Présidence de M. Jean-Yves GATEAUD, Secrétaire,

puis de M. Raymond FORNI, Président

M. Bernard Prévost est introduit.

M. le Président lui rappelle que les dispositions législatives relatives aux commissions d’enquête lui ont été communiquées. A l’invitation du Président, M. Bernard Prévost prête serment.

M. le Président : Monsieur le directeur, nous souhaitons examiner avec vous les conditions dans lesquelles travaille la gendarmerie en Corse, ses missions sur place et ses relations avec les autres services chargés de la sécurité. Nous vous interrogerons également sur les raisons de la création du GPS, sur son organisation et sur le bilan qui peut être tiré de son action.

M. Bernard PRÉVOST : Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, en Corse, comme sur le continent, la gendarmerie inscrit son action dans le cadre général de ses missions et des règlements qui régissent son emploi et son fonctionnement. Son engagement sur l’île a été renforcé à la suite de l’assassinat du préfet Erignac et des directives du Gouvernement exigeant de la part des forces de sécurité une réponse qui soit adaptée à la délinquance et à la violence régnant en Corse. Cependant, des actes très graves ont été commis récemment par des militaires de la légion de gendarmerie départementale de Corse. Ils ont constitué un dysfonctionnement majeur qui, pour autant, n’a pas remis en cause la confiance que le Gouvernement place dans l’institution. C’est en analysant successivement l’engagement de la gendarmerie dans l’île depuis ma prise de fonction, ainsi que l’affaire dite " de la paillote ", que je voudrais vous exposer ma vision du fonctionnement de la gendarmerie en Corse.

Les particularités insulaires ainsi que la violence régnant sur l’île justifient que la présence de la gendarmerie en Corse soit, depuis longtemps, proportionnellement plus importante que sur le continent. L’organisation territoriale de la gendarmerie sur l’île est en effet une organisation traditionnelle, dimensionnée à l’échelle de deux départements ruraux et de montagne : 1 légion, 2 groupements, 7 compagnies et 57 brigades territoriales. Le dispositif des unités de recherche est développé, cet effort s’expliquant par la lutte antiterroriste et par une délinquance de droit commun revêtant des formes particulièrement violentes. Il convient de rajouter un volume de forces mobiles déplacées important, qui a varié de 1996 à aujourd’hui de 4 à 9 escadrons en moyenne. Au total, l’on compte en Corse 1 gendarme pour 330 habitants, alors que la moyenne nationale en zone de gendarmerie est de 1 pour 880 habitants. Enfin, je dois souligner que les particularités de l’insularité ont conduit le commandant de légion à s’impliquer davantage dans des fonctions opérationnelles, sous le contrôle du commandant de circonscription qui conserve ses prérogatives.

Les dispositions prises par le Gouvernement après l’assassinat du préfet Erignac ont conduit à un renforcement notable des unités plus spécialement chargées des missions de police judiciaire et de renseignement. C’est ainsi que les effectifs de la section de recherche d’Ajaccio ont été doublés : ils sont passés de 28 à 55 militaires, principalement par accroissement des capacités en matière de lutte contre la délinquance économique, financière et informatique.

La cellule " renseignement " de la légion de gendarmerie départementale a également été renforcée. Enfin, pour répondre à des besoins pressants en matière d’intervention, de protection, d’observation et de renseignement, il a été créé, par dissolution corrélative de l’escadron de gendarmerie départementale 31-6 d’Ajaccio, une unité organique de la légion de Corse qui rassemblait ces différentes capacités. Je souhaiterais revenir quelques instants sur cette unité, le groupe de pelotons de sécurité, dit " GPS ", pour souligner que sa création, fruit d’un travail interministériel, a été réalisée dans le strict respect des dispositions réglementaires en vigueur.

L’ensemble des mesures prises en 1998 a nécessité, de la part de la direction générale de la gendarmerie, la mise en place de crédits supplémentaires à hauteur de 47 millions de francs. L’implication de la gendarmerie dans la lutte contre la criminalité et la délinquance en Corse s’est notamment traduite sur le plan judiciaire par une activité soutenue et d’excellents résultats en matière de lutte contre la délinquance économique et financière. Il convient par ailleurs de souligner la très nette diminution des actions violentes et terroristes, le nombre d’attentats étant ainsi passé de 204, en 1997, à 63, en 1998. Celui des vols à main armée a diminué d’un tiers sur la même période. Dans le même temps, le GPS a assuré la protection rapprochée de 14 personnalités, il a interpellé 35 personnes dans les conditions les plus satisfaisantes, et a été engagé sur 51 objectifs pour des missions d’observation réalisées dans le cadre d’enquêtes judiciaires.

Ces résultats sont, certes, le fruit des efforts consentis par la gendarmerie, mais ils sont également à mettre au crédit de la coopération existant entre les différents acteurs de l’Etat en charge de la sécurité sur l’île. Comme sur le continent, cette coordination est réalisée par les magistrats, en ce qui concerne la police judiciaire, et l’autorité préfectorale pour l’ordre publique et la prévention de la délinquance.

