Présidence de M. Raymond FORNI, Président
Mme Elisabeth Guigou est introduite.
M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, Mme Elisabeth Guigou prête serment.
Mme Elisabeth GUIGOU : Monsieur le président, mesdames et messieurs les commissaires, je vais vous donner des indications sur ce qu’a fait le ministère de la Justice dans la politique du gouvernement de retour à l’Etat de droit en Corse. A vrai dire, je préfère utiliser les termes " respect de la loi ", car c’est ce dont il s’agit. Retour à l’Etat de droit, sans doute, mais c’est d’abord une conséquence du respect de la loi.
La justice a joué un rôle majeur dans cette politique, en premier lieu parce que nous avons su et pu renforcer et renouveler les services judiciaires en Corse. Si vous vous en souvenez, le rapport Glavany-Paul avait noté la démotivation, la lassitude des juges, leur ancienneté (cf. page 389 du rapport), la médiocrité des conditions de travail, élément très important du rapport que nous avons pris, comme il se doit s’agissant des investigations et des propositions de l’Assemblée nationale, extrêmement au sérieux. Nous avions d’ailleurs, pour notre part, déjà fait ce constat.
Nous avons mis en place une action vigoureuse, en collaboration et avec l’accord du Conseil supérieur de la magistrature, pour ce qui concerne la nomination des magistrats, comme la loi l’impose.
Nous avons aujourd’hui quarante-quatre postes budgétaires de magistrats en Corse. Grâce à quatre surnombres, nous avons donc en activité quarante-huit magistrats en poste en Corse, parmi lesquels vingt et un ont moins de deux ans de fonction sur place. Nous avons donc renouvelé de 44 %, les effectifs de magistrats, dont le procureur général et le premier président, c’est-à-dire les deux chefs de la cour d’appel de Bastia qui ont pour première responsabilité d’organiser le travail, l’un du parquet, l’autre des magistrats du siège.
Nous avons renforcé les structures puisque nous avons repyramidé un poste de juge d’instruction en vice-président chargé de l’instruction à Bastia, pour muscler l’organisation de l’instruction, et que nous avons nommé en 1998, deux magistrats au parquet comme procureurs adjoints, l’un à Bastia, l’autre à Ajaccio. Le tribunal de grande instance d’Ajaccio a été porté à deux chambres au lieu d’une.
Je souligne que nous avons réussi à pourvoir ces postes sans trop de difficulté, alors qu’en avril 1997, lors d’une audition par MM. Henri Cuq et Xavier de Roux, président et rapporteur d’une mission d’information de votre assemblée sur la Corse, M. le procureur Couturier, le prédécesseur de celui en poste actuellement, indiquait qu’il était nécessaire de renouveler les magistrats en Corse, mais que la chancellerie de l’époque n’y parvenait pas faute de candidats. Nous avons fait la démonstration qu’avec de la volonté politique, on peut réussir là où d’autres avaient échoué.
En ce qui concerne les fonctionnaires de greffe, nous avons là aussi fait un effort de recrutement puisque nous avons deux affectations en surnombre. Nous avons seize assistants de justice et trois assistants spécialisés. Les moyens matériels ont été renforcés puisqu’un effort particulier a été réalisé sur l’informatique. Tous les postes de travail sont maintenant informatisés, soit 1,3 MF de dotation. Les budgets de fonctionnement des juridictions ont été augmentés à un rythme supérieur à celui des autres juridictions françaises. Les crédits d’entretien immobiliers se sont également élevés à un montant important, à savoir 25 MF sur le budget 1998/99, dont 8,950 MF pour le palais de justice d’Ajaccio et 11,7 MF pour le palais de justice de Bastia.
De plus, nous avons créé un outil qui me paraissait indispensable, le pôle financier de Bastia, qui est le second à avoir été créé après celui de Paris, pour avoir précisément plus d’efficacité dans la lutte contre la délinquance économique et financière, mise en évidence par différents rapports. La commission d’enquête Glavany-Paul avait souligné qu’il était nécessaire - je les cite - " de casser sans faiblesse le système pré-mafieux et de lutter contre la délinquance économique et financière " que le rapport analysait comme étant un frein au développement de cette région.
Les deux assistants spécialisés de ce pôle financier sont arrivés le 1er juin et l’installation du troisième et dernier intervenant s’est faite le 1er juillet. Des moyens spécifiques pour le pôle ont été mis en place : recrutement d’un juge d’instruction supplémentaire pendant l’été 1998, ce dernier ayant été affecté au pôle financier qui désormais compte quatre magistrats instructeurs. Nous avons créé un poste de greffier supplémentaire pour le pôle financier et affecté quatre assistants de justice et trois assistants spécialisés.
Ces renforcements et renouvellements ont commencé à produire des résultats. En tous les cas, selon les indications que me donne le premier président de la cour d’appel de Bastia, les magistrats auraient retrouvé motivation et détermination. Il faut savoir qu’ils travaillent dans des conditions particulièrement difficiles car ils ne sont pas exempts de menaces.
Quels sont les résultats ? Dans le domaine civil comme dans le domaine pénal, on peut dire que le droit commun s’applique maintenant en Corse et que la loi se fait respecter. Évidemment, nombre de chantiers sont ouverts. Nous avons encore bien évidemment des avancées à faire. Mais je peux vous donner quelques indications, notamment en matière civile, sur le statut fiscal et l’indivision, sujet difficile dont on parle depuis très longtemps, au point qu’en avril 1997, M. Jean-Pierre Goudon, à l’époque premier président de la cour d’appel de Bastia, constatait qu’il était très difficile d’engager une action en matière d’indivision et de succession. Ceci est également cité dans le rapport de la mission d’information présidée par M. Henri Cuq.
Je voudrais souligner que là aussi le gouvernement a agi avec détermination puisque la commission mixte sur le statut fiscal et l’indivision en sommeil, voire abandonnée, alors que ce sujet est particulièrement sensible, a été réactivée et tient des réunions régulières, selon le vœu exprimé notamment au moment du débat sur la loi de finance pour 1999. Elle est chargée de proposer des mesures pour faciliter la reconstitution des titres de propriété et la sortie des indivisions, sources de conflits, d’instabilité et d’insécurité juridique. Je considère qu’il s’agit là d’un point essentiel pour permettre la croissance et l’activité économique en Corse.
Sur le redressement des entreprises agricoles, un grand nombre d’entre elles sont dans une situation économique catastrophique et nous nous attachons à mettre en place des solutions de redressement, compatibles avec le cadre légal. Ce travail important demande beaucoup d’effort dans les tribunaux de grande instance puisque nombre de ces procédures ressortissent des tribunaux.
Nous avons voulu également, toujours dans le domaine du droit, renforcer la formation des professionnels du droit. A la suite d’une initiative des barreaux de Bastia et Ajaccio, que je souhaite rappeler à cette occasion car il faut souligner les bonnes initiatives des barreaux, nous sommes en train de créer un centre interprofessionnel de formation continue juridique, sous l’impulsion directe de mon ministère. Nous proposerons dans ce centre, à tous les professionnels du droit, des séminaires, des conférences et des stages. Son financement de 1,2 MF sera assuré par les collectivités locales et les ordres professionnels. Le ministère de la Justice, pour sa part, mettra à la disposition de ce centre deux assistants de justice.
