorsqu’il est sorti de son véhicule, voyant ce qui se passait, il aurait dû y remonter et partir un peu plus loin. Il serait allé trois cents mètres plus loin, il aurait poursuivi sa visite tranquillement. Il n’aurait pas dû accepter l’affrontement. Je pense que cela a été une erreur parce que nous avons été agressés immédiatement et, puisque j’étais sur place bien avant, je peux vous dire que les choses avaient commencé avant même que la voiture n’arrive. Après, il y a eu enchaînement et débordement. Cela a été difficile !

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Par rapport à M. Jean-Marie Le Pen, vous semblez mieux maîtriser vos impulsions...

M. Gérard LE VERT : J’essaie, madame.

Mme Yvette BENAYOUN-NAKACHE : Finalement, vous avez mis de l’ordre dans le DPS ! Les autres témoignages que nous avons recueillis laissent entendre qu’il était temps que des personnes susceptibles de maîtriser leurs pulsions arrivent pour organiser ce service d’ordre qui tirait un peu à hue et à dia...

M. Gérard LE VERT : Je vous rappelle que nous avons affaire à des bénévoles, que c’est très difficile, que nous essayons de faire pour le mieux, que, parfois, nous avons aussi des coups d’énervement. Si je suis là et si je continue, c’est précisément pour éviter ces débordements, pour avoir si possible des relations normales avec la presse et avec nos adversaires, mais cela n’est jamais évident.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Vous nous avez indiqué que les membres du DPS étaient des bénévoles, en général adhérents au Front National, et que cela relevait du militantisme personnel - ce que je comprends parfaitement. Est-ce que, lorsque des policiers ou des gendarmes vous demandent de participer au DPS, vous leur déconseillez de le faire ? Est-ce que ces personnes ont, de temps en temps, l’occasion de vous faire remonter des informations qui peuvent vous intéresser ?

Par ailleurs, lors de l’organisation des manifestations, quelles étaient les relations que vous entreteniez avec les forces de sécurité publique ?

M. Gérard LE VERT : Pour ce qui est du recrutement, il n’y a pas de gendarmes et je n’ai jamais souhaité voir des policiers dans les effectifs du DPS : ce n’est pas leur rôle et ils n’ont pas à en faire partie.

Nos rapports avec les forces de police sont généralement bons. Une semaine avant la manifestation, nous rencontrons la police urbaine et les responsables pour savoir comment sécuriser la voie publique.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : La question est de savoir si les policiers qui sont militants du Front National sont, à votre connaissance, en mesure d’apporter des informations au Front National ou au DPS. Je formule à nouveau ma question, à laquelle vous n’avez pas répondu...

M. Gérard LE VERT : Vous voulez savoir si certains agents du ministère de l’Intérieur seraient sympathisants ou militants du Front National ?

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Peuvent-ils vous envoyer des informations et le Front National est-il amené, dans certains cas, à s’appuyer sur eux pour en obtenir ?

M. Gérard LE VERT : Bien sûr, cela doit se produire à titre personnel, à titre amical, mais cela se fait beaucoup plus simplement par le biais des renseignements généraux avec qui nous sommes en contact régulier lorsqu’il y a une manifestation. Ils sont demandeurs de renseignements comme nous le sommes nous-mêmes. Lorsque nous faisons venir une personnalité ou que nous organisons une manifestation dans la rue ou en salle, on veut savoir ce qui va se passer en face. Nous avons donc souvent affaire aux renseignements généraux, avec qui nous traitons les informations sur les manifestations.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Dans le cadre de ces contacts, êtes-vous parfois conduits à poser des questions plus personnelles sur un certain nombre d’individus et si oui, est-ce que les renseignements généraux peuvent être amenés à vous répondre de façon assez précise ?

M. Gérard LE VERT : Ce sont d’excellents professionnels, bien meilleurs que moi, et, si je pense qu’eux peuvent me manipuler, l’inverse n’est certainement pas vrai ... Nous avons des contacts officiels, mais les informations qu’ils nous fournissent sont fonction de ce dont ils ont eux-mêmes besoin. Ils savent très bien ce qu’ils nous donnent et jamais à titre amical, jamais ! Ce sont des professionnels du renseignement.

M. le Président : Et toujours à l’occasion d’organisations de manifestations ?

M. Gérard LE VERT : Oui, absolument ! A ces occasions, on leur téléphone et on les rencontre officiellement, d’ailleurs dans les bâtiments publics.

M. le Président : Comment se sont réparties les choses entre DPS et DPA ? Puisque vous occupiez un poste important au DPS et que vous êtes maintenant l’animateur du DPA, même si vous n’avez pas reconnu ce qui se passait dans le Midi, vous connaissez bien cet ensemble...

M. Gérard LE VERT : Je n’ai conservé aucun élément du DPS du Midi. Il y a, je crois, une bonne partie des cadres du DPS qui a suivi au DPA. Le pourcentage est très difficile à déterminer mais il représente une bonne partie, majoritaire, de l’encadrement.

M. Le Président : Le DPS a toujours tutoyé des formations plus extrémistes, le GUD, les skinheads...

M. Gérard LE VERT : Oui ; nous nous battons régulièrement contre eux...

M. le Président : ... les mouvements néo-nazis dont vous nous avez juré qu’ils n’avaient pas votre sympathie...

M. Gérard LE VERT : Non, pas du tout ! Vous savez, je suis fils de légionnaire, mon père a été grièvement blessé en libérant la France, mes oncles aussi. C’est vous qui me dites d’extrême-droite, moi, je ne me sens pas d’extrême-droite...