Je voudrais maintenant en venir au dysfonctionnement majeur qui a été observé dans la nuit du 19 au 20 avril. Cette nuit-là, un incendie criminel détruisait un restaurant de plage construit illégalement sur le domaine public et situé sur la commune de Coti-Chiavari. La brigade territoriale, saisie de l’enquête, retrouvait très rapidement sur les lieux des indices susceptibles de mettre en cause des personnels appartenant au groupe de pelotons de sécurité, le GPS. Pour ma part, j’ai été informé, dans la journée du 22 avril par le colonel Mazères, commandant la légion de Corse, de la présence sur les lieux de l’incendie d’une équipe de cadres du GPS en mission d’observation. J’ai immédiatement donné l’ordre au colonel Mazères de se mettre à la disposition de la justice. Le procureur général près la cour d’appel de Bastia a confirmé la saisine de la gendarmerie pour la poursuite de l’enquête qui a alors rapidement débouché sur la mise en examen et le placement sous mandat de dépôt de cinq militaires du GPS, du colonel commandant la légion, du préfet de région et de son directeur de cabinet. Le directeur de cabinet du ministre a été informé de ces événements et de mes instructions le vendredi 23 avril 1999 dans l’après-midi.

Sans m’appesantir outre mesure sur des faits pour lesquels je me tiens prêt à répondre à vos questions, je voudrais souligner trois points dans l’analyse que je fais de ce dysfonctionnement.

Tout d’abord, les faits qui se sont déroulés ne sont pas imputables à l’organisation locale de la gendarmerie, mais sont le résultat de défaillances individuelles. En effet, loin d’être une unité spéciale, le GPS, dont les personnels provenaient pour plus de la moitié de l’ancien escadron de gendarmerie mobile d’Ajaccio, n’était que le regroupement de capacités habituellement mises en œuvre dans d’autres formations de gendarmerie, je pense aux équipes légères d’intervention des escadrons de gendarmerie mobile ou aux groupes d’observation et de surveillance et des sections de recherche. Le GPS n’était, par ailleurs, doté que de matériels réglementaires, conformes à ses missions. Ce n’est donc pas la structure du GPS qui est en cause dans les actes qui ont été commis.

Je voudrais également souligner le fait que les règles d’emploi des unités de gendarmerie en Corse sont identiques à celles appliquées sur le continent. Placées pour emploi auprès des autorités administratives, judiciaires et militaires, les unités de gendarmerie demeurent sous commandement organique de leur hiérarchie. Cependant, seules les autorités déconcentrées, commandant de légion et commandant de circonscription, exercent le commandement et le contrôle opérationnel du service.

La direction générale de la gendarmerie nationale n’est chargée, pour ce qui la concerne, que de la conception de l’organisation générale et de la préparation des moyens nécessaires à l’exécution des missions. Aucune formation de gendarmerie ne fait l’objet de directive opérationnelle de la part de la direction de la gendarmerie nationale, laquelle n’est que destinataire d’un certain nombre de comptes rendus. Ces principes ont été appliqués pour la légion de Corse. Le fonctionnement de la gendarmerie en Corse n’obéit donc pas à des règles dérogatoires par rapport à celles qui sont en vigueur sur le continent.

Enfin, je voudrais insister sur le fait que, loin d’avoir cherché à minimiser ce dysfonctionnement, la gendarmerie a non seulement pris les mesures immédiates qui s’imposaient, mais a engagé une réflexion plus générale tournée vers l’avenir. Il n’est pas sans importance en effet que l’enquête sur l’affaire de la paillote ait été effectuée par l’inspection technique de la gendarmerie. La volonté de l’institution de faire preuve de transparence dans cette affaire a ainsi conforté la confiance que la justice a témoignée à la gendarmerie. Par ailleurs, très rapidement, des mesures ont été prises : suspension de fonction des personnels mis en cause, dissolution du GPS, réorganisation concomitante du dispositif territorial de la gendarmerie en Corse.

Enfin, un plan d’action destiné à tirer pour l’avenir les leçons des événements de Corse a été établi. Il sera mis en œuvre dans le cadre des réflexions qui sont menées actuellement par le conseil d’orientation du centre de prospective de la gendarmerie. Deux commissions ont été mises sur pied. Elles sont respectivement chargées de réfléchir sur le renforcement des contrôles dans la gendarmerie, ainsi que sur les principes d’action et la formation des personnels - plus particulièrement la formation des militaires appelés à servir dans les unités spécialisées. Par ailleurs, une réflexion a été lancée pour compléter les voies de recours offertes aux personnels qui seraient confrontés à des ordres qu’ils estimeraient illégaux.

L’institution pourra ainsi, tout en conservant ses spécificités et ses modes d’action, améliorer encore les conditions d’exécution de ses services et contribuer, je l’espère, avec davantage d’efficacité, à la politique de sécurité menée par l’Etat en Corse et ailleurs.

M. le Président : Pouvez-vous nous préciser de quelle façon la gendarmerie est répartie géographiquement en Corse ? Cette répartition géographique datée, qui privilégie les villages de montagne au détriment du littoral, est-elle toujours conforme aux nécessités actuelles ?