Sur le plan pénal, nous enregistrons des résultats tangibles. Nous constatons une régression de la grande criminalité. Les chiffres sont parlants : les attentats ont sensiblement diminué depuis 1996 puisqu’à cette époque, on enregistrait 574 attentats, 455 en 1997 et 198 en 1998. Nous avons, il est vrai, au cours des six premiers mois de cette année, enregistré une hausse avec 124 attentats pour les six premiers mois de l’année 1999, mais on peut tout de même dire que le nombre d’attentats reste contenu : 124 cette année pour les six premiers mois, 93 l’an dernier... ce sont des ordres de grandeur comparables.
S’agissant des assassinats et homicides volontaires, en 1995, nous en avions enregistré 36 et 20 en 1998. Pour les six premiers mois de l’année 1999, la tendance à la baisse sur les attentats et les homicides se confirme puisque nous avons eu, au 20 juin, huit homicides volontaires au lieu de sept au 20 juin 1998.
Il me semble important de souligner que le taux d’élucidation est en très nette progression. En 1999, pour huit affaires enregistrées, cinq ont été résolues, soit un taux de 62,5 % et, pour l’année 1998, ce taux avait été en Corse de 45 %, alors qu’au plan national, il est de 84,7 %.
Nous constatons la même décrue pour les vols à main armée : 150 en 1996, 63 en 1998. Là encore, nous enregistrons une hausse au cours des premiers mois de cette année par rapport à 1998, mais, avec soixante-huit vols à main armée, nous restons dans une forme contenue de cette manifestation de délinquance.
Nous avons pris un tournant décisif dans la lutte contre la délinquance économique et financière, à la suite des missions menées par l’inspection des finances, notamment sur le Crédit agricole. Là aussi, les résultats sont probants : le TGI de Bastia, juridiction spécialisée en vertu de l’article 704 du code de procédure pénale, traite 50 dossiers économiques et financiers lourds. Ces dossiers ont essentiellement pour origine des dénonciations au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, provenant principalement des inspections centrales, mais aussi des autorités préfectorales et de la chambre régionale des comptes. Ces dossiers concernent essentiellement des irrégularités dans la passation des marchés et des détournements de fonds publics. Je donnerai comme exemple de dossiers traités, la caisse régionale du Crédit agricole, la caisse de développement économique de la Corse, la société d’aménagement de l’île de Cavallo, la CODIL, la Mutualité sociale agricole ainsi que des dossiers d’évasion fiscale. Ce sont des dossiers traités par le tribunal de grande instance de Bastia. Au tribunal de grande instance d’Ajaccio, quarante-huit dossiers lourds sont en cours dont trente-trois en enquêtes préliminaires et quinze sur commissions rogatoires. Il convient d’ajouter que les dossiers les plus complexes ont été adressés à Bastia, juridiction spécialisée en matière économique et financière.
Les dossiers du TGI d’Ajaccio concernent également des détournements de fonds publics, par exemple dans la commune de Sartène, à la chambre des métiers, l’hôpital de Bonifacio, l’office de l’environnement, la commune de Sari-Solenzara, le SIVOM de la rive sud, la commune de Conca, la chambre de commerce et d’industrie de la Corse du sud. Ce sont quelques exemples de dossiers suivis par le TGI d’Ajaccio.
Je voudrais souligner que des condamnations exemplaires ont été prononcées, contrairement à l’habitude qui voulait que les tribunaux ne condamnent pas en Corse :
- Le 7 avril 1999, condamnation de deux auteurs de violences volontaires sur agents de la force publique à dix-huit mois d’emprisonnement pour l’un et six mois dont quatre avec sursis pour l’autre, par le tribunal correctionnel de Bastia.
- Le 19 janvier 1999, condamnation en comparution immédiate pour port d’arme, à quatre ans d’emprisonnement, par le tribunal correctionnel d’Ajaccio.
- Le 10 mai 1999, condamnation pour port d’arme à un an d’emprisonnement dont huit mois avec sursis, par la cour d’appel de Bastia.
- Le 28 octobre 1998, condamnation pour association de malfaiteurs à quatre ans d’emprisonnement, par la cour d’appel de Bastia.
- Le 20 mai 1998, condamnation pour racket à quatre ans d’emprisonnement, par la cour d’appel de Bastia.
Nous pouvons fournir d’autres exemples de ce type à la commission si elle le souhaite.
M. le Président : Excusez-moi de vous interrompre un instant. Vous nous citez des condamnations prononcées par les juridictions locales, mais avez-vous des statistiques sur les condamnations prononcées à la suite du dépaysement des dossiers, notamment suite à la saisine de la section anti-terroriste ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Oui, je peux tout à fait vous les communiquer.
M. le Président : Il est intéressant, compte tenu de la gravité des dossiers transmis à Paris, d’avoir également une statistique sur les résultats obtenus dans ce domaine. Si on constate sur place une certaine sévérité dans le cadre des condamnations prononcées par les juridictions pénales en Corse, qu’en est-il du suivi, du début à la fin, de ces dossiers concernant le terrorisme ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Je vous communiquerai les statistiques du parquet de Paris, spécialisé dans ce domaine.
S’agissant de l’amélioration de la justice criminelle, je vous donne quelques chiffres. Entre 1988 et 1998, 21 % des accusés ont été acquittés alors que le taux national était de 4,9 %. Les crimes de sang et les vols criminels sont cinq fois supérieurs au taux moyen national, alors que le taux d’élucidation reste de 20 % inférieur.
A ma demande, le procureur général et le premier président ont mis en place une commission locale sur ce sujet qui a proposé des améliorations, notamment sur le recueil des témoignages, l’audition des témoins sous X et l’enregistrement des auditions, le renforcement des moyens techniques et de médecine légale. Nous notons une amélioration, mais nous pouvons, là encore, aller plus loin.
Dans la lutte contre le terrorisme, sur l’élucidation de l’assassinat du préfet Erignac, les deux instructions - l’instruction Erignac confiée à la DNAT à Paris et l’instruction Pietrosella confiée à la gendarmerie locale - ont été réunies le 8 décembre 1998, entre les mains des trois juges d’instruction spécialisés à Paris, afin de centraliser les informations recueillies, conformément aux dispositions du code de procédure pénale. Ce dernier prévoit que " lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie, le président du tribunal peut adjoindre au juge d’instruction, un ou plusieurs juges d’instruction. "
Le préfet Bonnet a reçu les confidences d’un informateur qu’il a transmises au procureur de la République de Paris, le 17 novembre 1998. Le regroupement des procédures et l’exploitation des informations recueillies ont permis aux enquêteurs, sous la direction des magistrats instructeurs, d’identifier les auteurs de l’assassinat du préfet et d’obtenir des aveux circonstanciés de la plupart des personnes en cause. Des actes d’instruction sont toujours en cours et les enquêteurs poursuivent leurs recherches pour interpeller Yvan Colonna et d’éventuels complices.
Quelques chiffres éclairants sur la lutte contre le terrorisme. En 1996, cent quatre personnes ont été interpellées et trente-sept écrouées. En 1998, quatre cent trente personnes interpellées et cinquante-cinq écrouées. Cent sept affaires sont en cours concernant cent soixante-dix personnes mises en examen et vingt-quatre détenues.
