Le Front national avait invité onze délégations étrangères, composées de vingt-trois personnalités, à son congrès de Strasbourg. Le choix de ces interlocuteurs privilégiés répond à des préoccupations aisément décryptables.

La géographie des relations internationales du FN coïncide avec la carte des partisans de l’Axe, à l’exception notable de l’Autriche. Sept délégations se réclament d’ailleurs explicitement de l’héritage de l’Axe. En ce qui concerne l’absence de délégation autrichienne, Jörg Haider, le charismatique leader du FPÖ, fort de son succès croissant et soucieux de persévérer dans sa stratégie de respectabilité, se méfie des conséquences qu’aurait dans son pays un rapprochement visible avec le parti de Le Pen. Mais cette prudence publique ne vaut pas rupture privée et le FN s’est abstenu de contact de substitution dans son pays. Quant à l’absence de délégation serbe, elle est imputable au refus de visa que lui a opposé le gouvernement français (cf. DED n° 1, p. 8-9).

Le FN n’avait pas invité de délégation russe. Le parti semble en effet partagé entre trois interlocuteurs potentiels : le LDRP de Vladimir Jirinowski, avec lequel Jean-Marie Le Pen entretient des rapports personnels de confiance, l’Union national-bolchevique d’Édouard Limonov, qui est soutenue par le courant national-révolutionnaire, et le général Lebed, susceptible d’exercer le pouvoir et dont on connaît les liens avec la droite extrême (Demain la France, CNI, MPF).

Pour ce qui est des délégations présentes, on observe que le FN se choisit systématiquement pour allié la frange la plus extrémiste de l’extrême droite locale (Italie, Allemagne, Croatie, Roumanie, Finlande), aussi marginalisée qu’elle soit (Allemagne, Croatie, Finlande). D’autre part, les alliés du FN sont fréquemment irrédentistes, et systématiquement xénophobes, voire racistes. Comme le parti de Jean-Marie Le Pen, ils escomptent " transformer le cheval de Troie de l’immigration en cheval de bataille ". L’immigré étant turc en Allemagne, wallon en Flandre, serbe en Croatie, croate en Bosnie, turc en Grèce, tsigane dans les pays de l’Est, et juif partout.

Exceptions faites de l’Espagne et de la Croatie, où les contacts sont surtout ceux du catholique Bernard Antony, les émissaires du FN à l’étranger sont le vice-président Dominique Chaboche assisté de son adjoint, le commandant Jacques Dore, et, pour les réseaux nazifiants, Yvan Blot.