M. Bernard PRÉVOST : Des adaptations géographiques sont en effet nécessaires pour améliorer l’implantation de la gendarmerie. Je vous ai dit qu’il y avait 57 brigades territoriales, mais il est vrai que les brigades qui servent autour de Bastia et d’Ajaccio sont beaucoup plus chargées que certaines brigades de montagne. A la différence du continent, certaines brigades disposent non pas de l’effectif minimal de six personnes, mais de quatre ou cinq, à l’intérieur des terres. Nous avons la volonté de mieux répartir ces unités territoriales : cela a d’ailleurs fait l’objet d’un débat très médiatisé à l’automne dernier pour l’ensemble de la métropole. Mais il est certain que dans le contexte de l’assassinat du préfet Erignac et de la volonté de rétablir la sécurité, le rééquilibrage des unités n’était pas la première des priorités. Je rappelle que le nombre de gendarmes par habitant est considérable en Corse. Il est cependant vrai que certaines brigades pourraient, soit être dissoutes - notamment quand il y en a deux dans le même canton - soit voir leurs effectifs réduits pour renforcer les unités en zones urbaines. Il faut ajouter qu’outre les 1 000 gendarmes départementaux, l’on compte en permanence entre 4 et 9 escadrons de gendarmerie mobile, ce qui représente chaque fois 85 gendarmes en patrouille, en surveillance générale ou en renfort de la gendarmerie départementale.

M. le Président : Qui dirigeait réellement le GPS ?

M. Bernard PRÉVOST : Le GPS n’était pas une unité spéciale, un " GIGN bis ", mais le regroupement de trois fonctions sous les ordres d’un officier, le capitaine Ambrosse, lui-même relevant directement de l’autorité du commandant de légion.

M. le Président : Quelles ont été les conséquences de la dissolution du GPS sur l’organisation de la gendarmerie en Corse et sur ses missions ? Par ailleurs, que sont devenus les personnels qui étaient affectés aux pelotons de sécurité ?

M. Bernard PRÉVOST : Les autorités administratives et judiciaires ont souhaité que les fonctions remplies par le GPS perdurent. Les capacités ont été maintenues, mais sous une autre forme. Nous avons donc redistribué les effectifs du GPS et les personnels et les missions ont été rattachés à des unités classiques. Le peloton chargé de la protection qui dispose de cinq véhicules blindés a été rattaché au groupement de gendarmerie départementale de Corse-du-Sud sur Ajaccio. Les personnels chargés de la mission d’observation ont été affectés au groupe d’observation et de surveillance de Marseille qui agit pour le compte de la section de recherche. Enfin, les personnels chargés des interventions ont été redistribués dans les pelotons de surveillance et d’intervention, les PSIG, qui existent en Corse comme sur le continent. Nous avons notamment renforcé les PSIG de Bastia et d’Ajaccio et créé deux PSIG à Ghisonaccia et Corte.

M. Raymond FORNI remplace M. Jean-Yves GATEAUD à la présidence.

M. Jean-Yves GATEAUD : L’événement du jeudi indique, dans l’un de ses articles, que la gendarmerie aurait continué son enquête concernant l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella, alors même qu’elle en avait été dessaisie. L’auteur de cet article met en cause non seulement les gendarmes, en affirmant qu’ils ont poursuivi une enquête illégalement, mais également le Gouvernement qui aurait laissé faire.

M. Bernard PRÉVOST : Vous faites référence à l’enquête concernant l’attaque de la gendarmerie de Pietrosella, marqué par l’enlèvement de deux gendarmes et le vol de deux pistolets dont l’un a servi à assassiner le préfet Erignac. Fin 1998, la gendarmerie a en effet été dessaisie de cette enquête. J’ai reçu, début décembre, le colonel Mazères, et j’ai bien senti que ce dessaisissement lui faisait mal, la gendarmerie s’étant beaucoup investie dans cette enquête en ayant le sentiment de progresser. Mais cette enquête était menée parallèlement à celle relative à l’assassinat du préfet Erignac et à un moment donné, les juges ont décidé de regrouper les investigations et de dessaisir la gendarmerie. Lorsque j’ai reçu le colonel Mazères, le 2 décembre, il était meurtri par ce dessaisissement. Mais je lui ai rappelé que la gendarmerie avait en charge un grand nombre de dossiers, notamment ceux relatifs à la délinquance économique et financière, dans lesquels elle est très investie. A ma connaissance, il n’y a pas eu d’enquête parallèle de la gendarmerie après son dessaisissement.

M. le Rapporteur : S’agissant de l’affaire de la paillote, avez-vous reçu le colonel Mazères le jeudi 22 avril ?

M. Bernard PRÉVOST : Oui, il m’a téléphoné le 21 au soir pour me demander un rendez-vous.

M. le Rapporteur : Il vous a alors raconté clairement ce qui s’est passé.

M. Bernard PRÉVOST : Nous avions reçu un compte rendu de cet incendie de paillote...

M. le Rapporteur : Qui avait été établi dans le cadre d’une mission de la police judiciaire ?

M. Bernard PRÉVOST : Oui, puisque la brigade territoriale avait été saisie immédiatement.

Le colonel Mazères me demande donc le mercredi 21 au soir un rendez-vous pour me parler d’une affaire grave : il me dit simplement qu’une équipe du GPS était sur les lieux au moment de l’incendie. Je le reçois le jeudi 22 au matin et il m’explique que cette équipe, composée de trois hommes, dont le capitaine, était en mission d’observation autour de cette paillote. Il a déclaré qu’ils se sont approchés pour observer cette paillote et qu’au moment où ils arrivaient près de celle-ci, elle s’est embrasée ; a suivi un moment de panique, ils sont partis immédiatement et le capitaine a été légèrement blessé.