Après ce bilan de l’activité civile et criminelle, je voudrais vous parler de domaines moins connus ou moins analysés, mais qui font partie de l’activité de mon ministère. Comme il convient également d’appliquer en Corse les autres priorités nationales, je vous parlerai de la protection judiciaire de la jeunesse. Des renforts ont été affectés dans ce domaine également. La direction de la protection judiciaire de la jeunesse a en effet mis en œuvre les orientations du gouvernement pour associer l’ensemble des partenaires publics et associatifs, selon les orientations données par les conseils de sécurité intérieure du 8 juin 1998 et du 29 janvier 1999.
S’agissant de la justice administrative, autre élément important de la politique que nous voulons mener en Corse, on peut noter une augmentation des contentieux administratifs. Les saisines du tribunal administratif par les administrations et le préfet ont été multipliées par deux et demie par rapport à 1997. Ces saisines concernent principalement l’urbanisme et les marchés publics, à peu près à parts égales.
Le chemin parcouru est donc considérable. Des efforts sont évidemment encore nécessaires, mais les chantiers sont ouverts, ceci de façon irrémédiable car la volonté du gouvernement est effectivement de poursuivre cette politique et de continuer à y affecter les moyens nécessaires.
M. le Président : Merci, madame. Je pense que ce descriptif est utile à la commission, mais comme notre objet est précis et limité à la fois dans le temps et quant aux possibilités d’investigation de la commission d’enquête, j’aimerais que vous nous expliquiez, de votre point de vue, quelles étaient en Corse les relations entre la justice, les magistrats et les différentes forces de sécurité sur le terrain.
Comment, sous votre responsabilité, durant la période pendant laquelle vous avez exercé ces fonctions de ministre de la justice, les saisines s’effectuaient-elles entre les services de gendarmerie ou les services de police ? De qui cela dépendait-il ? Y avait-il des instructions données pour privilégier l’un plutôt que l’autre ? existait-il une méfiance à l’égard de l’un et une confiance à l’égard de l’autre ?
A cette question, j’en ajouterai une seconde. Comment s’opérait, et sur la base de quels critères, le dépaysement des dossiers au profit de la section anti-terroriste de Paris ? De ce point de vue, vous pourriez peut-être nous donner votre opinion sur le fonctionnement de ce système, dont certains nous ont dit qu’il n’était pas forcément adapté à la situation corse et que le caractère exceptionnel de cette procédure nuisait finalement à l’installation et au respect de la légalité en Corse, car on avait le sentiment d’être sur un territoire à part, par rapport au reste du territoire national.
Le troisième point est plus une réflexion qu’une question. Je suis quelque peu étonné, sans que cela soit une critique de ma part, par les divergences existant entre l’appréciation que vous formulez et celle que nous ont fournie, sur la même situation, d’autres ministres membres du même gouvernement.
Plus précisément, M. Jean-Pierre Chevènement nous a indiqués ici qu’en ce qui concerne la délinquance, il n’y avait pas de situation exceptionnelle en Corse, que dans le cadre statistique, elle était égale à celle qui se " pratique " sur le continent. Vous-même nous indiquez que le degré de gravité des infractions est plus grand en Corse qu’ailleurs. En examinant de plus près, on s’aperçoit que les crimes de sang et l’atteinte aux personnes concernent un nombre de dossiers assez considérable sur le territoire corse.
Comment est-il possible d’avoir cette divergence d’appréciation entre membres d’un même gouvernement, chacun chargé d’un secteur d’application de la politique de sécurité ? Je n’essaie pas de vous mettre en contradiction avec votre ami Jean-Pierre Chevènement, ministre de l’Intérieur. Néanmoins, cette différence d’appréciation nous pose question. En effet, on se dit que s’il y a une différence d’appréciation dans le compte rendu aujourd’hui, n’y en avait-il pas une lorsqu’il fallait prendre des décisions sur le territoire corse.
Mme Elisabeth GUIGOU : Je commencerai par ce dernier point. Tout dépend de ce dont on parle. Si je vous avais fait le bilan de la délinquance juvénile ordinaire, il n’y en a pas plus en Corse qu’ailleurs, peut-être même plutôt moins. Mais si on parle de terrorisme et d’attentats, il y en a davantage. C’est pourquoi tout dépend de l’angle de vue. Quand je suis arrivée dans ce ministère et que j’ai demandé un bilan de la situation en Corse, il m’avait été répondu que tout allait bien. Étonnée, j’ai demandé à le voir. On m’a alors montré les statistiques civiles...
S’agissant des relations entre la justice et les forces de sécurité, cela se passe en Corse, depuis que je suis là, comme cela se passe ailleurs sur le territoire national et en vertu des procédures prévues par la loi et le code de procédure pénale : ce sont les magistrats du parquet ou juges d’instruction qui choisissent les services enquêteurs. Cette prérogative leur est reconnue. Il ne peut donc y avoir d’instructions du gouvernement et il n’y en a pas eu sur la question de savoir si l’on devait choisir de s’adresser à la gendarmerie plutôt qu’au SRPJ.
Il est vrai, selon l’analyse faite par le gouvernement, notamment après l’assassinat du préfet Erignac, qu’un certain nombre de doutes ont pu être émis sur la fiabilité de certains fonctionnaires ou services publics en Corse, mais ce n’était pas spécifique - je le souligne - aux services de police par exemple. Nous avons tous pris des mesures pour faire en sorte de n’avoir aucun doute, précisément, sur leur fiabilité. Pour la justice, cela a passé par un renouvellement, parce que la mobilité est le meilleur gage dans des situations difficiles, ceci dans le respect absolu des règles de nomination des magistrats fixées par le Conseil supérieur de la magistrature qui a parfaitement compris qu’un renouvellement était nécessaire.
M. le Président : Vous parlez d’un certain nombre de doutes sur la fiabilité, mais de qui ? A l’intérieur de la magistrature, tout d’abord, y avait-il des doutes de votre part sur le comportement de tel ou tel magistrat en Corse ? Y avait-il des doutes dans l’appréciation que vous étiez amenée à porter sur la collaboration dont bénéficiait la justice de la part des services de police ou de la part des services de gendarmerie ?
Vous avez forcément une vue d’ensemble car j’imagine que les informations remontent ; lorsque les magistrats vous communiquent leurs doutes sur le comportement de tel ou tel collaborateur occasionnel de la police ou de la gendarmerie, c’est quelque chose que vous devez savoir et intégrer dans votre réflexion. Je ne parle pas simplement du doute sur certains magistrats. Je sais que vous avez décidé de quelques déplacements lors de votre arrivée à la chancellerie, ceci avec l’accord du CSM et dans le cadre des dispositions légales. Pourriez-vous être plus précise sur ces deux points : intérieur et extérieur ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Lorsqu’il m’est apparu que l’ancien procureur général de Corse n’était plus, en raison des instructions qu’il avait lui-même données à ses services par une circulaire, en mesure de pouvoir convenablement assurer la crédibilité de la politique du gouvernement, j’ai décidé de proposer son changement. Ce n’était d’ailleurs pas une critique sur la personne. Il a appliqué une politique qui était celle du gouvernement précédent, à l’époque où on donnait des instructions aux procureurs généraux d’être " circonspects ", selon l’expression, dans certaines affaires. La politique du gouvernement ayant changé, il m’a semblé nécessaire, voire indispensable, qu’une autre personne la conduise. Cela n’enlève rien aux qualités personnelles de M. Couturier par ailleurs.
