" Nous avons décidé de passer à la vitesse supérieure pour arracher la France au désastre. Notamment en mettant en place un gouvernement virtuel capable d’assurer le gouvernement de la République en cas de désastre ou d’alternative politique ". En annonçant la création d’un " Shadow Cabinet " dans son discours de clôture, Jean-Marie Le Pen entendait émettre " un signal fort en direction de l’électorat français à six mois des régionales et des cantonales ", et " [faire] savoir au pays que nous n’inscrivons pas notre combat politique dans les rendez-vous électoraux tous les cinq ans, six ans, sept ans, huit ans " : " Le Front national doit apparaître aujourd’hui non seulement comme un parti de gouvernement, mais aussi comme un mouvement capable de rassembler hommes et femmes, cadres et travailleurs, ouvriers et fonctionnaires, jeunes et aînés, pour la grandeur et la renaissance. "

Selon Alain Vizier, chargé des relations avec la presse, cette décision aurait été prise lors d’une réunion du BP, à Strasbourg, du 15 au 17 juillet. On peut en douter, tant cette annonce ressemble à une foucade personnelle de Le Pen. Rien n’avait en effet filtré de cette décision importante avant le 29 août. Les médias, à l’affût de quelques incartades de Le Pen ont, " faute de mieux ", offert une forte caisse de résonance à cette annonce " intempestive ". Confronté à l’insistance des journalistes, le FN a donc dû endosser la déclaration de son président en publiant un communiqué laconique : " Au cours de la réunion du Bureau politique du 8 septembre 1997, le président Jean-Marie Le Pen a confirmé la mise en place d’une structure pré-gouvernementale. Il a chargé le professeur Jean-Claude Martinez d’une part de lui faire des propositions pour constituer le pré-gouvernement du Front national, d’autre part d’en assurer la coordination générale. "

La création de cette structure correspond à la " culture de gouvernement " chère à Bruno Mégret, et plus généralement à l’ambition affichée du FN, y compris pendant l’université d’été, d’asseoir sa crédibilité. Pour autant, cette nouvelle structure devra cohabiter avec la délégation générale de Mégret, le secrétariat général de Gollnisch et, bientôt, l’état-major de campagne. Directement rattachée à Le Pen, elle pourrait avoir une fonction d’arbitrage entre délégation et secrétariat ; elle pourrait également servir à renforcer le pouvoir de Le Pen en retirant au délégué général plusieurs de ses prérogatives, notamment en matière de communication extérieure.

Reste que si cette structure voit le jour (elle pourrait être annoncée à la fête des BBR), elle modifiera profondément le fonctionnement et l’image du FN. En effet, jusqu’à présent la désignation des cadres habilités à s’exprimer au nom du parti était déterminée en aval, en fonction du public ciblé. Au contraire, en calquant la déclinaison thématique des ministères, le FN va devoir désigner en amont, pour chaque sujet, un porte-parole autorisé à exprimer les positions " nationales ". Il sera ainsi contraint à clarifier son programme et à ne plus tenir qu’un seul discours quelle que soit sa cible.