L’entretien s’est déroulé en présence du major général de la gendarmerie. Ce jeudi, je présidais le conseil de la fonction militaire de la gendarmerie (CFMG) et je ne pouvais donc recevoir le colonel qu’une vingtaine de minutes : j’ai alors souhaité que cet entretien se poursuive. Il s’est poursuivi au CFMG avec le major général et le général Lallement, chef du service des opérations et de l’emploi. A ce moment-là, le colonel Mazères a donné d’autres précisions, indiquant notamment qu’un poste de radio, qui avait été perdu deux jours avant, avait été trouvé sur place, et il se demandait si ce poste n’avait pas été mis là pour compromettre la gendarmerie. Il nous a également expliqué qu’il s’agissait d’une mission d’observation de nuit d’une paillote construite illégalement sur le domaine public maritime, qui devait faire l’objet d’une destruction pour laquelle la gendarmerie aurait à intervenir si les choses tournaient mal.

Après cet entretien, les deux généraux, ayant trouvé l’explication du colonel quelque peu curieuse, m’ont conseillé de rendre compte à la justice. J’ai donc demandé au colonel de prendre rendez-vous avec le procureur général et de rentrer immédiatement en Corse. Il a été reçu par le procureur général le vendredi 23 au matin. Il m’a appelé vers midi pour me faire part de son entretien, et notamment du fait que le procureur envisageait de saisir l’inspection technique de la gendarmerie pour mener une enquête. Une demi-heure après ce coup de fil, le procureur, qui connaissait le major général, l’a appelé pour lui indiquer que les révélations du colonel Mazères étaient curieuses, qu’elles comportaient des contradictions et des invraisemblances, et qu’il souhaitait avoir le concours de l’inspection technique, ce qui, lui aurait-on dit, posait problème. Cette saisine étant justifiée, l’inspection a été saisie immédiatement de cette affaire.

M. le Rapporteur : Le capitaine Ambrosse, qui a été blessé ce soir-là, a bien été se faire soigner sur le continent ?

M. Bernard PRÉVOST : Le colonel m’avait expliqué que le capitaine Ambrosse avait été légèrement blessé et qu’il avait donc avancé sa permission. C’est le procureur général qui, le vendredi matin, a indiqué au major général que le capitaine Ambrosse se trouvait à l’hôpital de Toulouse, lieu de sa permission, et qu’il était gravement brûlé. De même, le colonel m’avait affirmé que seules trois personnes avaient participé à cette mission, alors qu’en réalité elles étaient cinq.

M. le Président : Comment le procureur général avait-il appris que le capitaine se trouvait dans un hôpital à Toulouse ?

M. Bernard PREVOST : La brigade territoriale a mené immédiatement son enquête et les éléments d’information commençaient à lui remonter. Il a ainsi pu constater très rapidement que les explications du colonel Mazères contenaient des invraisemblances. Tout est allé très vite : au départ, la brigade territoriale est saisie de cette affaire, puis c’est la brigade de recherche, ensuite la section de recherche, et, enfin, l’inspection technique.

M. le Rapporteur : Vous avez informé le ministre le vendredi même ?

M. Bernard PRÉVOST : J’ai informé le directeur de cabinet du ministre le vendredi en début d’après-midi.

M. le Rapporteur : Parce que vous avez considéré, le jeudi, qu’il ne s’agissait pas d’un fait suffisamment important ?

M. Bernard PRÉVOST : Non, mais étant donné que j’avais demandé au colonel Mazères de rendre compte au procureur général, j’attendais le retour de leur entretien. Dès que j’ai eu ces éléments, j’ai immédiatement contacté le directeur de cabinet du ministre.

M. le Rapporteur : Comment appréciez-vous l’attitude du lieutenant-colonel Cavallier ? Il semblerait qu’il ait été informé très tôt de ce qui s’est passé, et qu’il est allé jusqu’à enregistrer une conversation avec le préfet, sans pour autant rendre compte à sa hiérarchie de l’incident.

M. Bernard PRÉVOST : Le lieutenant-colonel Cavallier était, jusqu’à l’arrivée du préfet en Corse, commandant du groupement de gendarmerie départementale des Pyrénées-Orientales. Le préfet Bonnet a souhaité sa mise à disposition pour l’aider à mieux remplir sa mission, après l’assassinat du préfet Erignac.

Mme Catherine TASCA : Ce détachement à la demande du préfet plaçait-il M. Cavallier " hors hiérarchie " ? Cette pratique est-elle courante ?

M. Bernard PRÉVOST : Non, il s’agit d’une situation exceptionnelle qui n’a pas été créée à la demande de la gendarmerie. Sur le plan administratif, c’était d’ailleurs non pas un détachement, mais une mise à disposition. Très rapidement, j’ai souhaité que le lieutenant-colonel Cavallier rentre dans le rang ; c’est ainsi que je l’ai nommé chef d’état-major de la légion de gendarmerie de Corse.

Quant à son comportement, je n’ai pas grand-chose à vous dire, car je ne l’ai pas interrogé directement et je ne peux que vous faire part des propos qui m’ont été rapportés. Le lieutenant-colonel Cavallier aurait eu vent de projets et aurait cherché à décourager les personnels du GPS de les mettre en œuvre. Il en aurait parlé au colonel Mazères et aurait même rencontré le préfet, avant de partir en permission. C’est pendant cette permission que l’affaire de la paillote a eu lieu.

Ensuite, on a appris que le lieutenant-colonel Cavallier aurait demandé à rencontrer le préfet et aurait enregistré leur conversation. Je crois savoir - mais, encore une fois, je n’ai pas eu de contact direct avec le lieutenant-colonel Cavallier - qu’il estimait que les assurances qu’il avait reçues étaient insuffisantes, qu’il ne faisait pas confiance au préfet et que c’est pour cette raison qu’il a utilisé un magnétophone, ce qui peut paraître choquant et répréhensible.