Pour le reste et s’agissant des services qui ne dépendent pas de mon ministère, je ne veux pas être plus précise. Les autres ministres pourront sans doute vous donner des indications qui seront fondées sur des éléments que je ne possède pas nécessairement. Mais il est vrai que le sentiment était qu’un certain nombre de fonctionnaires avaient été trop habitués à l’ancien système pour pouvoir continuer à exercer en Corse. C’était vrai dans différents domaines, qu’ils soient sociaux ou relatifs à la sécurité. Des mutations, que vous connaissez, ont d’ailleurs été faites. Pour ma part, je n’ai pas à être plus précise sur ce point puisque ces décisions ont été prises par d’autres collègues du gouvernement.
S’agissant des magistrats, je vous ai donné l’exemple du procureur général. Mais des magistrats du siège ont souhaité revenir sur le continent après un temps long passé en Corse. Ce retour a été facilité, c’est-à-dire que des postes correspondant à leurs capacités leur ont été proposés, tout ceci avec un examen par le Conseil supérieur de la magistrature. Lorsqu’il s’agit d’un certain grade, ce n’est même pas le Garde des sceaux qui propose, mais le Conseil supérieur de la magistrature.
J’ajoute que si le premier président de la cour d’appel, M. Goudon, a été nommé premier président de la cour d’appel de Nîmes, je n’avais aucune sorte de reproche à lui adresser. Mais ce changement, d’ailleurs proposé par le CSM, m’a paru justifié à partir du moment où l’on renouvelait la magistrature en Corse, M. Goudon ayant d’ailleurs lui-même manifesté la volonté de ne pas s’éterniser parce que c’est un métier usant dans ce contexte... Il est sûr, s’agissant de la magistrature en tout cas, que le renouvellement et la mobilité sont en soi une bonne chose.
M. le Président : Vous dites que c’est un métier difficile, où l’on est soumis à une tension, une pression permanente. Comment les analysez-vous ? D’où cela vient-il ? Des politiques, des administrations, de la population ? Y a-t-il une situation particulière en Corse qui fait que le métier de magistrat est plus difficile à exercer qu’ailleurs ?
M. Roger FRANZONI : Souvent, cela vient des bombes !
Mme Elisabeth GUIGOU : Un certain nombre de magistrats ont reçu des menaces. C’est récurrent. Je suis très attentive à leur protection lorsqu’ils l’acceptent, ce qui n’est pas toujours le cas. Pour certains, leur cage d’escalier a été plastiquée, leur voiture ou leur appartement détruit... C’est cela, l’ambiance en Corse. Ce sont des pressions ou des menaces. Lorsqu’il s’agit de personnes qui sont en Corse depuis longtemps, on peut concevoir qu’au bout d’un certain temps, la lassitude s’installe. C’est pourquoi nous avons tâché de nommer des magistrats expérimentés, ce qui est le cas des magistrats spécialisés.
De plus, la création d’une juridiction spécialisée dans la lutte contre la délinquance économique et financière donne à ces magistrats expérimentés des responsabilités accrues. Ce ne sont plus de très jeunes magistrats n’ayant que peu d’expérience, qui sont chargés de ces dossiers. Les dossiers les plus lourds sont confiés à la juridiction spécialisée de Bastia. Je crois que cela y fait beaucoup, cela se sait ; en plus des moyens particuliers sont mis en œuvre. Ce sont des magistrats qui ont eu l’occasion, à Paris ou ailleurs, de traiter ces questions difficiles.
Je crois profondément que plus la politique actuelle de respect de la loi continuera, s’imposera dans les faits, montrera des résultats, plus ces pressions tendront à devenir moins déterminantes. Dès lors que la population se rendra compte que ce n’est pas un feu de paille, et cela a commencé, des personnes parleront. Ce n’est pas encore tout à fait le cas, mais cela commence un peu. Je pense aussi que les pressions seront moins faciles à exercer, ou du moins les personnes y seront moins sensibles. Dans la mesure où une sorte d’impunité s’était installée, rien ne pouvait dissuader les poseurs de bombes et de pains de plastic d’aller intimider les fonctionnaires ou les magistrats. Le fait nouveau est que nous avons décidé de ne plus nous laisser intimider. Cela commence à se savoir et petit à petit, les responsables de l’Etat gagneront davantage de confiance.
Mme Catherine TASCA : Y avait-il en Corse une tradition de plus grande longévité des magistrats dans leurs fonctions que sur le continent ? Si oui, quels sont les moyens de la chancellerie désormais pour organiser un renouvellement plus rapide et régulier des principaux magistrats ? Quelle était l’ancienneté en Corse, lors de votre prise de fonctions, des principaux magistrats ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Aujourd’hui, elle est de deux ans et demi en moyenne. Elle était plus longue auparavant. Je vous communiquerai l’ancienneté moyenne des magistrats avant les renouvellements dont je vous ai parlé. C’était variable ; certains étaient là depuis très longtemps, d’autres au contraire étaient arrivés en sortant de l’école et n’avaient qu’une idée, celle de repartir. C’était à la fois les deux sortes d’inconvénients.
Comment peut-on s’assurer du renouvellement ? Les magistrats du siège ont des garanties d’inamovibilité. S’ils ne veulent pas partir, personne ne peut les y forcer. Nous essaierons dans le projet de loi organique sur le statut des magistrats, comme je l’ai indiqué récemment au cours du débat sur le texte chancellerie/parquet, de favoriser cette mobilité, notamment en stipulant des durées maximum de présence dans un poste donné. C’est la seule solution qui soit compatible avec la règle constitutionnelle de l’inamovibilité.
Nous avons facilité le retour de ceux qui souhaitaient revenir sur le continent, en formulant des propositions au Conseil supérieur de la magistrature pour ceux qui étaient de grade, mais pas président de juridiction. Quant au Conseil supérieur de la magistrature, il a fait des propositions, notamment pour le premier président de la cour d’appel.
Lorsque je préside le Conseil supérieur de la magistrature et que nous examinons les mutations, soit de magistrats du siège, soit de magistrats du parquet, j’ai toujours indiqué depuis le début qu’il me paraissait extrêmement important de favoriser un retour dans des conditions plus favorables aux magistrats qui avaient accepté d’aller dans les départements d’Outre-mer ou en Corse, c’est-à-dire dans des postes exposés. Cette politique est en train de se mettre en place, avec la coopération tout à fait positive du Conseil supérieur de la magistrature. On ne décide pas forcément toujours en fonction de l’ancienneté. Je fais des propositions sur ces bases au Conseil supérieur de la magistrature. En tout cas s’agissant de la Corse, j’ai plusieurs exemples.
M. le Président : Pourriez-vous nous fournir une indication sur la " corsisation " du corps des magistrats ? On s’aperçoit, ce qui est normal d’ailleurs, qu’un certain nombre de magistrats souhaitent revenir dans leur territoire d’origine. A l’occasion de l’affaire Bonnet, on a appris que M. Cambérou est lui-même l’époux d’une magistrate d’origine corse. Y a-t-il un pourcentage de Corses plus important qu’ailleurs ou est-ce dans la norme habituelle ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Ce qui me parait important, c’est moins l’origine des gens ou leurs liens personnels que le fait que l’on fasse attention de ne pas nommer directement en Corse, sur des postes exposés, des jeunes qui sortent de l’école et que, d’autre part, la mobilité soit suffisante. C’est pourquoi je ne peux vous donner de pourcentage sur la " corsisation " parce que je n’ai pas raisonné ainsi. Cela ne serait d’ailleurs pas bon, en tant que responsable, de donner le sentiment qu’il y a nécessairement un soupçon parce qu’on est d’origine corse ou qu’on est allié, marié ou qu’on a des compagnons corses.