M. le Président : ... Permettez-moi de terminer... Par exemple, dans l’Est de la France, il y a eu des liens très nets entre le DPS et les mouvements néo-nazis...

M. Gérard LE VERT : ... Cela se faisait à titre individuel...

M. le Président : Oui, toujours à titre individuel... Donc ces mouvements ont gravité autour du Front National et du DPS. D’après nos informations, ils se tourneraient plutôt vers le DPA que vers le DPS, mais vous allez naturellement me dire le contraire...

M. Gérard LE VERT : Oui, tout à fait !

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Je voudrais savoir qui étaient les cadres du DPS auxquels vous avez fait allusion ?

M. Gérard LE VERT : C’est très simple : ce sont les cadres régionaux et départementaux.

M. le Président : Vous nous avez dit que vos désaccords avec M. Jean-Marie Le Pen n’étaient pas récents. Manifestement, vous avez exprimé des opinions particulières tout en étant un dirigeant du DPS.

M. Gérard LE VERT : C’est vrai, oui.

M. le Président : Ces différends touchaient-ils à la politique du Front National et de son chef ou concernaient-ils aussi la conception même de la sécurité et le DPS ?

M. Gérard LE VERT : Non, car c’est nous qui organisions la sécurité au sein du DPS...

M. le Président : J’entends bien. Je vous ai écouté tout au long de votre audition et votre discours est parallèle à celui de M. Bernard Courcelle : le DPS était parfait ! ...

M. Gérard LE VERT : ... Ce serait formidable ! ...

M. le Président : ... A vous écouter, ce n’est pas mon appréciation ! ...

M. Gérard LE VERT : ... Je m’en doute bien ! ...

M. le Président : Je vous écoute et j’ai bien compris l’image que vous entendez nous donner du DPS.

Y avait-il, dans les différends qui vous opposaient à M. Jean-Marie Le Pen et à son entourage, et qui, dans la période récente et au-delà, touchaient sans doute à des questions politiques, également des divergences relatives à la conception que M. Jean-Marie Le Pen pouvait avoir des problèmes de sécurité ?

M. Gérard LE VERT : Oui, absolument !

M. le Président : Pouvez-vous nous les préciser ?

M. Gérard LE VERT : Je ne préfère pas. Pour moi, c’est terminé. Je n’en parlerai pas parce que c’est trop personnel. Il y a des choses que je ne voulais pas faire et avec lesquelles je n’étais pas d’accord.

M. le Président : Peut-être, mais, monsieur Le Vert, il faut nous en dire plus.

M. Gérard LE VERT : Non, il s’agissait de consignes personnelles.

M. le Président : Sans entrer dans le détail, précisez-nous la nature de ces divergences.

M. Gérard LE VERT : Vous savez, je m’occupais de la sécurité des manifestations nationales et depuis l’affaire de Mantes-la-Jolie, j’avais pris un peu de recul : je ne m’occupais plus de la sécurité de M. Jean-Marie Le Pen. Je ne voulais plus être dans son entourage sécuritaire.

Mme Geneviève PERRIN-GAILLARD : Est-ce que cela signifie, par exemple, que M. Jean-Marie Le Pen aurait souhaité que tout le monde soit armé ? Voulait-il aller plus loin dans l’organisation ou le recrutement du DPS ?

M. Gérard LE VERT : S’il avait souhaité que nous fussions armés, il est clair que nous aurions dit non : c’est inacceptable !

M. le Président : Entendons-nous bien. Les désaccords qui vous ont opposé à M. Jean-Marie Le Pen, durant toute cette période et tout récemment sur les problèmes touchant à la sécurité, concernaient-ils la sécurité de M. Jean-Marie Le Pen ou sa conception de la sécurité du Front National ?

M. Gérard LE VERT : C’est un ensemble. Je vous parlais tout à l’heure de Mantes-la-Jolie : il est vrai que je n’étais pas d’accord avec ce qui s’y est passé. Ce n’est pas le rôle d’un responsable politique de mener la charge ! S’il était reparti dans sa voiture comme nous le lui avions demandé, il n’y aurait pas eu de Mantes-la-Jolie...

M. Le Président : Vos désaccords portaient donc sur les comportements de M. Jean-Marie Le Pen ?

M. Gérard LE VERT : Absolument, car il engageait la sécurité et il nous engageait nous, avec les risques que cela comporte pour des bénévoles qui travaillent, qui ont des familles et qui voient les affaires ensuite étalées dans la presse. Combien de nos amis ont ainsi perdu leur job au motif que leur photo, prise au sortir d’un meeting ou d’une réunion, assortie de leur nom, a été publiée dans les journaux...

M. le Président : M. Jean-Marie Le Pen avait-il des conceptions... ?

M. Gérard LE VERT : M. Jean-Marie Le Pen ne s’intéresse qu’à lui... pour sa sécurité. Le reste, les gars qu’il laisse en route, il s’en fiche !

M. le Président : Oui, cela je l’ai bien compris, mais au niveau de la conception du mouvement et, en son sein, de ce que devait être un organisme un peu autonome de sécurité, avait-il une conception différente de la vôtre ?

M. Gérard LE VERT : Je n’en ai jamais parlé longuement avec lui. Je ne le vivais que sur le terrain parce que je n’ai jamais été un courtisan et que je n’ai jamais fait partie de la cour de Saint-Cloud. Je n’ai donc jamais eu l’occasion de disserter avec lui sur les problèmes de sécurité. Je les vivais physiquement sur le terrain.

M. le Président : Monsieur, nous vous remercions.