M. le Président : Pour revenir à des considérations internes à la gendarmerie, n’avez-vous pas le sentiment que tout cela vous a échappé ? Le préfet Bonnet n’était-il pas enfermé dans une structure spéciale, reposant sur des responsables qui n’avaient pas forcément de lien entre eux ? On ne vous a finalement informé que lorsqu’il y a eu un incident grave, mais il apparaît plausible que dans un premier temps on ait cherché à vous cacher la vérité.

M. Bernard PRÉVOST : La direction générale de la gendarmerie n’a pas de rôle opérationnel ! La sécurité publique, la police administrative se font sous l’autorité du préfet, et la gendarmerie et la police lui accordent leur concours. Nous agissons de même dans le domaine judiciaire avec les responsables du parquet. Ce qui nous a peut-être échappé, c’est le contrôle par la voie hiérarchique. Et c’est bien l’objet de mes propos introductifs : nous menons actuellement une réflexion sur la façon d’exercer ce contrôle. Il est vrai que le colonel Mazères était le supérieur direct du capitaine Ambrosse, chef du GPS, et que s’il avait l’intention de mal utiliser une partie de ses membres, le contrôle ne pouvait s’exercer.

Au-dessus du colonel Mazères, se trouve le général commandant la circonscription de gendarmerie de Marseille, en poste depuis un an, qui se rendait en Corse tous les mois et qui effectuait des visites de contrôle dans les brigades et rencontrait les membres du GPS. Or il n’a pas eu vent de projets délictueux ou illégaux. Puis au-dessus, il y a la direction qui possède comme outil de contrôle l’inspection technique. Et, enfin, le ministre dispose de l’inspection générale des armées, dans laquelle se trouve un général de gendarmerie. Je n’ai donc pas eu le sentiment que cette affaire nous ait échappé. Mais quand le colonel Mazères a engagé le GPS dans cette opération, il pouvait très bien cacher ce projet à sa circonscription et à sa direction.

Il convient tout de même de ne pas oublier que nous sommes en Corse. Cette affaire aurait-elle pu se dérouler dans un autre endroit ? J’en doute. L’insularité de la Corse, le fait que la loi y soit moins bien respectée que dans d’autres régions - notamment depuis le mois d’août 1975 et l’affaire d’Aléria -, l’assassinat d’un préfet, la nomination d’un autre préfet pour rétablir la légalité républicaine, un colonel - qui est l’un des meilleurs -nommé commandant de la légion de gendarmerie, mais qui part en célibataire géographique... Tous ces éléments doivent être pris en considération. Je crois que cette équipe a vécu sa mission passionnément, mais qu’elle a dérapé quand elle a connu des obstacles. Ce dérapage est peut-être la conséquence de certains événements, tels que l’empêchement de la destruction légale d’une paillote début avril ou le dessaisissement de l’enquête de Pietrosella, qui a profondément touché le colonel.

M. le Président : Vous situez donc ce dérapage au moment du dessaisissement de la gendarmerie de l’enquête de Pietrosella ?

M. Bernard PRÉVOST : Je ne sais pas exactement. J’ai lu dans la presse qu’une autre opération avait eu lieu début mars. Or le dessaisissement est intervenu en novembre. Non, je ne crois pas qu’il s’agisse de l’élément déclencheur. Je situerai ce dérapage plutôt à fin février, début mars.

M. le Rapporteur : Le général Capdepont nous a dit que ce dessaisissement a été vécu " comme une claque ". Vous-même, lors d’une précédente audition, vous avez souligné le fait que la gendarmerie, avant l’arrivé du préfet Bonnet, n’était pas suffisamment saisie des affaires relatives au terrorisme. La conjonction entre la volonté du préfet Bonnet de s’entourer de personnes de confiance - c’est-à-dire extérieures aux services locaux, voire nationaux, de police - et la frustration ressentie par la gendarmerie n’explique-t-elle pas ce dérapage ?

M. Bernard PRÉVOST : Je ne sais pas vraiment. La gendarmerie ne possède pas de service spécialisé dans la lutte antiterroriste, et elle ne l’a jamais demandé. Il est vrai qu’elle n’était pas saisie de beaucoup d’affaires. Elle a considéré comme une marque de confiance le fait d’être saisie de l’affaire de Pietrosella, elle était heureuse de pouvoir servir comme le souhaitait le préfet et d’être reconnue. Je ne peux pas vous en dire plus, parce que je n’ai pas perçu, à ce moment-là, de différence de traitement dans la façon de solliciter les services de sécurité entre la gendarmerie et la police.

Le colonel Mazères venait me voir tous les deux mois, mais ne me parlait jamais des opérations, car ce n’est pas le rôle de la direction générale. Il me parlait de l’ambiance générale sur l’île, du moral des personnels - je rappelle le nombre d’attentats, de blessés et de morts dans les rangs de la gendarmerie ces dernières années -, des relations avec les magistrats, le préfet et la police. A travers ces conversations, je n’ai jamais eu le sentiment que la gendarmerie bénéficiait d’un traitement privilégié. Je l’ai davantage perçu après l’affaire de la paillote.