M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Sur la " corsisation " des emplois de gendarmes ou de policiers, avez-vous des informations qui vous semblent préoccupantes ? Par ailleurs, le gouvernement donne-t-il de nouvelles instructions pour que les fonctionnaires de police, qui se trouvent être souvent d’origine corse, aient une gestion plus habituelle, sans référence à l’origine et au lieu de naissance ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Non, je n’ai pas d’indication particulière sur ce point.
M. Christian ESTROSI : Vous avez indiqué, tout à l’heure, qu’il n’y avait pas d’instructions du gouvernement sur le fait de faire plus appel à la police qu’à la gendarmerie. Avez-vous participé au comité interministériel qui a décidé de la création du GPS ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Dans mon souvenir, des réunions de ministres ont eu lieu lors desquelles chaque ministre a évoqué, dans son domaine, la restructuration qui allait être opérée afin qu’il ne puisse y avoir aucune difficulté ou soupçon. Je pense que la mise au point du GPS a été organisée par une réunion interministérielle au niveau des administrations et des cabinets. Pour ma part, je ne me souviens pas d’un comité interministériel de ministres, présidé par le premier ministre, sur ce sujet. Mais il est vrai que nous avons été tenus au courant des changements dans la gendarmerie, dans la police, comme d’ailleurs dans les autres services de l’Etat, que nous avons participé...
M. Christian ESTROSI : Bien, mais aviez-vous donné votre accord pour la création du GPS ?
Mme Elisabeth GUIGOU : En tous cas, cela n’a pas paru soulever d’objections. Nous a-t-on demandé notre accord... Pour ma part, je ne me souviens pas que l’on ait demandé aux ministres leur accord. Cela a dû se passer dans une réunion entre cabinets.
M. Christian ESTROSI : Mais si votre cabinet y a participé...
Mme Elisabeth GUIGOU : Oui, en tout cas, il n’y a pas eu d’objection.
M. Christian ESTROSI : Vous avez donc considéré que la création du GPS pouvait constituer une amélioration dans l’organisation des services de sécurité pour la lutte contre le terrorisme en Corse.
Mme Elisabeth GUIGOU : Oui, dès lors que c’était présenté, à l’intérieur de la gendarmerie nationale, comme un regroupement de diverses fonctions et une amélioration de l’efficacité interne, encore une fois, sous l’autorité et le contrôle du colonel responsable de la gendarmerie en Corse. Ce n’était donc pas une création extérieure aux structures normales. Cela ne nous a paru présenter aucune difficulté particulière.
M. Christian ESTROSI : Quelles ont été les relations de vos services avec le préfet Bonnet ?
Mme Elisabeth GUIGOU : De mes services, c’est-à-dire de qui exactement ?
M. Christian ESTROSI : Y a-t-il eu une coopération étroite, avec votre feu vert, entre les magistrats corses et le préfet de Corse ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Il y a eu la coopération qui doit normalement s’installer entre le préfet et le procureur, que j’ai toujours encouragée partout. Je ne vois pas comment on peut régler les problèmes de sécurité, sans une bonne coopération entre le préfet et le procureur. Les mêmes instructions générales ont été données, par exemple sur les contrats locaux de sécurité ou sur la participation à la lutte contre la délinquance, aux procureurs de Corse. Cela me parait naturel, et d’ailleurs je n’ai jamais noté de difficultés particulières. A l’arrivée du procureur général Legras, il a pu y avoir quelques discussions, mais chacun a bien précisé quelles étaient ses prérogatives, et cela s’est très bien passé par la suite.
M. Christian ESTROSI : Vous nous avez indiqué que, sous votre autorité, les condamnations avaient été beaucoup plus nombreuses et plus fermes que sous le gouvernement précédent ; parmi les statistiques que vous nous avez données, vous nous avez signalé une condamnation pour un port d’armes, c’est-à-dire que l’on serait passé de zéro à une.
M. le Président : Deux condamnations pour port d’armes ont été citées.
M. Christian ESTROSI : L’une m’a échappé. Je rectifie, deux condamnations pour port d’armes. Cela signifie-t-il que sur le territoire corse, il n’y a pas matière à plus de deux condamnations pour port d’armes aujourd’hui ?
Mme Elisabeth GUIGOU : D’une part, je ne me suis pas exprimée en disant que, sous mon autorité, des condamnations avaient été faites, parce que ce n’est pas le ministre de la Justice qui rend la justice, il faut, M. Estrosi, que vous l’admettiez. Ce sont les magistrats et, par conséquent, je me suis bornée, ce qui peut paraître simple et modeste, mais cela n’avait pas été fait auparavant, à donner des moyens, c’est-à-dire à faire venir de nouveaux magistrats en Corse, et à leur donner les moyens humains et matériels d’exercer leur mission. Ceci est le rôle du ministre de la Justice.
D’autre part, j’ai envoyé en Corse les instructions de politique pénale générales de la même façon que je les envoie aux autres juridictions. Je constate qu’à la suite de l’action conjuguée des autorités administratives - car le taux d’élucidation ne relève pas des magistrats mais bien de la police et de la gendarmerie, la police judiciaire sous ses deux formes - le taux d’interpellation, d’élucidation et ensuite les condamnations ont suivi. Je vous en ai donné quelques exemples qui ne sont pas exhaustifs, mais je tiens à votre disposition des statistiques plus complètes.
Je dois dire d’ailleurs que, dans cette efficacité plus grande de l’action conjuguée de la police, de la gendarmerie, de l’autorité administrative avec les magistrats, il est évident que M. Bonnet a joué un rôle tout à fait important dont il faut lui savoir gré.
M. Christian ESTROSI : Vous nous avez parlé de contentieux administratifs importants, avec une relance d’un grand nombre d’entre eux, notamment dans le domaine de l’urbanisme. Y a-t-il ou y avait-il entre les assassins présumés ou des membres de leurs familles, un ou des contentieux administratifs en matière d’urbanisme en cours, diligentés par l’ancien préfet Erignac ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Je n’ai pas ces informations. J’ajouterai que, s’agissant du contenu de l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac, ces éléments sont couverts par le secret de l’instruction.
M. le Président : Sans voler au secours de M. Estrosi, il ne s’agit pas tout à fait de cela. La question posée est tout à fait en dehors de l’enquête judiciaire, me semble-t-il. Y a-t-il, parmi ceux qui sont nommés comme étant les auteurs présumés de l’assassinat de M. Erignac, sans nous intéresser à l’enquête elle-même, dans le cadre familial, des procédures administratives qui auraient conduit le préfet Erignac à soumettre à l’appréciation de la juridiction administrative, des problèmes d’urbanisme ? Cela n’a rien à voir avec l’assassinat du préfet Erignac.
Mme Elisabeth GUIGOU : C’est-à-dire si des parents...