M. le Président : Quelles étaient les relations du colonel Mazères et du lieutenant-colonel Cavallier ?

M. Bernard PREVOST : Le colonel Mazères ne me faisait pas de confidences sur le lieutenant-colonel Cavallier.

M. le Président : Pourquoi ne rencontriez-vous pas directement le lieutenant-colonel Cavallier ?

M. Bernard PREVOST : Parce qu’il était le numéro deux, le colonel Mazères étant le patron de la gendarmerie en Corse.

M. Franck DHERSIN : A la question " qui dirigeait le GPS ", vous nous avez répondu qu’il s’agissait du commandant de légion. Ce n’est pas ce type de réponse que j’attendais. En effet, le ministre de l’Intérieur nous ayant affirmé que le GPS ne dépendait pas du préfet, M. Forni, notre président a ajouté : " dans la théorie, mais pas dans la pratique ". N’est-ce pas là le véritable dysfonctionnement : le préfet ne dirigeait-il pas, en réalité, le GPS ?

Ma seconde question est la suivante : qui a pris la décision de créer le GPS ? Vous nous avez dit qu’il s’agissait d’une décision interministérielle. Or le ministre de l’Intérieur nous a affirmé en commission des lois que ni lui, ni le gouvernement, n’étaient à l’initiative de cette création, que cette proposition était dans les cartons depuis un certain temps et que c’est vous, le directeur de la gendarmerie, qui avez proposé sa création.

M. Bernard PREVOST : Non, le préfet ne dirigeait pas le GPS. Ce groupe de pelotons de sécurité était dirigé par le capitaine qui recevait des orientations et des directives générales du colonel. Maintenant, dans la pratique, je ne sais pas ce qui s’est passé. Seule l’enquête de commandement qui n’est pas terminée pourra nous le dire : le colonel Mazères recevait-il des instructions précises, détaillées de la part du préfet pour mener telle ou telle opération d’observation, de protection et d’intervention ?

Cela étant dit, le préfet a des responsabilités en matière de police administrative et de sécurité publique : il pouvait donc très bien donner des orientations générales au colonel. Mais il ne lui appartenait pas d’envoyer le GPS à tel ou tel endroit, car il s’agissait d’une unité militaire de la gendarmerie commandée par les gendarmes.

M. le Président : Théoriquement !

M. Bernard PREVOST : Théoriquement, oui.

S’agissant de la création du GPS, je vous ai effectivement dit qu’il s’agissait du fruit d’un travail interministériel. Il est vrai que l’on avait réfléchi, avant l’arrivée du préfet Bonnet, à la mise en place d’une unité susceptible de mieux remplir les fonctions de protection, d’observation et d’intervention. En effet, lorsque nous devions protéger des personnalités, nous faisions toujours venir des équipes légères d’intervention de gendarmerie mobile du continent ou l’escadron parachutiste de Satory. De la même façon, nous faisions appel à des gendarmes de l’EPIGN ou du GIGN pour l’observation des terroristes ou pour des arrestations de délinquants armés. Disposer sur place de ces éléments était donc un facteur de rapidité et d’efficacité.

Par ailleurs, il se trouve que nous disposions d’un escadron à Ajaccio, le 31-6, très sédentarisé et qui intervenait peu sur l’île : il servait surtout de soutien à tous les escadrons de passage venant du continent. Nous pouvions don, sans augmenter nos effectifs, transformer cet escadron en ne gardant que les volontaires les plus aptes et le compléter en faisant appel à des volontaires du continent.

Qui a pris la décision de créer le GPS ? J’ai présenté au directeur de cabinet du ministre de la Défense un projet de renforcement de la section de recherche et de transformation de l’escadron ; tout cela a fait l’objet de réunions interministérielles auxquelles je n’ai pas assisté. Ensuite, j’ai eu l’autorisation du directeur de cabinet du ministre de procéder à ces renforcements et à cette transformation d’escadron qui ont conduit à la création du GPS. Ce groupe de pelotons de sécurité a un sigle qui fait penser au " GIGN ", et qui pourrait la faire apparaître comme une unité mystérieuse et spéciale, alors que ce n’est, encore une fois, qu’une unité regroupant trois fonctions tout à fait classiques et qui correspond aux GPM de l’Outre-mer.

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ma première question est relative à la chronologie des informations dont vous disposez concernant la conférence de presse clandestine d’Armata Corsa. Il serait intéressant, pour mesurer le degré de rapidité dans la transmission de l’information, que vous nous disiez, en temps réel, comment vous êtes prévenu, en combien de temps, et comment s’acheminent les informations vers le cabinet du ministre, puis à Matignon.

Deuxièmement, ne peut-on pas considérer que le GPS faisait face à un double front, c’est-à-dire la police nationale et la gendarmerie séculière qui devaient, parfois, ne pas se sentir associées ou un peu écartées d’un tandem exclusif qui était en train de se constituer entre le préfet et les responsables du GPS ?

Troisièmement, n’avez-vous pas le sentiment que le fait que de nombreux responsables civils de ce dossier — aussi bien en Corse qu’à Paris - aient préalablement appartenu à la DGSE ait pu interférer ? Ne s’agit-il pas d’un élément important dans les prises de décision, sachant que les personnels placés sous leur autorité n’avaient pas la formation et les pratiques des services de la DGSE ?

Enfin, n’avez-vous pas le sentiment, malgré vos éminentes qualités personnelles, que le fait de ne pas être magistrat est un handicap dans l’exercice de vos fonctions en raison de la compétition qui existe entre la police et la gendarmerie notamment en matière de police judiciaire ?

M. Bernard PREVOST : En ce qui concerne la conférence de presse d’Armata Corsa, je n’ai pas d’éléments à vous fournir, si ce n’est que j’ai été informé dans les délais les plus courts par un message. Mais je suis prêt à vous communiquer des informations plus précises.

M. le Rapporteur : De la même façon, nous souhaiterions savoir comment vous avez été informé de la conférence de presse qui s’est tenue à Tralonca.

M. Bernard PREVOST : Je vous ferai parvenir une note précise sur ces deux conférences.

S’agissant du double front, police nationale - gendarmerie traditionnelle, je n’ai pas le sentiment que le GPS éprouvait des difficultés avec la police nationale. Bien entendu, et notamment après les événements, j’ai effectivement entendu dire qu’il y avait eu, parfois, un peu d’agacement de la part des gendarmes territoriaux à l’égard des gendarmes qui remplissaient les missions d’observation ou d’intervention au sein du GPS. Mais quand une unité d’observation intervient sur le terrain, elle en informe le commandant de groupement de gendarmerie départementale afin qu’il n’y ait pas de méprise, sur le plan opérationnel, avec les gendarmes territoriaux.

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ne se sont-ils pas rattrapés, en accord avec le préfet, de leur dessaisissement ?

M. le Président : J’irai plus loin : la gendarmerie départementale ne s’est-elle pas vengée par la sévérité des mesures qu’elle a prises immédiatement à l’encontre des membres du GPS impliqués dans l’incendie de la paillote ?

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : Ne se sont-ils pas par ailleurs déjà vengés des instructions reçues de ne pas détruire les paillotes ?

M. Bernard PREVOST : Bien entendu, le colonel était très meurtri de ce dessaisissement, je vous l’ai dit. Je me suis rendu sur place le 11 janvier pour rencontrer les responsables et j’avais le sentiment que pour l’ensemble des gendarmes et des cadres l’affaire était bien comprise. Les membres du GPS effectuaient des missions très distinctes. Le peloton de protection avait pour mission de protéger une quinzaine de personnalités...

M. le Rapporteur : Dont M. Pardini !

M. Bernard PREVOST : ... des maires, des hauts magistrats, des élus... Quant aux éléments d’observation, ils intervenaient souvent pour les enquêtes judiciaires.

M. Renaud DONNEDIEU de VABRES : A aucun moment vous n’avez envisagé de rapatrier le colonel Mazères ou l’un de ses collègues ?

M. Bernard PREVOST : Non. Je le sentais très engagé, mais jamais au point de perdre la tête et de se lancer dans une telle aventure. Peut-être qu’un entretien de vingt minutes n’était pas suffisant pour bien l’observer. Il faisait le tour de la maison, il venait pour demander des moyens, traiter des questions de mutation de personnels... Honnêtement, je n’ai pas le sentiment que le GPS ait voulu se venger du dessaisissement de l’enquête de Pietrosella. Je rappelle que le GPS a réalisé un excellent travail en matière d’intervention : 35 arrestations de délinquants ont été effectuées sans aucune bavure, ce qui prouve qu’il s’agissait d’une unité de professionnels, même si elle n’était pas composée de super gendarmes.

Vous me posez également une question sur les personnes ayant travaillé à la DGSE. Je ne connais que M. Pardini qui ait travaillé à la DGSE et qui ait été pendant un certain temps directeur de cabinet du préfet. Je ne vois pas d’autres personnes venant de la DGSE qui auraient pu interférer avec le travail de la gendarmerie en Corse.

Enfin, vous me posez une question très personnelle : je suis très mal placé pour savoir s’il est bon ou non d’être magistrat ou préfet pour être directeur général de la gendarmerie ! Je vais vous faire une confidence : je suis très heureux d’être à la tête de la gendarmerie et je souffre de cette affaire pour laquelle vous me demandez des explications. J’ai eu un parcours particulier : j’ai débuté par une carrière militaire, j’ai ensuite été préfet, puis j’ai eu l’honneur de servir pendant deux ans et demi comme directeur à la chancellerie. J’estime donc posséder quelques qualités me permettant de travailler au sein de la gendarmerie. Je ne suis pas magistrat, mais personne n’est parfait !

M. le Président : La réponse est dans votre parcours, monsieur le directeur général : vous êtes en poste depuis 1996, ce qui est le signe de la reconnaissance de vos qualités par un gouvernement puis par un autre !

M. Christian ESTROSI : Vous nous avez rappelé que le GPS avait été mis en place par une décision interministérielle. Vous le confirmez ?

M. Bernard PREVOST : Je n’ai pas dit cela. J’ai fait part au directeur de cabinet du ministre de la Défense de mes propositions de renforcement en moyens humains et matériels et de transformation de l’escadron. Je sais qu’il y a eu des réunions interministérielles, auxquelles je ne participais pas, qui ont traité du sujet.

M. Christian ESTROSI : L’annonce de la décision de créer le GPS a bien été faite à la sortie d’un comité interministériel ? Vous n’y participiez pas ?

M. Bernard PREVOST : Non, je n’ai participé à aucun comité interministériel sur la Corse.

M. Christian ESTROSI : Vous avez souligné l’efficacité du GPS en citant les nombreuses arrestations qui ont été effectuées sans bavure. De ce point de vue, le fait de dissoudre le GPS constitue-t-il un préjudice ?