M. le Président : En Corse, la famille est une notion...
Mme Elisabeth GUIGOU : Exactement, tout dépend comment on la définit. Pour ma part, je n’ai aucune indication sur le fait que le père, la mère ou...
M. le Président : Le clan, c’est peut-être une expression...
Mme Elisabeth GUIGOU : Tout cela est vague.
M. le Président : Je vais préciser la question de M. Estrosi. La famille Colonna avait-elle des problèmes d’urbanisme qui l’opposaient au préfet Erignac ? C’est ce que vous vouliez dire, monsieur Estrosi...
M. Christian ESTROSI : C’est ce que l’on a pu lire ici ou là.
Mme Elisabeth GUIGOU : On ne m’a pas signalé ces problèmes. Maintenant, peut-être mon information est-elle incomplète. Je note ce point pour le vérifier.
M. Christian ESTROSI : Vous nous avez indiqué que l’ancien procureur de Corse a été changé et qu’une des causes ayant motivé ce changement, aurait été une circulaire qu’il aurait adressée à ses services et qui vous paraissait peu adaptée à la lutte à mener sur le territoire corse, en matière de délinquance. De quelle circulaire s’agit-il ?
Mme Elisabeth GUIGOU : La circulaire, dont j’ai oublié la date mais je pourrai vous la communiquer, doit sans doute être citée dans le rapport de la commission d’enquête sur l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse. Vous pourrez donc l’y retrouver. Cette circulaire n’est que la manifestation la plus visible de toute une politique qui était menée et qui aboutissait à très peu de poursuites et, en réalité, à laisser s’installer le sentiment d’impunité.
M. Christian ESTROSI : En matière de renouvellement, vous nous avez indiqué que quasiment l’ensemble des magistrats corses avaient été remplacés.
Mme Elisabeth GUIGOU : Non, je n’ai pas dit l’ensemble.
M. Christian ESTROSI : Du moins une grande partie.
Mme Elisabeth GUIGOU : J’ai cité des chiffres exacts que vous pourrez retrouver car mon audition est enregistrée.
M. Christian ESTROSI : Une très grande partie.
Mme Elisabeth GUIGOU : Non, près de la moitié. J’ai cité les chiffres tout à l’heure. Si vous le permettez, je vais éviter de me répéter, ainsi on gagnera du temps.
M. Christian ESTROSI : Ne pensez-vous pas que pour assurer une permanence de l’instruction, il ne serait pas plus sain de changer de manière progressive, à savoir 20 % une année, 20 % l’autre, qu’autant de magistrats en une seule fois ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Vous pouvez avoir votre préférence sur les pourcentages. Pour ma part, je constate les résultats. Nous avons un pôle économique et financier à Bastia, une juridiction spécialisée à Bastia, ce qui n’était pas le cas auparavant, dans la lutte contre la délinquance économique et financière...
M. Christian ESTROSI : Il ne s’agit pas là de remplacements.
Mme Elisabeth GUIGOU : Si, il s’agit de nominations nouvelles.
M. Christian ESTROSI : Je parle de remplacements.
Mme Elisabeth GUIGOU : Quand vous serez ministre de la Justice, vous pourrez fixer un pourcentage de 10 ou de 15 %. Je n’avais pas de pourcentages fixés à l’avance. Il se trouve que l’on a identifié des fonctions et que l’on a fait en sorte d’affecter à ces fonctions, qui devaient être remplies auparavant et qui ne l’avaient pas été, des magistrats qualifiés disposant des moyens nécessaires. C’est ainsi qu’on a raisonné. J’ai déjà donné le résultat qui est d’un peu plus de 40 % du renouvellement des magistrats.
M. Christian ESTROSI : Il y a quelques jours, ont eu lieu successivement deux conférences de presse, organisées par deux groupes de nationalistes. Avez-vous donné des instructions pour que soient engagées les poursuites ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Je n’ai pas à donner d’instructions pour engager des poursuites. Je ne donne pas d’instructions particulières aux procureurs. Ce sont eux qui savent ce qu’ils ont à faire.
M. Christian ESTROSI : Je parle d’instructions générales.
Mme Elisabeth GUIGOU : Mais les instructions générales sont que l’on poursuit toutes les contraventions à la loi, dès lors que l’on peut le faire, c’est-à-dire que l’on a identifié les gens qui se rendent coupables de ces infractions et que les ayant identifiés, on les a interpellés.
M. Christian ESTROSI : Dans ce cas, le procureur vous a-t-il tenu informé de poursuites qu’il aurait engagées ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Je n’ai pas d’indications particulières à ce jour sur ce point.
M. Christian ESTROSI : Sur une affaire aussi importante, le procureur n’informe pas le Garde des sceaux ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Si, l’ensemble des affaires de Corse fait l’objet d’une information, mais là nous avons manifestement un problème d’identification des personnes qui se sont exprimées.
M. Christian ESTROSI : Vous n’avez donc pas d’informations particulières.
M. Roger FRANZONI : Il ne faut pas exagérer l’importance de deux ou trois bons-hommes, que l’on appelle un collectif... Chaque jour, il y a des collectifs dans les villages et on n’a jamais rien fait. Chaque jour, un collectif insultait la France. On n’a jamais bougé. Alors pour une fois que l’on bouge...
M. le Président : La parole est à M. Jean-Yves Gateaud, secrétaire.
M. Jean-Yves GATEAUD : Je voudrais vous poser trois questions relativement simples et qui sont presque des questions de profane par rapport à la Corse. Ce sont sans doute celles que se pose l’homme de la rue.
Je lisais un hebdomadaire ce matin selon lequel l’enquête des gendarmes a continué hors de tout contrôle par la justice lorsque la gendarmerie a été dessaisie de l’affaire de Pietrosella. Qu’en pensez-vous ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Je n’ai pas à en penser quoi que ce soit. Je n’ai pas d’informations sur ce sujet. Je ne me détermine pas en fonction de ce que je peux lire dans la presse. Il faut se rappeler que les gendarmes étaient en charge, jusqu’à début décembre de l’enquête Pietrosella, et que le pistolet qui a servi à tuer le préfet constitue le lien entre Pietrosella et l’enquête Erignac, confiée depuis le début aux brigades spécialisées à Paris. A ma connaissance, ces deux enquêtes ont progressé sous le contrôle judiciaire, avec le juge Thiel pour Pietrosella. A un moment, le magistrat instructeur a jugé utile et nécessaire de regrouper l’ensemble des investigations à Paris ; sans doute pour différentes raisons, il lui a paru plus efficace de procéder à ce regroupement. C’est un choix qui relève de son indépendance.
Le gouvernement, interrogé à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale sur cette question, s’est exprimé et a donné les éléments en sa possession sur d’éventuelles écoutes. Aucune écoute non légale n’avait été autorisée par le gouvernement.
M. Jean-Yves GATEAUD : Selon vos informations, rien ne permet d’affirmer cela.
Mme Elisabeth GUIGOU : Rien, selon les informations dont je dispose.
M. Jean-Yves GATEAUD : C’est ce que je voulais savoir puisque l’hebdomadaire en question met en cause une déclaration gouvernementale sans rien prouver, ni rien avancer qui pourrait étayer son affirmation.
M. le Président : C’est souvent le cas sur des affaires corses.
M. Jean-Yves GATEAUD : Il est quand même important d’avoir l’opinion du ministre en charge de ce secteur.
Ma deuxième question est la suivante. Selon votre connaissance de ces dossiers et les synthèses que vous pouvez faire, quelle vision avez-vous à ce jour, sur la part du politique dans cette grande délinquance en Corse ? En clair, l’un des moyens de l’action judiciaire et politique contre le terrorisme ne serait-il pas déjà de faire la part des choses et la preuve qu’il y a, dans cette grande délinquance, ces attentats et ces plastiquages, une part d’éléments d’ordre purement crapuleux répondant à des buts personnels, n’ayant rien à voir avec le politique ?
Mme Elisabeth GUIGOU : C’est très difficile à dire. Les informations judiciaires en cours nous apporteront des éléments d’éclaircissement. On peut toutefois dire, en restant très général, qu’il est probable, voire certain, qu’une partie du nationalisme a été alimentée par de la délinquance économique et financière, parce qu’on ne fait pas de la clandestinité sans argent. C’est aussi simple que cela. Mais je n’ai aucune certitude. Les instructions en cours, notamment la lutte contre la délinquance économique et financière, nous permettront de mettre cela à jour.
M. Jean-Yves GATEAUD : Ma troisième question est la suivante. Dimanche dernier, je regardais " Zone interdite " sur M6. Le patron de Nouvelles frontières indiquait, en toute simplicité et toute sérénité, qu’après avoir vu ses établissements plastiqués à plusieurs reprises en Corse, il s’était laissé dire que s’il finançait le Football club de Bastia, à une hauteur d’environ 3 MF, cela pourrait arranger certaines choses. Il attribuait logiquement le fait que ses établissements ne sautaient plus à son sponsoring un peu forcé.
Personnellement, je ne pense pas que dans aucune autre région française, le sponsoring fonctionne ainsi. Étant maire d’une ville où il y a un club de football relativement important, je n’ai jamais vu les choses fonctionner ainsi. Si elles fonctionnaient ainsi, personne ne trouverait cela normal et acceptable. Quels sont les moyens qu’a la justice d’intervenir dans ce type d’affaires et de comportements ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Les moyens de la justice. Nous sommes convaincus que le racket - c’est ce dont il s’agit - économique et financier est une des causes majeures du moindre développement de la Corse. Par conséquent, c’est une des priorités, mais je n’ai pas d’indications particulières sur l’exemple que vous donnez.
M. le Président : Excusez-moi de prolonger la question de M. Gateaud. Dans n’importe quel département de France, si une telle déclaration était faite, le procureur de la République convoquerait immédiatement l’auteur de cette déclaration pour lui demander quelques informations sur les affirmations, devant l’opinion, faisant état de pressions dont il aurait fait l’objet. Comment se fait-il qu’en Corse, il n’y ait pas immédiatement une réaction de la magistrature ?
Mme Catherine TASCA : Ils ne regardent peut-être pas M6 !
M. le Président : Peut-être est-ce cela ? Recevez-vous, monsieur Franzoni, M6 en Corse ?
M. Roger FRANZONI : Tout à fait.
Mme Elisabeth GUIGOU : Il faut que les procureurs soient saisis. Je vais poser la question de savoir si le parquet s’est saisi de cette information. Vous souvenez-vous de la date de cette émission ?
M. Jean-Yves GATEAUD : C’était dimanche.
Mme Elisabeth GUIGOU : Il s’agit donc de l’émission " Zone interdite " sur M6.
M. le Président : J’espère que l’absence de saisine ne s’explique pas uniquement par le fait que le procureur général Legras est en poste en Corse, mais que sa famille est restée sur le continent sans doute pour éviter les pressions. Ces magistrats subissent le fait de ne pas vivre normalement sur le territoire corse. On nous a parlé de quelques exemples de magistrats exerçant en Corse, mais dont les familles étaient restées sur le continent.
Mme Elisabeth GUIGOU : C’est leur choix et il faut le respecter.
M. le Président : Oui, mais ce choix est sans doute le résultat de pressions que l’on exerce sur eux. C’est ce que je veux dire.
Mme Elisabeth GUIGOU : Le procureur général de Corse en particulier est très exposé et on peut concevoir qu’il préfère voir sa famille rester sur le continent.
M. le Rapporteur : Pourriez-vous préciser la façon dont la politique de sécurité en Corse est définie au niveau gouvernemental ? On a eu le sentiment qu’avant 1997, il y avait un ministre - on nous a parlé de ministre pilote -, celui de l’Intérieur, qui manifestement avait concentré entre ses mains l’ensemble de la politique en Corse. Est-ce le cas aujourd’hui ? Quel est le rôle de Matignon dans la définition de cette politique ?
Ma deuxième question concerne plus précisément le dispositif anti-terroriste et les relations entre les magistrats et la police. Sans revenir sur un débat plus général sur le contrôle de la police judiciaire par la justice, un certain nombre d’éléments ont quand même été soulignés lors de l’enquête sur l’assassinat du préfet Erignac. Je voulais avoir votre sentiment sur ce point. Il s’agit tout d’abord d’une note très circonstanciée du chef de la Division nationale anti-terroriste (DNAT) au ministre de l’Intérieur, d’ailleurs parue dans la presse, expliquant l’état de l’enquête. Était-ce vraiment au ministre de l’Intérieur que cette note aurait dû être adressée ? Par ailleurs, il y a eu une réunion, relevée par la presse, entre le juge Bruguière, le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur et le responsable de la DNAT, au ministère de l’Intérieur. Pensez-vous que ce sont des " pratiques " normales ?
Mme Elisabeth GUIGOU : S’agissant de l’organisation de la politique gouvernementale en Corse, aucun ministre n’est chargé spécifiquement du dossier corse puisque le Premier ministre a souhaité - à bon escient - que tous les ministres pouvant être concernés par l’ensemble des problèmes qui se posaient à la Corse (sécurité, économiques, sociaux, d’urbanisme, d’environnement, agricoles, d’éducation) soient suivis par les ministres compétents.
Le Premier ministre a mené deux ou trois réunions pour bien mettre au point la politique du gouvernement, faire le bilan de ce qui avait été fait pour que l’action de l’Etat soit plus efficace. C’est vrai que se tient, une fois par mois, une réunion des directeurs de cabinet autour du directeur de cabinet du Premier ministre pour faire le point, périodiquement, dans l’intervalle des réunions de ministres, sur la politique du gouvernement en Corse, sous tous ses aspects.
Cette politique interministérielle est la bonne, me semble-t-il. Tout d’abord, elle permet que le gouvernement agisse dans le même sens, elle montre que la politique de sécurité est importante, mais qu’elle ne peut être la seule, que le problème de la Corse ne se résume pas à un problème de sécurité, même s’il est majeur, et qu’il y a également des problèmes de développement.
Sur le rôle de la division nationale anti-terroriste - je m’aperçois d’ailleurs que j’ai omis de répondre à une question précédente de votre président - je considère normal de centraliser à Paris la lutte anti-terroriste. S’agissant de tels dossiers, il faut une mobilisation de moyens de police de tous ordres, que l’on trouve dans les grands services parisiens. Je ne suis pas opposée à cette centralisation de la lutte anti-terroriste, ce qui suppose que les juridictions corses restent saisies des autres dossiers. Mais nous voyons que c’est le cas, parce qu’il est important que, pour toutes les autres affaires, la justice, la police et les services d’enquête fonctionnent en Corse, comme ailleurs sur le territoire national.