M. Bernard PREVOST : Non, pas vraiment. Bien entendu, moralement, les personnels ont été touchés, notamment ceux qui n’avaient pas participé à l’opération illégale. Mais je vous ai dit que les fonctions avaient été maintenues et réparties dans les unités classiques : soit dans le groupement de la gendarmerie départementale de Corse-du-Sud pour le peloton de protection, soit dans les PSIG pour les éléments d’intervention, soit dans le GOS (Groupe d’observation de surveillance) de Marseille, pour les éléments d’observation. Les trois missions sont donc encore remplies, mais de façon éclatée.

M. le Président : Cela ne pose-t-il pas un problème d’intégration pour ce personnel au sein des structures traditionnelles ?

M. Bernard PREVOST : Non, parce que nous ne les avons pas envoyés en " blocs complets " sur les nouveaux lieux d’affectation : nous avons fait appel au volontariat. Tous les personnels du GPS ont été consultés individuellement : ceux qui ont voulu rester en Corse y sont restés et ont pu choisir leur unité d’affectation, ceux qui ont voulu retourner sur le continent y sont retournés.

M. le Président : Combien de gendarmes ont désiré retourner sur le continent ?

M. Bernard PREVOST : Je dirais un tiers.

M. Christian ESTROSI : Depuis que le GPS a été dissous, avez-vous constaté une baisse des résultats ?

M. Bernard PREVOST : Non, nous n’avons pas baissé la garde, nous maintenons notre engagement en Corse.

M. Christian ESTROSI : Ce qui signifie que le GPS n’était pas d’une utilité majeure. Quel était donc l’intérêt de créer cette structure, puisque l’action de la gendarmerie est aussi efficace avec ou sans le GPS ?

M. Bernard PREVOST : Je ne voudrais pas être provocateur, monsieur le député, mais nous pourrions dissoudre les deux groupements de gendarmerie et les regrouper en un seul, en Corse !

Nous avions une demande très forte après l’assassinat du préfet Erignac, et il fallait remplir ces trois missions ; nous avons donc constitué ce groupe en transformant l’escadron. Il nous a paru, en effet, plus simple d’avoir sur place, à Ajaccio, tous les éléments réunis dans les logements de l’escadron mobile. C’était, sur le plan matériel, beaucoup plus facile. Aujourd’hui, tous ces éléments sont répartis dans plusieurs endroits, comme je viens de vous le dire, mais l’efficacité n’en souffre pas. Mais il est vrai que lorsque nous voulons mener une mission d’observation délicate, telle qu’une filature, par exemple, nous sommes obligés de faire venir une équipe de Marseille.

M. Christian ESTROSI : A propos de filature, voilà près de 6 mois que les assassins présumés du préfet Erignac ont été identifiés ; avez-vous été amenés à conduire des missions d’observation et de filature de ces assassins présumés pour surveiller leurs faits et gestes et éviter que l’un d’entre eux ne prenne la fuite ?

M. Bernard PREVOST : Je vous ai déjà dit que sur le plan opérationnel, je ne suis pas ces affaires.

M. Jean-Yves CAULLET : Vous avez évoqué tout à l’heure la réflexion que vous êtes en train de mener sur le contrôle au sein de la gendarmerie. Qu’en est-il actuellement ? Par exemple, vous nous avez dit que le lieutenant-colonel Cavallier, lorsqu’il a eu des informations sur les opérations de destruction illégales, a cherché à dissuader ses interlocuteurs avant de partir en permission. Aurait-il été logique et normal qu’il franchisse un échelon hiérarchique pour s’ouvrir de ses inquiétudes et communiquer ses informations à un niveau supérieur ou s’agit-il d’une pratique qui n’existe pas dans le fonctionnement actuel de la gendarmerie ?

M. Bernard PREVOST : D’après les informations qui m’ont été rapportées, le lieutenant-colonel Cavallier est parti en permission avec le sentiment qu’il avait convaincu ses interlocuteurs de ne pas commettre d’action illégale. Dans la pratique, en effet, il est tout à fait possible de franchir un échelon lorsqu’on n’est pas entendu de son supérieur direct. C’est d’ailleurs sur ce point que nous travaillons, car je suis persuadé que nous devons rebondir sur cette affaire dramatique pour améliorer le contrôle et faire en sorte qu’il apparaisse encore plus naturel de s’adresser à l’échelon supérieur pour alerter le commandement sur une pratique qui paraît illégale.

M. le Président : Pouvez-vous nous donner des informations sur la personnalité du lieutenant-colonel Cavallier ? On nous a parlé de sa rigidité, de sa rigueur morale... Vous avez évoqué tout à l’heure la situation de célibataire géographique du colonel Mazères, tel n’était pas le cas du lieutenant-colonel, puisqu’il était hébergé au sein même des locaux de la préfecture.

M. Bernard PREVOST : Il a en effet été logé à la préfecture, mais pendant très peu de temps, simplement pendant la période ou il a été mis à la disposition du préfet. Quand il a été affecté comme chef d’état-major de la légion, il a bénéficié d’un logement de fonction au sein de la caserne d’Ajaccio. Quant à sa personnalité, il s’agit du saint-cyrien en casoar et aux gants blancs, au regard droit, planté, très rigoureux, peut-être rigide parfois. Il est considéré comme un excellent officier, mais il est vrai qu’il est d’une grande rigueur.

M. le Président : Monsieur le directeur général, je vous remercie.


Source : Assemblée nationale. http://www.assemblee-nationale.fr