Cette réunion dont vous parlez a-t-elle eu lieu ? Personnellement, je n’en ai pas la confirmation ; je l’ai lu, comme vous, dans la presse. Je pense qu’il est très important que le ministre de l’Intérieur, responsable de la lutte anti-terroriste, soit informé par ses services, mais que s’agissant d’enquêtes judiciaires, enquêtes préliminaires ou instructions, il est également très important que les investigations restent placées sous le contrôle des magistrats. Je crois que le ministre de l’Intérieur a besoin d’être informé pour diriger, avec efficacité, les services dont il a la charge.
En matière de lutte anti-terroriste, nous avons vécu des périodes graves. Nous ne pouvons exclure que, s’agissant du terrorisme islamique en particulier, il y ait des menaces qui ont été exprimées dans la presse. Nous sommes là en présence d’une forme de délinquance qui mérite un traitement particulier, avec des moyens particuliers centralisés.
M. le Président : On comprend tout à fait que ces affaires de terrorisme nécessitent une centralisation et la mise à disposition de moyens exceptionnels. Mais selon le chiffre qui nous a été donné, sur environ douze mille attentats, quatre ou cinq mille ont été revendiqués, soit un peu plus d’un tiers. Pour ceux qui restent, la délocalisation de ces dossiers est-elle une bonne chose ? Cela ne prive-t-il pas les enquêteurs de la connaissance qu’ils peuvent avoir du terrain, de la pression qui peut s’exercer sur place ? Quand on examine les résultats de la section anti-terroriste, je suis obligé de dire qu’ils sont loin d’être exceptionnels par rapport à l’élucidation d’un certain nombre de dossiers. Je ne parle que de la Corse.
Est-ce dû au phénomène d’usure ? Pour le dire clairement, cette section ne s’est-elle pas confinée à une sorte de cercle très limité, restreint, constituant une sorte d’élite de magistrats se prenant finalement pour ce qu’ils ne sont pas. Ce dérapage ne s’est-il pas produit au fil des années ? Très franchement, quand on regarde agir le juge Bruguière, je ne suis pas sûr qu’il n’y ait pas une part de " show " qui accompagne en permanence sa démarche de magistrat. Je dis franchement que cela me gêne quelque peu. Lors de la dernière mise en scène sur la reconstitution de l’assassinat du préfet Erignac, était-il nécessaire d’en faire autant, de publier des photographies dans Paris Match... Il y a des limites à une action sereine de la justice. Je n’ai pas le sentiment qu’elle soit sereine en ce domaine. C’est un sentiment dont je vous fais part, sans aucune affirmation.
Mme Elisabeth GUIGOU : Je vous laisse la responsabilité de ce sentiment.
M. le Président : Bien entendu, mais je vous demandais si vous le partagiez ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Je conçois tout à fait que lorsqu’on est élu, on s’autorise une plus grande liberté d’appréciation, mais dans les fonctions que j’exerce, vous ne me ferez rien dire qui pourrait être interprété comme fragilisant l’action d’un magistrat en charge d’un dossier, de surcroît particulièrement délicat.
M. le Président : La réponse est suffisante, madame.
M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Vous avez, à plusieurs reprises, expliqué qu’une volonté politique affichée avait des effets dissuasifs probants. Dans cet esprit, souhaitez-vous une dissolution , en conseil des ministres, d’Armata Corsa, association de fait, justement pour l’effet d’affichage ?
Mme Elisabeth GUIGOU : Comme toujours dans les effets d’affichage, il faut se méfier car cela peut être absolument contre-productif. Je ne crois que nous ayons intérêt à donner à ce type d’initiative plus d’importance qu’il n’en a réellement. Selon les indications qui m’ont été données, cette nouvelle petite organisation comprend vraisemblablement des gens qui contestent l’attitude prise par M. Talamoni - élections, légalité, etc. - et déplorent que certains éléments du nationalisme ne soient pas aussi purs que les purs pourraient le souhaiter. Ce sont les indications dont je dispose.
Il faut faire très attention. On n’empêchera pas les médias de donner des informations, mais moins on grossira ce genre de chose, mieux on se portera, tout en restant très vigilant et en ayant des informations aussi précises que possible sur la nature de ces mouvements, sur leurs buts, en les soumettant à une surveillance étroite et, si possible, à des actions de police et de justice.
M. le Président : En reprenant l’identification des participants à Tralonca, on retrouverait sans doute ceux qui ont participé à " Armata Corsa ", à condition de les avoir poursuivis à l’époque.
M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Cela veut dire que la gestion est très subtile, de même que les appréciations sur la gestion.
M. le Président : Je pense qu’il en est ainsi.
M. Roger FRANZONI : Je pourrais en dire long sur la longévité de la magistrature en Corse et sur beaucoup d’aspects, mais ce n’est pas mon propos. Madame la ministre, une expression m’horripile, celle de l’Etat de droit. On a l’impression qu’il y a eu un décret, à un moment donné, disant que la loi française continentale s’appliquerait à cette partie de la métropole qui est insulaire. Je préférerais que l’on dise application ou respect de la loi.
Mme Elisabeth GUIGOU : Je vous ai parlé de respect de la loi.
M. Roger FRANZONI : Mais plus d’Etat de droit.
M. le Président : Madame Guigou n’a pas utilisé cette expression d’Etat de droit, elle a d’ailleurs commencé son exposé par ce point.
M. Roger FRANZONI : On entend cette expression tous les jours. J’ai lu, dans plusieurs journaux, par rapport à cette malheureuse affaire des paillotes, qu’il n’y a plus d’Etat de droit. On l’a entendu à la radio, de même qu’à l’Assemblée dans les questions posées par les uns et les autres. J’ai plaidé pendant quarante ans et nous avions un code qui s’appelait le code Napoléon, ce n’était quand même pas parce qu’il était corse ! Ou alors c’était une législation corse que l’on appliquait à la France... Madame la ministre, ne permettez plus que l’on parle d’Etat de droit, mais de respect et d’application de la loi pour tout le monde. On n’en demande pas plus.
Mme Elisabeth GUIGOU : Je suis d’accord avec vous. Je l’ai d’ailleurs dit pour commencer.
M. Christian ESTROSI : Dans le prolongement de la question et de la réponse que vous avez apportée à M. Donnedieu de Vabres, finalement, madame la ministre, vous appliquez le même raisonnement que celui que vous reprochiez aux précédents gouvernements.
Mme Elisabeth GUIGOU : C’est vous qui le dites ! Je dis que dès lors que l’on identifie des personnes qui se rendent coupables d’actions clandestines et illégales, la justice n’aura alors aucune espèce d’indulgence. S’agissant de mesures administratives de dissolution, je ne sais pas si c’est la façon la plus efficace de lutter contre ce type de mouvement. Il faut se poser la question de la médiatisation supplémentaire qu’inévitablement... Maintenant, s’agissant de l’action judiciaire, elle n’accordera d’impunité à personne, contrairement à ce qui a pu se pratiquer, semble-t-il, dans des périodes antérieures.
M. le Président : Nous vous remercions et souhaiterions que vous puissiez nous communiquer, dans des délais raisonnables, les renseignements que nous avons demandés auxquels s’en ajouteront d’autres.
Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr
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